L’Essentiel : Les consorts [P] ont engagé une action contre BNP PARIBAS et CAIXA GERAL DE DEPOSITOS, alléguant des manquements aux obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux. Ils se déclarent victimes d’une escroquerie ayant entraîné la perte de leurs investissements. Dans leurs conclusions, ils demandent des documents relatifs à un compte bancaire et une indemnisation de 1.000 €. En réponse, CAIXA GERAL de DEPOSITOS requiert le rejet de ces demandes et réclame 2.000 € pour frais de justice. Le juge rappelle que le secret bancaire s’oppose à la communication des pièces, entraînant la condamnation des consorts aux dépens.
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Exposé du litigePar acte de commissaire de justice en date du 26 février 2024, les consorts [P] demandent la condamnation de BNP PARIBAS et de la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS pour des manquements aux obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Ils affirment avoir investi des sommes importantes via des virements effectués depuis leur compte chez BNP PARIBAS vers des comptes fournis par la société GROUPE ACCESS, et se déclarent victimes d’une escroquerie ayant entraîné la perte totale de leurs investissements. Demandes des consorts [P]Dans leurs conclusions du 11 septembre 2024, les consorts [P] demandent au juge de la mise en état d’ordonner à CAIXA GERAL DE DEPOSITOS de fournir divers documents relatifs à l’ouverture et au fonctionnement d’un compte bancaire, ainsi que des justificatifs concernant la provenance et la destination des fonds. Ils réclament également une indemnisation de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la prise en charge des dépens. Réponse de CAIXA GERAL DE DEPOSITOSPar conclusions du 3 décembre 2024, CAIXA GERAL DE DEPOSITOS demande le rejet des demandes des consorts [P] et leur condamnation à verser 2.000 € pour les frais de justice. L’affaire a été plaidée le 5 décembre 2024, mais le conseil des demandeurs était absent, entraînant un renvoi au 16 janvier 2025. Sur le secret bancaireLe juge de la mise en état rappelle que le secret bancaire est opposable au juge civil, sauf dérogations légales. Les consorts [P] n’ont pas démontré que la communication des pièces demandées était indispensable pour leur droit à la preuve. De plus, les victimes d’escroqueries ne peuvent pas invoquer des manquements aux obligations de vigilance pour réclamer des dommages-intérêts. Sur les autres demandesLes consorts [P], ayant échoué dans leurs demandes, seront condamnés aux dépens et à verser 2.000 € à CAIXA GERAL DE DEPOSITOS sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. L’affaire est renvoyée à l’audience de mise en état du 6 février 2025 pour les conclusions au fond. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur le secret bancaireLe secret bancaire est un principe fondamental qui protège les informations relatives aux comptes des clients d’un établissement financier. Selon l’article L. 511-33 du code monétaire et financier, il est stipulé que : « I. – Tout membre d’un conseil d’administration et, selon le cas, d’un conseil de surveillance et toute personne qui a un titre quelconque participe à la direction ou à la gestion d’un établissement de crédit, d’une société de financement ou d’un organisme mentionné aux 5 et 8 de l’article L. 511-6 ou qui est employée par l’un de ceux-ci est tenu au secret professionnel […] ». Ce secret est opposable au juge civil ou commercial, sauf dérogation légale. Les consorts [P] ont demandé la communication de documents relatifs à un client de la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS SA, mais ces documents sont couverts par le secret bancaire. Pour qu’une dérogation soit admise, il faut démontrer que la communication des pièces est indispensable pour l’exercice du droit à la preuve et que la mesure est proportionnée aux intérêts des parties. En l’espèce, les consorts [P] n’ont pas prouvé le caractère indispensable de la communication des pièces ni la proportionnalité de la mesure. Par conséquent, leur demande de communication de pièces a été rejetée. Sur les autres demandesLes consorts [P], ayant succombé dans leur demande, sont condamnés aux dépens de l’incident. En vertu de l’article 700 du code de procédure civile, il est précisé que : « Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » Dans ce cas, la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS SA a demandé une somme de 2.000 euros, qui a été accordée par le juge. Ainsi, les consorts [P] doivent payer cette somme à la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS SA, en plus des dépens de l’incident. Le jugement a été rendu en tenant compte des dispositions légales applicables et des arguments des parties, confirmant ainsi le respect des procédures judiciaires en vigueur. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le :
à
Me DUPUIS
Me BAUCH-LABESSE
Me MENDES GIL
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9ème chambre 3ème section
N° RG 24/03702
N° Portalis 352J-W-B7I-C3XRC
N° MINUTE :
Assignation du :
26 Février 2024
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 16 Janvier 2025
DEMANDEURS
Madame [O] [P]
et
Monsieur [N] [P]
demeurant ensemble
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentés par Maître Audric DUPUIS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1162 et Maître Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de Rennes, avocat plaidant
DEFENDERESSES
S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Maître Nicolas BAUCH-LABESSE de l’AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0010
La Société CAIXA GERAL DE DESPOSITOS
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0173
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente, juge de la mise en état, assistée de Chloé DOS SANTOS, Greffière.
