L’Essentiel : Lors de l’audience du 29 octobre 2024, les avocats ont été informés que l’ordonnance serait rendue le 14 janvier 2025. Le juge a précédemment annulé plusieurs assignations et s’est déclaré incompétent pour certaines demandes, renvoyant les affaires au tribunal de commerce de Paris. Le 28 octobre, BNP PARIBAS et SOCIETE GENERALE ont demandé la déclaration d’irrecevabilité des actions en nullité pour cause de prescription. Les demandeurs, ayant souscrit à des Titres Indexés sur Événement de Crédit liés à RALLYE, accusent les émetteurs de manquements à leurs obligations d’information. Le juge a finalement déclaré recevable l’intervention de M. [FP].
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Débats et AudienceA l’audience sur incident du 29 octobre 2024, les avocats ont été informés que l’ordonnance serait rendue le 14 janvier 2025. Ordonnance du JugeLe juge de la mise en état a rendu une ordonnance le 17 mai 2022, annulant plusieurs assignations et se déclarant incompétent pour certaines demandes, renvoyant ainsi les affaires au tribunal de commerce de Paris. Une ordonnance du 23 avril 2024 a également ordonné la disjonction de demandes spécifiques au profit du même tribunal. Demandes de PrescriptionLe 28 octobre 2024, la BNP PARIBAS et la BNP PARIBAS ISSUANCE ont demandé au juge de déclarer irrecevables pour cause de prescription les actions en nullité de plusieurs souscripteurs. De même, la SOCIETE GENERALE et SG ISSUER ont formulé une demande similaire concernant les prétentions des demandeurs au fond. Intervention VolontaireLe 24 octobre 2024, plusieurs parties ont demandé la prise en compte de l’intervention volontaire de M. [FP], en tant qu’ayant-droit d’un défunt, et ont sollicité le rejet des fins de non-recevoir des sociétés défenderesses. Contexte des SouscriptionsLes demandeurs ont souscrit à des Titres Indexés sur Événement de Crédit (CLN) émis par SG ISSUER et BNP PARIBAS ISSUANCE, en lien avec la société RALLYE, qui a connu des difficultés financières entraînant des pertes pour les investisseurs. Événements de CréditLes demandeurs ont subi des pertes suite à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde de RALLYE, considérée comme un événement de crédit, entraînant la perte de capital et l’absence de versement de coupons. Reproches aux ÉmetteursLes demandeurs accusent les sociétés émettrices de manquements à leurs obligations d’information et de conseil, en ayant commercialisé des CLN basés sur des sous-jacents risqués sans divulguer la situation financière dégradée de RALLYE. Demandes de NullitéLes demandeurs ont formulé des demandes de nullité des souscriptions aux CLN, arguant que la commercialisation avait violé les règles d’offre au public, et ont sollicité des restitutions et des dommages-intérêts. Prescription des ActionsLes défenderesses ont soulevé des fins de non-recevoir pour prescription, affirmant que les demandes des investisseurs étaient tardives, car formulées plus de sept ans après les souscriptions. Décision du JugeLe juge a déclaré recevable l’intervention de M. [FP] et a rejeté les fins de non-recevoir pour prescription. Les sociétés défenderesses ont été condamnées à payer des frais aux demandeurs et l’affaire a été renvoyée pour suite à une audience ultérieure. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences juridiques de la prescription sur les actions en nullité des souscriptions des CLN ?La question de la prescription est centrale dans cette affaire, notamment en ce qui concerne les actions en nullité des souscriptions des Titres Indexés sur Événement de Crédit (CLN). Selon l’article 2224 du Code civil, le délai de prescription est de cinq ans à compter du jour où le titulaire de l’action a eu connaissance du fait lui permettant d’exercer son droit. En l’espèce, les sociétés BNP PARIBAS et BNP PARIBAS INSUANCE soutiennent que les demandes des requérants sont prescrites, car elles ont été formées plus de sept ans après les souscriptions litigieuses. Elles rappellent que le point de départ de la prescription est fixé au moment où le titulaire de l’action a eu connaissance de la violation des règles de l’offre au public. Il est également important de noter que l’article L. 411-1 du Code monétaire et financier prévoit que les actions en nullité des contrats conclus dans le cadre d’offres au public se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue. Cela signifie que, dans le cadre d’une offre au public, le délai de prescription est réduit, ce qui renforce la nécessité pour les investisseurs de réagir rapidement. Ainsi, les demandeurs doivent prouver qu’ils n’avaient pas connaissance des éléments constitutifs de la violation au moment de la souscription, ce qui pourrait prolonger le délai de prescription. Cependant, la jurisprudence a souvent considéré que la simple lecture de la documentation contractuelle permettait de constater la violation alléguée, ce qui pourrait entraîner le rejet des demandes pour cause de prescription. Quelles sont les implications de la violation des règles d’offre au public sur la nullité des souscriptions ?La violation des règles d’offre au public a des conséquences significatives sur la validité des souscriptions. Selon l’article L. 411-1 du Code monétaire et financier, toute offre au public de titres financiers doit respecter des conditions strictes, notamment en matière d’information des investisseurs. Les demandeurs soutiennent que la