Responsabilité contractuelle et indemnisation en matière de sous-traitance dans le secteur de la construction

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Responsabilité contractuelle et indemnisation en matière de sous-traitance dans le secteur de la construction

L’Essentiel : La société Ferrero a confié à Eiffage Construction Haute-Normandie la construction d’un transtockeur, qui a sous-traité les terrassements à la Sarl Smva. Cette dernière a rencontré des fuites sur le réseau de défense incendie, entraînant des modifications et une assignation en justice contre la Sca Sade Exploitations de Normandie. Le tribunal de commerce a condamné cette dernière à verser 78 855,48 euros à la Sarl Smva. En appel, la Sca Sade conteste cette décision, tandis que la Sarl Smva demande la confirmation du jugement initial. La cour a finalement révisé l’indemnisation à 26 270,40 euros.

Contexte de l’affaire

La société Ferrero a mandaté la Sas Eiffage Construction Haute-Normandie pour la construction d’un transtockeur sur son site industriel. Cette dernière a sous-traité le lot terrassements-Vrd à la Sarl Société de Maçonnerie Voirie Aménagement (Smva), qui a ensuite confié la réalisation du réseau de défense incendie à la Sca Sade Exploitations de Normandie, sous un contrat daté du 13 juin 2018.

Interventions et problèmes rencontrés

Des fuites sur le réseau de poteaux incendie ont été constatées, entraînant un changement des joints standards par des joints renforcés. Un quitus a été établi le 16 décembre 2020, actant cette intervention. Suite à cela, la Sarl Smva a assigné la Sca Sade Exploitations de Normandie devant le tribunal de commerce de Rouen pour obtenir réparation des préjudices liés à ces fuites.

Jugement du tribunal de commerce

Le 11 septembre 2023, le tribunal a débouté la Sca Sade Exploitations de Normandie de ses demandes et l’a condamnée à verser 78 855,48 euros à la Sarl Smva pour préjudice, ainsi qu’une somme de 3 000 euros pour frais de procédure. La société a également été condamnée aux dépens.

Appel de la Sca Sade Exploitations de Normandie

Le 12 octobre 2023, la Sca Sade Exploitations de Normandie a interjeté appel du jugement, contestant la décision du tribunal et demandant l’infirmation de toutes les condamnations à son encontre, tout en sollicitant des indemnités pour ses propres frais.

Arguments des parties

La Sca Sade Exploitations de Normandie soutient qu’elle n’a pas commis de faute et que la responsabilité de la Sarl Smva n’est pas justifiée. Elle conteste également le montant des préjudices réclamés par la Sarl Smva, arguant que ceux-ci ne sont pas prouvés. De son côté, la Sarl Smva demande la confirmation du jugement initial et réclame des indemnités supplémentaires pour les préjudices subis.

Responsabilité et indemnisation

Le tribunal a examiné la responsabilité de la Sca Sade Exploitations de Normandie, concluant qu’elle était engagée en raison de l’obligation de résultat qui lui incombait. La Sarl Smva a été reconnue comme ayant subi un préjudice, mais le montant de l’indemnisation a été révisé à 26 270,40 euros, avec des intérêts à compter de l’assignation.

Décision finale

La cour a confirmé en partie le jugement initial, en infirmant la condamnation de 78 855,48 euros et en statuant à nouveau sur le montant de l’indemnisation. La Sca Sade Exploitations de Normandie a été condamnée à verser 26 270,40 euros à la Sarl Smva, ainsi qu’à couvrir les frais de procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la responsabilité de la Sca Sade Exploitations de Normandie dans le cadre de la sous-traitance ?

La responsabilité de la Sca Sade Exploitations de Normandie est engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle, conformément à l’article 1231-1 du Code civil. Cet article stipule que :

« Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

Dans le cadre de la sous-traitance, le sous-traitant est tenu d’exécuter des travaux exempts de tout vice, conformément à l’article 2 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. Cet article précise que :

« Le sous-traitant est considéré comme entrepreneur principal à l’égard de ses propres sous-traitants. »

En l’espèce, la Sca Sade Exploitations de Normandie a été reconnue responsable des désordres affectant le réseau de défense incendie, ce qui a conduit à des interventions correctives. Le tribunal a constaté que la société avait pris en charge les coûts de remplacement des joints, ce qui établit un lien direct entre ses obligations contractuelles et les préjudices subis par la Sarl Smva.

