L’Essentiel : Monsieur [V] [W] a été victime d’un accident de la route le 6 février 2017, entraînant une fracture du fémur. Il a assigné Allianz et la CPAM 75 pour obtenir une indemnisation de ses préjudices. Allianz a contesté les demandes, arguant que Monsieur [V] [W] devait prouver qu’il possédait le Brevet de Sécurité Routière. Le tribunal a reconnu le préjudice subi par Monsieur [V] [W] et a condamné Allianz à verser des indemnités pour ses dépenses de santé et d’assistance, tout en rejetant d’autres demandes. La décision a été rendue avec exécution provisoire.
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Exposé du litigeMonsieur [V] [W] a été victime d’un accident de la route le 6 février 2017, alors qu’il conduisait un scooter de location Cityscoot. Suite à cet accident, il a subi une fracture du fémur nécessitant une opération. L’accident a été déclaré à Allianz, l’assureur de la flotte de scooters, qui a ensuite réalisé une expertise médicale. Monsieur [V] [W] a assigné Allianz et la CPAM 75 pour obtenir une indemnisation de ses préjudices. Demandes de Monsieur [V] [W]Dans son assignation, Monsieur [V] [W] a demandé au tribunal de reconnaître son droit à indemnisation et de condamner Allianz à lui verser plusieurs sommes pour couvrir ses dépenses de santé, sa perte de salaire, son préjudice moral, ainsi que d’autres frais liés à son accident. Il a également demandé des frais d’expertise et des dépens. Position d’AllianzAllianz a contesté les demandes de Monsieur [V] [W], arguant que ce dernier devait prouver qu’il possédait le Brevet de Sécurité Routière au moment de l’accident. L’assureur a proposé une indemnisation totale de 16 184,00 €, tout en demandant le rejet des demandes supplémentaires de Monsieur [V] [W] en raison de l’exclusion de garantie prévue dans le contrat d’assurance. Conditions d’assurance et exclusion de garantieAllianz a soutenu que les conditions particulières de son contrat excluaient les locataires nés après le 31 décembre 1987 ne possédant pas le brevet de sécurité routière. Cependant, l’assureur n’a pas réussi à prouver que ces conditions avaient été portées à la connaissance de Monsieur [V] [W]. Évaluation du préjudiceLe tribunal a examiné les éléments de preuve fournis, y compris le rapport d’expertise, et a constaté que Monsieur [V] [W] avait bien subi un préjudice. Les dépenses de santé, les frais divers, et l’assistance par une tierce personne ont été pris en compte pour l’indemnisation, tandis que les demandes relatives à la perte de gains professionnels, à la perte de chance professionnelle et au préjudice moral ont été rejetées. Indemnisation accordéeLe tribunal a condamné Allianz à verser à Monsieur [V] [W] des indemnités pour ses dépenses de santé, ses frais divers, et l’assistance par une tierce personne, tout en rejetant les autres demandes. Allianz a également été condamnée aux dépens et à payer des frais irrépétibles à Monsieur [V] [W]. ConclusionLa décision du tribunal a été rendue avec exécution provisoire, et les parties ont été déboutées de leurs demandes supplémentaires. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le droit à indemnisation de la victime dans le cadre d’un accident de la route ?La question du droit à indemnisation de la victime d’un accident de la route est régie par plusieurs articles du Code civil et du Code des assurances. Selon l’article 1101 du Code civil, « le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. » De plus, l’article 1103 précise que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. » Dans le cadre d’un contrat d’assurance, l’article R.211-10 du Code des assurances stipule que « le contrat d’assurance peut comporter des clauses prévoyant une exclusion de garantie dans les cas suivants : 1° Lorsque au moment du sinistre, le conducteur n’a pas l’âge requis ou ne possède pas les certificats, en état de validité, exigés par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule. » L’article R.211-13 précise que « ne sont pas opposables aux victimes ou à leurs ayants droit : 1° La franchise prévue à l’article L.121-1 ; 2° Les déchéances ; 3° La réduction de l’indemnité applicable