commercialisation des CLN a été effectuée en violation de ces règles, ce qui justifierait la nullité de leurs souscriptions. En effet, ils allèguent que les sociétés BNP PARIBAS, BNP PARIBAS INSUANCE, SOCIETE GENERALE et SG ISSUER ont délibérément retenu des informations essentielles sur la situation financière de la société RALLYE, ce qui aurait pu influencer leur décision d’investissement. L’article L. 411-2 du Code monétaire et financier précise que certaines offres peuvent être exemptées des règles d’offre au public, mais cela ne semble pas être le cas ici, car les demandeurs affirment que les souscriptions ont été réalisées auprès d’un large public, ce qui aurait dû les soumettre aux exigences de l’offre au public. En conséquence, si la cour conclut à la violation des règles d’offre au public, cela pourrait entraîner la nullité des souscriptions et des restitutions des montants investis, ainsi que des dommages-intérêts pour les pertes subies. Comment la responsabilité des sociétés émettrices est-elle engagée en cas de manquement à leurs obligations d’information ?La responsabilité des sociétés émettrices, telles que BNP PARIBAS et SOCIETE GENERALE, peut être engagée sur la base des articles 1240 et 1241 du Code civil, qui traitent de la responsabilité délictuelle. Ces articles stipulent que toute personne qui cause un dommage à autrui doit le réparer. Dans le cadre de cette affaire, les demandeurs allèguent que les sociétés ont manqué à leurs obligations d’information et de conseil, en ne fournissant pas des informations essentielles sur les risques associés aux CLN. Ils soutiennent que cette omission a conduit à des pertes financières significatives. L’article L. 531-1 du Code monétaire et financier impose également aux prestataires de services d’investissement un devoir de loyauté, d’honnêteté et d’information envers leurs clients. En cas de manquement à ces obligations, les sociétés peuvent être tenues responsables des préjudices causés aux investisseurs. Ainsi, si la cour conclut que les sociétés ont effectivement manqué à leurs obligations d’information, elles pourraient être condamnées à indemniser les demandeurs pour leurs pertes, y compris la perte en capital et les coupons non distribués. Cela souligne l’importance pour les sociétés émettrices de respecter leurs obligations d’information afin de protéger les investisseurs et d’éviter des litiges coûteux. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies délivrées le 14/01/2025
A Me LECOQ-VALLON
Me CHEMLA
Me WOOG
Me COUILBAULT
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9ème chambre 2ème section
N° RG 21/03179 – N° Portalis 352J-W-B7F-CT43Y
N° MINUTE :
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 14 Janvier 2025
DEMANDEURS
Association OMGA (anciennement dénommée CENTRE DE GESTION AGREE CHAMPENOIS POUR LA VITICULTURE & L’AGRICULTURE), réprésentée par son président Monsieur [JM] [PM] [NM]
[Adresse 59]
[Localité 101]
Monsieur [HP] [FP]en sa qualité d’héritier de Monsieur [PS] [FP], décédé le [Date décès 54] 2020 (Intervenant volontaire)
[Adresse 44]
[Localité 23]
Madame [YV] [FP] en sa qualité d’ayant-droit de Monsieur [PS] [FP], décédé le [Date décès 54] 2020
[Adresse 169]
[Localité 23]
Madame [AG] [J], mineure, ayant pour réprésentaux légaux Monsieur [SD] [J] et Madame [XY] [ZE]
[Adresse 136]
[Localité 157]
Association CDER
[Adresse 189]
[Localité 100]
Madame [WL] [XO]
[Adresse 94]
[Localité 134]
Madame [FY] [TT]
[Adresse 90]
[Localité 100]
Madame [ER] [C]
[Adresse 151]
[Localité 119]
Monsieur [WG] [C]
[Adresse 151]
[Localité 119]
Madame [LI] [FW]
[Adresse 49]
[Localité 173]
Madame [DK] [IG]
[Adresse 124]
[Localité 11]
Monsieur [PV] [IG]
[Adresse 82]
[Localité 171]
Monsieur [PC] [K], mineur, ayant pour représentant légal Monsieur [NR] [K]
[Adresse 76]
[Localité 9]
Madame [AG] [K], mineure, ayant pour représentant légal Monsieur [NR] [K]
[Adresse 76]
[Localité 9]
Monsieur [PH] [A]
[Adresse 98]
[Localité 33]
Société FAMILLE [TA] représentée par Madame [DS] [TA]
[Adresse 89]
[Localité 112]
Monsieur [PR] [GB]
[Adresse 39]
[Localité 142]
Madame [XT] [GB]
[Adresse 39]
[Localité 142]
Monsieur [TJ] [GB]
[Adresse 39]
[Localité 142]
Madame [IF] [Z]
[Adresse 162]
[Localité 149]
Madame [M] [R]
[Adresse 70]
[Localité 93]
Madame [V] [RU]
[Adresse 63]
[Localité 31]
Monsieur [YH] [OY]
[Adresse 97]
[Localité 114]
Madame [Y] [MT]
[Adresse 128]
[Localité 147]
Madame [W] [F]
[Adresse 17]
[Localité 121]
Monsieur [JM] [F]
[Adresse 17]
[Localité 121]
Madame [BB] [O]
[Adresse 64]
[Localité 10]
Monsieur [DV] [O]
[Adresse 64]
[Localité 10]
Madame [T] [XN]
[Adresse 176]
[Localité 155]
Madame [TF] [RT]
[Adresse 14]
[Localité 115]
Monsieur [XJ] [HW], mineur (jusqu’au 26 mai 2024), ayant pour représentant légal Madame [WW] [HW]
[Adresse 131]
[Localité 101]
Monsieur [IM] [GY]
[Adresse 52]
[Localité 120]
Monsieur [RY] [OF]
[Adresse 79]
[Localité 32]
Monsieur [NH] [OF]
[Adresse 80]
[Localité 148]
Monsieur [U] [PN]
[Adresse 56]
[Localité 150]
Madame [SC] [PN]
[Adresse 56]
[Localité 150]
Madame [AT] [HD]
[Adresse 19]
[Localité 104]
Monsieur [PV] [LZ]
[Adresse 161]
[Localité 104]
S.C.E.A. [LZ] FRERES représentée par ses gérants Madame [AT] [HD] et Monsieur [PV] [LZ]
[Adresse 74]
[Localité 104]
Monsieur [CR] [FC]
[Adresse 163]
[Localité 105]
S.C. TED représentée par son gérant Monsieur [JD] [CI]
[Adresse 36]
[Localité 34]
S.A.R.L. JURITER représentée par son gérant Monsieur [LO] [L]
[Adresse 71]
[Localité 109]
