Sous-traitance et conditions de paiement des travaux supplémentaires : enjeux de preuve et d’accord préalable.

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Sous-traitance et conditions de paiement des travaux supplémentaires : enjeux de preuve et d’accord préalable.

L’Essentiel : La Sasu Entreprise Bourdarios a sous-traité des travaux pour les Galeries Lafayette à la Sarl Nd Concept. Deux contrats ont été signés, mais des désaccords sont survenus concernant des travaux supplémentaires. En décembre 2021, Nd Concept a mis en demeure Bourdarios pour un paiement contesté. Après une assignation au tribunal de commerce, le jugement du 26 janvier 2023 a condamné Bourdarios à payer une somme partielle. Nd Concept a fait appel, mais la Cour a infirmé le jugement initial, déboutant Nd Concept de ses demandes et condamnant cette dernière aux dépens.

Contexte de l’affaire

La Sasu Entreprise Bourdarios a été chargée de réaliser des travaux pour le magasin Galeries Lafayette à [Localité 8] (06) et a sous-traité une partie de ces travaux à la Sarl Nd Concept, spécialisée dans l’agencement des lieux de vente.

Contrats de sous-traitance

Deux contrats de sous-traitance ont été signés. Le premier, daté du 26 novembre 2018, concernait la fourniture et la pose de ragréage sol pour un montant de 8 000 euros ht, avec trois avenants pour des travaux supplémentaires. Le second contrat, signé le 12 juillet 2019, portait sur des travaux de fourniture et de pose de placo pour un montant de 45 511,20 euros ht, également accompagné de deux avenants.

Demande de paiement et contestation

La Sarl Nd Concept a envoyé un devis en février 2021 pour le solde des travaux supplémentaires, d’un montant de 20 303,30 € ht. La Sasu Entreprise Bourdarios a contesté cette demande, entraînant des échanges entre les deux parties. En décembre 2021, Nd Concept a mis en demeure Bourdarios de régler la somme due, ce que cette dernière a également contesté.

Procédure judiciaire

La Sarl Nd Concept a assigné la Sasu Entreprise Bourdarios devant le tribunal de commerce de Toulouse pour obtenir le paiement des travaux supplémentaires et demander une expertise judiciaire. Le tribunal a rendu son jugement le 26 janvier 2023, condamnant Bourdarios à payer 3 506,30 euros ht et à verser 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Appel de la décision

La Sarl Nd Concept a fait appel de la décision, demandant l’infirmation du jugement en ce qui concerne le paiement et la demande d’expertise. La Sasu Entreprise Bourdarios a également formé un appel incident pour contester le jugement.

Arguments des parties

Nd Concept a soutenu que des travaux supplémentaires avaient été réalisés avec l’accord tacite de Bourdarios, tandis que cette dernière a contesté tout accord, affirmant que le devis avait été présenté un an après la fin des travaux. La Cour a examiné les contrats et les pratiques habituelles entre les parties.

Décision de la Cour

La Cour a conclu que Nd Concept n’avait pas prouvé l’existence d’une autorisation écrite préalable pour les travaux supplémentaires. Elle a infirmé le jugement initial, déboutant Nd Concept de toutes ses demandes, y compris celle d’expertise, et a condamné Nd Concept aux dépens.

Conséquences financières

La Cour a également statué sur les demandes accessoires, déboutant les deux parties de leurs demandes d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnant Nd Concept aux entiers dépens de la première instance et de l’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature des contrats de sous-traitance en l’espèce ?

Les contrats de sous-traitance en question sont des contrats à prix forfaitaire, comme le stipule l’article 1793 du Code civil. Cet article précise que lorsqu’un entrepreneur s’est chargé de la construction d’un bâtiment à forfait, il ne peut demander d’augmentation de prix, sauf si des changements ont été autorisés par écrit.

En l’espèce, le contrat du 12 juillet 2019, ainsi que ses avenants, prévoient une rémunération au forfait pour les travaux réalisés par la Sarl Nd Concept.

Il est important de noter que, selon l’article 1793, ce régime ne s’applique qu’aux relations entre le propriétaire du sol et l’entrepreneur principal. Toutefois, les parties peuvent contractuellement convenir d’un régime similaire dans leurs relations de sous-traitance, ce qui est le cas ici.

Ainsi, la nature des contrats de sous-traitance est celle d’un marché à prix forfaitaire, ce qui implique que toute demande d’augmentation de prix doit être justifiée par un accord écrit préalable.

Quelles sont les conditions de validité des travaux supplémentaires selon le contrat ?

