Rénovation d’appartement : responsabilités et garanties en question

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Rénovation d’appartement : responsabilités et garanties en question

L’Essentiel : M. et Mme [U] ont engagé la société Alpha etud pour la rénovation de leur appartement, mais des fissures ont conduit à un sinistre déclaré en décembre 2013. Faute d’accord amiable, ils ont assigné plusieurs parties en juillet 2017. En janvier 2020, le tribunal de Versailles a condamné les sociétés Alpha etud, MAF et SMA à indemniser les époux [U]. Cependant, les sociétés MAF et Alpha etud ont interjeté appel, demandant l’infirmation de certaines condamnations. La cour a finalement infirmé le jugement en faveur des époux [U], les condamnant à payer des dépens aux sociétés impliquées.

Contexte de l’affaire

M. [N] [U] et Mme [I] [T] épouse [U] ont engagé la société Alpha etud, assurée par la société MAF, pour la rénovation de leur appartement. La société ACRD, assurée par la société SMA, a été chargée des travaux de gros œuvre. Des fissures sur les joints de carrelage ont conduit les époux [U] à déclarer un sinistre à leur assureur, la MAIF, en décembre 2013. La société ACRD a été placée en liquidation judiciaire en décembre 2014.

Procédure judiciaire

Faute d’accord amiable, M. et Mme [U] ont assigné plusieurs parties, dont la société SMABTP, Alpha etud et MAF, en juillet 2017 pour obtenir une indemnisation. Le tribunal judiciaire de Versailles a rendu un jugement en janvier 2020, condamnant les sociétés Alpha etud, MAF et SMA à indemniser les époux [U] pour divers préjudices, tout en déboutant la société SMA de sa demande de compensation.

Décisions du tribunal

Le tribunal a jugé que les désordres constatés rendaient l’ouvrage impropre à sa destination et a retenu la garantie décennale. Il a également noté que les époux [U] avaient reçu tacitement les travaux sans réserve. La société SMA a été condamnée pour procédure abusive, et des parts de responsabilité ont été établies entre les différentes sociétés impliquées.

Appels et développements ultérieurs

Les sociétés MAF et Alpha etud ont interjeté appel du jugement. L’affaire a été radiée puis réinscrite, avec des développements concernant la liquidation amiable de la société Alpha etud. La cour a ordonné le renvoi de l’affaire pour que les parties concluent sur la situation de la société Alpha etud.

Demandes des parties

Les sociétés MAF et Alpha etud ont demandé à la cour de les déclarer recevables et d’infirmer certaines condamnations. Elles ont également sollicité une garantie intégrale de la société SMA pour les condamnations prononcées à leur encontre. De leur côté, M. et Mme [U] ont formé un appel incident pour confirmer le jugement, en demandant des intérêts et des indemnités supplémentaires.

Arguments sur la force exécutoire

Les époux [U] ont tenté de faire reconnaître un protocole transactionnel signé avec la société SMA, mais le tribunal a estimé que l’absence de leur signature ne permettait pas de lui conférer une force exécutoire. La cour a confirmé cette décision, considérant que le protocole n’engageait pas les parties en l’absence de signature des époux.

Décision finale de la cour

La cour a déclaré recevables les conclusions de la société Alpha etud, mais a infirmé le jugement concernant les demandes des époux [U], les déboutant de l’ensemble de leurs demandes. M. et Mme [U] ont été condamnés à payer les dépens et des indemnités aux sociétés Alpha etud et MAF, ainsi qu’à la société SMA, au titre des frais de procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les responsabilités des constructeurs en matière de désordres affectant un ouvrage ?

Les époux [U] fondent leurs demandes sur l’article 1792 du code civil, qui stipule que :

« Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. »

Il est important de noter que les désordres affectant un élément d’équipement adjoint à l’existant ne relèvent de la responsabilité décennale que s’ils se trouvent dans un élément d’équipement au sens de l’article 1792-3 du code civil, c’est-à-dire un élément destiné à fonctionner.