S.C.E.A. [AK] [LM] représentée par son gérant Monsieur [LM] [AK]
[Adresse 67]
[Localité 122]
Madame [MO] [VA]
[Adresse 69]
[Localité 113]
Madame [TO] [SR]
[Adresse 60]
[Localité 30]
Madame [T] [KR]
[Adresse 99]
[Localité 154]
Monsieur [XA] [VB]
[Adresse 91]
[Localité 7]
Madame [RF] [KS]
[Adresse 55]
[Localité 110]
Monsieur [ZJ] [KS]
[Adresse 55]
[Localité 110]
Monsieur [BJ] [IM]
[Adresse 138]
[Localité 102]
Monsieur [DX] [AW]
[Adresse 158]
[Localité 172]
Société SCEV [NI] [XA] représentée par son gérant Monsieur [XA] [NI]
[Adresse 190]
[Localité 25]
Monsieur [TP] [FK]
[Adresse 41]
[Localité 6]
Madame [TI] [FK]
[Adresse 41]
[Localité 6]
Société SCEV [EA] [UL] représentée par son gérant Monsieur [EA] [UL]
[Adresse 13]
[Localité 22]
Monsieur [SD] [EU]
[Adresse 168]
[Localité 103]
Madame [DK] [D]
[Adresse 48]
[Localité 29]
Monsieur [XA] [D]
[Adresse 48]
[Localité 29]
S.C. [WH] PERE ET FILS représentée par son gérant Monsieur [U] [WH]
[Adresse 137]
[Localité 28]
Madame [WL] [BJ]
[Adresse 138]
[Localité 102]
Monsieur [YD] [YH] [H]
[Adresse 18]
[Localité 103]
E.A.R.L. [YH] [H] représentée par son gérant Monsieur [YD] [YH] [H]
[Adresse 159]
[Localité 103]
E.A.R.L. CHAMPAGNE MUNOZ-BRUNEAU représentée par son gérant Madame [IF] [GS]
[Adresse 88]
[Localité 123]
Madame [Y] [EZ] [JU]
[Adresse 165]
[Localité 8]
Monsieur [DH] [JU]
[Adresse 165]
[Localité 8]
Madame [Y] [EI]
[Adresse 66]
[Localité 146]
S.C. CASTEL DU ROY représentée par son gérant Monsieur [PW] [VE]
[Adresse 191]
[Localité 27]
Monsieur [PG] [IW]
[Adresse 125]
[Localité 101]
Monsieur [EL] [KD]
[Adresse 167]
[Localité 117]
S.C. [JT]-DIEBOLD représentée par son gérant Monsieur [G] [JT]
[Adresse 96]
[Localité 104]
S.C. LE MORTIER représentée par son gérant Monsieur [TU] [S]
[Adresse 77]
[Localité 106]
S.C. LE MUR DES MOINES représentée par son gérant Monsieur [TU] [S]
[Adresse 77]
[Localité 106]
Madame [TF] [YZ]
[Adresse 75]
[Localité 101]
Monsieur [JM] [PG] [FT]
[Adresse 144]
[Localité 135]
Madame [HI] [WC]
[Adresse 141]
[Localité 127]
Madame [N] [X]
[Adresse 130]
[Localité 139]
Monsieur [P] [X]
[Adresse 130]
[Localité 139]
Madame [UW] [E]
[Adresse 12]
[Localité 26]
Madame [WD] [AY] [E]
[Adresse 51]
[Localité 170]
S.C. JMC DEVELOPPEMENT représentée par son gérant Monsieur [KK] [AP]
[Adresse 160]
[Localité 5]
Monsieur [I] [RB]
[Adresse 166]
[Localité 3]
Monsieur [DX] [EX]
[Adresse 85]
[Localité 101]
Société SCEV [E] [TE] représentée par son gérant Monsieur [TE] [E]
[Adresse 12]
[Localité 26]
Madame [WL] [CZ]
[Adresse 15]
[Localité 118]
Madame [M] [MU]
[Adresse 86]
[Localité 116]
Monsieur [JM] [ED]
[Adresse 140]
[Localité 53]
Madame [WL] [OA]
[Adresse 78]
[Localité 7]
Monsieur [ZN] [OA]
[Adresse 78]
[Localité 7]
S.C. IVM représentée par son gérant Monsieur [CR] [TB]
[Adresse 188]
[Localité 107]
Monsieur [PG] [NW]
[Adresse 92]
[Localité 164]
Monsieur [BO] [MF]
[Adresse 68]
[Localité 20]
Madame [LB] [FF]
[Adresse 37]
[Localité 2]
Monsieur [YC] [FF]
[Adresse 37]
[Localité 2]
Monsieur [GE] [ZK]
[Adresse 61]
[Localité 143]
Madame [ZJ] [OK]
[Adresse 50]
[Localité 4]
Monsieur [BS] [FN]
[Adresse 81]
[Localité 101]
Monsieur [NS] [OK]
[Adresse 50]
[Localité 4]
Monsieur [J] [ZF]
[Adresse 42]
[Localité 83]
Monsieur [U] [GM]
[Adresse 72]
[Localité 24]
Madame [BG] [UH]
[Adresse 87]
[Localité 101]
Monsieur [YG] [LH]
[Adresse 35]
[Localité 101]
Madame [IK] [BX]
[Adresse 132]
[Localité 156]
Madame [Y] [AP]
[Adresse 40]
[Localité 1]
Monsieur [SD] [B]
[Adresse 95]
[Localité 108]
Madame [FH] [WS]
[Adresse 38]
[Localité 153]
Monsieur [CR] [WS]
[Adresse 38]
[Localité 153]
Madame [MO] [PM]
[Adresse 175]
[Localité 152]
Monsieur [EA] [PM]
[Adresse 175]
[Localité 152]
Monsieur [RY] [VF]
[Adresse 129]
[Localité 111]
Madame [HO] [RX]
[Adresse 187]
[Adresse 187]
[Localité 126]
Monsieur [JM] [LY] [OO]
[Adresse 16]
[Localité 133]
Monsieur [SM] [GB]
[Adresse 84]
[Localité 65]
Madame [WD] [GB]
[Adresse 84]
[Localité 65]
Madame [YR] [GB]
[Adresse 84]
[Localité 65]
S.C. [ZO] [VO] représentée par ses gérants Madame [TY] [VO] et Monsieur [WG] [VO]
[Adresse 43]
[Localité 21]
représentés par Maître Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L0187
DEFENDERESSES
Société BNP PARIBAS ISSUANCE BV
[Adresse 185]
[Adresse 185]
[Localité 174] (PAYS BAS)
représentée par Maîtres Denis CHEMLA et Julie LOMBARD-VEYSSET, du LLP Allen Overy Shearman Sterling LLP, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #J0022
SOCIETE GENERALE
[Adresse 73]
[Localité 145]
représentée par Maîtres Stéphane WOOG et Julien FISZLEIBER , de la SELARL WOOG & ASSOCIES avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0283
Société SG ISSUER
[Adresse 47]
[Localité 186] (LUXEMBOURG)
représentée par Maîtres Stéphane WOOG et Julien FISZLEIBER de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0283
S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 46]
[Localité 145]
représentée par Maîtres Denis CHEMLA et Julie LOMBARD-VEYSSET, du LLP Allen Overy Shearman Sterling LLP, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #J0022
S.A. SPIRICA
[Adresse 45]
[Localité 148]
représentée par Maître Stéphanie COUILBAULT de la SELARL CABINET MESSAGER – COUILBAULT, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #D1590
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
M. Gilles MALFRE, Premier Vice-président adjoint
assisté de Madame Camille CHAUMONT, Greffière
A l’audience sur incident du 29 octobre 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 14 Janvier 2025.
