Responsabilité bancaire et mise en œuvre d’une garantie

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Responsabilité bancaire et mise en œuvre d’une garantie

L’Essentiel : M. [Z], armateur, a signé un contrat de construction d’un navire avec Avizo Pro Marine pour 950 000 euros. En 2018, il conteste le paiement de deux factures, arguant que le prix convenu a été dépassé. Le tribunal autorise la saisie conservatoire du navire pour garantir une créance de 284 795,06 euros. M. [Z] demande un cautionnement bancaire pour lever la saisie, ce qui est accordé en janvier 2019. En octobre, la banque règle la somme due à Avizo Pro Marine, puis débite le montant sur le contrat d’assurance-vie de M. [Z]. Le tribunal condamne ensuite Avizo Pro Marine à indemniser M. [Z].

Contrat de construction du navire

M. [Z], armateur, a signé un contrat de construction d’un navire avec la société Avizo Pro Marine le 1er avril 2017, pour un montant de 950 000 euros.

Opposition au paiement des factures

M. [Z] a contesté le paiement de deux factures émises par la société Avizo Pro Marine, datées du 19 septembre et du 19 octobre 2018, s’élevant respectivement à 166 361 euros et 140 211 euros, en arguant que le prix convenu pour le marché de construction à forfait avait été dépassé.

Saisie conservatoire du navire

Le 24 octobre 2018, le président du tribunal de commerce a autorisé la société Avizo Pro Marine à procéder à la saisie conservatoire du navire, afin de garantir une créance évaluée à 284 795,06 euros.

Demande de cautionnement bancaire

Le 11 décembre 2018, l’avocat de M. [Z] a sollicité la Banque populaire Aquitaine centre Atlantique pour établir un cautionnement bancaire irrévocable, dans le but d’obtenir la mainlevée de la saisie conservatoire.

Constitution de la garantie bancaire

Le 9 janvier 2019, la banque a fourni à M. [Z] un document intitulé « garantie à première demande », et le 4 février 2019, le président du tribunal a constaté la constitution de cette garantie, permettant ainsi la mainlevée de la saisie.

Assignation en paiement

Le 23 novembre 2018, la société Avizo Pro Marine a assigné M. [Z] pour le paiement de 284 795,06 euros, correspondant aux deux factures liées à la construction du navire.

Règlement par la banque

Le 3 octobre 2019, la banque a informé M. [Z] qu’elle avait réglé la somme de 284 795,06 euros à la société Avizo Pro Marine, suite à l’appel en paiement, conformément à la garantie à première demande.

Débit sur le contrat d’assurance-vie

Le 18 décembre 2019, la banque a récupéré la somme versée en débitant le même montant sur le contrat d’assurance-vie de M. [Z], pour lequel il avait consenti une délégation de paiement.

Jugement du tribunal de commerce

Le 7 février 2020, le tribunal de commerce a condamné la société Avizo Pro Marine à verser à M. [Z] 284 795 euros, ainsi que 300 000 euros d’indemnités de retard, décision contre laquelle la société a interjeté appel.

Assignation de la banque par M. [Z]

Le 17 janvier 2020, M. [Z] a assigné la banque en paiement de 284 795,06 euros, alléguant une faute de l’établissement dans la mise en œuvre et l’exécution de la garantie.

Examen des moyens

Concernant le deuxième moyen, il a été décidé qu’il n’était pas nécessaire de statuer par une décision spécialement motivée, car ce moyen ne semblait pas susceptible d’entraîner la cassation.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature du contrat de construction conclu entre M. [Z] et la société Avizo Pro Marine ?

Le contrat de construction conclu entre M. [Z] et la société Avizo Pro Marine est un contrat à forfait, ce qui signifie que le prix est fixé à l’avance pour l’ensemble des travaux à réaliser.

Selon l’article 1792 du Code civil, « tout constructeur d’un ouvrage est tenu à une garantie de parfait achèvement ». Cela implique que l’entrepreneur doit exécuter les travaux conformément aux stipulations contractuelles et garantir leur conformité.

En cas de dépassement du prix convenu, comme dans le cas présent où M. [Z] s’oppose au paiement de deux factures, il est essentiel de se référer à l’article 1793 du même code, qui précise que « le prix est fixé d’un commun accord entre les parties ».

Ainsi, si le prix convenu est dépassé, cela peut donner lieu à des contestations sur la validité des factures émises par l’entrepreneur.

Quelles sont les conséquences de la saisie conservatoire du navire ?

La saisie conservatoire du navire, autorisée par le président du tribunal de commerce, a pour but de garantir le paiement d’une créance.

L’article 49 du Code de procédure civile stipule que « la saisie conservatoire peut être ordonnée pour garantir une créance ». Cette mesure permet à un créancier de préserver ses droits en immobilisant un bien appartenant au débiteur, en l’occurrence, le navire de M. [Z].

La saisie conservatoire est une mesure préventive qui ne préjuge pas du fond du litige, mais qui vise à assurer le recouvrement de la créance en cas de décision favorable au créancier.

Il est important de noter que, selon l’article 50 du même code, « la saisie conservatoire doit être justifiée par l’existence d’une créance ». Dans ce cas, la société Avizo Pro Marine a justifié sa demande par l’existence de factures impayées.

Quelles sont les implications de la garantie à première demande fournie par la banque ?

La garantie à première demande est un engagement par lequel la banque s’engage à payer le créancier sur simple demande, sans pouvoir opposer de contestation du débiteur.

