Responsabilité et recouvrement des créances dans le cadre d’une liquidation judiciaire

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Responsabilité et recouvrement des créances dans le cadre d’une liquidation judiciaire

L’Essentiel : M. [K] [W] a été nommé gérant unique de la SARL Sub [Localité 6] en février 2013. La société, spécialisée dans la sandwicherie, a connu des difficultés financières, entraînant une liquidation judiciaire en février 2016. M. [W] a été condamné à rembourser des sommes dues, mais a ensuite tenté de faire reconnaître une créance au passif de la liquidation. Après avoir créé une nouvelle société, il a fait face à des saisies de rémunérations. En 2023, il a demandé des délais de paiement, mais sa requête a été rejetée, et la cour d’appel a confirmé cette décision.

Nomination de M. [K] [W] et situation de la société

M. [K] [W] a été nommé gérant unique de la société SARL Sub [Localité 6] lors de l’assemblée générale du 22 février 2013. À cette date, le capital de la société était détenu à 49% par M. [W] et à 51% par sa compagne, Mme [D] [R]. La société exploitait un commerce de sandwicherie sous la marque Subway.

Procédure de liquidation judiciaire

Le 25 février 2016, le tribunal commercial de Sedan a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Sub [Localité 6]. La SELARL [U] [M], représentée par Maître [U] [M], a été désignée comme mandataire judiciaire.

Assignation et condamnation de M. [W]

Le 27 octobre 2016, la SELARL [U] [M] a assigné M. [W] en référé, demandant le remboursement d’un capital social non libéré de 2.940,00 € et d’une somme de 40.000,00 € retirée des comptes de la société. Par ordonnance du 19 janvier 2017, M. [W] a été condamné à payer 42.940,00 € avec intérêts. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Reims le 7 novembre 2017, et est devenue définitive.

Demande de créance par M. [W]

Le 23 février 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société, incluant des rappels de salaire et des indemnités. Le 11 septembre 2020, le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent, condamnant M. [W] à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Création d’une nouvelle société

Après la liquidation, M. [W] a travaillé pour une nouvelle société, ‘Sub [Localité 6] Nouvel’, créée le 2 mars 2016. En mai 2018, le mandataire judiciaire a engagé une procédure de saisie des rémunérations de M. [W] dans cette nouvelle société.

Commandements de payer

Le 17 janvier 2023, la SELARL [U] [M] a délivré deux commandements de payer à M. [W] pour le remboursement des sommes dues, totalisant 47.880,24 € et 1.863,68 €.

Demande de délais de paiement par M. [W]

Le 15 février 2023, M. [W] a assigné la SELARL [U] [M] pour demander des délais de paiement. Le 25 mars 2024, le juge de l’exécution a rejeté sa demande, validé les commandements de payer et condamné M. [W] aux dépens.

Appel de M. [W]

M. [W] a interjeté appel de la décision du juge de l’exécution, demandant l’infirmation du jugement et contestant la créance. Il a également soulevé des questions de prescription et de validité de la créance.

Réponse de la SELARL [U] [M]

La SELARL [U] [M] a demandé la confirmation de la décision du juge de l’exécution, arguant que les créances étaient valides et que M. [W] avait agi de mauvaise foi en ne réglant pas ses dettes.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a confirmé la décision du juge de l’exécution, déclarant irrecevable la demande de sursis à statuer et rejetant les demandes de M. [W] concernant la créance et les délais de paiement. M. [W] a été condamné aux dépens et à payer des frais irrépétibles à la SELARL [U] [M].

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature des créances en litige et leur validité ?

Les créances en litige concernent principalement deux décisions judiciaires : l’ordonnance de référé du 19 janvier 2017 et le jugement du 11 septembre 2020.

L’article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que :

« L’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long. »

Ainsi, les créances fixées par l’ordonnance de référé et le jugement du conseil de prud’hommes sont considérées comme liquides, certaines et exigibles.