ORDONNANCE
Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Par ordonnance du 17 mai 2022, le juge de la mise en état :
– a annulé l’assignation du 30 décembre 2020 délivrée par la SAS AGRIVITI à l’encontre de la SOCIETE GENERALE et du 18 janvier 2021 à l’encontre de la société SG ISSUER ;
– s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris pour connaître des demandes formées par les sociétés BAUCTUS, TRANSPORTS [BJ], GROUPE [BJ], STADE DE [Localité 101], AGRIVITI, MCFG INVEST, AGRI INNOVATION, BENESOL, AGRIPRESTATIONS, CHADIS, HOLDING 2010, PELGRIN, HOLDRINKS, PIERRYDIS, ENTREPRISE BANA, ETABLISSEMENTS MARCY, BLUETIT CONSEIL, DCR HOLDING, MB INTER et STEMONG, à l’encontre de la SOCIETE GENERALE et de la société SG ISSUER et a ordonné la disjonction de ces demandes ;
– s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris pour connaître des demandes formées par les sociétés STEMONG, TRANSPORTS [BJ], AGRI INNOVATION, CHADIS, PELGRIN, PIERRYDIS, HOLDRINKS, MB INTER et BLUETIT CONSEIL, à l’encontre de la BNP PARIBAS et de la BNP PARIBAS ISSUANCE et a ordonné la disjonction de ces demandes.
Par ordonnance du 23 avril 2024, le juge de la mise en état a ordonné la disjonction des demandes formées par la SA PELGRIN et par la SARL STEMONG, à l’encontre de la SA SPIRICA, par assignation du 30 décembre 2020, au profit du tribunal de commerce de Paris et a ordonné en conséquence le renvoi de l’examen de ces demandes devant le tribunal de commerce de Paris.
Par conclusions d’incident du 28 octobre 2024, la BNP PARIBAS et la BNP PARIBAS ISSUANCE demandent au juge de la mise en état de dire irrecevables pour cause de prescription les actions en nullité des souscriptions de Mme [RU], Mme [J], Mme [UH], M. [GY], M. [PN], Mme [PN], la société JURITER, l’association CDER, la SC [WH] PERE et FILS, l’EARL CHAMPAGNE MUNOZ-BRUNEAU, la SC CASTEL DU ROY et l’EARL [YH] [H] et qu’il condamne chacun de ces demandeurs au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions d’incident du 28 octobre 2024, la SOCIETE GENERALE et la société SG ISSUER demandent au juge de la mise en état de dire irrecevables pour cause de prescription les prétentions émises par les demandeurs au fond et M. [FP] en vue d’obtenir, à titre principal la nullité des souscriptions des CLN RALLYE et les restitutions qui en découlent et, à titre subsidiaire, la condamnation de SOCIETE GENERALE et SG ISSUER à leur verser, du fait de la violation des règles des offres au public / de l’appel public à l’épargne, une indemnisation correspondant à leur perte en capital, aux coupons non distribués, aux intérêts contractuels sur leur perte en capital et sur les coupons non distribués et à leur préjudice moral. Elles entendent par ailleurs que les demandeurs et de M. [FP] soient condamnés in solidum à leur payer, à chacune, la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles.
Par conclusions d’incident du 24 octobre 2024, la SARL JURITER, M. [BJ], Mme [BJ], M. [FN], l’association CDER, Mme [HD], M. [LZ], la SCEA [LZ] FRERES, M. [FC], la SC TED, la SCEA [AK] [LM], Mme [VA], Mme [SR], Mme [KR], M. [VB], Mme [KS], M. [KS], M. [AW], la SCEV [NI] [XA], M. [FK], Mme [FK], la SCEV [EA] [UL], M. [EU], Mme [D], M. [D], la SC [WH] PERE ET FILS, M. [H], l’EARL [YH] [H], l’EARL CHAMPAGNE MUNOZ-BRUNEAU, Mme [JU], M. [JU], Mme [EI], la SC CASTEL DU ROY, M. [IW], M. [KD], la SC [JT]-DIEBOLD, la SC LE MORTIER, la SC LE MUR DES MOINES, Mme [YZ], M. [FT], Mme [WC], Mme [X], M. [X], Mme [E], la SCEV [E] [TE], Mme [AY] [E], la SC JMC DEVELOPPEMENT, M. [RB], M. [EX], Mme [CZ], Mme [MU], M. [ED], Mme [OA], M. [OA], la SC IVM, M. [NW], M. [MF], Mme [FF], M. [FF], M. [ZK], M. [J] et Mme [ZE], ès qualités de représentants légaux de [AG] [J] née le [Date naissance 62] 2016, Mme [OK], M. [OK], M. [ZF], M. [GM], Mme [UH], M. [LH], Mme [BX], Mme [AP], M. [B], Mme [WS], M. [WS], Mme [PM], M. [PM], M. [VF], Mme [RX], M. [OO], M. [SM] [GB], Mme [WD] [GB], Mme [YR] [GB], la SC [ZO] [VO], Mme [FP] et M. [FP], intervenants volontaire sen leur qualité d’ayant-droit de M. [PS] [FP] décédé le [Date décès 54] 2020, Mme [XO], Mme [TT], Mme [C], M. [C], Mme [FW], Mme [IG], M. [IG], M. [NR] [K] ès qualité de représentant légal de M. [PC] [K] né le [Date naissance 57] 2008 et de [AG] [K] née le [Date naissance 58] 2010, M. [A], l’association OMGA, anciennement dénommée CENTRE DE GESTION AGREE CHAMPENOIS POUR LA VITICULTURE & L’AGRICULTURE, la société FAMILLE [TA], M. [PR] [GB], Mme [XT] [GB], M. [TJ] [GB], Mme [Z], Mme [R], Mme [RU], M. [OY], Mme [MT], Mme [F], M. [F], Mme [O], M. [O], Mme [XN], Mme [RT], M. [HW], M. [GY], M. [RY] [OF], M. [NH] [OF], M. [PN] et Mme [PN] demandent au juge de la mise en état à ce qu’il soit pris acte de l’intervention volontaire de M. [FP], de débouter la SOCIETE GENERALE, la société SG ISSUER, la BNP PARIBAS et la BNP PARIBAS INSUANCE BV de leur fin de non-recevoir et de les condamner in solidum à leur payer, à chacun, la somme de 500 euros au au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il a été demandé aux requérants au fond d’adresser au tribunal, dans un délai de huit jours, une version actualisée de la première page de leurs conclusions, afin de ne reprendre que les demandeurs non concernés par les deux ordonnances de mise en état des 17 mai 2022 et 23 avril 2024.
Ces conclusions ont été adressées le 29 octobre 2024, étant souligné qu’il ne sera statué qu’au vu des précédentes conclusions du 24 octobre 2024.