Comment se détermine le montant de l’indemnisation due à la Sarl Smva ?

Le montant de l’indemnisation est déterminé en fonction des préjudices subis par la Sarl Smva, qui a été contrainte d’intervenir pour remédier aux désordres causés par la Sca Sade Exploitations de Normandie. Le tribunal a pris en compte plusieurs éléments pour établir le montant total de 26 270,40 euros.

Les frais d’intervention, les coûts de location d’équipements, ainsi que les charges de personnel ont été évalués. En vertu de l’article 1231-1 du Code civil, la Sarl Smva a droit à réparation pour les dommages causés par l’inexécution des obligations contractuelles de la Sca Sade Exploitations de Normandie.

Le tribunal a également rejeté certaines demandes d’indemnisation, notamment celles qui n’étaient pas justifiées par des documents probants, conformément aux principes de preuve en matière civile. Ainsi, les demandes de pertes financières non documentées ont été écartées, ce qui souligne l’importance de la preuve dans l’évaluation des préjudices.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« La partie perdante est condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, la Sca Sade Exploitations de Normandie a été condamnée à verser 3 000 euros à la Sarl Smva en application de cet article. Cette somme est destinée à couvrir les frais engagés par la Sarl Smva pour sa défense dans le cadre de la procédure d’appel.

Cette disposition vise à garantir que la partie qui a raison dans un litige ne soit pas pénalisée par les coûts de la procédure. Le tribunal a donc jugé équitable de condamner la partie perdante, en l’occurrence la Sca Sade Exploitations de Normandie, à indemniser la partie gagnante pour les frais engagés.

Quels sont les effets de la garantie de parfait achèvement dans cette situation ?

La garantie de parfait achèvement est une obligation légale qui impose à l’entrepreneur de réparer les désordres signalés par le maître d’ouvrage dans l’année suivant la réception des travaux. Selon l’article 1792-6 du Code civil :

« L’entrepreneur est tenu de garantir le maître de l’ouvrage contre les vices et défauts de conformité des ouvrages réalisés. »

Dans cette affaire, la Sca Sade Exploitations de Normandie a soutenu que les interventions effectuées après la réception des travaux ne relevaient pas de la garantie de parfait achèvement. Cependant, le tribunal a constaté que les fuites sur le réseau de poteaux incendie avaient été signalées et que des interventions avaient été nécessaires pour y remédier.

Le lien entre les fuites et les travaux de reprise a été établi, ce qui a conduit à la reconnaissance de la responsabilité de la Sca Sade Exploitations de Normandie, malgré l’expiration du délai de la garantie de parfait achèvement. Cela souligne l’importance de la responsabilité contractuelle et des obligations de résultat dans le cadre des travaux de construction.

N° RG 23/03380 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JPIF

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 15 JANVIER 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2022003047

Tribunal de commerce de Rouen du 11 septembre 2023

APPELANTE :

SCA SADE EXPLOITATIONS DE NORMANDIE

exploitant sous l’enseigne VEOLIA

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Claudie ALQUIER, avocat au barreau de Rouen

INTIMEE :

SARL SOCIETE DE MACONNERIE VOIRIE AMENAGEMENT-SMVA

RCS du Havre 492 668 322

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée et assistée par Me Michel TARTERET de la SELARL TARTERET AVOCAT, avocat au barreau du Havre

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 14 octobre 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l’audience publique du 14 octobre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 décembre 2024, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 15 janvier 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Ferrero a confié à la Sas Eiffage Construction Haute-Normandie la construction tous corps d’état d’un transtockeur sur son site industriel situé [Adresse 5].

La Sas Eiffage Construction Haute-Normandie a sous-traité la réalisation du lot terrassements-Vrd à la Sarl Société de Maçonnerie Voirie Aménagement (Smva).

La Sarl Smva a sous-traité la réalisation du réseau de défense incendie à la Sca Sade Exploitations de Normandie exerçant sous l’enseigne Veolia, selon devis et bon de commande du 13 juin 2018 de 88 100 euros, qui ont été suivis d’une facturation les 30 juillet 2018 et 4 février 2019.

Le 16 décembre 2020, la société Ferrero, la Sarl Smva, et le Gie Veolia Eau France ont établi un quitus après intervention actant l’opération de changement des joints standards du réseau de poteaux incendie par des joints renforcés à la suite de fuites sur celui-ci.