Dans le cas présent, les désordres constatés, tels que l’effritement des joints de carrelage et les décollements, ne relèvent pas de la garantie décennale, car ils concernent un élément non destiné à fonctionner.

Ainsi, les époux [U] n’ont invoqué aucun autre fondement que la responsabilité décennale, ce qui les conduit à être déboutés de leurs demandes.

Quelle est la force exécutoire d’un protocole transactionnel en l’absence de signature des parties ?

L’article 2044 du code civil définit la transaction comme suit :

« La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. »

Dans cette affaire, les époux [U] ont tenté de faire valoir un protocole d’accord signé par la société SMA, mais sans leur propre signature. Le tribunal a jugé que l’absence de signature des époux ne permettait pas de reconnaître la force exécutoire de ce document.

Il a également été précisé que ce protocole ne pouvait pas être considéré comme un contrat unilatéral au sens de l’article 1103 du code civil, car il n’engageait que la société SMA.

Ainsi, le tribunal a correctement conclu que le document ne pouvait pas avoir l’effet d’un protocole transactionnel et a débouté les époux [U] de leur demande.

Quelles sont les conséquences des dépens et des frais de procédure dans cette affaire ?

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, les dépens sont à la charge de la partie qui succombe. En l’espèce, les époux [U], ayant perdu leur procès, sont condamnés aux dépens de première instance et d’appel.

L’article 700 du même code stipule que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le tribunal a décidé de condamner les époux [U] à verser une indemnité de 2 000 euros aux sociétés Alpha etud et MAF, ainsi qu’à la société SMA, pour couvrir les frais non compris dans les dépens.

Ces décisions sont justifiées par les circonstances de l’espèce et visent à compenser les frais engagés par les parties en raison de la procédure.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

Ch civ. 1-4 construction

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JANVIER 2025

N° RG 21/05673

N° Portalis DBV3-V-B7F-UXN2

AFFAIRE :

Compagnie d’assurance MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS,

S.A.R.L. ALPHA ETUD

C/

[N] [U],

[I] [T] épouse [U],

S.A. SMA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Janvier 2020 par le Tribunal judiciaire de VERSAILLES

N° RG : 17/04778

Expéditions exécutoires, Copies certifiées conforme délivrées le :

à :

Me Sophie POULAIN,

Me Thierry VOITELLIER

Me Stéphanie TERIITEHAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANTES

Compagnie d’assurance MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Sophie POULAIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180

Plaidant : Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1912

S.A.R.L. ALPHA ETUD représentée par son liquidateur amiable Monsieur [W] [G]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentant : Me Sophie POULAIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180

Plaidant : Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1912

****************

INTIMES

Monsieur [N] [U]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52

Madame [I] [T] épouse [U]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52

S.A. SMA

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619

Plaidant : Me Bruno PHILIPPON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0055

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et Madame Séverine ROMI, Conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [N] [U] et Mme [I] [T] épouse [U] (ci-après M. et Mme [U] ou les époux [U]) ont confié à la société Alpha etud, assurée par la société MAF, une mission de maîtrise d »uvre afin de procéder à la rénovation complète de leur appartement situé au [Adresse 3] à [Localité 10] (78).

La société ACRD, assurée par la société SMA venant aux droits de la société Sagena, a été retenue pour réaliser les lots de gros ‘uvre, menuiserie, plâtrerie et carrelage selon ordre de service en date du 1er octobre 2010.

Se plaignant de fissures sur les joints de carrelage, M. et Mme [U] ont déclaré un sinistre à leur assureur, la société MAIF, le 4 décembre 2013, lequel a mandaté son expert technique, le cabinet [M], qui a rendu différents rapports.

La société ACRD a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire le 17 décembre 2014, qui a été clôturée pour insuffisance d’actif le 9 février 2016.