Il convient de recevoir M. [HP] [FP] en son intervention volontaire, en sa qualité d’ayant-droit de M. [PS] [FP], décédé le [Date décès 54] 2020.
Les demandeurs au fond rappellent avoir souscrit à des titres de créance dénommés « Titres Indexés sur Événement de Crédit » (TIEC ou en anglais « Credit Linked Notes », CLN) émis par la société SG ISSUER dans le cadre desquels la SOCIETE GENERALE détient un rôle de garant et d’agent de calcul.
Il s’agit des émissions des six CLN suivants, commercialisés par la SOCIETE GENERALE :
– CLN RALLYE JUILLET 2019 (code Isin 1 : [XXXXXXXXXX0179], le code Isin étant un identifiant international unique à douze caractères permettant de d’identifier sans risque d’erreur un instrument financier donné) ;
– CLN RALLYE JUILLET 2020 (code Isin : [XXXXXXXXXX0180]) ;
– CLN DUO JUILLET 2021 (code Isin : [XXXXXXXXXX0181]) ;
– CLN RALLYE JUILLET 2019 (2) (code Isin : [XXXXXXXXXX0182]) ;
– CLN RALLYE JUILLET 2021 (code Isin : [XXXXXXXXXX0184]) ;
– CLN RALLYE 3 ANS (code Isin : [XXXXXXXXXX0183]).
Ils rappellent qu’ils ont également souscrit à des CLN émis par la BNP PARIBAS ISSUANCE dans le cadre desquels la BNP PARIBAS détient aussi un rôle de garant et d’agent de calcul. Il s’agit des CLN suivants, commercialisés par la BNP PARIBAS :
– PRIVALTO RALLYE MARS 2020 (code Isin : [XXXXXXXXXX0192]) ;
– PRIVALTO CLN RALLYE 4,5 % (code Isin : [XXXXXXXXXX0193]).
Ils soulignent avoir souscrit à ces huit CLN dans le cadre de comptes-titres ouverts auprès de la société NORTIA INVEST, qui n’est pas dans la cause, ou de contrats d’assurance-vie ouverts auprès de la société SPIRICA et ce, sur une période comprise entre septembre 2016 et juillet 2018.
Ils soutiennent que la souscription de ces huit CLN s’est révélée désastreuse, en ce qu’ils avaient comme sous-jacent des obligations émises par la société RALLYE, principale actionnaire des sociétés cotées CASINO et GO SPORT, qui devaient offrir des rendements importants via le versement aux titulaires de CLN de coupons en cours de vie des CLN, mais qu’à la suite de la déconfiture de la société RALLYE, ils ont perdu la quasi-intégralité de leur investissement.
Ils rappellent que par jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 mai 2019, il a été ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société RALLYE et que par jugement du 28 juillet 2020, cette société a bénéficié d’un plan de sauvegarde approuvé par 23 créanciers représentant 97,83% du passif.
Ils précisent qu’ils ont subi le débouclage ou l’arrivée du terme de leur CLN du fait de la survenance de « l’événement de crédit », si bien que leurs pertes sont définitives.
En effet, ils expliquent que les TermSheets des CLN en cause prévoient notamment un événement de crédit constitué par la faillite de l’entité de référence, en particulier lors de l’ouverture d’une procédure collective concernant cette entité de référence.
Lorsque cet événement se produit, les TermSheets stipulent, pour ce qui concerne le mécanisme de remboursement, que l’investisseur subit une perte en capital à la date d’échéance et, pour ce qui concerne le mécanisme de versement des coupons annuels, qu’il ne reçoit plus de coupons.
Ils font valoir dans leur assignation des 30 décembre 2020 et 21 janvier et 15 avril 2021 que la SOCIETE GENERALE, la société SG ISSUER, la BNP PARIBAS et la BNP PARIBAS ISSUANCE ont manqué à leurs obligations de prestataires de services d’investissement, au sens des articles L. 531-1 et suivants du code monétaire et financier, particulièrement à leur devoir de loyauté, d’honnêteté, d’information et de conseil.
En substance, ils leur reprochent d’avoir commercialisé des CLN reposant sur des sous-jacents risqués, sur la base d’une documentation trompeuse présentant l’investissement comme protégé, d’avoir dissimulé les informations dont elles disposaient sur la situation dégradée de la société RALLYE, d’avoir transféré sur eux le risque crédit auquel elles étaient exposées envers la société RALLYE et d’avoir méconnu les termes de la documentation des CLN en ne leur restituant que 12,50 % du capital investi.
Le dispositif de leur assignation est rédigé comme suit :
« – dire et juger que les sociétés BNP PARIBAS, BNP PARIBAS ISSUANCE B.V., SOCIETE GENERALE et SG ISSUER, ont délibérément retenu, notamment, les obligations numéros [XXXXXXXXXX0178] et [XXXXXXXXXX0177] comme sous-jacents des CLN en cause en contradiction avec les textes et les recommandations de l’AMF au regard du fait que la situation de RALLYE SA était irrémédiablement compromise,
– subsidiairement, dire et juger DIRE ET JUGER que les sociétés BNP PARIBAS, BNP PARIBAS ISSUANCE B.V., SOCIETE GENERALE et SG ISSUER n’ont pas délivré une information essentielle à la connaissance des requérants qui sont des particuliers non avertis quant à la situation de RALLYE SA irrémédiablement compromise alors qu’elles savaient qu’elle aurait été de nature à les dissuader d’investir sur les CLN en cause,
– dire et juger que leur responsabilité est renforcée par la diffusion, le 30 juillet 2018, d’une note d’analyse destinée aux professionnels des marchés financiers particulièrement alarmante annonçant une défaillance de RALLYE SA au premier trimestre 2019 qui s’est effectivement produite,
– dire et juger que les sociétés BNP PARIBAS et SOCIETE GENERALE apparaissent comme faisant partie des principaux financeurs de RALLYE.SA et du Groupe CASINO,
– dire et juger que les sociétés BNP PARIBAS et la SOCIETE GENERALE ont engagé leur responsabilité pour avoir délibérément entretenu la confusion entre leur propre notoriété/ solvabilité et celle de leurs filiales émettrices des CLN, à savoir SG ISSUER et BNP PARIBAS ISSUANCE B.V.,
– dire et juger que le plan de sauvegarde arrêté par le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 28 février 2020 n’aurait pu bénéficier aux requérants dans la mesure où les dates d’expiration des CLN prévues par les TermSheets se situaient entre 2019 et 2021, et donc bien trop tôt pour pouvoir espérer recouvrer leur créance dans le cadre de la procédure collective,
– dire et juger que les sociétés BNP PARIBAS, BNP PARIBAS ISSUANCE B.V., SOCIETE GENERALE et SG ISSUER sont responsables in solidum du préjudice qui a été causé aux requérants en leur qualité d’émetteurs, garants, agents de calcul, rédacteurs, signataires et diffuseurs des TermSheets des CLN en cause sur le fondement des articles 1231-1, 1240 et 1241 du Code Civil,
– dire et juger que SPIRICA ne pouvait, sans commettre une violation des dispositions du Code des Assurances ou de son devoir de conseil ou de son obligation de loyauté à l’égard des requérants, retenir les CLN en cause comme unités de compte des contrats d’assurance vie des requérants.
