L’Essentiel : M. [X] [B], adhérent d’un contrat d’assurance groupe chez Generali vie, a été placé en arrêt de travail le 6 octobre 2020. Bien que l’assureur ait initialement versé des indemnités, les paiements ont été interrompus après l’avis d’un médecin expert. M. [X] a demandé le rapport de l’expert, reçu en juillet 2022, mais sans rétablissement des paiements. En janvier 2023, il a assigné Generali vie en justice. Le tribunal a reconnu la responsabilité de l’assureur pour le retard de paiement et a accordé à M. [X] des dommages et intérêts pour préjudice moral, ainsi que le remboursement des frais de justice.
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Contexte de l’affaireM. [X] [B] est adhérent à un contrat d’assurance groupe n°11001991 proposé par la SA Generali vie, qui couvre le risque d’incapacité temporaire de travail. Il a été placé en arrêt de travail le 6 octobre 2020 et a demandé à bénéficier de la garantie d’incapacité temporaire. Interruption des paiementsInitialement, l’assureur a respecté ses engagements en versant les indemnités. Cependant, après avoir désigné un médecin expert, Generali vie a cessé les paiements, ce qui a conduit M. [X] à demander la communication du rapport de l’expert. Ce rapport ne lui a été transmis qu’en juillet 2022, et malgré une mise en demeure en octobre 2022, l’assureur n’a pas rétabli la prise en charge. Assignation en justiceLe 13 janvier 2023, M. [X] a assigné la société Generali vie devant le tribunal judiciaire de Lille pour obtenir la reprise des paiements à compter du 19 mai 2022. Après cette assignation, l’assureur a finalement versé les indemnités dues pour la période du 19 mai au 31 décembre 2022. Demandes de M. [X]Dans ses conclusions, M. [X] a demandé au tribunal de reconnaître le manquement de Generali vie à ses obligations contractuelles, de lui accorder des dommages et intérêts pour le retard de paiement, ainsi que pour résistance abusive, et de condamner l’assureur aux dépens. Réponse de Generali vieDe son côté, Generali vie a demandé au tribunal de débouter M. [X] de toutes ses demandes et de le condamner à lui verser une somme au titre des frais de justice. Évolution du litigeLe tribunal a noté que les prestations initialement réclamées avaient été réglées, mais M. [X] a continué à se plaindre du retard et des raisons de l’interruption des paiements. L’assureur n’a pas fourni d’explications claires sur sa décision d’interrompre les versements. Responsabilité de l’assureurLe tribunal a conclu que Generali vie était responsable du retard dans le paiement des indemnités, en se basant sur les articles du code civil relatifs aux dommages et intérêts dus en cas de retard. Il a été établi que l’assureur devait payer des intérêts sur les sommes dues à M. [X]. Préjudice moralLe tribunal a également reconnu un préjudice moral pour M. [X], causé par l’interruption des paiements sans préavis et sans explication, ce qui a engendré une situation anxiogène pour lui. Une indemnisation de 4 000 euros a été accordée pour ce préjudice. Décision du tribunalLe tribunal a condamné Generali vie à verser des intérêts au taux légal, des dommages et intérêts pour préjudice moral, ainsi qu’à supporter les dépens de l’instance. Une somme de 2 000 euros a également été accordée à M. [X] au titre des frais de justice. Le jugement a été déclaré exécutoire à titre provisoire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations contractuelles de l’assureur en matière de garantie incapacité temporaire de travail ?L’assureur, en vertu des articles 1103 et 1231-1 du Code civil, est tenu de respecter les engagements pris dans le contrat d’assurance. L’article 1103 stipule que : “Les contrats doivent être exécutés de bonne foi.” Cela signifie que l’assureur doit agir avec loyauté et transparence dans l’exécution de ses obligations. De plus, l’article 1231-1 précise que : “Le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution, sauf s’il prouve que celle-ci est due à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.” Ainsi, si l’assureur interrompt les paiements sans justification valable, il peut être tenu responsable des dommages causés à l’assuré. En l’espèce, la société Générali vie a interrompu les versements sans fournir de motifs clairs, ce qui constitue un manquement à ses obligations contractuelles. Quels sont les recours possibles pour l’assuré en cas de retard de paiement des indemnités ?L’assuré peut demander des dommages et intérêts en cas de retard dans le paiement des indemnités, conformément aux articles 1231-1 et 1231-6 du Code civil. L’article 1231-1 énonce que : “Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.” Cela signifie que l’assuré a droit à des intérêts sur les sommes dues à partir du moment où il a mis l’assureur en demeure de payer. L’article 1231-6 précise également que : “Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.” Dans le cas présent, M. [X] a mis en demeure l’assureur, ce qui lui permet de réclamer des intérêts au taux légal sur les sommes dues, ainsi que des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi en raison du retard. Comment