De plus, l’article R. 121-1 du même code précise que le juge de l’exécution ne peut être saisi de difficultés relatives à un titre exécutoire qu’à l’occasion de contestations portant sur les mesures d’exécution forcée engagées sur le fondement de ce titre.

En l’espèce, M. [W] conteste la validité de la créance de 40.000 € en arguant qu’il s’agissait d’un remboursement de son compte créditeur d’associé. Cependant, cette interprétation n’a pas été retenue par les décisions antérieures, qui sont définitives et exécutoires.

Ainsi, le juge de l’exécution ne pouvait pas considérer que les commandements de payer délivrés sur ces fondements n’étaient pas valables.

Quelles sont les conséquences de la prescription sur les créances ?

La question de la prescription des créances est régie par l’article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution, qui établit que l’exécution des titres exécutoires peut être poursuivie pendant dix ans.

Cet article précise que :

« Le délai mentionné à l’article 2232 du code civil n’est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa. »

Dans le cas présent, les créances fixées par l’ordonnance de référé du 19 janvier 2017 et par le jugement du 11 septembre 2020 n’ont pas fait l’objet d’une prescription, car elles ont été exécutées dans le délai légal.

M. [W] soutient que le commandement aux fins de saisie a été délivré plus de cinq ans après le prononcé de l’arrêt du 7 novembre 2017, mais cela ne s’applique pas ici, car le délai de prescription est de dix ans.

Ainsi, la cour a confirmé que l’exécution des créances n’est pas prescrite, et la décision déférée a été maintenue sur ce point.

Quels sont les critères pour accorder des délais de paiement ?

L’article 1343-5 du Code civil stipule que :

« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. »

Cet article précise également que :

« La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. »

Dans le cas de M. [W], le juge a refusé d’accorder des délais de paiement, car il n’a pas effectué de paiement depuis plus de six ans et n’a pas proposé de plan de remboursement clair.

De plus, le juge a noté que M. [W] a multiplié les recours dilatoires, ce qui a retardé l’exécution de ses obligations.

Ainsi, la cour a considéré que le refus des délais de paiement était justifié, et la décision déférée a été confirmée sur ce point.

Quelles sont les implications des frais irrépétibles de procédure ?

Les frais irrépétibles de procédure sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile, qui dispose que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens et, sauf considération d’équité, la partie tenue aux dépens doit supporter les frais irrépétibles de procédure exposés par l’autre partie. »

Dans cette affaire, M. [W] a été condamné à payer des frais irrépétibles à la SELARL [U] [M] en raison de sa perte en appel.

La cour a jugé que M. [W] devait indemniser la partie adverse pour les frais engagés dans le cadre de la procédure, ce qui est conforme à la jurisprudence constante.

Ainsi, M. [W] a été condamné à payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ce qui souligne l’importance de la responsabilité financière des parties dans le cadre des litiges judiciaires.

ARRÊT N°

du 14 janvier 2025

(B. D.)

N° RG 24/01042

N° Portalis

DBVQ-V-B7I-FQMC

M. [W]

C/

SELARL [U] [M]

Formule exécutoire + CCC

le 14 janvier 2025

à :

– Me Stephane Rasquin

– Me Sandy Harant

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE

CONTENTIEUX DE L’EXÉCUTION

ARRÊT DU 14 JANVIER 2025

Appelant :

d’un jugement rendu par le Juge de l’exécution de Charleville-Mézières le 25 mars 2024

M. [K] [W]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparant, concluant par Me Stéphane Rasquin, avocat au barreau des Ardennes

Intimé :

SELARL [U] [M], agissant en sa qualité de Mandataire Judiciaire à la Liquidation Judiciaire de la SARL Sub [Localité 6],

(fonctions auxquelles elle a été nommée selon jugement du Tribunal de Commerce de Sedan du 25/02/2016, prise en la personne de son associé, Me [U] [M], spécialement désigné en son sein aux fins de conduire ladite mission)