Faute de solution amiable, par acte du 7 juillet 2017, M. et Mme [U] ont fait assigner la société SMABTP, venant aux droits de la société Sagena, en qualité d’assureur de la société ACRD, les sociétés Alpha etud et MAF, aux fins d’indemnisation.

Par jugement contradictoire du 21 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a :

– reçu l’intervention volontaire de la société SMA,

– mis hors de cause la société SMABTP,

– débouté les époux [U] de leurs demandes tendant à faire reconnaître la force exécutoire d’un protocole transactionnel à l’encontre de la société SMA,

– condamné les sociétés Alpha etud, MAF et SMA in solidum à payer aux époux [U] les sommes de 25 140,43 euros TTC au titre du préjudice matériel, 1 800 euros au titre des frais de relogement et 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance, le tout avec intérêts de droit à compter du jugement, avec capitalisation de ceux-ci,

– débouté la société SMA de sa demande de compensation,

– condamné la société SMA à payer aux époux [U] une somme de 1 000 euros pour procédure abusive,

– condamné les sociétés Alpha etud, MAF et SMA in solidum à payer aux époux [U] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens,

– condamné les sociétés Alpha etud et MAF in solidum à garantir les condamnations de la société SMA à hauteur de 40 %, à l’exception de sa condamnation pour procédure abusive,

– condamné la société SMA à garantir les condamnations des sociétés Alpha etud et MAF à hauteur de 60 %,

– ordonné l’exécution provisoire.

Le tribunal n’a pas reconnu la force exécutoire du protocole transactionnel en raison de l’absence de signature des époux [U] valant manifestation de leur accord, il a considéré qu’il ne s’agissait pas d’un contrat unilatéral par lequel la société SMA s’engageait seule, sans contrepartie, à indemniser une partie de la reprise des désordres.

Le tribunal a jugé, que, conformément aux constatations des rapports d’expertise amiables rendus entre 2014 et 2016, la généralisation des dégradations et effritements des joints de carrelage dans l’entrée et le salon de l’immeuble, des décollements du carrelage et le caractère évolutif de ces désordres, rendaient l’ouvrage impropre à sa destination.

Il a retenu la réception tacite des travaux, les époux [U] les ayant reçus sans équivoque au plus tard le 15 avril 2011 sans réserve relative aux désordres litigieux.

Le tribunal a retenu la garantie décennale compte-tenu de la nature des désordres apparus dans le délai de dix ans suivant la réception tacite de l’ouvrage.

C’est ainsi qu’il a condamné in solidum les sociétés Alpha etud, MAF et SMA, ces deux dernières en leur qualité d’assureur décennal, à réparer le préjudice subi par les époux [U], soit le préjudice matériel, les frais de relogement pendant 4 semaines et le préjudice de jouissance.

Le tribunal a rejeté la demande de compensation de la société SMA dès lors qu’elle n’était pas créancière du solde de la facture de la société ACRD d’un montant de 14 048 euros.

S’agissant des appels en garantie, le tribunal a fixé à 60 % la part de responsabilité des désordres pour la société ACRD, à la charge de la société SMA son assureur décennal, et 40 % pour l’architecte, condamné avec son assureur la société MAF.

Par déclaration du 9 mars 2020, les sociétés MAF et Alpha etud ont interjeté appel de ce jugement.

L’affaire a été radiée le 15 juin 2021, en application de l’article 526 du code de procédure civile à la requête des époux [U] pour défaut d’exécution du jugement par la partie adverse, puis réinscrite le 13 septembre 2021.

Elle a fait l’objet d’une première ordonnance de clôture le 7 mars 2023 pour plaidoirie au 23 octobre 2023.

Une semaine avant l’audience, par courrier remis le 16 octobre 2023, l’avocat de la société Alpha etud a informé la cour que sa cliente était en liquidation amiable, sans radiation, joignant pour preuve un extrait Kbis.