DEBATS
A l’audience du 05 Décembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 16 Janvier 2025.
ORDONNANCE
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Par acte de commissaire de justice en date du 26 février 2024, Madame [O] [P] et Monsieur [N] [P] ci-après dénommés les « consorts [P] » sollicitent la condamnation la BNP PARIBAS et de la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS au titre de prétendus manquements commis par elle aux obligations légales de vigilance définies par le droit français aux articles L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier au titre du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Les consorts [P] auraient ainsi décidé de confier à cette société des sommes conséquentes afin de réaliser ces investissements.
Ils indiquent avoir réalisé plusieurs virements depuis leur compte bancaire ouvert chez BNP PARIBAS vers des comptes bancaires dont les coordonnées leur auraient été transmises par leur interlocuteur, la société GROUPE ACCESS.
Les consorts [P] font état de ce qu’ils auraient été victimes d’une escroquerie car les sommes investies dans le cadre des placements auraient été intégralement perdues.
Par conclusions en date du 11 septembre 2024, les consorts [P] demandent au juge de la mise en état de :
“- ORDONNER à la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS SA de communiquer aux epoux [P]:
– Tout document attestant des vérifications d’identité du titulaire du compte bancaire lors de son ouverture (compte ayant pour IBAN le numéro [XXXXXXXXXX06]).
S’agissant d’une personne physique :
Une copie de la carte d’identité ou du passeport du titulaire du compte,
La preuve du recours à un moyen d’identification électronique conforme à l’article R. 561-5-1 du code monétaire et financier, Le justificatif de domicile fourni lors de l’ouverture du compte,
Les éléments communiqués par le titulaire du compte relatifs à sa situation personnelle, professionnelle et patrimoniale.
S’agissant d’une personne morale :
L’attestation de l’immatriculation de la société au registre du commerce fournie au moment de l’ouverture du compte,
Les statuts de la société concernée,
La déclaration de résidence fiscale de la société,
Une copie de la carte d’identité ou du passeport du représentant légal de la société et du bénéficiaire effectif ,
La déclaration de bénéficiaire effectif.
– Tout document attestant de la nature du compte ouvert :
La justification économique déclarée par le titulaire de compte ou le fonctionnement envisagé du compte bancaire.
– Tout document justifiant des vérifications d’usage durant le fonctionnement du compte bancaire :
Les relevés de compte bancaire intégraux pour les mois de novembre et décembre 2020 ainsi que janvier 2021,
– Tout document justifiant la provenance et la destination des fonds concernés par l’affaire,
S’agissant d’une ou de sociétés, les factures émises pour justifier de la prestation fournie au titre de l’encaissement des fonds de Monsieur et Madame [P], sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard, passé un délai de 15 jours après la signification de l’Ordonnance à intervenir, durant 2 mois et L’Y CONDAMNER au besoin ;
– CONDAMNER la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS SA à verser aux époux [P] la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER la même aux entiers dépens.”
