Prescription et responsabilité : enjeux d’information dans les investissements financiers

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Prescription et responsabilité : enjeux d’information dans les investissements financiers

L’Essentiel : Lors de l’audience du 5 décembre 2024, il a été décidé que l’ordonnance serait rendue le 16 janvier 2025. Les consorts [E] avaient assigné MMA IARD et FERRI INTERMEDIATION pour manquement à l’obligation d’information. Les Défenderesses ont demandé le rejet de la demande des Demandeurs, arguant de la prescription de l’action. En réponse, les Demandeurs ont contesté cette prescription et demandé que leur action soit jugée recevable. Le juge a finalement retenu que la prescription avait commencé en 2017, déclarant l’action des époux [E] irrecevable et les condamnant à verser 1.500 euros à chaque Défenderesse.

Débats et Audience

A l’audience du 5 décembre 2024, il a été annoncé que l’ordonnance serait rendue le 16 janvier 2025.

Assignation des Défenderesses

Les consorts [E] ont assigné la société MMA IARD et la société FERRI INTERMEDIATION le 22 mars 2024. MMA IARD, en tant qu’assureur de FERRI INTERMEDIATION, a été impliquée en raison d’investissements réalisés par les Demandeurs en avril 2014 dans la société [Adresse 7], appartenant au groupe MARANATHA. Les Demandeurs allèguent un manquement à l’obligation d’information et de conseil de la part de FERRI INTERMEDIATION.

Conclusions des Défenderesses

FERRI INTERMEDIATION a demandé, par conclusions du 20 novembre 2024, de débouter les Demandeurs de leur demande d’écarter une pièce du dossier et de déclarer leur action prescrite et irrecevable. MMA IARD a également demandé, dans ses conclusions du 26 novembre 2024, de juger l’action des Demandeurs prescrite et irrecevable, tout en réclamant des frais de procédure.

Réponse des Demandeurs

Les consorts [E] ont, par conclusions du 28 novembre 2024, demandé l’écartement de la pièce n°11 produite par FERRI INTERMEDIATION, ainsi que le rejet des demandes de fin de non-recevoir pour cause de prescription. Ils ont également demandé que leur action soit jugée recevable et que l’affaire soit renvoyée pour conclusions sur le fond.

Examen de l’Incident

L’incident a été examiné lors de l’audience du 5 décembre 2024 et a été mis en délibéré pour le 16 janvier 2025.

Motifs de la Décision

Concernant la prescription, le juge a rappelé que l’action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter de la connaissance des faits. Les Défenderesses soutiennent que la prescription a commencé le 27 septembre 2017, date de la mise en redressement judiciaire de la société MARANATHA, tandis que les Demandeurs estiment que cela ne devrait commencer qu’à partir du 21 janvier 2022. Le juge a retenu la date de 2017 comme point de départ de la prescription.

Conclusion de la Décision

Le juge a déclaré l’action des époux [E] irrecevable pour cause de prescription. Ils ont été condamnés à payer 1.500 euros à chacune des sociétés FERRI INTERMEDIATION et MMA IARD, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la durée de prescription applicable aux actions personnelles selon le Code civil ?

Selon l’article 2224 du Code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

Cette disposition établit un délai de prescription de cinq ans pour les actions personnelles, ce qui signifie que le titulaire d’un droit doit agir dans ce délai, à compter du moment où il a eu connaissance des faits qui lui permettent d’exercer ce droit.

Il est important de noter que la prescription ne commence à courir qu’à partir de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime, si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

Ainsi, dans le cas présent, la question de la prescription est cruciale pour déterminer si les Demandeurs ont agi dans le délai imparti pour faire valoir leurs droits.

Comment se détermine le point de départ de la prescription en matière de responsabilité ?

Le point de départ de la prescription en matière de responsabilité est déterminé par la réalisation du dommage ou la date à laquelle la victime a eu connaissance de ce dommage.

Dans le cas présent, les Défenderesses soutiennent que le point de départ de la prescription est la date de mise en redressement judiciaire de la société MARANATHA, soit le 27 septembre 2017.

Elles estiment que c’est à cette date que les Demandeurs ont su ou auraient dû savoir que leurs investissements ne permettraient pas d’obtenir la rentabilité prévue.

Les Demandeurs, quant à eux, soutiennent que le point de départ doit être le 21 janvier 2022, date à laquelle ils ont pris conscience de la perte de chance liée à leur investissement.

