Nullité contractuelle et obligations d’information du professionnel envers le consommateur

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Nullité contractuelle et obligations d’information du professionnel envers le consommateur

L’Essentiel : Dans l’affaire opposant Mme [I] à la société LTE et à Cetelem, la cour d’appel a rejeté les demandes d’annulation des contrats de vente et de crédit, arguant que les manquements aux obligations d’information n’entraînaient pas la nullité. Cependant, cette décision a été contestée, car le contrat avait été conclu hors établissement, ce qui, selon le Code de la consommation, devrait entraîner la nullité. La cour a ainsi été jugée en violation des textes législatifs, soulevant des questions sur la protection des consommateurs face à des pratiques contractuelles irrégulières.

Contexte de l’affaire

Selon l’arrêt attaqué du 19 janvier 2023, Mme [I] a conclu un contrat avec la société LTE pour la fourniture et l’installation d’une centrale photovoltaïque le 12 septembre 2018. Le financement de ce contrat a été assuré par un crédit souscrit le même jour auprès de la société Cetelem, désormais représentée par BNP Paribas Personal Finance.

Actions judiciaires

Invoquant des irrégularités dans le bon de commande, Mme [I] a assigné à la fois le vendeur et la banque en annulation du contrat principal ainsi que du crédit associé. Un jugement rendu le 21 décembre 2021 a prononcé la liquidation de la société LTE, désignant Mme [V] comme liquidateur, qui a ensuite pris part à la procédure.

Arguments de l’acquéreure

L’acquéreure a contesté l’arrêt en faisant valoir que la cour d’appel avait rejeté ses demandes d’annulation des contrats de vente et de crédit. Elle a également été condamnée à payer des mensualités échues au titre du crédit, tout en étant contrainte de poursuivre l’exécution du contrat de prêt selon les stipulations contractuelles.

Réponse de la Cour d’appel

La cour d’appel a fondé sa décision sur les articles du Code de la consommation, affirmant que la méconnaissance des obligations d’information n’entraînait pas la nullité du contrat, mais plutôt des amendes administratives. Elle a ainsi statué que les manquements aux obligations d’information ne justifiaient pas l’annulation des contrats.

Violation des textes législatifs

En rejetant la demande d’annulation, la cour d’appel a été jugée en violation des textes législatifs, ayant constaté que le contrat avait été conclu hors établissement. Les articles du Code de la consommation stipulent que de telles irrégularités doivent entraîner la nullité du contrat, ce qui a été ignoré dans la décision rendue.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations d’information du professionnel avant la conclusion d’un contrat de vente selon le Code de la consommation ?

Selon l’article L. 221-5 du Code de la consommation, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel doit communiquer au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2.

Ces articles stipulent que le professionnel doit fournir des informations claires concernant les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix, les modalités de paiement, ainsi que les conditions de livraison.

Il est donc impératif que le professionnel respecte ces obligations d’information pour garantir la transparence et la protection du consommateur.

En cas de non-respect de ces obligations, cela peut entraîner des conséquences juridiques, notamment la nullité du contrat, comme le précise l’article L. 242-1 du même code.

Quelles sont les conséquences juridiques en cas de non-respect des obligations d’information ?

L’article L. 242-1 du Code de la consommation stipule que les dispositions de l’article L. 221-9, qui impose la remise d’un exemplaire daté du contrat, sont sanctionnées par la nullité du contrat conclu hors établissement.

Cela signifie que si le professionnel ne respecte pas les obligations d’information, le consommateur peut demander l’annulation du contrat.

De plus, l’article L. 221-9 précise que le contrat doit comprendre toutes les informations prévues à l’article L. 221-5, ce qui renforce l’importance de ces obligations.

En cas de manquement, la cour d’appel a souligné que la méconnaissance des articles L. 221-5, L. 111-1, L. 111-2, R. 111-1 et R. 111-2 est sanctionnée par des amendes administratives, mais cela ne doit pas occulter la possibilité d’annulation du contrat.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle les sanctions liées aux manquements d’information ?