Suivant acte d’huissier de justice du 9 juin 2022, la Sarl Smva a fait assigner la Sca Sade Exploitations de Normandie devant le tribunal de commerce de Rouen en indemnisation de ses préjudices générés par ses interventions à la suite des fuites survenues sur le réseau incendie.

Par jugement du 11 septembre 2023, le tribunal a :

– débouté la société Sade Exploitations de Normandie de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamné la société Sade Exploitations de Normandie à payer à la société Maçonnerie Voirie Aménagement une somme de 78 855,48 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi, cette somme étant soumise à intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation,

– condamné la société Sade Exploitations de Normandie à payer à la société Maçonnerie Voirie Aménagement la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Sade Exploitations de Normandie aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 70,91 euros.

Par déclaration du 12 octobre 2023, la Sca Sade Exploitations de Normandie a formé un appel contre ce jugement en toutes ses dispositions.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 3 septembre 2024, la Sca Sade Exploitations de Normandie exploitant sous l’enseigne Veolia demande de voir :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen du 11 septembre 2023 en ce qu’il a :

. débouté la société Sade Exploitations de Normandie de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

. condamné la société Sade Exploitations de Normandie à payer à la Société Maçonnerie Voirie Aménagement une somme de 78 855,48 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi, cette somme étant soumise à intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation,

. condamné la société Sade Exploitations de Normandie à payer à la Société Maçonnerie Voirie Aménagement la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

. condamné la société Sade Exploitations de Normandie aux dépens dont les frais de greffe liquidés à la somme de 70,91 euros,

statuant à nouveau des chefs infirmés,

– débouter la Sarl Smva de ses demandes à son égard,

– condamner la Sarl Smva à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Elle fait valoir qu’elle n’a pas commis de faute, que la mise en cause de sa responsabilité contractuelle n’est pas démontrée ; que les courriers invoquant les fuites et les factures de la Sarl Smva ne sont intervenus qu’à partir du 23 octobre 2020, soit bien après la garantie de parfait achèvement et en réponse à ses demandes de paiement des factures n°16247 et 16207 pour un total de 60 563 euros ; que, contrairement à ce que prétend le tribunal, aucune contestation n’est intervenue depuis la fin du chantier le 31 janvier 2019 ; que l’intervention réalisée les 23 novembre et 10 décembre 2020 n’était pas dans le cadre d’une garantie de parfait achèvement mais a concerné la reprise commerciale de tous les joints standards par des joints renforcés à la demande du maître de l’ouvrage, laquelle n’a pas été contestée.

Elle ajoute que le préjudice invoqué par la Sarl Smva n’est pas justifié par une facture, un décompte, ou tout autre listing et qu’il évolue au fil du temps pour compenser les factures de cette dernière restées impayées.

Elle estime qu’il ne lui appartient pas d’établir la réalité de ce dommage contrairement à ce qu’a jugé le tribunal qui a renversé la charge de la preuve ; que la mise en demeure établie par le conseil de la Sarl Smva n’est pas probante car nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ; que cette dernière ne peut se dispenser de produire un bulletin de salaire, une attestation, ou un document comptable.

Par conclusions notifiées le 18 janvier 2024, la Sarl Smva sollicite de voir :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen le 11 septembre 2023 en toutes ses dispositions,

– corrélativement, rejeter l’appel diligenté par la Sca Sade Exploitations de Normandie,

– condamner cette dernière à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle met en cause la responsabilité contractuelle de la Sca Sade Exploitations de Normandie pour manquement à son obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vices.

Elle fait valoir qu’il ressort des informations contenues dans le quitus du 16 décembre 2020 validé et signé par la société Veolia que l’origine des fuites du réseau incendie, constatées à de nombreuses reprises depuis l’achèvement des travaux, provient des joints que la Sca Sade Exploitations de Normandie a mis en oeuvre à la jonction des canalisations ou à la jonction des canalisations et des poteaux ; que la cause des désordres n’est pas imputable à un tiers, ni à elle-même ; que les factures visées par l’appelante pour un montant total de 60 563 euros qui selon elle ne lui aurait pas été réglé sont étrangères au marché de sous-traitance qui lui a été confié, objet de ce litige ; que ces factures concernent la réalisation de travaux pour des lotissements à [Localité 4] et à [Localité 7].