Il est donc essentiel d’examiner les circonstances entourant la prise de conscience des Demandeurs pour déterminer si la prescription a été respectée.

Quelles sont les conséquences d’une action déclarée irrecevable pour cause de prescription ?

Lorsqu’une action est déclarée irrecevable pour cause de prescription, cela signifie que le tribunal ne peut pas examiner le fond de l’affaire.

Les conséquences sont multiples :

1. Irrecevabilité de la demande : Les Demandeurs ne peuvent pas obtenir réparation pour le préjudice allégué, car leur action est considérée comme hors délai.

2. Condamnation aux dépens : Les Demandeurs peuvent être condamnés à payer les frais de justice, y compris les dépens de l’instance, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

3. Dommages et intérêts : Les Demandeurs peuvent également être condamnés à verser une somme au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet au juge de condamner la partie perdante à payer une somme pour couvrir les frais d’avocat de la partie gagnante.

Ainsi, dans l’affaire en question, les époux [E] ont été condamnés à payer des sommes aux sociétés FERRI INTERMEDIATION et MMA IARD, ce qui illustre les conséquences financières d’une action déclarée irrecevable.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

à
Me DE CAMPREDON
Me LEMOUX
Me GLASER

9ème chambre 3ème section

N° RG 24/05206
N° Portalis 352J-W-B7I-C4JHX

N° MINUTE : 4

Assignation du :
22 Mars 2024

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 16 Janvier 2025

DEMANDEURS

Monsieur [B] [E]
et
Madame [V] [E]
demeurant ensemble
[Adresse 2],
[Localité 4]

représenté par Maître Bertrand DE CAMPREDON de la SELARL GOETHE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0097

DEFENDERESSES

Société FERRI INTERMEDIATION
[Adresse 6]
[Localité 5] FRANCE

représentée par Maître Céline LEMOUX de la SELARLU CL AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C2341

S.A. MMA IARD
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Philippe GLASER de la SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0010

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente, juge de la mise en état, assistée de Chloé DOS SANTOS, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 05 Décembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 16 Janvier 2025.

ORDONNANCE

Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

Par assignation en date du 22 mars 2024, les consorts [E], ci-après dénommés “les Demandeurs” ont fait assigner la société MMA IARD et la société FERRI INTERMEDIATION (ci-après dénommées les “Défenderesses”). MMA IARD a été assignée en sa qualité d’assureur en responsabilité civile professionnelle de la société FERRI INTERMEDIATION qui est une société de conseil en investissement financier, en stratégie et orientation patrimoniale. Les Défenderesses ont été assignées devant la présente juridiction aux fins de voir engager leur responsabilité au titre d’investissements réalisés par les Demandeurs au mois d’avril 2014 au sein de la société [Adresse 7], société du groupe MARANATHA.

Les Demandeurs prétendent que la société FERRI INTERMEDIATION aurait manqué à son obligation d’information et de conseil.

Par conclusions aux fins de non-recevoir en date du 20 novembre 2024, la société FERRI INTERMEDIATION demande au juge de la mise en état de :

“A titre liminaire :
– Débouter les consorts [E] de leur demande visant à voir écarter des débats la pièce n°11 communiquée par la société FERRI INTERMEDIATION ;

A titre principal :
– Juger prescrite et irrecevable l’action de Monsieur [B] [E] et Madame [V] [E] ;

En tout état de cause :
– Condamner Monsieur [B] [E] et Madame [V] [E], in solidum, au paiement, au profit de la société FERRI INTERMEDIATION, d’une somme de 4.000 € en application de l’article 700 CPC, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARLU CL Avocat en exécution de l’article 699 CPC.

Par conclusions en date du 26 novembre 2024, MMA IARD SA demande au juge de la mise en état de :

“- JUGER prescrite l’action de Madame [V] [E] et de Monsieur [B] [E] ;
– JUGER irrecevables les demandes de Madame [V] [E] et de Monsieur [B] [E] pour cause de prescription ;
– CONDAMNER Madame [V] [E] et Monsieur [B] [E] au paiement de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER Madame [V] [E] et Monsieur [B] [E] aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la SELAS VALSAMIDIS, AMSALLEM, JONATH, FLAICHER ET ASSOCIES”.