[Adresse 4]

[Localité 5]

Comparant, concluant par Me Sandy Harant, avocat au barreau de Reims

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 janvier 2025, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l’article 805 du code de procédure civile, M. Bertrand Duez, Président de chambre, a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Bertrand Duez, Président de chambre

Madame Christel Magnard, Conseiller

Madame Claire Herlet, Conseiller

GREFFIER lors des débats et du prononcé

Mme Sophie Balestre, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour le 14 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par M. Bertrand Duez, Président de chambre, et Mme Sophie Balestre, Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

1/ Par assemblée générale du 22/02/2013, M. [K] [W] a été nommé gérant unique de la société SARL Sub [Localité 6], exploitant un commerce de sandwicherie restauration rapide sous la marque Subway, [Adresse 3] à [Localité 6].

A compter de cette date le capital de la société Sub [Localité 6] était détenu par :

M. [W] à hauteur de 49%

Mme [D] [R] sa compagne à hauteur de 51 %

2/ Par jugement rendu le 25 février 2016, le tribunal commercial de Sedan ouvrait une procédure de liquidation judiciaire directe à l’égard de la société Sub [Localité 6].

La SELARL [U] [M], prise en la personne de Maître [U] [M], a été désignée en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire.

3-1/ Le 27 octobre 2016, la SELARL [U] [M] a fait délivrer assignation à M. [W] d’avoir à comparaître en référé devant Monsieur le président du tribunal de commerce de Sedan, sollicitant sa condamnation d’avoir à lui rembourser le capital social non libéré pour 2.940,00€ ainsi qu’une somme de 40.000,00 € retirée des comptes de la société au profit personnel de M. [W].

3-2/ Par ordonnance de référé rendu le 19 janvier 2017, Monsieur le président du tribunal de commerce de Sedan a condamné M. [W] à régler la somme de 42.940,00 € augmentée des intérêts au taux légal à dater du 27 octobre 2016.

3-3/ Par un arrêt rendu le 7 novembre 2017, la cour d’appel de Reims a confirmé l’ordonnance rendue le 19 janvier 2017, condamné M. [W] aux dépens et à payer la somme de 1.000€ au titre des frais irrépétibles de procédure. A défaut de pourvoi cette décision est à ce jour définitive.

Aucune somme n’a été réglée depuis cette époque.

4-1/ Le 23 février 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Charleville Mézières, invoquant sa qualité de salarié de la société Sub [Localité 6], afin de solliciter la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Sub [Localité 6], avec la garantie des AGS, pour les sommes suivantes :

– Rappel de salaire du 23 février 2015 au 25 février 2016 pour un montant de 38.052,00€

– Congés payés y afférent pour un montant de 3.805,20 €

– Rappel d’heures supplémentaires pour un montant de 3.640,00€

– Congés payés sur heures supplémentaires : 364,00€

– Dommages et intérêts pour licenciement abusif pour un montant de 19.026,00€

– Indemnité de préavis pour un montant de 6.342,00 €

– Indemnité légale de licenciement pour un montant de 1.101,04 €

4-2/ Par jugement rendu le 11 septembre 2020, conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Sedan, condamnant M. [W] à payer une somme de 1.000 € à Me [M] es qualité à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, les dépens ainsi que 500€ au titre des frais irrépétibles de procédure à chacun des défendeurs (Me [M] es qualité et l’AGS CGEA)

4-3/ M. [W] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 30 juin 2021, statuant sur déféré, la cour d’appel de Reims a déclaré l’appel de M. [W] caduc pour non-respect des dispositions de l’article 941 du code de procédure civile.

A défaut de pourvoi cette décision est à ce jour définitive.

5-1/ Parallèlement à ces procédures M. [W] travaillait au sein d’une nouvelle société dénommée ‘Sub [Localité 6] Nouvel’ et créée le 2 mars 2016 à la suite de la liquidation judiciaire de la société Sub [Localité 6].