le tribunal évalue-t-il le préjudice moral dans ce type de litige ?Le tribunal évalue le préjudice moral en tenant compte de la situation de l’assuré et des circonstances entourant le litige. Dans cette affaire, le tribunal a constaté que l’assureur avait interrompu les paiements sans préavis et sans explication, ce qui a causé une anxiété significative à M. [X]. Le tribunal a noté que : “L’assureur a interrompu ses paiements d’un montant journalier élevé de 288,99 euros par jour, diminuant ainsi très fortement le revenu de M. [B] pour une durée alors indéterminée.” Cette situation a été jugée objectivement anxiogène, justifiant ainsi une réparation du préjudice moral. Le tribunal a donc condamné la société Générali vie à verser 4 000 euros à M. [X] pour ce préjudice, en se basant sur l’impact émotionnel et financier de l’interruption des paiements. Quelles sont les conséquences de l’exécution provisoire d’un jugement ?L’exécution provisoire d’un jugement permet à la décision de produire des effets immédiats, même en cas d’appel. Selon l’article 514 du Code de procédure civile : “Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.” Cela signifie que, sauf disposition contraire, le jugement peut être exécuté immédiatement. L’article 514-1 précise que : “Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.” Dans le cas présent, le tribunal a décidé que l’exécution provisoire était justifiée, permettant à M. [X] de bénéficier des sommes dues sans attendre l’issue d’un éventuel appel. Cela renforce la protection des droits de l’assuré face à l’inexécution de ses droits par l’assureur. |
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Chambre 04
N° RG 23/00417 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WX7N
JUGEMENT DU 14 JANVIER 2025
DEMANDEUR :
M. [X] [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Marine MARQUET, avocat au barreau de LILLE
DEFENDEUR :
La S.A. GENERALI VIE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Martin GRASSET, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Olivia RISPAL-CHATELLE avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Laurence RUYSSEN, Vice-Présidente
GREFFIER : Yacine BAHEDDI, Greffier
DEBATS :
Vu l’ordonnance de clôture en date du 20 Mars 2024.
A l’audience publique du 08 Novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 14 Janvier 2025.
Ghislaine CAVAILLES, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 14 Janvier 2025 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.
Ce contrat garantit notamment le risque d’incapacité temporaire de travail.
M. [X] a été placé en arrêt de travail le 6 octobre 2020 et il a demandé le bénéfice de la garantie incapacité temporaire de travail.
Dans un premier temps, l’assureur a exécuté cette garantie. Puis il a désigné un médecin expertet à la lecture de son rapport a cessé les paiements.
M. [X] a réclamé la communication du rapport de l’expert à plusieurs reprises avant de l’obtenir le 19 juillet 2022. Puis il a demandé le rétablissement de la prise en charge, en vain, malgré une mise en demeure des 13 octobre 2022.
Par acte d’huissier du 13 janvier 2023, M. [X] a fait assigner la société Générali vie devant le tribunal judiciaire de Lille afin principalement d’obtenir la poursuite de l’exécution de la garantie incapacité temporaire de travail à compter du 19 mai 2022.
Postérieurement à l’assignation, l’assureur a versé les indemnités correspondant à la période du 19 mai au 31 décembre 2022 et repris les versements mensuels.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 juin 20223, M. [X] demande au tribunal de :
Vu les articles 1103, 1231-1 et 1231-6 du code civil,
Vu l’article 515 du code de procédure civile,
– Juger que la société Générali vie a manqué à ses obligations contractuelles en interrompant le versement des prestations au titre de la garantie incapacité temporaire de travail ;
– Condamner en conséquence la société Générali vie à lui payer les sommes de :
– 490,07 euros à titre de dommages et intérêts à raison du retard dans le paiement de ses indemnités de prévoyance,
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouter la société Générali vie de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner la société Generali vie aux dépens de la présente instance ;
– Ordonner l’exécution provisoire de l’entier jugement à intervenir, nonobstant appel et sans caution.
Dans ses dernières conclusions notifiées, par voie électronique le 24 avril 2023, la société Générali vie demande au tribunal de :
Vu l’ancien article 1134 du code civil, aujourd’hui numéroté 1103,
– Débouter M. [X] de l’intégralité de ses demandes ;
– Le condamner à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Le condamner aux entiers dépens.
Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens.
Le litige a évolué en cours d’instance puisque les prestations contractuelles initialement réclamées ont été réglées en janvier 2023 pour l’arriéré puis mensuellement à compter de cette date. M. [B], dans le dernier état de ses conclusions se plaint du retard de l’assureur à exécuter la garantie et des motifs de ce retard.