Elle expose que l’indemnité de 78 855,48 euros qu’elle réclame est directement en lien avec la défaillance de la Sca Sade Exploitations de Normandie à livrer un ouvrage exempt de vices. Elle répond à cette dernière, qui lui reproche l’absence de justification de la réalité de son préjudice par des factures, décomptes, ou listings ; que son dommage se caractérise par le fait qu’elle a été contrainte d’affecter son propre personnel et son matériel à la réalisation des travaux de reprise des désordres affectant le réseau incendie et à le démobiliser pour d’autres opérations qu’elle n’a pas pu facturer, ce qui lui a généré des charges de personnels et de mise à disposition d’engins de chantier, mais également des pertes financières.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties ci-dessus.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 18 septembre 2024.

MOTIFS

Sur la responsabilité de la Sca Sade Exploitations de Normandie

Selon l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Le sous-traitant d’une entreprise peut, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, agir en réparation contre son propre sous-traitant à raison des fautes commises par celui-ci dans l’exécution de ses travaux. Selon l’article 2 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, le sous-traitant est considéré comme entrepreneur principal à l’égard de ses propres sous-traitants.

Le sous-traitant est tenu contractuellement à l’égard de l’entrepreneur d’exécuter des travaux exempts de tout vice, conformes à leurs engagements contractuels, aux réglementations en vigueur, et aux règles de l’art.

En l’espèce, le 16 décembre 2020, la société Ferrero, la Sarl Smva, et le Gie Veolia Eau France se sont donnés quitus après l’intervention effectuée de manière satisfaisante sur le réseau de poteaux incendie, à la suite de la demande d’intervention de garantie de parfait achèvement émise dans le cadre de l’opération Ferrero à [Localité 8]. Cette demande y a été décrite ainsi : ‘Suite à de nombreuses fuites persistantes sur le réseau de poteaux incendie et suite aux interventions déjà réalisées ayant mis en évidence 2 fois des fuites sur des joints, FERRERO a demandé aux entreprises SMVA et VEOLIA d’intervenir sur site pour remplacer tous leurs joints standards par des joints renforcés. Les entreprises sont intervenues du 23/11 au 10/12. Nous joignons à ce quitus des photos prises le 15/12/2020 ne montrant plus de fuites sur le réseau.’.

La Sca Sade Exploitations de Normandie indique dans ses écritures que cette intervention a été prise en charge à titre commercial, ce qui ressort du courriel adressé le 27 novembre 2020 par M. [U], son directeur du territoire Vallée de la Seine, à M. [Z], salarié de la Sarl Smva, et rédigé dans les termes suivants : ‘Intervention sur Ferrero => pas mise en cause formelle sur la pose des joints, pas de suivi exhaustif de la pression dans le réseau ; toutefois, nous assumons le remplacement de l’ensemble des joints à nos frais. […]’.

D’une part, le lien évoqué le 16 décembre 2020 entre les fuites survenues sur le réseau de poteaux incendie et le remplacement des joints standards par des joints renforcés n’a pas été contesté par la Sca Sade Exploitations de Normandie, qui, au final, a pris en charge le coût de cette intervention. L’expiration du délai de mise en jeu par la société Ferrero de la garantie de parfait achèvement, dont n’est pas débiteur le sous-traitant, ne remet pas en cause ce lien.

D’autre part, la Sca Sade Exploitations de Normandie, débitrice d’une obligation de résultat à l’égard de la Sarl Smva, ne démontre pas une cause l’exonérant de la présomption de responsabilité pesant sur elle. Les factures n°16207 et 16247 d’un montant total de 60 563 euros dont elle invoque le défaut de paiement par la Sarl Smva pour dénier sa responsabilité, qui sont versées aux débats par cette dernière, ont trait à des prestations relatives à d’autres chantiers : le raccordement Aep intérieur dans le lotissement S2c à [Localité 7] (facture n°16207 du 7 novembre 2016) et la phase 1 du réseau Aep intérieur dans le lotissement S2c à [Localité 4] (facture n°16247 du 22 novembre 2016).

De plus, la justification du règlement par la Sarl Smva au moyen de deux chèques des factures n°18327 du 30 juillet 2018 de 35 250 euros et n°19027 du 4 février 2019 de 52 850 euros, émises à l’en-tête de Veolia, pour la réalisation du réseau de défense incendie de l’usine Ferrero à [Localité 8], n’est pas contestée par l’appelante.