Or, ses dernières conclusions remises le 4 octobre 2021 portaient la mention, « société Alpha etud immatriculée au RCS de Créteil sous le n° 387.652.449 ayant son siège [Adresse 1] agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège », ce qui ne reflétait plus la réalité puisque la mention « société en liquidation » et le nom du liquidateur n’y figuraient pas. Cependant, cette irrecevabilité n’avait pas été débattue par les parties.

La cour a ainsi, le 8 janvier 2024, ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture et le renvoi de l’affaire à la mise en état pour qu’il soit conclu par les parties sur ce point, réservant les demandes et les dépens.

Aux termes de leurs conclusions n°6, remises au greffe le 10 janvier 2024 (14 pages), les sociétés MAF et Alpha etud, cette dernière en liquidation et représentée par son liquidateur amiable M. [W] [G], demandent à la cour :

– de les déclarer recevables,

– d’infirmer le jugement en ce qu’il les a condamnées à garantir la société SMA à hauteur de 40 % et en ce qu’il n’a condamné la société SMA à ne les garantir des condamnations prononcées contre elles, qu’à hauteur de 60 %,

– de dire et juger que la société SMA a reconnu que ses garanties devaient trouver application en signant le protocole et que la société SMA a reconnu devoir prendre en charge la responsabilité de son assurée à hauteur de 80 %,

– de condamner la société SMA à les garantir intégralement de toutes les condamnations en principal accessoires, article 700 code de procédure civile et dépens, prononcées à leur encontre par le jugement et plus généralement de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées par la cour,

– subsidiairement, de condamner la société SMA à les garantir à hauteur de 80 % de toutes les condamnations en principal accessoires, article 700 du code de procédure civile et dépens prononcés à leur encontre par le jugement et plus généralement de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées par la cour,

– de confirmer le jugement en que la société SMA a été seule condamnée à payer une indemnité d’un montant de 1 000 euros aux époux [U],

– de débouter la société SMA et tous autres de leurs demandes formées à leur encontre,

– de débouter les époux [U] de leur demande d’infirmation du jugement concernant les intérêts,

– de débouter les époux [U] de leur demande formée à leur encontre au titre de l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la société SMA et tout succombant à payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la société SMA et tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Poulain.

Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 27 février 2024 (12 pages), la société SMA forme appel incident et demande à la cour :

– de déclarer irrecevables les conclusions de la société Alpha etud et de son liquidateur amiable régularisées les 4 octobre 2021 et 10 janvier 2024,

– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et la décharger de toute condamnation et par la même déclarer mal fondées les sociétés Alpha etud et MAF en leur appel principal, ses garanties n’étant pas mobilisables car les griefs ne correspondent pas à des désordres avérés après réception de nature décennale,

– subsidiairement, d’ordonner la compensation entre le solde du marché soit la somme de 14 048 euros non versée à son entreprise sociétaire et les sommes qui pourraient être accordées aux époux [U], à défaut de quoi, il y aurait enrichissement sans cause,

– de débouter les époux [U] de leur demande au titre du préjudice lié à une résistance abusive,

– encore plus subsidiairement, de condamner la société Alpha etud et son assureur à la garantir de toute condamnation à son encontre,

– de l’autoriser à opposer les limites du contrat et en particulier, la franchise, s’agissant des préjudices immatériels relevant de garantie facultative,

– de condamner les sociétés Alpha etud et MAF ou tout défaillant à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens qui seront recouvrés par Me Teriitehau, avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs premières conclusions remises le 11 septembre 2020, M. et Mme [U] forment appel incident et demandent à la cour de :

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il a dit que les intérêts au taux légal courront à compter de son prononcé, les condamnations prononcées devant porter intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2017, date de l’assignation,

– condamner in solidum les sociétés Alpha etud, MAF et SMA à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en sus des dépens avec recouvrement direct de leur avocat,

– à titre subsidiaire, constater que l’ouvrage a fait l’objet d’une réception tacite le 15 avril 2011, sans réserve et que les désordres affectant leur carrelage sont de nature décennale,