Sur la responsabilité de l’assureur :
Selon les articles 1231-1 et 1231-6 du code civil :
“Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.”
“ Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.”
La société Générali vie qui conclut au bien fondé de sa décision d’interrompre les versements à compter du 18 mai 2022, face à la réclamation particulièrement circonstanciée de M. [B], se garde d’indiquer pourquoi elle a accepté de les reprendre.
Le tribunal ne parvient pour sa part pas à le déduire de la lecture combinée :
– de la notice d’information du contrat (PC défendeur 1) et plus particulièrement de la définition de l’incapacité temporaire (page 7), des conditions de cessation du versement de l’indemnité pour incapacité temporaire de travail (page 14) et des conditions de contrôle et expertise médicale (page 15),
– des conclusions, particulièrement brèves et peu explicites, du médecin désigné par l’assureur (PC demandeur 7) et totalement dépourvues d’analyse des éléments médicaux réunis ou constatés par lui-même, mais qui en tous cas n’indiquent pas que l’état de santé de M. [B] correspondait à la définition contractuelle de l’incapacité temporaire totale de travail du 6 octobre 2020 au 18 mai 2022,
– des courriers énigmatiques de l’assureur afférents à son refus de poursuivre l’indemnisation postérieurement au 18 mai 2022 (PC demandeur 3 et 10).
Dans ces conditions, il convient d’en conclure que l’assureur était obligé de payer et que, pour la période du 19 mai 2022 au 31 décembre 2022, il l’a fait avec retard le 23 janvier 2023, dix jours après la délivrance de l’assignation.
Concernant les intérêts au taux légal, M. [B] a mis l’assureur en demeure de reprendre les paiements interrompus par courrier recommandé réceptionné le 24 octobre 2022 (PC demandeur 13) . Il était alors dû la somme de 39 013,65 euros.
Puis, M. [B] a assigné le 13 décembre 2022 pour un montant de 65 600,73 euros.
L’envoi d’une mise en demeure ne fait pas courir les intérêts sur les sommes mensuellement exigibles postérieurement à sa réception à leur échéance.
Dès lors, la société Générali vie doit être condamnée à payer les intérêts au taux légal :
– sur la somme de 39 013,65 euros du 24 octobre 2022 au 22 janvier 2023,
– sur la somme de 26 587,08 euros du 13 janvier 2023 au 22 janvier 2023.
Concernant le préjudice moral, alors que les réclamations de M. [B] étaient très claires, la société Générali vie a interrompu les paiements sans préavis et sans donner d’information compréhensible sur les motifs de cette interruption puisque se référant à une date de consolidation qui n’est pas stipulée dans le contrat puis à la clause de contrôle et d’expertise alors que M. [B] s’est soumis au contrôle et n’a jamais contesté les conclusions de l’expert mais seulement la décision prise par l’assureur à la suite de ce rapport.
L’assureur a interrompu ses paiements d’un montant journalier élevé de 288,99 euros par jour comparativement aux indemnités journalières maintenues par la sécurité sociale d’un montant de 45,55 euros par jour (PC demandeur 14), diminuant ainsi très fortement le revenu de M. [B] pour une durée alors indéterminée, ce qui est une situation objectivement anxiogène qui a perduré durant 7 mois et demi et qui n’a pas pu manquer de causer un préjudice moral substantiel pour M. [B] qui souffre notamment d’anxiété.
Ce préjudice moral mérite réparation à hauteur de 4 000 euros et la société Générali vie sera condamnée à payer cette somme à M. [B].
Sur l’exécution provisoire :
Selon les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile :
“ Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
“ Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée. […]”
Aucune des parties ne demande qu’il soit dérogé au principe et le tribunal n’envisage pas de le faire d’office sans qu’il soit nécessaire d’ordonner l’exécution provisoire.
Sur les dépens et les frais de l’article 700 du code de procédure civile :
Les articles 696 et 700 du code de procédure civile prévoient que :
“La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.”
“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; […]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. […]”
La société Générali vie, qui succombe, sera condamnée à supporter les dépens de l’instance ; l’équité commande de la condamner également à payer à M. [X] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal,
Condamne la société Générali vie à payer à M. [X] [B] les intérêts au taux légal :
– sur la somme de 39 013,65 euros du 24 octobre 2022 au 22 janvier 2023,
– sur la somme de 26 587,08 euros du 13 janvier 2023 au 22 janvier 2023 ;
Condamne la société Générali vie à payer à M. [X] [B] la somme de 4 000 euros de dommages et intérêts réparant son préjudice moral ;
Condamne la société Générali vie à supporter les dépens de l’instance ;
Condamne la société Générali vie à payer à M. [X] [B] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit n’y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que le jugement est de droit exécutoire à titre provisoire ;
Le Greffier, La Présidente,
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