conformément à l’article L. 113-9 ; 4° Les exclusions de garanties prévues aux articles R. 211-10 et R. 211-11. » Ainsi, la victime peut revendiquer son droit à indemnisation, même si l’assureur invoque une clause d’exclusion, tant que cette clause n’est pas opposable à la victime. Quelles sont les conséquences de l’exclusion de garantie dans le contrat d’assurance ?L’exclusion de garantie dans un contrat d’assurance a des conséquences importantes sur le droit à indemnisation de la victime. L’article R.211-10 du Code des assurances indique que l’exclusion de garantie peut être opposée lorsque le conducteur n’a pas l’âge requis ou ne possède pas les certificats nécessaires. Cependant, l’article R.211-13 précise que « ne sont pas opposables aux victimes ou à leurs ayants droit » certaines exclusions, y compris celles prévues aux articles R. 211-10 et R. 211-11. Cela signifie que même si l’assureur peut invoquer une exclusion de garantie, celle-ci ne peut pas être opposée à la victime. L’assureur est donc tenu de procéder au paiement de l’indemnité pour le compte du responsable de l’accident, et peut ensuite exercer un recours contre ce dernier pour récupérer les sommes versées. Comment évaluer le préjudice de la victime dans le cadre d’un accident de la route ?L’évaluation du préjudice de la victime est un processus complexe qui prend en compte plusieurs éléments. L’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 stipule que « le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge. » Les préjudices peuvent être classés en préjudices patrimoniaux, tels que les dépenses de santé, et en préjudices extrapatrimoniaux, tels que les souffrances endurées. Les dépenses de santé comprennent tous les frais liés à l’accident, comme les frais hospitaliers et médicaux. Les souffrances endurées sont évaluées en fonction de la douleur physique et psychologique subie par la victime durant la période de consolidation de son état. L’expertise médicale joue un rôle crucial dans cette évaluation, car elle fournit des éléments objectifs sur l’état de santé de la victime et les conséquences de l’accident. Quelles sont les conditions pour obtenir une indemnisation pour préjudice moral ?Pour obtenir une indemnisation pour préjudice moral, la victime doit prouver que l’accident a eu un impact significatif sur sa vie personnelle et psychologique. Le préjudice moral est souvent évalué en fonction de la souffrance psychologique, de la perte de qualité de vie et des troubles émotionnels causés par l’accident. Il n’existe pas de barème fixe pour évaluer le préjudice moral, mais les tribunaux prennent en compte des éléments tels que la durée et l’intensité de la souffrance, ainsi que les conséquences sur la vie quotidienne de la victime. Dans le cas présent, la victime a demandé une indemnisation pour préjudice moral, mais l’assureur a contesté cette demande en arguant que le rapport d’expertise ne concluait pas à une impossibilité d’exercer une activité professionnelle. Ainsi, la charge de la preuve incombe à la victime, qui doit démontrer l’impact de l’accident sur sa vie personnelle pour obtenir une indemnisation. |
JUDICIAIRE
DE NANTERRE
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PÔLE CIVIL
2ème Chambre
JUGEMENT RENDU LE
16 Janvier 2025
N° RG 22/00357 –
N° Portalis
DB3R-W-B7G-XGIP
N° Minute :
AFFAIRE
[V] [W]
C/
CPAM ASSURANCE MALADIE DE [Localité 8], S.A. ALLIANZ IARD
Copies délivrées le :
DEMANDEUR
Monsieur [V] [W]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par Maître Géraldine HANNEDOUCHE de la SELARL D & H Société d’Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : K0031
DEFENDERESSES
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 8]
prise en la personne de son Directeur
[Adresse 1]
[Localité 6]
non représentée
S.A. ALLIANZ IARD
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Mathieu CENCIG, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 303
En application des dispositions de l’article 802 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2024 en audience publique devant Timothée AIRAULT, Vice-Président, statuant en Juge Unique, assisté de Sylvie MARIUS, Greffier.