Le contrat du 12 juillet 2019 stipule, dans son article 14, que « tous travaux supplémentaires ou modificatifs doivent faire l’objet d’un accord écrit préalable de l’EP (entreprise principale) avant toute mise en œuvre par le ST (sous-traitant) ».

Cela signifie que, pour que des travaux supplémentaires soient valides et rémunérables, ils doivent être expressément autorisés par écrit avant leur réalisation.

En l’absence d’un tel accord, les travaux supplémentaires ne peuvent donner lieu à aucune rémunération. Cette exigence vise à protéger les parties en garantissant que les modifications apportées au contrat initial soient clairement documentées et acceptées.

Dans le cas présent, la Sarl Nd Concept n’a pas pu prouver qu’elle avait obtenu une autorisation écrite préalable pour les travaux supplémentaires qu’elle a réalisés, ce qui a conduit à la contestation de sa demande de paiement.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle l’acceptation des travaux supplémentaires ?

La jurisprudence exige que l’acceptation des travaux supplémentaires soit « expresse et non équivoque ». Cela signifie que la simple réalisation des travaux ne suffit pas à établir qu’ils ont été acceptés.

Dans cette affaire, la Sarl Nd Concept a tenté de prouver que les travaux avaient été acceptés par des mentions manuscrites sur le devis, mais la Cour a constaté que ces mentions contenaient des contestations sur la réalisation des travaux et des interrogations sur leur localisation.

Ainsi, la jurisprudence considère que l’absence d’une acceptation claire et documentée des travaux supplémentaires empêche leur rémunération. La société Nd Concept n’a pas réussi à démontrer que les travaux avaient été acceptés conformément aux exigences contractuelles.

Quelles sont les conséquences de l’absence d’accord écrit pour les travaux supplémentaires ?

L’absence d’accord écrit préalable pour les travaux supplémentaires a des conséquences significatives. Selon l’article 14 du contrat, sans cet accord, les travaux ne peuvent donner lieu à aucune rémunération.

Dans le cas présent, la Sarl Nd Concept a sollicité le paiement de travaux supplémentaires sans avoir obtenu l’autorisation écrite requise. Par conséquent, la Cour a jugé que la société Nd Concept ne pouvait pas prétendre à un paiement pour ces travaux.

Cette situation illustre l’importance de respecter les clauses contractuelles, notamment celles relatives aux modifications et aux travaux supplémentaires, afin d’éviter des litiges et des refus de paiement.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles.

Dans cette affaire, la Sarl Nd Concept a été déboutée de l’ensemble de ses demandes, ce qui a conduit la Cour à infirmer le jugement de première instance qui avait condamné la Sasu Entreprise Bourdarios à payer une indemnité au titre de l’article 700.

La Cour a décidé de ne pas allouer d’indemnité sur le fondement de cet article, considérant que l’équité ne le commandait pas dans ce cas. Cela signifie que chaque partie a supporté ses propres frais, ce qui est une conséquence directe de la décision de la Cour de rejeter les demandes de la Sarl Nd Concept.

14/01/2025

ARRÊT N°18

N° RG 23/00497 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PH7U

SM AC

Décision déférée du 26 Janvier 2023

Tribunal de Commerce de TOULOUSE

( 2022J00362)

Monsieur SCHEMBRI

SARL ND CONCEPT

C/

S.A.S.U. ENTREPRISE BOURDARIOS

Infirmation partielle

Grosse délivrée

le

à

Me Gilles SOREL

Me Delphine CHANUT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

SARL ND CONCEPT prise en la personne de son gérant, domicilié ès qualités au dit siège social

[Adresse 2]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Emmanuel PARDO, avocat plaidant au barreau de NICE

INTIMEE

S.A.S.U. ENTREPRISE BOURDARIOS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Clément RAIMBAULT de la SCP DELAVALLADE – RAIMBAULT, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX et par Me Delphine CHANUT, avocate postulant au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. MOULAYES, Conseillère, chargée du rapport et F. PENAVAYRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

S. MOULAYES, conseillère

F. PENAVAYRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, président, et par A. CAVAN, greffier de chambre

Faits et procédure

La Sasu Entreprise Bourdarios, s’est vue confier une partie des travaux de réalisation du magasin Galeries Lafayette dans la commune de [Localité 8] (06) ; dans ce cadre, elle a sous-traité une partie des travaux à la Sarl Nd Concept, spécialisée dans l’agencement des lieux de vente.