La nouvelle société était dirigée par le gendre de M. [W].

5-2/ Le 16 mai 2018 Me [M] es qualité de mandataire judiciaire de la société Sub [Localité 6] engageait une procédure de saisie des rémunérations de M. [W] dans la nouvelle société Sub [Localité 6] Nouvel.

5-3/ Cette procédure a donné lieu à une contrainte du tiers saisi (société Sub [Localité 6] Nouvel) dont l’opposition a été déclarée caduque par le tribunal de proximité de Sedan le 10 novembre 2021.

6/ Par actes de commissaires de justice en date du 17 janvier 2023, la SELARL [U] [M], prise en la personne de Me [U] [M] en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL Sub [Localité 6] faisait délivrer deux commandements de payer aux fins de saisie vente :

1- En exécution de l’ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Sedan du 19/01/2027 et de l’arrêt de la cour d’appel de Reims du 07/11/2017, pour obtenir le paiement des sommes suivantes :

Principal dû : 42.940,00 €

Intérêts acquis : 2.305,90 €

2.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile de l’ordonnance de référé du 19 janvier 2017 et de l’arrêt du 7 novembre 2017

547,02 € au titre des frais d’exécution

27,41 € au titre des frais de commandement

2- En exécution du jugement rendu le 11 septembre 2020 par le conseil de Prud’hommes de Charleville Mézières confirmé par l’arrêt rendu le 30 juin 2021 par la cour d’appel de Reims, pour obtenir le paiement des sommes suivantes :

Principal dû : 1000,00€

500,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

267,40 € au titre des frais d’exécution

36,37 € au titre de l’émolument proportionnel

59,91 au titre des frais de commandement

7-1/ Par acte extrajudiciaire en date du 15 février 2023, Monsieur [K] [W] a fait assigner la SELARL [U] [M], prise en la personne de Me [U] [M] en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL Sub [Localité 6] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Charleville Mézières, aux fins de dire et juger qu’il est recevable et bien fondé à ester en justice, et demander de prononcer des délais de paiement avec des échéances de 200,00€ par mois sur le principal en priorité sur le fondement de l’article 1345-5 du Code Civil, de réserver les dépens et d’assortir le jugement à intervenir de l’exécution provisoire.

7-2/ Par jugement du 25 mars 2024, dont appel, le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Charleville Mézières a :

Rejeté la demande de sursis à statuer.

Rejeté la demande d’une question préjudicielle.

Validé les deux commandements aux fins de saisie vente délivrés par la SELARL [U] [M], prise en la personne de Monsieur [U] [M] en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL Sub [Localité 6] à Monsieur [K] [W] le 17 janvier 2023 pour les sommes de 47.880,24 et 1.863,68 €.

Rejeté la demande de délais de paiement.

Condamné monsieur [K] [W] aux dépens et à payer à la SELARL [U] [M], prise en la personne de Monsieur [U] [M] en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL Sub [Localité 6] la somme de 4.000,00€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

7-3/ Les motifs décisoires ont retenu que :

Concernant la demande de sursis à statuer : ‘il est constant que le juge de l’exécution peut ordonner le sursis à statuer s’il considère qu’une bonne administration de la justice justifie d’attendre la survenance d’un événement pour statuer sur la difficulté d’exécution forcée qui lui est soumise.

Le juge de l’exécution a observé que  » Monsieur [K] [W] se borne à indiquer qu’il entend déposer une citation en vue d’un recours en révision devant la cour d’appel de Reims de son arrêt de confirmation rendu le 07 novembre 2017 alors même qu’il n’est justifié d’aucun enrôlement de la citation près la cour d’appel.

Par ailleurs, Monsieur [W] avançait l’argument selon lequel il manquait des pièces qui fonderaient son recours en révision et qui seraient en possession de son précédent conseil, toutefois, il a échoué à apporter une justification d’une quelconque demande de communication des pièces.’