Les requérants sollicitent en conséquence la condamnation in solidum des défendeurs à les indemniser au titre de leur perte en capital et des coupons non distribués.
Dans leurs conclusions au fond du 23 mai 2024, les demandeurs soutiennent que la commercialisation des CLN litigieux est intervenue en violation des articles L. 411-1 et suivants du code monétaire et financier relatifs à l’offre au public de titres financiers, faisant valoir que cette commercialisation relevait du régime d’ordre public de l’offre au public de titres financiers, alors qu’elle a été effectuée par placement privé. Ils précisent que cette violation de ces articles du code monétaire et financier justifie la nullité de leur souscription aux CLN, outre les restitutions qui en découlent, cette nullité étant sollicitée pour la première fois dans ces conclusions. Subsidiairement, ils considèrent qu’elle justifie la condamnation des concluantes à leur verser des dommages-intérêts à hauteur des pertes subies.
Le dispositif de ces conclusions est rédigé comme suit :
«- juger que la commercialisation et la souscription des CLN RALLYE en cause auprès des concluants ont été opérées en violation des règles des offres au public / de l’appel public à l’épargne,
– juger que les sociétés BNP PARIBAS, BNP PARIBAS ISSUANCE B.V., SOCIETE GENERALE et SG ISSUER, ont délibérément retenu, notamment, l’entité RALLYE comme sous-jacent des CLN en cause en contradiction avec les textes et les recommandations de l’AMF au regard du fait que la situation de RALLYE SA était irrémédiablement compromise et très fragile,
– subsidiairement, juger que les sociétés BNP PARIBAS, BNP PARIBAS ISSUANCE B.V., SOCIETE GENERALE, SG ISSUER et SPIRICA n’ont pas délivré une information essentielle à la connaissance des requérants qui sont des particuliers non avertis quant à la situation de RALLYE SA irrémédiablement compromise et très fragile alors qu’elles savaient qu’elle aurait été de nature à les dissuader d’investir sur les CLN en cause,
– juger que leur responsabilité est renforcée par la diffusion, le 30 juillet 2018, d’une note d’analyse destinée aux professionnels des marchés financiers particulièrement alarmante annonçant une défaillance de RALLYE SA au premier trimestre 2019 qui s’est effectivement produite,
– juger que les sociétés BNP PARIBAS et SOCIETE GENERALE apparaissent comme faisant partie des principaux financeurs de RALLYE.SA et du Groupe CASINO,
– juger que les sociétés BNP PARIBAS et la SOCIETE GENERALE ont engagé leur responsabilité pour avoir délibérément entretenu la confusion entre leur propre notoriété / solvabilité et celle de leurs filiales émettrices des CLN, à savoir SG ISSUER et BNP PARIBAS ISSUANCE B.V.,
– juger que le plan de sauvegarde arrêté par le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 28 février 2020 n’aurait pu bénéficier aux requérants dans la mesure où les dates d’expiration des CLN prévues par les TermSheets se situaient entre 2019 et 2021, et donc bien trop tôt pour pouvoir espérer recouvrer leur créance dans le cadre de la procédure collective,
– juger que les sociétés BNP PARIBAS, BNP PARIBAS ISSUANCE B.V., SOCIETE GENERALE, SG ISSUER et SPIRICA sont responsables in solidum du préjudice qui a été causé aux requérants en leur qualité d’émetteurs, garants, agents de calcul, rédacteurs, signataires et diffuseurs des TermSheets des CLN en cause, et de compagnie d’assurance sur le fondement des articles 1231-1, 1240 et 1241 du Code Civil,
– juger que SPIRICA ne pouvait, sans commettre une violation des dispositions du Code des Assurances ou de son devoir de conseil ou de son obligation de loyauté à l’égard des requérants, retenir les CLN en cause comme unités de compte des contrats d’assurance vie des requérants,
– En conséquence, prononcer la nullité des souscriptions des CLN RALLYE des concluants, et ordonner les restitutions qui en découlent,
– à titre subsidiaire, juger que la société SOCIETE GENERALE, la société SG ISSUER, la société BNP PARIBAS, la société BNP PARIBAS INSUANCE et la société SPIRICA sont responsables du préjudice qui a été causé aux requérants en leurs qualités notamment d’arrangeur, d’émetteur, garant, agent de calcul, rédacteurs des CLN en cause, et de Compagnie d’assurance, ce incluant la violation des règles des offres au public / de l’appel public à l’épargne ».
Les requérants sollicitent en conséquence la condamnation in solidum des défendeurs à les indemniser au titre de leur perte en capital et des coupons non distribués.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
1) Pour la BNP PARIBAS et la BNP PARIBAS INSUANCE
Les demanderesses à l’incident rappellent qu’entre les mois de septembre 2016 et de mars 2017, douze des demandeurs ont souscrit par l’intermédiaire de leur conseiller en investissements financiers, à deux CLN émis par la société BNP PARIBAS ISSUANCE et garantis par la BNP PARIBAS.
Elles précisent que ces CLN, émis le 1er septembre 2016 et le 25 janvier 2017, avec des échéances respectives en mars 2020 et juin 2020, étaient toutes deux adossées à une entité de référence, la société RALLYE (respectivement CLN RALLYE n°1 et CLN RALLYE n°2).
Elles notent que les investisseurs ont perçu un intérêt annuel de 5% sur le CLN RALLYE n°1 et de 4,50% sur le CLN RALLYE n°2 jusqu’à l’ouverture de la procédure de sauvegarde de la société RALLYE le 23 mai 2019, cet événement constituant, aux termes des contrats d’émission, un événement de crédit, ce qui a entraîné le remboursement anticipé de ces CLN à hauteur d’une fraction du montant nominal.