JUGEMENT
prononcé en premier ressort, par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Monsieur [V] [W] a été renversé par une voiture le 6 février 2017, [Adresse 10] à [Localité 9] (75), alors qu’il conduisait un scooter de location Cityscoot. La flotte de scooters Cityscoot est couverte par un contrat d’assurance souscrit auprès de la société anonyme Allianz Iard (ci-après désignée « Allianz » ou « l’assureur »).
Hospitalisé, il a été constaté au préjudice de l’intéressé une fracture du fémur et il a été opéré le même jour par ostéosynthèse avec clou centromédullaire et vis aux deux extrémités du fémur.
L’accident a été déclaré à Allianz, qui a fait diligenter une expertise médicale amiable contradictoire. Les docteurs [H], pour l’assureur, et [S], pour la victime, ont déposé leur rapport le 21 décembre 2018.
Par acte régulièrement signifié les 11 janvier 2022 et 22 mars 2023, Monsieur [V] [W] a fait assigner Allianz ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8] (ci-après désignée « la CPAM 75 ») devant ce tribunal aux fins de voir reconnaître son droit à indemnisation et liquider ses préjudices.
Aux termes de son assignation précitée, Monsieur [V] [W] demande notamment au tribunal de :
– Le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;
– En conséquence, condamner Allianz à lui verser les sommes suivantes :
411,37 € au titre des dépenses de santé,
1117,19 € au titre de son préjudice professionnel tiré de la perte de salaire,
12 613,59 € au titre de la perte de chance professionnelle,
5000,00 € au titre du préjudice moral,
800,00 € an titre des frais de rémunération du médecin conseil,
6293,50 € de frais consécutifs la réduction d’autonomie et aux besoins en aide humaine,
15 000,00 € au titre des souffrances endurées,
3000,00 € au titre du préjudice esthétique,
2255,00 € au titre de 1’atteinte permanente à l’intégrité physique et/ou psychique,
– Condamner Allianz à lui payer 3000,00 € an titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux aux entiers dépens, en ce compris les frais d‘expertise.
Au soutien de ses écritures, le demandeur fait valoir que les conditions générales du service Cityscoot stipulent, en leur article 9, que tous les utilisateurs des scooters bénéficient de l’assurance tous risques souscrite par cette société, Allianz étant l’assureur.
Selon conclusions notifiées par voie électronique le 18 juillet 2022, Allianz demande notamment au tribunal de :
– Sous réserve que Monsieur [W] justifie qu’il disposait du Brevet de Sécurité Routière ou AM au moment des faits, soit le 6 février 2017, de :
– Fixer le préjudice subi et l’indemnisation lui revenant à la somme totale de 16 184,00 €, se décomposant comme suit :
Assistance par tierce personne : 3684,00 €,
Souffrances endurées : 10 400,00 €,
Préjudice esthétique : 3000,00 €,
Provision déjà versée à déduire : 900,00 €,
Frais d’assistance à l’expertise médicale de son médecin conseil : 350,00 €, sous réserve de la production d’une facture du docteur [S] dûment acquittée et signée ;
– Débouter Monsieur [V] [W] du surplus de ses demandes, fins et prétentions formées à son encontre ;
– A défaut de justifier qu’il disposait du Brevet de Sécurité Routière ou AM lors de l’accident débouter Monsieur [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions formées à son encontre, compte tenu de l’exclusion de garantie prévue au contrat n°58100000 ;
– En tout état de cause, laisser à chacune des parties la charge de ses frais visés à l’article 700 du code de procédure civile et dépens.
Si la défenderesse n’entend pas contester l’existence d’une garantie du conducteur, elle avance que les conditions particulières du contrat d’assurance souscrit par la société excluent les locataires nés après le 31 décembre 1987 et ne disposant pas du brevet de sécurité routière ou AM.