En définitive, la responsabilité contractuelle de la Sca Sade Exploitations de Normandie est engagée à l’égard de son donneur d’ordre. Elle sera condamnée à l’indemniser des conséquences dommageables des désordres affectant les travaux, objets du contrat de sous-traitance conclu le 13 juin 2018.

Sur le montant de l’indemnisation

La Sarl Smva réclame la somme totale de 78 855,48 euros détaillée comme suit :

1) 18 480 euros pour ses cinq interventions sur le site, antérieures aux interventions du 23 novembre au 10 décembre 2020

Elle produit une liste de celles-ci qui ne sont pas datées, ainsi qu’un courrier de mise en demeure du 9 juillet 2021 adressé par son avocat à la Compagnie Fermière de services publics de la région Normandie qui ne donne pas de précision sur les cinq interventions prétendument effectuées entre octobre 2019 et octobre 2020.

Le quitus établi le 16 décembre 2020 fait état de manière certaine de deux interventions ayant mis en évidence des fuites sur des joints. Leur coût global sera comptabilisé à hauteur de 5 116,40 euros selon le détail suivant comptant deux jours par intervention pour l’ouverture de l’enrobé, le creusement, puis le rebouchage des tranchées concernées, et la réfection de l’enrobé :

¿ location d’une mini-pelle 8 tonnes godet engcon (66 euros/heure) + plus-value pour équipement en Brh ou en benne preneuse (80 euros/heure), selon les tarifs de la Sas Denise Travaux Publics jusqu’au 30 juin 2020 : 146 euros × 2 jours × 2 interventions = 584 euros,

¿ coût d’un chef de chantier et d’un conducteur d’engins sur site au vu des fiches individuelles de MM. [H] et [Y], salariés de la Sarl Smva : 550 euros/jour × 2 jours × 2 interventions = 2 200 euros,

¿ location d’un camion 6×4 bi-benne suivant les tarifs de la Sas Denise Travaux Publics jusqu’au 30 juin 2020 : 65 euros × 2 jours × 2 interventions = 260 euros,

¿ coût des matériaux de remblai de réfection selon les tarifs de l’entreprise Matériaux Baie de Seine au 1er février 2020 : 518,10 euros × 2 jours × 2 interventions =

2 072,40 euros.

Le coût d’un transfert, comptabilisé à hauteur de 150 euros par unité, n’est pas justifié. Ce poste sera écarté.

2) 27 445,80 euros pour ses interventions lors des travaux de remplacement des joints effectués par la Sca Sade Exploitations de Normandie du 23 novembre au 10 décembre 2020

La Sarl Smva ne date pas les trois interventions sur site qu’elle prétend avoir effectuées avant le début de ces travaux pour déterminer le mode opératoire et le phasage des opérations. Toutefois, peuvent raisonnablement être retenues deux interventions du fait de leur nécessité pour l’accomplissement des travaux de reprise pour un montant total de 650 euros [coût d’un cadre salarié de la Sarl Smva de

65 euros au vu de la fiche individuelle de M. [J] × (8 heures sur site +

2 heures de rédaction)].

La durée des travaux du 23 novembre au 10 décembre 2020 n’est pas contestée par l’appelante. Dans son procès-verbal du 2 décembre 2020, Me [V], huissier de justice mandaté par la Sarl Smva, a constaté des travaux de terrassement fraîchement réalisés autour de plusieurs bornes incendie et la nécessité que certaines soient rebouchées.

Du 23 novembre au 4 décembre 2020, l’ouverture des fouilles a entraîné à la charge de la Sarl Smva les frais suivants d’un montant total de 15 487,20 euros :

¿ coût d’un chef de chantier et d’un conducteur d’engins sur site : 550 euros/jour × 10 jours = 5 500 euros,

¿ location d’une mini-pelle 8 tonnes godet engcon + plus-value pour équipement en Brh ou en benne preneuse : 100 euros conformément à la demande de la Sarl Smva × 7 heures par jour × 10 jours = 7 000 euros,

¿ location d’une pompe selon les tarifs de la société Loxam du 1er janvier au 31 décembre 2020 : 33 euros par jour × 10 jours = 330 euros,

¿ location d’un dumper selon les tarifs précités de la société Loxam : 103 euros × 10 jours = 1 030 euros,

¿ location d’un camion grue pour l’évacuation des matériaux suivant les tarifs de la Sas Denise Travaux Publics : 78 euros × 7 heures × 2 jours = 1 092 euros,

¿ location d’une balayeuse aspiratrice 7 m3 suivant les tarifs de l’entreprise Transports Jc Gosselin au 1er janvier 2020 : 89,20 euros × 6 heures = 535,20 euros.