Elles relèvent qu’alors que dans leur assignation, les demandeurs mettaient en cause la responsabilité des entités BNP au titre de manquements contractuels et délictuels, notamment à leurs obligations d’information, ils sollicitent dans leurs conclusions au fond du 23 mai 2024, à titre principal, la nullité de leurs souscriptions au CLN RALLYE n°2 au motif que la commercialisation et la souscription du CLN RALLYE en cause auraient été opérées en violation des règles des offres au public et de l’appel public à l’épargne.
Elles estiment ces demandes tardives, prescrites pour avoir été formées plus de sept ans après les souscriptions litigieuses, au visa de l’article 2224 du code civil.
Elles relèvent que pour la jurisprudence, le point de départ de la prescription quinquennale de telles actions en nullité est fixé à compter du jour où le titulaire de l’action a eu connaissance de la violation des règles de l’offre au public, le critère déterminant étant donc celui du moment de la connaissance du vice affectant l’opération critiquée.
Si la jurisprudence a pu se montrer favorable aux initiateurs de ces actions en nullité en jugeant que, bien qu’introduites plus de cinq ans après la date de l’opération, elles n’étaient pas prescrites, notamment dans des cas où la nullité des souscriptions était soutenue sur un autre fondement, dès l’assignation, elles estiment que tel n’est pas le cas en l’espèce.
Elles notent qu’il n’existe aucune identité d’objet entre la demande initiale et la demande ultérieure de nullité d’une souscription pour violation de la réglementation relative aux offres au public, alors que la démonstration du vice affectant l’opération repose sur des éléments contemporains de la souscription et dont les demandeurs avaient ou pouvaient avoir connaissance dès cette époque, ajoutant qu’en matière d’action en nullité, si l’examen de la documentation contractuelle permet de constater la violation alléguée, la date du contrat marque alors le point de départ du délai de prescription.
Elles soulignent que cette approche est conforme aux objectifs poursuivis par l’ordonnance n°2019-1067 du 21 octobre 2019, qui a ramené à trois ans le délai de prescription des actions en nullité de contrats conclus dans le cadre d’offres au public, eu égard aux enjeux de sécurité juridique liés à ces opérations et qu’ainsi, l’article L. 411-1 du code monétaire et financier prévoit désormais que par dérogation aux dispositions de l’article 2224 du code civil, les actions en nullité des contrats conclus se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue.
Elles notent que les demandeurs sollicitent désormais, à titre principal, la nullité de certaines de leurs souscriptions au motif que la documentation prévoit un placement privé et qu’il est manifeste que le régime de l’appel public à l’épargne n’a pas été respecté.
S’agissant du CLN RALLYE n°1, elles rappellent que la notion de montant minimum de négociation sur laquelle s’appuient les demandeurs figure dans la documentation juridique de ce CLN, d’où elle a d’ailleurs été extraite par ces derniers.
Elles soulignent que cette documentation était librement accessible aux investisseurs potentiels, outre que les demandeurs ont déclaré, lors de leur souscription, avoir reçu et pris connaissance de ladite documentation juridique du CLN RALLYE n°1.
Par ailleurs, elles relèvent que les montants respectifs de souscription des demandeurs étaient connus des intéressés au moment de leur souscription, puisqu’ils les ont eux-mêmes déterminés en remplissant les bulletins correspondants, de sorte qu’ils connaissaient les faits fondant leur action en nullité des souscriptions.
Pour ce qui concerne le CLN RALLYE n°2, les demanderesses à l’incident font valoir qu’elles peuvent se prévaloir de la cause d’exemption de l’article L. 411-2 I 3) du code monétaire et financier, s’agissant d’une offre adressée à des investisseurs qui acquièrent les titres financiers pour un montant total d’au moins 100 000 euros, rappelant que ces causes d’exemption ne sont pas cumulatives mais alternatives.
Elles en concluent que le délai quinquennal de prescription des actions en annulation a commencé à courir au jour des souscriptions et a expiré, selon les cas, le 10 février 2022, le 7 mars 2022, le 22 mars 2022 ou le 24 mars 2022.
2) Pour la SOCIETE GENERALE et la société SG ISSUER
Ces autres demanderesses à l’incident soutiennent une fin de non-recevoir identique, estimant que de l’aveu des demandeurs, la constatation de la violation alléguée du régime de l’offre au public de titres financiers résulte de la simple lecture de la documentation décrivant le fonctionnement des six CLN émis par SG ISSUER, alors qu’ils reconnaissent dans leurs conclusions du 23 mai 2024 qu’ils ont eu connaissance de cette documentation lorsqu’ils ont souscrit aux CLN en question. Elles rappellent que les demandeurs soutiennent qu’il y a eu violation du régime de l’offre au public de titres au regard du montant de leur investissement, qu’ils connaissaient nécessairement lors de la souscription.
Elles estiment que le fait que la documentation décrivant le fonctionnement des six CLN mentionne une distribution par placement privé n’est pas de nature à reporter le point de départ de la prescription de l’action des demandeurs, alors que la constatation de l’application du régime de l’offre au public résulte de la simple lecture de cette documentation.
Elles fixent par conséquent le point de départ de la prescription de l’action en nullité à la date de souscription de ces CLN, soit entre septembre 2016 et juillet 2018, puisque les demandeurs étaient alors en mesure de se prévaloir de la prétendue violation du régime de l’offre au public de titres financiers. Elles en concluent que cette prescription est acquise depuis le mois de juillet 2023 au plus tard, les demandes d’annulation et d’indemnisation n’ayant été soulevées pour la première fois que dans les conclusions du 23 mai 2024, ces demandes n’étant pas reprises dans l’assignation.
En réplique, les demandeurs au fond soutiennent que la souscription des CLN RALLYE ne respecte pas les dispositions de l’article L. 411-2 I. du code monétaire et financier.
Ils estiment qu’il convient de prendre en compte l’ensemble des émissions de CLN RALLYE, l’article L. 114-2 du code monétaire visant l’offre dans sa globalité, alors que le morcellement artificiel du CLN RALLYE en de nombreuses émissions portant pourtant sur des caractéristiques similaires ne permet pas de s’affranchir des règles d’ordre public des offres au public.
Ils en concluent que les souscriptions des CLN BNP doivent être examinées dans leur globalité, comme une unique souscription, afin d’examiner le respect des règles applicables aux offres au public, et qu’il en est de même des CLN RALLYE SOCIETE GENERALE puisqu’il a été procédé à l’émission de dizaines de ces CLN sur une période restreinte.