La CPAM 75, quoique régulièrement assignée par acte remis à personne morale le 22 mars 2023, n’a pas constitué avocat ; susceptible d’appel, la présente décision sera donc réputée contradictoire.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
La clôture de la présente procédure a été prononcée le 4 juillet 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le droit à indemnisation de la victime
Aux termes des articles 1101 et 1103 du code civil, « le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. », les contrats légalement formés tenant « lieu de loi à ceux qui les ont faits. »
Selon l’article R.211-10 du code des assurances :
« Le contrat d’assurance peut, sans qu’il soit contrevenu aux dispositions de l’article L. 211-1 comporter des clauses prévoyant une exclusion de garantie dans les cas suivants :
1° Lorsque au moment du sinistre, le conducteur n’a pas l’âge requis ou ne possède pas les certificats, en état de validité, exigés par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule, sauf en cas de vol, de violence ou d’utilisation du véhicule à l’insu de l’assuré ;
2° En ce qui concerne les dommages subis par les personnes transportées, lorsque le transport n’est pas effectué dans les conditions suffisantes de sécurité fixées par un arrêté conjoint du ministre de l’économie et des finances, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de l’intérieur, du ministre de la défense et du ministre chargé des transports.
L’exclusion prévue au 1° de l’alinéa précédent ne peut être opposée au conducteur détenteur d’un certificat déclaré à l’assureur lors de la souscription ou du renouvellement du contrat, lorsque ce certificat est sans validité pour des raisons tenant au lieu ou à la durée de résidence de son titulaire ou lorsque les conditions restrictives d’utilisation, autres que celles relatives aux catégories de véhicules, portées sur celui-ci n’ont pas été respectées. »
L’article R.211-13 du même code dispose que « ne sont pas opposables aux victimes ou à leurs ayants droit :
1° La franchise prévue à l’article L.121-1 ;
2° Les déchéances ;
3° La réduction de l’indemnité applicable conformément à l’article L. 113-9 ;
4° Les exclusions de garanties prévues aux articles R. 211-10 et R. 211-11.
Dans les cas susmentionnés, l’assureur procède au paiement de l’indemnité pour le compte du responsable.
Il peut exercer contre ce dernier une action en remboursement pour toutes les sommes qu’il a ainsi payées ou mises en réserve à sa place. »
Les dispositions de l’article R.211-13, dernier alinéa, ouvrant un recours à l’assureur contre le responsable de l’accident n’excluent pas la possibilité pour lui de réclamer, plutôt au souscripteur du contrat d’assurance, la réparation des conséquences de la faute contractuelle qu’il a éventuellement pu commettre ; l’inopposabilité aux victimes de la réduction proportionnelle des obligations de l’assureur constitue, pour la part d’indemnité que celui-ci doit payer au-delà de cette réduction, une suite immédiate et directe à la non-déclaration par le souscripteur de l’aggravation du risque (Cas Civ. 1ère, 25 mai 1988, n° 85-15.598). L’assureur qui, en présence d’une clause d’exclusion de garantie fondée sur le défaut de permis de conduire du conducteur du véhicule assuré, a été contraint d’indemniser les victimes auxquelles une telle clause n’est pas opposable, peut exercer contre l’assuré, à raison de sa faute contractuelle, une action en remboursement pour toutes les sommes qu’il a ainsi payées (Cas Civ. 2ème, 8 févr. 2006).
Il appartient à l’assuré ou tout ayant droit sollicitant l’exécution de la police d’établir la réalité du sinistre (Cas Civ. 1ère, 29 oct. 2002, n° 99-10.650), alors que l’assureur déniant sa garantie doit prouver l’existence de la clause d’exclusion. Une fois cette dernière établie, l’assureur a la charge de rapporter la preuve de la réunion des conditions de fait de la stipulation en question (Cas Civ. 2ème, 9 nov. 2023, n° 22-11.570).