Concernant la question préjudicielle : ‘ l’article 267 du traité de fonctionnement de l’union européenne stipule que lorsqu’une question préjudicielle est soulevée devant une juridiction d’un des états membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer. En première instance il a été jugé que monsieur [W] n’avait pas précisé sur quel texte il fondait sa demande qui n’était pas claire et pose une difficulté sérieuse d’interprétation au regard du droit de l’Union Européenne’.

Concernant l’absence de cause des commandements de payer aux fins de saisie vente : ‘ l’article L.211-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévues par le code du travail.

L’article 221-1 précise que le commandement de payer contient à peine de nullité :

– Un commandement d’avoir à payer la dette dans un délai de 8 jours, faute de quoi il peut y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles

– Un décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts.

Concernant la demande délais de paiement formulée par Monsieur [W], le juge de l’exécution en première instance a relevé que : ‘Monsieur [W] ne formulait aucune proposition de règlement précise, se contentant de demander des échéances de 200,00€ par mois sans préciser le délai ni comment à l’issue du délai il pourrait envisager plus sereinement le paiement de ses dettes. De plus, il a été relevé que monsieur [W] n’a effectué aucun début de paiement depuis plus de 6 ans. Monsieur [W] a donc été débouté de sa demande de délais de paiement.’

8/ Monsieur [W] a interjeté appel de la décision rendue par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Charleville Mézières le 29 juin 2024 en toutes ses dispositions.

Dans ses conclusions signifiées et déposées au greffe de la cour le 26 août 2024, il sollicite :

A titre principal,

– INFIRMER le jugement du Juge de l’Exécution

– DIRE ET JUGER que la créance principale et initiale n’existe tout simplement pas et n’est tout simplement ni causée, ni prouvée par ailleurs.

Ce Faisant :

– Condamner l’intimé à la somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile ;

– Condamner la partie intimée aux dépens,

A titre subsidiaire

– ORDONNER le sursis à statuer sur l’effet des commandements aux fins de saisie vente;

Si par extraordinaire la juridiction estimait ne pas pouvoir surseoir à statuer en l’attente d’une décision aura la possibilité, de poser une question préjudicielle conformément aux dispositions des articles 267 et suivants du TFUE.

A titre infiniment subsidiaire

– Dire et juger que compte tenu de la situation financière du débiteur, la juridiction prononcera des termes et délais au visa de l’article 1343-5 du Code Civil

– Autoriser le débiteur à régler par échéances de 200 € par mois sur le principal en priorité et ce sur compte séquestre au besoin.

En tout état de cause, et si par extraordinaire, la Cour estimait devoir confirmer la décision querellée, ramener la condamnation sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile à de plus justes et équitables proportions, voire à un euro à titre symbolique.

Laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Au soutien de son appel, monsieur [W] revient sur la motivation de l’arrêt de la cour d’appel de Reims du 07/11/2017 qui jugeait  » qu’en l’absence de toute pièce probante sur un compte d’associé créditeur, c’est à juste titre que l’obligation de M. [W] de rembourser la somme de 40 000.00 € retirée sans aucune contrepartie apparente n’était pas sérieusement contestable  »

A ce titre, il rappelle que la créance principale de 40 000 € s’est fondée sur le jugement du Tribunal de Commerce du 19 janvier 2017 alors même qu’il n’avait pas eu la possibilité de communiquer les pièces qu’il produit aujourd’hui à savoir :

Extrait du compte bancaire de la co-associée et compagne Mme [R]

– Crédit au compte de la société de la somme de 20.000,00 €

– Justificatif de la somme de 16.000,00 € chèque n°202728

– Justificatif de la somme de 4.000,00 € chèque n°2027282

Monsieur [W] soutient qu’il est donc en mesure de justifier des retraits de 40.000,00 €. Il estime qu’il ne s’agissait en réalité que de reprendre son apport sur le compte courant de la société.