Ils font valoir qu’ils n’ont pas pu avoir connaissance de la violation des règles des offres au public au moment de la souscription puisque rien n’indique dans les documents de souscription que ces règles ont été violées, relevant que ces documents mentionnent soit que le produit n’est pas offert au public, soit que le produit est distribué en placement privé, ou encore que le produit CLN RALLYE 2 (BNP) n’est pas offert au public, sans mentionner le montant de négociation minimal de 1 000 euros.
S’agissant du CLN RALLYE 2 distribué par les entités BNP, ils rappellent qu’il est indiqué : « Offre au public : Non », ce qui signifie que les titres ne sont pas offerts au public et donc distribués en placement privé, alors que ce même document indique un montant de négociation minimal de 1 000 euros, ce qui n’est pas compatible avec un placement privé.
S’agissant du CLN RALLYE MARS 2020 distribué par les entités BNP, ils notent que la pièce BNP n°12, prévoyant un montant de négociation minimal de 5 000 euros n’a été produite qu’en cours de la présente procédure, alors que de nombreuses souscriptions de ce CLN ont été enregistrées pour des montants inférieurs.
S’agissant des CLN RALLYE distribués par les entités SOCIETE GENERALE, ils notent qu’il est indiqué dans les TermSheets que le produit est offert en placement privé.
Ils en concluent que les souscriptions relevaient des offres au public et violaient les règles applicables en la matière et ce, en contradiction avec les mentions des documents de souscription qui présentaient l’opération comme relevant du placement privé ou étaient taisantes.
Ils contestent avoir eu l’information, dès la souscription, des caractéristiques du régime juridique applicable à l’opération.
Ils estiment que les demanderesses à l’incident inversent la charge de la preuve en n’apportant aucune précision sur la date à laquelle les demandeurs ont pu avoir connaissance de faits leur permettant de contredire l’affirmation contenue dans ces documents. Ils se fondent sur un cas similaire jugé par la cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 14 juin 2022 (21/05865).
Ils soutiennent enfin que leurs demandes de dommages-intérêts tirées de la violation du régime de l’offre au public reprises dans leurs conclusions du 23 mai 2024 ne sont pas prescrites, alors que des demandes de dommages-intérêts figuraient déjà dans l’acte introductif d’instance.
Ceci étant exposé.
La seule prétention principale reprise dans l’acte introductif d’instance est une demande de condamnation in solidum des défenderesses au fond à les indemniser au titre de leur perte en capital et des coupons non distribués.
Ce n’est que dans les conclusions du 23 mai 2024 que les demandeurs au fond ont ajouté comme demande l’annulation des souscriptions des CLN RALLYE, avec les restitutions qui en découlent, tout en maintenant leurs demandes de condamnation in solidum aux fins d’indemnisation au titre de leur perte en capital et des coupons non distribués.
Les requérants au fond ne sauraient par conséquent soutenir que cette demande d’annulation pourrait être rattachée à leur assignation. Cette demande et les conséquences qui peuvent en être tirées ne résultent donc que de leurs conclusions du 23 mai 2024.
Il convient de vérifier si, lors de la souscription, les investisseurs étaient en mesure de constater la violation des règles de l’offre au public de l’opération qu’ils allèguent. A cette fin, seuls doivent être pris en compte les moyens soutenus par les demandeurs dans leurs conclusions au fond du 23 mai 2024, peu important ceux évoqués dans leurs conclusions d’incident du 24 octobre 2024, qui ne déterminent pas le litige au fond.
Dans leurs conclusions du 23 mai 2024 (pages 34 à 36), les demandeurs soutiennent que les règles applicables aux offres au public / à l’appel public à l’épargne n’ont pas été respectées, en particulier en ce que les produits ne s’adressaient ni à des investisseurs qualifiés, pas plus qu’à un cercle restreint d’investisseurs mais à plus de cent cinquante investisseurs, de sorte que les souscription auraient dû être soumises au régime d’ordre public des offres au public / appel public à l’épargne. Ils n’évoquent à aucun moment le montant de leurs souscriptions.
Or, les demanderesses à l’incident, sur qui pèse la charge de la preuve de leur fin de non-recevoir, ne démontrent pas qu’au vu des documents reçus par les investisseurs, chacun d’entre eux étaient en mesure, dès la souscription, de constater que ces produits ne s’adressaient pas à des investisseurs qualifiés, pas plus qu’à un cercle restreint d’investisseurs.
C’est à tort que la BNP PARIBAS et la BNP PARIBAS INSUANCE, s’agissant du CLN Rallye n°1, opposent le fait que le montant minimum de négociation figurait dans la documentation remise et, pour ce qui concerne le CLN n°2, évoquent le montant de souscription, alors que ces moyens ne sont pas soutenus par les requérants dans leurs conclusions au fond. Il en est de même de la SOCIETE GENERALE et de la société SG ISSUER, lorsqu’elles opposent à l’appui de leur fin de non-recevoir, le fait que le montant de l’investissement était connu des demandeurs au fond.
Il convient par conséquent de rejeter les fins de non-recevoir susvisées.
Sur les autres demandes :
Au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la BNP PARIBAS et la BNP PARIBAS INSUANCE, d’une part, la SOCIETE GENERALE et la société SG ISSUER, d’autre part, seront, chacune, condamnées in solidum à payer aux demandeurs la somme globale de 3 000 euros.
Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DIT M. [HP] [FP] recevable en son intervention volontaire, en sa qualité d’ayant-droit de M. [PS] [FP], décédé le [Date décès 54] 2020 ;
REJETTE les fins de non-recevoir tirées de la prescription, soulevées par la SA BNP PARIBAS et la société de droit néerlandais BNP PARIBAS INSUANCE, d’une part, et la SA SOCIETE GENERALE et la SA de droit luxembourgeois société SG ISSUER, d’autre part ;
CONDAMNE la SA BNP PARIBAS, la société de droit néerlandais BNP PARIBAS INSUANCE, la SA SOCIETE GENERALE et la SA de droit luxembourgeois société SG ISSUER, in solidum, aux dépens de l’incident ;
CONDAMNE in solidum la SA BNP PARIBAS et la société de droit néerlandais BNP PARIBAS INSUANCE à payer aux demandeurs au fond, la somme globale de 3 000 euros ;
CONDAMNE in solidum la SA SOCIETE GENERALE et la SA de droit luxembourgeois société SG ISSUER, à payer aux demandeurs au fond, la somme globale de 3 000 euros ;
RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état du 11 mars 2025, 9h30, pour que la SA BNP PARIBAS et la société de droit néerlandais BNP PARIBAS INSUANCE concluent en réplique aux conclusions des demandeurs du 23 mai 2024.
La greffière Le juge de la mise en état
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