En l’espèce, il résulte de la lecture de la procédure de police, de la plainte déposée par la victime, et de l’avis de classement suite à l’alternative aux poursuites décidée par le procureur de la République, que Monsieur [V] [W] a été renversé par une voiture le 6 février 2017, [Adresse 10] à [Localité 9] (75), alors qu’il conduisait un scooter de location Cityscoot. La flotte de scooters Cityscoot est couverte par un contrat d’assurance souscrit auprès d’Allianz.
Allianz verse aux débats des conditions particulières, dont elle affirme qu’elles correspondent à celles du contrat d’assurance souscrit pour la flotte de scooters Cityscoot. Il résulte de leur lecture que « sont exclus les locataires nés après le 31 décembre 1987 et ne disposant pas du brevet de sécurité routière ou AM », Monsieur [V] [W] étant né le [Date naissance 2] 1993.
Il ne pourra cependant qu’être constaté que l’assureur ne justifie pas que ces conditions particulières sont bien celles du contrat d’assurance souscrit pour ces scooters, et qu’elles ont bien été portées à la connaissance de la victime. Car en effet, il résulte de la lecture de l’extrait des conditions générales conclues par la victime ce qui suit :
« Vous êtes assuré tous risques. […] Ainsi, vous êtes intégralement couvert durant toute la durée de location. […] Une franchise de 15% s’applique sur le seul poste de préjudice ‘‘atteinte à l’intégrité physique et psychique’’, les autres postes sont donc indemnisés sans franchise » ;
« Est exclu le préjudice corporel du conducteur qui : n’a pas l’âge requis par les présentes CGUS pour procéder à une inscription ou ne possède pas les certificats ou permis en état de validité exigés par la règlementation en vigueur pour la conduite de véhicule […] ; n’est pas autorisé à conduire ».
Il résulte de ce qui précède que la preuve de l’accident et de ses conséquences est rapportée sans difficulté par la victime, tout comme celle du contrat d’assurance pour tous les utilisateurs de scooters de la flotte Cityscoot, ces éléments n’étant pas contestés en tout état de cause par le défendeur. En revanche, l’assureur ne rapporte pas la preuve de la réunion des conditions de fait de la clause d’exclusion.
Ensuite, ben que réalisé dans un cadre amiable, le rapport d’expertise ci-dessus évoqué présente un caractère complet, informatif et objectif. Il est corroboré par d’autres pièces médicales et notamment : le compte-rendu opératoire du 6 février 2017, les bulletins d’hospitalisations correspondants, mais aussi le certificat d’hospitalisation de mai 2019 relatif à l’ablation du matériel d’ostéosynthèse posé lors de l’intervention initiale. Les défendeurs, appelés à la procédure en un temps leur permettant de discuter librement de ces éléments, n’y apportent aucune critique. Le rapport d’expertise n’est en lui-même pas contesté. Dès lors, ces données apportent un éclairage suffisant pour statuer sur les demandes d’indemnisation.
Dans ces conditions, Allianz sera condamnée à verser à Monsieur [V] [W] les indemnités ci-après allouées.
Sur l’évaluation du préjudice de la victime
Au vu de l’ensemble des éléments produits, le préjudice subi par Monsieur [V] [W], né le [Date naissance 2] 1993 et âgé par conséquent de 24 ans lors de l’accident ainsi qu’à la date de consolidation de son état de santé, et de 26 ans lors de la seconde hospitalisation aux fins d’ablation du matériel d’ostéosynthèse, cuisinier de formation et sans emploi lors des faits, sera réparé ainsi que suit.
Il sera observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d’application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.
I. PREJUDICES PATRIMONIAUX
– Dépenses de santé
Les dépenses de santé sont constituées de l’ensemble des frais hospitaliers, de médecins, d’infirmiers, de professionnels de santé, de pharmacie et d’appareillage en lien avec l’accident.
En l’espèce, selon courrier du 12 avril 2023, la CPAM 75 a indiqué que le montant provisoire de ses débours s’élève à 9531,25 €, dont les frais de santé décomposés comme suit :
frais hospitaliers : 1368,19 €,frais médicaux : 457,67 €,frais pharmaceutiques : 135,83 €,franchises : -33,00 €.