La jurisprudence, comme l’illustre l’arrêt du 19 janvier 2023, a précisé que la méconnaissance des obligations d’information ne peut pas être simplement sanctionnée par une amende administrative.

En effet, la cour a constaté que le contrat avait été conclu hors établissement, ce qui entraîne des conséquences plus graves, notamment la possibilité d’annulation du contrat.

L’arrêt a mis en lumière que la cour d’appel avait erronément interprété les sanctions, en considérant que les manquements aux obligations d’information n’entraînaient pas la nullité du contrat.

Ainsi, la jurisprudence insiste sur le fait que le non-respect des obligations d’information peut avoir des conséquences significatives, allant au-delà des simples amendes administratives, et pouvant inclure l’annulation du contrat.

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2025

Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 50 F-D

Pourvoi n° C 23-12.537

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JANVIER 2025

Mme [X] [I], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-12.537 contre l’arrêt rendu le 19 janvier 2023 par la cour d’appel de Paris (pôle 4, chambre 9 A), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège social est situé [Adresse 1],

2°/ à Mme [D] [V], domiciliée [Adresse 3], en qualité de liquidateur judiciaire de la société LTE,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de Mme [I], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2023), par contrat conclu hors établissement le 12 septembre 2018, Mme [I] (l’acquéreure) a commandé auprès de la société LTE (le vendeur) la fourniture et l’installation d’une centrale photovoltaïque, dont le prix a été financé par un crédit souscrit le même jour auprès de la société Cetelem, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Personal Finance (la banque).

2. Invoquant des irrégularités du bon de commande, l’acquéreure a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat principal et du crédit affecté.

3. Un jugement du 21 décembre 2021 a prononcé la liquidation du vendeur et désigné Mme [V] en qualité de liquidateur. Celle-ci est intervenue à l’instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L’acquéreure fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes en annulation des contrats de vente et de crédit affecté, de la condamner à payer à la banque une somme au titre des mensualités échues du contrat de crédit affecté exigibles à la date de l’arrêt, et de dire qu’elle devrait poursuivre l’exécution du contrat de prêt conformément aux stipulations contractuelles et reprendre le crédit à compter de l’échéance de février 2023, alors « que selon l’article L. 221-5 du Code de la consommation, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de service, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du même Code ; que l’article L. 221-9 du Code de la consommation impose au professionnel de fournir au consommateur, un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement qui comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5 du Code de la consommation ; qu’enfin, il ressort de l’article L. 242-1 du Code de la consommation que les dispositions de l’article L. 221-9 du Code de la consommation sont sanctionnées par la nullité du contrat ; qu’il s’ensuit que la méconnaissance du formalisme informatif requis par les articles L. 111-1 et L. 111-2 du Code de la consommation et précisé par les articles R. 111-1 et R. 111-2 du Code de la consommation est sanctionné par la nullité du bon de commande ; qu’en énonçant que la méconnaissance des dispositions de l’article L. 221-5 du Code de la consommation est sanctionnée par une amende, en application de l’article L. 242-10 du Code de la consommation et que le manquement aux obligations d’information mentionnées aux articles L. 111-1 et L. 111-2 et précisées par les articles R. 111-1 et R. 111-2 n’est pas sanctionnée par la nullité du contrat mais par une amende administrative, en application de l’article L. 131-1 du même Code », la cour d’appel a violé les dispositions précitées. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 242-1, L. 221-9 et L. 221-5 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, l’article L. 111-1 du même code, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 et l’article L. 111-2 de ce code :

5. Aux termes du premier de ces textes, les dispositions de l’article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

6. En application du deuxième, ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5.

7. Selon le troisième, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, notamment, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2.

8. Pour rejeter la demande d’annulation des contrats, l’arrêt énonce que la méconnaissance des articles L. 221-5, L. 111-1, L. 111-2, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation est sanctionnée par des amendes administratives et n’est pas sanctionnée par la nullité du contrat.

9. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le contrat avait été conclu hors établissement, la cour d’appel a violé les textes susvisés.


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