– à ce titre, condamner in solidum les sociétés Alpha etud et MAF à leur payer la somme de 26 940,43 euros TTC au titre des travaux de reprise sur le fondement de l’article 1792 du code civil,

– condamner in solidum les sociétés Alpha etud et MAF à leur payer la somme de 2 000 euros TTC en indemnisation du trouble de jouissance sur le même fondement, le tout avec intérêts, capitalisés à compter de la date de signification des conclusions, au taux légal à compter du 7 juillet 2017, date de l’assignation,

– à titre infiniment subsidiaire, dire qu’ils ont conclu un protocole d’accord transactionnel avec la société SMA et la condamner à leur payer une somme de 21 552,34 euros en exécution de ce protocole.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 2 juillet 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 18 novembre 2024. Elle a été mise en délibéré au 20 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des conclusions de la société Etud

La société SMA demande de déclarer irrecevables les conclusions de la société Alpha etud et de son liquidateur amiable régularisées les 4 octobre 2021 et 10 janvier 2024.

Elle rappelle qu’après la remise des premières conclusions le 4 octobre 2021, la société Alpha etud a décidé, le 15 novembre 2022, de mettre en ‘uvre une procédure de liquidation amiable qui a été publiée au BODACC les 25 et 26 mars 2023.

Or, à la date de la première clôture de l’instruction, la société Alpha etud avait connaissance de sa dissolution amiable alors qu’elle-même n’a pas pu l’apprendre puisque la publicité est postérieure.

La société SMA soutient ainsi que la société Alpha etud n’a pas régularisé de conclusions pour tenir compte de sa situation et qu’elle n’a, de ce fait, pas comparu de façon régulière.

Cependant, les conclusions du 4 octobre 2021 ont été déposées par la société Alpha etud alors in bonis, elles sont ainsi recevables.

De plus, après la réouverture des débats, le 10 janvier 2024, sur demande de la cour, la société Alpha etud a déposé de nouvelles conclusions dans lesquelles il est fait mention de sa liquidation amiable et de l’intervention de son liquidateur amiable qui la représente dorénavant.

La recevabilité des conclusions de la société Alpha etud remises les 4 octobre 2021 et 10 janvier 2024 n’est pas contestable.

Sur les désordres, les responsabilités et leur indemnisation

Les époux [U] fondent leurs demandes exclusivement sur l’article 1792 du code civil qui prévoit que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Il est désormais admis que les désordres affectant un élément d’équipement adjoint à l’existant et même s’ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination ne relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs que lorsqu’ils trouvent leur siège dans un élément d’équipement au sens de l’article 1792-3 du code civil, c’est-à-dire un élément destiné à fonctionner. Les désordres, quel que soit leur degré de gravité, affectant un élément non destiné à fonctionner, adjoint à l’existant, relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur ou réputé constructeur.

En l’espèce, dans le rapport d’expertise non judiciaire du cabinet [M], que les parties ne remettent pas en cause quant à la constatation des désordres, il est relevé des dégradations et un effritement des joints de carrelage dans les zones de l’entrée et du séjour et des décollements de carrelage.

Ce sont ces désordres dont les époux [U] sollicitent la réparation.

Toutefois, comme il a été rappelé, les désordres affectant un carrelage adjoint à l’existant ne ressortent pas de la garantie décennale mais de la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur ou du maître d »uvre, le cas échéant, puisque cet élément n’est pas destiné à fonctionner.

Or les époux [U] n’ont invoqué aucun autre fondement à leurs demandes que décennal.

Il convient donc de les débouter de l’ensemble de leurs demandes.

En conséquence, le jugement est infirmé quant aux demandes de condamnations formées par les époux [U] envers les autres parties, incluant celle au titre de la procédure abusive.

Sur la force exécutoire de l’acte dénommé « protocole transactionnel »

Selon l’article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties par des concessions réciproques terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.