Par conclusions en date du 28 novembre 2024, les consorts [E] demandent au juge de la mise en état de :
“- D’ECARTER des débats, la pièce n°11 produite par la société FERRI INTERMEDIATION celle-ci violant le principe du secret professionnel bénéficiant aux époux [E].
– DEBOUTER les sociétés FERRI INTERMEDIATION et MMA IARD de leurs demandes visant à opposer une fin de non-recevoir à l’action des époux [E] pour prescription de celle-ci.
– JUGER l’action des époux [E] à l’encontre des sociétés MMA IARD et FERRI INTERMEDIATION recevable .

En conséquence :
– RENVOYER cette affaire à une audience ultérieure pour conclusions sur le fond des sociétés MMA IARD et FERRI INTERMEDIATION,
– CONDAMNER solidairement les sociétés MMA IARD et FERRI INTERMEDIATION et MMA ASSURANCES MUTUELLES à payer aux époux [E] la somme de 2.000 € au titre de ses frais de procédure, conformément aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile”

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.

L’incident a été examiné à l’audience du 5 décembre 2024 et mis en délibéré au 16 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I. Sur la prescription

Aux termes de l’article 2224 du code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

La prescription d’une action en responsabilité ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

Les Défenderesses, demanderesses à l’incident, considèrent que le point de départ de la prescription quinquennale de l’action des Demandeurs est la date de la mise en redressement judiciaire de la société MARANATHA, soit le 27 septembre 2017 car cette date marquerait, selon elles, le moment où les Demandeurs ont su ou auraient dû savoir que cette dernière ne pourrait pas honorer la promesse d’achat des titres de la société [Adresse 7] acquis par les consorts [E]. Les Défenderesses soutiennent en effet qu’à la date de mise en redressement judiciaire de la société MARANATHA, les Demandeurs auraient dû savoir que leurs investissements ne permettraient pas d’obtenir la rentabilité prévue.

Les Demandeurs soutiennent que le point de départ du délai de prescription doit être le 21 janvier 2022, dans le cadre de l’approbation des comptes annuels de la société [Adresse 7], car c’est la date à laquelle ils ont pris consience de la perte de chance dans le cadre de l’opération souscrite et qu’ils ont pu évaluer la réalité et l’ampleur de cette perte de chance en constatant qu’ils ne récupèreraient pas l’intégralité de leur investissement.

Leur préjudice doit ainsi s’analyser en une perte de chance, qui est, au regard du manquement allégué à l’obligation précontractuelle d’information ou de conseil, une perte de chance d’éviter le risque qui s’est réalisé et dont les sociétés demanderesses à l’incident considèrent d’ailleurs qu’il est inhérent à l’investissement conseillé.

Ce dommage se manifeste dès la réalisation du risque de ne pas obtenir la rentabilité de l’investissement souscrit, à moins que l’investisseur ne démontre qu’il pouvait à cette date légitimement l’ignorer.

Au cas présent, le risque s’est réalisé au moment où la déconfiture du groupe Maranatha a été révélée par l’ouverture de la procédure collective de la holding du groupe puis le redressement et la liquidation judiciaire de la société dont les Demandeurs étaient associés, tout cela aboutissant à la perte certaine de leur investissement par les Demandeurs.

La société Maranatha, holding du groupe a été mise en redressement judiciaire par un jugement du Tribunal de commerce de Marseille en date du 27 septembre 2017. Cette date constitue donc le point de départ de la prescription de l’action des investisseurs car c’est à cette date que les Demandeurs pouvaient prendre conscience de leur perte de chance de ne pas investir puisqu’ils ont pu constater l’ampleur des risques pris dans le cadre de leur investissement. Cette date sera donc retenue et il n’est pas nécessaire de statuer sur la question de la confidentialité de la convention d’honoraires.

Dès lors qu’ils ont fait assigner leurs contradicteurs par exploits du 22 mars 2024, soit postérieurement au délai de cinq ans de cet événement, leur demande doit être déclarée irrecevable car prescrite.

II. Sur les autres demandes

Vu l’issue de l’incident, les Demandeurs, défendeurs à l’incident, seront condamnées in solidum à payer à chacune des défenderesses la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, susceptible de recours et mise à disposition au greffe :

DECLARE l’action des époux [E] irrecevable car prescrite ;

CONDAMNE les époux [E] à payer à chacune des sociétés FERRI INTERMEDIATION et SA MMA IARD la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les époux [E] aux entiers dépens de l’instance.

LA GREFFIERE LA JUGE DE LA MISE EN ÉTAT


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