L’article 2322 du Code civil précise que « la caution est tenue de payer à première demande ». Cela signifie que la banque, en tant que garante, doit s’exécuter dès que la société Avizo Pro Marine présente une demande de paiement.

Cette garantie est souvent utilisée dans les contrats commerciaux pour sécuriser les créances. Dans le cas présent, la banque a respecté son engagement en réglant la somme due à la société Avizo Pro Marine, conformément à la garantie à première demande.

Il est également important de souligner que, selon l’article 2323 du Code civil, « la caution peut demander au débiteur de lui rembourser ce qu’elle a payé ». Cela signifie que M. [Z] pourrait être tenu de rembourser la banque pour le montant qu’elle a versé.

Quels sont les recours possibles pour M. [Z] contre la banque ?

M. [Z] a la possibilité d’assigner la banque en responsabilité pour faute dans l’exécution de la garantie.

L’article 1240 du Code civil stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Si M. [Z] estime que la banque a commis une faute dans la mise en œuvre de la garantie, il peut demander réparation.

Il devra prouver que la banque a agi de manière fautive, par exemple en ne respectant pas les conditions de la garantie ou en ne vérifiant pas la validité de la demande de paiement de la société Avizo Pro Marine.

En cas de succès, M. [Z] pourrait obtenir des dommages-intérêts pour le préjudice subi, conformément à l’article 1231-1 du Code civil, qui prévoit que « la réparation du dommage doit être intégrale ».

Quelle est la portée de la décision du tribunal de commerce concernant la condamnation de la société Avizo Pro Marine ?

La décision du tribunal de commerce, qui a condamné la société Avizo Pro Marine à payer à M. [Z] une somme de 284 795 euros, a des implications significatives.

Selon l’article 1351 du Code civil, « l’autorité de la chose jugée s’attache à la décision ». Cela signifie que cette décision est définitive et s’impose aux parties, sauf si un appel est interjeté.

La société Avizo Pro Marine a effectivement relevé appel de ce jugement, ce qui suspend l’exécution de la décision jusqu’à ce qu’une nouvelle décision soit rendue par la cour d’appel, conformément à l’article 514 du Code de procédure civile.

Ainsi, tant que l’appel est en cours, M. [Z] ne pourra pas exécuter la décision du tribunal de commerce, et la situation financière entre les parties reste incertaine jusqu’à ce que la cour d’appel se prononce.

COMM.

CC

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2025

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 28 F-D

Pourvoi n° X 23-18.328

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JANVIER 2025

La société Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique, société coopérative de banque, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 23-18.328 contre l’arrêt rendu le 9 mai 2023 par la cour d’appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l’opposant à M. [X] [Z], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [Z], et l’avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 9 mai 2023), par un acte du 1er avril 2017, M. [Z], armateur, a conclu avec la société Avizo Pro Marine un contrat de construction d’un navire, pour un prix de 950 000 euros.

2. M. [Z] s’est opposé au paiement de deux factures établies par la société Avizo Pro Marine le 19 septembre 2018 et le 19 octobre 2018, d’un montant respectif de 166 361 euros et 140 211 euros, au motif que le prix convenu pour le marché de construction à forfait était dépassé.

3. Le 24 octobre 2018, le président du tribunal de commerce a autorisé la société Avizo Pro Marine à faire procéder à la saisie conservatoire du navire, pour sûreté et conservation d’une créance évaluée à la somme principale de 284 795,06 euros.

4. Le 11 décembre 2018, l’avocat de M. [Z] a demandé par courriel à la société Banque populaire Aquitaine centre Atlantique (la banque) d’établir en sa faveur un cautionnement bancaire irrévocable afin d’obtenir la mainlevée de la saisie conservatoire du navire.

5. Le 9 janvier 2019, la banque a adressé à M. [Z] un document intitulé « garantie à première demande ».

6. Par ordonnance du 4 février 2019, le président du tribunal de commerce a constaté la constitution d’une garantie de caution bancaire irrévocable de la part de la banque du 9 janvier 2019 et a, en conséquence, accordé la mainlevée de la saisie conservatoire.

7. Le 23 novembre 2018, la société Avizo Pro Marine a assigné M. [Z] en paiement de la somme de 284 795,06 euros, au titre des deux factures émises à l’occasion de la construction du navire.

8. Par lettre du 3 octobre 2019, la banque a informé M. [Z] qu’à la suite de l’appel en paiement qui lui avait été adressé, elle avait dû procéder au règlement de la somme de 284 795,06 euros entre les mains de la société Avizo Pro Marine, conformément à la « garantie à première demande ».

9. Le 18 décembre 2019, la banque a obtenu le remboursement de cette somme en opérant un débit de même montant sur le contrat d’assurance-vie ouvert au nom de M. [Z], et pour lequel ce dernier lui avait consenti une délégation de paiement.

10. Par un jugement du 7 février 2020, le tribunal de commerce a condamné la société Avizo Pro Marine à payer à M. [Z] la somme de 284 795 euros, outre celle de 300 000 euros à titre d’indemnités de retard. La société Avizo Pro Marine a relevé appel de ce jugement.

11. Le 17 janvier 2020, M. [Z] a assigné la banque en paiement de la somme de 284 795,06 euros, en soutenant que cet établissement avait commis une faute engageant sa responsabilité, dans les conditions de mise en œuvre et d’exécution de la garantie.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

12. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

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