Par ailleurs, Monsieur [W] soutient que la SELARL [M] ne dispose pas du justificatif visé par la Cour d’Appel de 7 500 € en date du 15 novembre 2012 qui se trouve encore à ce jour entre les mains du conseil précédent de M. [W] et qu’une demande de transmission de dossier est toujours pendante à ce jour.

Ainsi il avance qu’encore à ce jour le dossier n’est pas en état d’être plaidé dans son intégralité et qu’il pourrait former un recours en révision dés qu’il aura reconstitué l’intégralité des pièces y compris les pièces entre les mains de son ancien conseil.

Concernant la prescription de l’action, Monsieur [W], au regard de l’article 2224 du Code civil portant sur la prescription des actions personnelles ou mobilières, soutient que l’arrêt du 7 novembre 2017 rendu par la Cour d’Appel de Reims fixant la créance n’a fait l’objet d’un commandement aux fins de saisie qu’en date du 17 janvier 2023 soit plus de 5 ans après son prononcé, que dans ces conditions, le créancier est purement et simplement prescrit.

Enfin, Monsieur [W] continue de solliciter des délais de paiements estimant qu’il ne peut être de mauvaise foi puisque la procédure est viciée depuis le départ.

La SELARL [U] [M], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL Sub [Localité 6] sollicite aux termes de ses conclusions signifiées par RPVA le 28 octobre 2024 de :

– CONFIRMER la décision rendue par Madame le Juge de l’Exécution près le Tribunal Judiciaire de Charleville-Mézières le 25/03/2024

– DÉBOUTER Monsieur [W] de sa demande de sursis à statuer dans la mesure ou :

Cette demande est irrecevable car n’ayant pas été présentée in limine litis,

Cette demande n’est pas même explicitée ni motivée ;

Seul le souci d’une bonne administration de la justice doit guider la décision du juge ;

Les condamnations sont définitives et ne sauraient être remises en question par un recours en révision manifestement voué à l’échec ;

Le juge de l’exécution ne peut interpréter une décision définitive ni en suspendre l’exécution.

– DÉBOUTER Monsieur [W] de sa demande de question préjudicielle dans la mesure où cette demande est dépourvue de tout fondement, la présente instance ne posant aucune question d’interprétation du droit européen

– DÉBOUTER Monsieur [W] de ses demandes visant à remettre en cause la créance de la concluante et à voir déclarée l’action prescrite, alors que le délai de prescription de l’exécutoire d’un titre exécutoire est de 10 années et alors que les décisions de condamnation rendues contre l’appelant sont définitives et ne peuvent être modifiées par le Juge de l’Exécution.

– DÉBOUTER Monsieur [K] [W] de l’ensemble de ses demandes visant à obtenir un aménagement du délai de règlement des condamnations dans la mesure où il est un débiteur de mauvaise foi et a déjà bénéficié de plus de 7 ans pour régler les condamnations mises à sa charge, le recouvrement des sommes devenant urgent pour permettre au liquidateur judiciaire de rembourser les créanciers de la société SUB [Localité 6] ayant déclaré leur créance dans la liquidation judiciaire

– CONDAMNER Monsieur [K] [W] à régler à la SELARL [U] [M] ès qualité de Mandataire Liquidateur de la SARL SUB [Localité 6] la somme de 5.000 € (article 700)

– DÉBOUTER Monsieur [K] [W] de sa demande de condamnation présentée sur le fondement de l’article 699 du Code de Procédure Civile

– CONDAMNER enfin Monsieur [K] [W] à régler les dépens de l’appel

Au soutien de ses conclusions la SELARL [U] [M] es qualité affirme qu’il est de jurisprudence constante que le juge de l’exécution ne peut modifier une décision définitive, même s’il s’agit d’une décision rendue en référé.

Concernant la prescription, La SELARL [U] [M] soutient qu’au regard de l’article L 111-4 du Code des Procédures Civiles d’Exécution la prescription de l’exécution d’un titre exécutoire est de dix années, ainsi selon cette dernière, l’action n’est pas prescrite.