Monsieur [V] [W] sollicite en outre l’allocation de la somme de 411,37 € à ce titre, décomposée comme suit : 260,61 € au titre des frais de santé suite à la première hospitalisation de 2017, 51,20 € au titre des frais d’envoi de documents administratifs, 65,90 € au titre des frais de soins infirmiers, de consultations et d’hospitalisations après la deuxième intervention de 2019, et 33,67 € au titre des frais de démarches administratives compte-tenu de son arrêt de travail.
Allianz sollicite le rejet de toutes les demandes, faisant valoir s’agissant des dépenses de santé initiales que la part prise en charge par la mutuelle de la victime n’est ni justifiée ni clairement identifiée, pour les frais d’envoi de documents administratifs qu’aucune pièce probante n’a été produite, pour les frais relatifs à la seconde hospitalisation qu’ils ne correspondent à aucun besoin déclaré imputable par le rapport d’expertise, et enfin sur les frais de démarches administratives compte-tenu de son arrêt de travail qu’ils ne constituent pas des dépenses de santé.
Sur ce, concernant la somme de 260,61 € sollicitée au titre des frais de santé correspondant à la première hospitalisation de 2017, celle-ci correspond bien à la part restée à la charge de la victime après déduction des prestations versées tant par la CPAM que la mutuelle, selon les tableaux de synthèses et justificatifs produits. Il en va de même pour la somme de 65,90 € au titre des frais de soins infirmiers, de consultations et d’hospitalisations après la deuxième intervention de 2019, s’agissant bien de l’ablation du matériel d’ostéosynthèse initialement posé, tel que cela ressort très clairement du compte-rendu d’hospitalisation correspondant, et cela se déduisant clairement en filigrane du rapport d’expertise. Le surplus des frais pour lesquels il est sollicité une indemnisation doit en revanche être analysé au titre des frais divers.
Dans ces conditions, il convient d’allouer la somme de 326,51 € à ce titre.
– Frais divers
L’assistance de la victime lors des opérations d’expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu’elle permet l’égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d’indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité. De même, ces données peuvent justifier d’indemniser les réunions et entretiens préparatoires. Les frais d’expertise font partie des dépens.
En l’espèce, Monsieur [V] [W] demande l’allocation de la somme de 800,00 € au titre de ses frais de médecin conseil, ainsi que 51,20 € au titre des frais d’envoi de documents administratifs, et 33,67 € au titre des frais de démarches administratives compte-tenu de son arrêt de travail. ALLIANZ sollicite le rejet pur et simple des prétentions formulées concernant les frais d’envoi de documents, et offre 350,00 € au titre des frais de médecin-conseil, avançant la limite contractuelle prévue aux conditions particulières.
Sur ce, il ne pourra qu’être constaté que la victime ne produit aucune pièce concernant les 51,20€ sollicités au titre des frais d’envoi de documents administratifs, prétention qui par conséquent ne pourra qu’être rejetée. Il sera en revanche fait droit à la demande relative aux 33,67 € sollicités au titre des frais de démarches administratives compte-tenu de son arrêt de travail, s’agissant d’un préjudice déclaré imputable par le rapport d’expertise, et la victime produisant sur ce point des justificatifs tout à fait probants. Lui sera enfin allouée la somme de 350,00 € au titre de ses frais de médecin-conseil, vu les pièces probantes versées aux débats mais compte-tenu de la limitation contractuelle.
Dans ces conditions, il convient d’allouer la somme de 383,67 € à ce titre.
– Assistance tierce personne provisoire
Il convient d’indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l’assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s’entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.
En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise ce qui suit s’agissant du déficit fonctionnel temporaire et de l’assistance tierce-personne provisoire :
– Déficit fonctionnel temporaire total pendant 3 jours avant consolidation,
– Déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III pendant 3 mois jusqu’au 2 mai 2017,
– Déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II jusqu’à la consolidation le 20 septembre 2017,
– Aide des parents de la victime : 2h par jour pendant le DFTP de classe III et d’une heure pendant le DFTP de classe II.