Par conclusions en date du 3 décembre 2024, la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS demande au juge de la mise en état de :
“- REJETER la demande de communication de pièces de Monsieur et Madame [P] ;
– DEBOUTER Monsieur et Madame [P] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
– CONDAMNER Monsieur et Madame [P] à verser à la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER Monsieur et Madame [P] à supporter la charge des entiers dépens de la procédure.”
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.
L’incident a été fixé et plaidé le 5 décembre 2024, cependant le conseil du demandeur n’était pas présent ; l’affaire a été mise en délibéré au 16 janvier 2025.
I. Sur le secret bancaire
Aux termes de l’article 788 du code de procédure civile : « Le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. »
Il est rappelé que l’article 789 alinéa 5° du même code prévoit que : « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction . »
Aux termes de l’article 138 du code de procédure civile : « Si, dans le cours d’une instance, une partie entend faire état d’un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n’a pas été partie ou d’une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l’affaire d’ordonner la délivrance d’une expédition ou la production de l’acte ou de la pièce. ».
L’article 139 du code de procédure civile ajoute que : « La demande est faite sans forme. Le juge, s’il estime cette demande fondée, ordonne la délivrance ou la production de l’acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous
les garanties qu’il fixe, au besoin à peine d’astreinte. ».
En parallèle, l’article 9 du code de procédure civile français pose en principe fondamental de la procédure civile française le fait que : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
S’il est vrai que l’article 10 du code civil prévoit que « Chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité », c’est seulement sous réserve de ne pas avoir de « motif légitime » pour s’y opposer.
Le secret bancaire constitue un motif légitime. Faute de dérogation légale, il est de principe que le secret bancaire est opposable au juge civil ou commercial.
En effet, aux termes de l’article L. 511-33 du code monétaire et financier, tout établissement de crédits est tenu au secret professionnel, à l’exception de quelques dérogations prévues par la loi :
« I. – Tout membre d’un conseil d’administration et, selon le cas, d’un conseil de surveillance et toute personne qui a un titre quelconque participe à la direction ou à la gestion d’un établissement de crédit, d’une société de financement ou d’un organisme mentionné aux 5 et 8 de l’article L. 511-6 ou qui est employée par l’un de ceux-ci est tenu au secret professionnel […] ».
Si des dérogations au secret bancaire peuvent être admises, c’est à la seule condition que soit démontré le caractère indispensable de la communication de pièces pour l’exercice du droit à la preuve et le caractère proportionné de la mesure aux intérêts des parties en présence.
Au cas présent, les consorts [P] sollicitent la communication de pièces relatives à l’un des clients de la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS SA, ces pièces étant couvertes par le secret bancaire.
Les consorts [P] ne démontrent pas le caractère indispensable de la communication de pièces pour l’exercice de leur droit à la preuve ni le caractère proportionné de la mesure aux intérêts des parties en présence.
Par ailleurs, les victimes d’agissements frauduleux ne peuvent se prévaloir de l’inobservation d’obligations résultant des articles L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier pour réclamer des dommages-intérêts à l’établissement financier.
En conséquence, les consorts [P] seront déboutés de leur demande de communication.
II. Sur les autres demandes
Les consorts [P] qui succombent, seront condamnés aux dépens de l’incident et à payer à la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS SA la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DEBOUTE Madame [O] [P] et Monsieur [N] [P] de leur demande de communication de pièces ;
CONDAMNE Madame [O] [P] et Monsieur [N] [P] aux dépens de l’incident ;
CONDAMNE Madame [O] [P] et Monsieur [N] [P] à payer à la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS SA la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état électronique de la 9ème chambre 3ème section du 6 février 2025 à 9h10 pour les conclusions au fond de Madame [O] [P] et Monsieur [N] [P] avec injonction de conclure.
Faite et rendue à Paris le 16 Janvier 2025.
LA GREFFIERE LA JUGE DE LA MISE EN ÉTAT
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