Sur le sursis à statuer, l’intimée soutient qu’il est jurisprudence constante qu’une demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure qui, pour être recevable doit être formulée in limine litis, ce qui n’a pas été le cas ici.

Concernant les demandes de délais de paiement, la SELARL [U] [M] soutient que les sommes sont dues depuis sept ans soit un délai largement suffisant pour régler les sommes dues.

‘ Vu les conclusions récapitulatives de l’appelant signifiées le 26 août 2024 et auxquelles il sera renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

‘ Vu les conclusions récapitulatives de l’intimée signifiées le 28 août 2024 et auxquelles il sera renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

‘ Vu la clôture de la procédure prononcée le 26 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la demande de sursis à statuer en l’attente du recours en révision

Toute demande de sursis à statuer est une exception de procédure au sens de l’article 73 du code de procédure civile et de l’avis de la cour de cassation du 29/09/2008 n° 00-80.007 & 80.008.

Aux termes de l’article 74 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité les exceptions de procédures doivent être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

En l’espèce, les conclusions d’appel de M. [W] sollicitent à titre principal l’infirmation de la décision déférée et à titre subsidiaire un sursis à statuer sur les effets des deux commandements aux fins de saisie vente en l’attente pour M. [W] de pouvoir engager un recours en révision sur le titre exécutoire.

En première instance, l’assignation délivrée par M. [W] le 15/02/2023 ne sollicitait que des délais de paiement.

Toutefois, dans le cadre d’une procédure orale devant le premier juge, il a sollicité lors de la plaidoirie du 12/10/2023 à titre principal le sursis à statuer, rendant ainsi cette prétention recevable devant le premier juge.

Cependant, dans le cadre de la procédure écrite applicable devant la cour, les conclusions de l’appelant ne sollicitent le sursis à statuer qu’à titre subsidiaire, la demande principale tenant à l’infirmation de la créance pour inexistence de la créance principale.

Il s’ensuit que la cour, reprenant l’entier litige au titre de la dévolution du contentieux, ne peut que considérer que la demande de sursis à statuer présentée devant elle, est irrecevable au visa des articles 73 et 74 du code de procédure civile.

2/ Sur la demande de question préjudicielle

L’article 267 du traité de fonctionnement de l’Union Européenne dispose que :

« Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. »

Il s’ensuit que si une question d’interprétation du droit de l’UE est soulevée dans une juridiction inférieure, dont la décision peut être contestée par un recours, cette juridiction est autorisée à saisir la Cour de justice européenne d’un renvoi préjudiciel.

En l’espèce, M. [W] n’explicite pas en quoi le fait d’être obligé de réclamer à son ancien conseil un certain nombre de pièces pour engager un recours en révision à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Reims du 07/11/2017 relèverait d’une question d’interprétation du droit de l’Union.

En tout état de cause, M. [W] dispose du droit d’exiger la restitution des pièces qui lui appartiennent et qu’il avait confiées à son ancien conseil par les dispositions du droit national. Il ne justifie aucunement avoir engagé une procédure judiciaire ou devant le Bâtonnier à cette fin.

En conséquence, il n’y a pas lieu à poser une quelconque question préjudicielle au visa de l’article 267 du TFUE en l’espèce.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

3/ Sur le moyen tiré de la prescription de la créance

L’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que :

‘L’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

Le délai mentionné à l’article 2232 du code civil n’est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa.’

En conséquence, l’exécution des créances fixées par l’ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Sedan en date du 19 janvier 2017 et par l’arrêt confirmatif de la cour d’appel de Reims du 7 novembre 2017 n’est pas prescrite, tout autant que l’exécution des créances fixées par le jugement rendu le 11 septembre 2020 par le conseil de Prud’hommes de Charleville Mézières et confirmé par l’arrêt rendu le 30 juin 2021 par la cour d’appel de Reims.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

4/ Sur la validité de la créance cause de la saisie

Il est constant au visa de l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution que le juge de l’exécution ne peut être saisi de difficultés relatives à un titre exécutoire qu’à l’occasion de contestations portant sur les mesures d’exécution forcée engagées sur le fondement de ce titre mais n’a pas compétence pour connaître des demandes tendant à remettre en cause le titre dans son principe, ou la validité des droits et obligations qu’il constate.