Sur la base d’un taux horaire de 18 euros, s’agissant d’une aide n’ayant pas donné lieu au paiement de charges sociales, il convient d’allouer la somme de 5526,00 €, comme ci-après calculé :
dates
18,00 €
/ heure
heures
heures
TOTAL
début période
06/02/2017
/ jour
/ semaine
s/ 365 j / an
fin de période
08/02/2017
3
jours
0,00 €
fin de période
02/05/2017
83
jours
2,00
2 988,00 €
fin de période
20/09/2017
141
jours
1,00
2 538,00 €
5 526,00 €
– Perte de gains professionnels
Il s’agit de compenser les répercussions de l’invalidité sur la sphère professionnelle de la victime, ainsi que les pertes ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente. L’évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d’une perte de revenus établie par la victime.
En l’espèce, selon courrier du 12 avril 2023, la CPAM 75 a indiqué que le montant provisoire de ses débours s’élève à 9531,25 €, dont des indemnités journalières à hauteur de 7602,56 €.
Monsieur [V] [W] sollicite l’allocation à ce titre de la somme de 1117,19 €, Il explique au soutient, notamment et pour l’essentiel, qu’il était sans emploi au moment de l’accident, que de ce fait il a été placé automatiquement en arrêt de travail, subissant des jours de carence et bénéficiant d’indemnités journalières moins élevées que son allocation d’aide au retour à l’emploi.
Allianz de son côté sollicite le rejet pur et simple de la prétention ainsi formulée. Elle explique que la victime ne verse aux débats aucun élément permettant de déterminer ses revenus nets antérieurs et concomitants à l’accident, et qu’en tout état de cause concernant la deuxième période de mai 2019 elle ne correspond à aucun préjudice imputable selon le rapport d’expertise.
Sur ce, il convient de noter, s’agissant de la deuxième intervention de mai 2019 et de l’hospitalisation correspondante, qu’il s’agit bien d’un préjudice imputable à l’accident objet du présent litige, puisqu’ayant pour objet l’ablation du matériel d’ostéosynthèse initialement posé, tel que cela ressort très clairement du compte-rendu d’hospitalisation correspondant, et se déduisant bien en filigrane du rapport d’expertise. Et revanche, c’est à juste titre que l’assureur fait valoir que la victime ne produit au soutien de sa demande aucun élément permettant de déterminer ses revenus nets antérieurs et concomitants à l’accident, celle-ci ne faisant qu’alléguer un montant brut d’allocation pôle emploi, par rapport auquel elle compare les montants perçus au titre des indemnités journalières. De telle sorte qu’il n’est pas possible de démontrer la réalité et l’imputabilité à l’accident d’une quelconque perte de salaire en l’espèce.
Dans ces conditions, la demande formulée sur ce point ne pourra qu’être rejetée.
– Perte de chance professionnelle et préjudice moral
Il convient d’indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé. Il convient aussi de l’indemniser des incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap. Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c’est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l’accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.
En l’espèce, Monsieur [V] [W] sollicite l’allocation de la somme de 12 613,59 € s’agissant de la perte de chance professionnelle, en soutenant qu’il s’est trouvé du fait de l’accident dans l’incapacité de continuer à exercer une activité professionnelle normale, étant certes sans emploi à ce moment-là mais disposant d’un diplôme et d’une formation de cuisinier, et pour lesquels les besoins de recrutement sont importants. Il formule sa demande en prenant pour base de calcul une perte de chance de 50%. Il formule également une demande de 5000,00€ au titre du préjudice moral tiré de l’impossibilité d’exercer ce métier qu’il décrit comme une passion.