En l’espèce, les époux [U] forment une demande subsidiaire réclamant la condamnation de la société SMA à leur payer une somme de 21 552,34 euros en exécution du protocole d’accord signé le 25 juillet 2016.

Ils demandent ainsi de constater qu’ils ont conclu un protocole d’accord transactionnel avec la société SMA.

Le maître d »uvre et son assureur soutiennent cette argumentation, réfutée par la société SMA, qui, si elle reconnaît avoir signé ce document, estime qu’un tel protocole d’accord s’il n’est pas signé par toutes les parties n’en engage aucune.

Ce protocole d’accord transactionnel, versé aux débats, devait être conclu entre les maîtres d’ouvrage, « la compagnie SMA, substituant la compagnie SAGENA, en qualité d’assureur de la société ACRD SERVICES » et les sociétés Alpha etud et MAF. Il ne comporte que la signature d’un représentant de la société « SMA SA [Localité 9] » avec le cachet « SMABTP » accompagné d’une lettre à en-tête « SMABTP – SMA SA ». Il n’est pas contesté que les entités SMABTP et SMA sont liées juridiquement et ceci ne soulève pas de difficulté.

Il ressort de l’attestation d’assurance produite que la compagnie Sagena était l’assureur de la société ACRD services. Il résulte du courrier du 26 janvier 2016 à en-tête « SMABTP ‘ SMA SA » que la société SMA est ensuite devenue l’assureur de la société ACRD services.

Nonobstant le fait que les époux [U] affirment avoir signé ce protocole, le premier juge a estimé justement que l’absence de signature de leur part manifestant leur accord à cette transaction ne permettait pas de reconnaître une force exécutoire à ce document au sens des articles 2044 et suivants du code civil.

De surcroît, il a, à bon droit, estimé que ces éléments ne caractérisaient pas non plus l’existence d’un contrat unilatéral au sens de l’article 1103 du code civil -dans sa rédaction alors applicable- c’est-à-dire un accord de la société SMA envers les époux [U] suivant lequel cette compagnie d’assurance se serait engagée à les indemniser de la reprise des désordres.

En effet, comme le soutient la société SMA, qui reconnaît qu’avant la saisine de la juridiction des discussions sont intervenues entre les parties et qu’un projet d’accord signé par elle a été établi, un tel protocole qui n’est pas signé par toutes les parties n’en engage aucune. Or seule elle l’a signé. La lettre d’accompagnement du protocole produite par les époux [U] ne pouvant suppléer l’absence de leur signature sur ce document.

Ainsi, ce document ne peut ni avoir l’effet d’un protocole transactionnel, ni engager unilatéralement la société SMA, il ne constitue que la preuve d’une tentative de résoudre amiablement le litige sans aucune valeur contractuelle. Les époux [U] sont déboutés de leur demande.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

M. et Mme [U], qui succombent, sont condamnés aux dépens de première instance et aux dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du même code.

Selon l’article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le jugement est également infirmé sur ce point, les circonstances de l’espèce justifient de condamner M. et Mme [U] à payer à une indemnité de 2 000 euros aux sociétés Alpha etud et MAF et 2 000 euros à la société SMA au titre de leurs frais exclus des dépens exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans la limite de l’appel interjeté, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

Dit les conclusions de la société Alpha etud remises les 4 octobre 2021 et 10 janvier 2024 recevables ;

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté M. [N] [U] et Mme [I] [T] épouse [U] de leurs demandes tendant à faire reconnaître la force exécutoire d’un protocole transactionnel à l’encontre de la société SMA ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [N] [U] et Mme [I] [T] épouse [U] de l’intégralité de leurs demandes de condamnations ;

Condamne M. [N] [U] et Mme [I] [T] épouse [U] à payer les entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. [N] [U] et Mme [I] [T] épouse [U] à payer aux sociétés Alpha etud et MAF une somme de 2 000 euros et à la société SMA la même somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


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