En l’espèce, M. [W] considère que la créance de 40.000€, fixée par président du tribunal de commerce de Sedan du 19/01/2017 et par l’arrêt confirmatif de la cour d’appel de Reims du 07/11/2017, cause du premier commandement du 17 janvier 2023, n’a pas d’existence puisqu’il considère que ces sommes reprises à la société Sub [Localité 6] étaient le remboursement de son compte créditeur d’associé.

Toutefois, la cour constate que cette interprétation n’a pas été retenue par les décisions ci-dessus et qu’en l’état, ces décisions sont définitives et exécutoires de sorte que le juge de l’exécution ne pouvait, au risque d’excéder ses prérogatives, considérer que les commandements de payer délivrés sur ces fondements n’étaient pas valables.

Ainsi, par des motifs appropriés que la cour reprendra au visa de l’article 955 du code de procédure civile, le premier juge a considéré les créances causes des deux commandements querellés liquides, certaines et exigibles et les commandements conformes aux dispositions des articles L 221-1 et R. 221-1 du code des procédures civiles d’exécution.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

5/ Sur la demande de délais de paiement

L’article 1343-5 du code civil dispose que :

‘Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.’

En l’espèce, la cour constate que M. [W] n’a strictement rien payé ou consigné des sommes mises à sa charge depuis huit années, qu’il a multiplié les recours dilatoires et tente encore au titre de la présente procédure d’abuser la cour de céans dans la mesure où le recours en révision invoqué par M. [W] a été engagé par ses soins le 10 novembre 2023 devant la 1ère chambre de la cour d’appel de Reims et a fait l’objet d’un arrêt d’irrecevabilité prononcé le 09 avril 2024 aux motifs que le recours en révision était tardif et en tout état de cause n’était pas recevable à l’encontre des ordonnances de référé ou des arrêts statuant sur de telles ordonnances. (RG N° 23/01943) (pièces intimée n° 22)

Ainsi, l’ensemble des éléments de discussion opposés par M. [W] dans ses présentes conclusions d’appel n’a t’il pour effet que de repousser de manière dilatoire l’exécution des obligations fixées à son encontre.

De surcroît, la cour constate que M. [W] par, l’intermédiaire de la société Sub [Localité 6] Nouvel, a également tenté d’enrayer une procédure de saisie de ses rémunérations par l’intermédiaire de son nouvel employeur qui est un proche.

En conséquence, de l’ensemble de ces éléments la cour considère que c’est à bon droit que le premier juge a refusé à M. [W] le bénéfice des délais de paiement réclamés.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

6/ Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Il ressort des articles 696 et 700 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens et que, sauf considération d’équité, la partie tenue aux dépens doit supporter les frais irrépétibles de procédure exposés par l’autre partie.

M. [K] [W] qui succombe à son appel sera tenu aux dépens et devra indemniser la SELARL [M] es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Sub [Localité 6] des frais irrépétibles de procédure qu’elle a été contrainte d’exposer dans le cadre de ce recours.

M. [K] [W] sera condamné à ce titre à payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire dans les limites de l’appel,

Déclare irrecevable la demande de sursis à statuer présentée par l’appelant.

Confirme en toutes ses dispositions déférées, en ce compris le rejet de la demande de délais de paiement, le jugement prononcé par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières le 25 mars 2024 (RG N° 23/00303).

Y ajoutant :

Condamne M. [K] [W] aux dépens de l’appel.

Condamne M. [K] [W] à payer à la SELARL [M] es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Sub [Localité 6], la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


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