Allianz en défense conclut au débouté pur et simple de toutes les demandes ainsi formulées par la victime. La défenderesse fait valoir qu’il ressort du rapport d’expertise que le demandeur a repris une activité professionnelle en intérim, et qu’il n’est nullement conclu à l’impossibilité d’exercice de l’activité de cuisinier ou même de toute activité en général. Le rapport d’expertise ne conclut qu’à un déficit fonctionnel permanent de 10%, au titre de la gêne à la station debout prolongée, ce qui demeure nettement insuffisant pour faire droit aux demandes ainsi formulées, que ce soit au titre du préjudice moral ou au titre de la perte de chance professionnelle.
Sur ce, il ressort du rapport d’expertise amiable contradictoire ce qui suit : un déficit fonctionnel permanent de 10% vu la gêne à la station debout prolongée, et certaines crises douloureuses encore persistantes quoiqu’en voie d’amélioration ; et un préjudice professionnel lié au fait que « cet accident a eu un retentissement sur sa recherche d’emploi ». Ces données sont en elles-mêmes insuffisantes pour démontrer l’existence d’un préjudice moral et d’une perte de chance professionnelle imputables à ce niveau. Force est également de constater qu’il est également indiqué dans le rapport d’expertise que le demandeur travaillait en intérim au moment de l’expertise, donnée pour laquelle aucune pièce relative aux revenus correspondants n’a été produite. La victime n’a pas non plus communiqué d’avis d’imposition, qu’il s’agisse de ses revenus antérieurs ou postérieurs à l’accident.
Dans ces conditions et au vu de ce qui précède, les demandes formulées sur ces deux points par Monsieur [V] [W] ne pourront qu’être rejetées.
II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
– Souffrances endurées
Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.
En l’espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial, les traitements subis, et le retentissement psychique des faits. Elles ont été cotées à 4/7 par l’expert.
Dans ces conditions, il convient d’allouer la somme de 15 000,00 € à ce titre, comme sollicité.
– Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence.
En l’espèce, le rapport d’expertise amiable contradictoire a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 10 %, le contrat d’assurance prévoyant une franchise de 15% s’appliquant sur ce poste. Ainsi, il ressort des stipulations contractuelles que « aucune indemnité ne sera versée au titre du poste de préjudice ‘‘atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique’’ si le taux déterminé est inférieur ou égal à 15%’’.
Dans ces conditions, la demande formulée à ce titre ne pourra qu’être rejetée.
– Préjudice esthétique permanent
Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce de manière pérenne à compter la date de consolidation.
En l’espèce, celui-ci a été coté à 2/7 par l’expert en raison notamment des cicatrices sur la hanche gauche pour la pose du clou centromédullaire, et sur la cuisse pour l’insertion des vices.
Dans ces conditions, il convient d’allouer la somme de 3000,00 € à ce titre, vu l’accord des parties.
Sur les demandes accessoires
Allianz, partie qui succombe en la présente instance, sera condamnée aux dépens, qui ne comprendront pas les frais d’expertise, la mesure diligentée dans le présent dossier n’étant pas judiciaire mais amiable. En outre, elle devra supporter les frais irrépétibles engagés par la victime dans la présente instance et que l’équité commande de réparer à raison de la somme de 3000,00€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de rappeler l’exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s’agissant en effet d’une instance introduite après le 1er janvier 2020.
Le tribunal,
Condamne la société anonyme Allianz Iard à payer à Monsieur [V] [W] à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, les sommes suivantes :
– dépenses de santé : 326,51 €,
– frais divers : 383,67 €,
– assistance par tierce personne : 5526,00 €,
– perte de gains professionnels : rejet,
– perte de chance professionnelle : rejet,
– préjudice moral : rejet,
– souffrances endurées : 15 000,00 €,
– déficit fonctionnel permanent : rejet,
– préjudice esthétique permanent : 3000,00 € ;
Condamne la société anonyme ALLIANZ aux dépens et à payer à Monsieur [V] [W] la somme de 3000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
signé par Timothée AIRAULT, Vice-Président et par Sylvie MARIUS, Greffier, présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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