Du 7 au 10 décembre 2020, la dépense de 5 016,80 euros a été exposée pour le remblaiement des fouilles et la réfection des revêtements comme suit :

¿ coût d’un chef de chantier et d’un conducteur d’engins sur site : 550 euros/jour × 4 jours = 2 200 euros. Le coût journalier d’un second salarié ouvrier de la Sarl Smva n’est pas justifié,

¿ location d’un camion grue : 78 euros × 7 heures × 4 jours = 2 184 euros,

¿ location d’un compacteur (rouleau tandem Pv3-2,6t-1,20m) suivant les tarifs de la société Loxam pour 2020 : 69 euros par jour × 4 jours = 276 euros,

¿ location d’une balayeuse aspiratrice 7 m3 : 89,20 euros × 4 heures = 356,80 euros.

Le coût journalier de 250 euros pour ‘Un 8 T à creus’, qui n’est pas explicité, ni répertorié sur les listes de tarifs produites, sera écarté. Il en sera de même du coût du remblaiement et de la réfection des revêtements (enrobé et béton) dont les éléments du calcul ne sont pas précisés, notamment les quantités retenues.

3) 4 940,24 euros au titre de ses frais généraux non amortis et de sa perte de marge représentant une part de 18 % de coût, 10 260 euros au titre de ses frais généraux non amortis et de sa perte de marge de 18 % sur le chiffre d’affaires manquant du fait de la démobilisation de son personnel du 23 novembre au 10 décembre 2020, et

7 500 euros au titre de ses frais de démobilisation de son personnel pour les cinq interventions ponctuelles entre octobre 2019 et octobre 2020

La production d’une attestation de la Sas Colin et Associés-Eurex Normandie, expert-comptable, établie pour l’établissement bancaire de la Sarl Smva et mentionnant des frais généraux de 1 137 000 euros pour 2020 et d’une fiche de présentation de la Sarl Smva extraite du site internet societe.com visant un chiffre d’affaires de

8 925 400 euros sont insuffisantes à établir le préjudice de celle-ci et son lien de causalité avec le manquement contractuel de son sous-traitant. N’est pas explicité le calcul de la quote-part de 18 %.

De plus, la Sarl Smva ne fait pas la preuve de la déprogrammation de chantiers ou du décalage de son intervention sur d’autres chantiers.

Ces réclamations seront rejetées.

4) 6 750 euros correspondant à la perte liée à l’inoccupation d’une pelle à chenilles du fait de l’absence de chauffeur causée par la mobilisation d’un conducteur d’engins sur le chantier Ferrero pendant trois semaines

Ni l’organisation des postes de travail au sein de la Sarl Smva, ni la perte pouvant en découler, ne sont démontrées.

La Sarl Smva sera déboutée de cette prétention.

5) 3 500 euros au titre des pertes financières générées par le décalage des chantiers en fin d’année

La Sarl Smva ne produit aucun élément au soutien de cette demande. Elle en sera déboutée.

* * *

En définitive, la Sca Sade Exploitations de Normandie sera condamnée à payer à la Sarl Smva la somme totale de 26 270,40 euros en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 9 juin 2022. Le montant retenu par le tribunal sera infirmé.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais de procédure.

Partie perdante au final, la Sca Sade Exploitations de Normandie sera condamnée aux dépens d’appel.

Il est équitable de la condamner également à payer à la Sarl Smva la somme de

3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a exposés pour cette procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société Sade Exploitations de Normandie à payer à la société Maçonnerie Voirie Aménagement une somme de 78 855,48 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi, cette somme étant soumise à intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation,

L’infirme de ce chef,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la Sca Sade Exploitations de Normandie à payer à la Sarl Société de Maçonnerie Voirie Aménagement la somme totale de 26 270,40 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2022, ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne la Sca Sade Exploitations de Normandie aux dépens d’appel.

Le greffier, La présidente de chambre,


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