Deux contrats de sous-traitance ont été signés entre les parties :

– un contrat en date du 26 novembre 2018 relatif à « la fourniture et la pose de ragréage sol U3P3 » pour un prix global et forfaitaire de 8 000 euros ht.

Ce contrat a donné lieu à trois avenants en vue de travaux supplémentaires, en date des 13 février 2019 (1 140 € ht), 20 juin 2019 (9 606 € ht), et 15 novembre 2019 (19 650 € ht).

L’intégralité de ces travaux a été réglée.

– un contrat en date du 12 Juillet 2019 relatif aux « travaux de fourniture et de pose de placo », pour un prix global et forfaitaire de 45 511,20 euros ht.

Ce contrat a fait l’objet de deux avenants pour réaliser des travaux supplémentaires, le 19 décembre 2019 pour un montant de 56 864,76 € ht, et le 2 juin 2020 pour un montant de 10 175 € ht.

Sur le fondement de ce deuxième contrat, la Sarl Nd Concept a adressé à la Sasu Entreprise Bourdarios un devis n°2021720 du 22 février 2021, correspondant au solde des travaux d’un montant de 20 303,30 € ht.

La société Bourdarios contestant cette demande en paiement, Nd Concept lui a adressé le 1er mars 2021 un décompte général définitif ; les parties ont continué à échanger de ce chef, et par courrier électronique du 6 décembre 2021 la société Bourdarios a proposé d’établir un décompte final du chantier à 3 506,30 €.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 décembre 2021, la Sarl Nd Concept a mis en demeure la Sasu Entreprise Bourdarios de lui régler la somme de 20 303,30 € ht ; cette dernière a contesté cette demande dans les mêmes formes le 13 janvier 2022.

Par acte du 27 avril 2022 la Sarl Nd Concept a fait délivrer assignation devant le tribunal de commerce de Toulouse à la Sasu Entreprise Bourdarios, afin d’obtenir le paiement du solde des travaux supplémentaires, et de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par jugement du 26 janvier 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a :

– condamné la Sasu Entreprise Bourdarios à payer à la Sarl Nd Concept la somme de 3 506,30 euros ht au titre de sa créance ;

– débouté la Sarl Nd Concept de sa demande d’expertise ;

– condamné la Sasu Entreprise Bourdarios à payer à la Sarl Nd Concept la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la Sasu Entreprise Bourdarios aux dépens.

Par déclaration du 10 février 2023, la Sarl Nd Concept a formé appel de l’ensemble des chefs de jugement, à l’exception de celui relatif aux dépens.

La clôture est intervenue le 16 septembre 2024, et l’affaire a été appelée à l’audience du 16 octobre 2024.

Prétentions et moyens

Vu les conclusions d’appelant n°2 notifiées le 8 septembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sarl Nd Concept demandant de :

– déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté par la Société ND CONCEPT,

Y faisant droit,

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement en date du 26 janvier 2023, en ce qu’il a :

– condamné la Sasu Entreprise Bourdarios à payer à la Sarl Nd Concept la somme de 3 506,30 euros ht au titre de sa créance ;

– débouté la Sarl Nd Concept de sa demande d’expertise ;

– condamné la Sasu Entreprise Bourdarios à payer à la Sarl Nd Concept la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la Sasu Entreprise Bourdarios aux dépens.

Statuant à nouveau,

– déclarer l’action en paiement de la Sarl Nd Concept recevable et bien fondée.

– condamner la Sasu Entreprise Bourdarios au paiement des travaux supplémentaires réalisés par la Sarl Nd Concept et décrits dans son devis n°2021720 du 22 février 2021.

– désigner tel expert qu’il plaira, au Tribunal, concernant le quantum de la créance, avec pour mission notamment de :

– Se rendre sur les lieux : magasin Galeries Lafayette du centre commercial [6] situé à [Localité 8], [Adresse 5],

– Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission,

– Fixer la date de réception des travaux,

– Examiner, évaluer et chiffrer les travaux réalisés par la Sarl Nd Concept tels que décrits dans son devis n°2021720 du 22 février 2021.

– Faire les comptes entre les parties.

A titre subsidiaire

– condamner la Sasu Entreprise Bourdarios à payer à la Sarl Nd Concept la somme de 3 506,30 Euros HT au titre de sa créance.

En tout état de cause,

– débouter la Sasu Entreprise Bourdarios de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions.

– condamner la Sasu Entreprise Bourdarios au paiement de la somme de 3 000 euros par application de l’art 700 du Code de la procédure civile pour la première instance et au paiement de la somme de 4 000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure à la cour.

– condamner la Sasu Entreprise Bourdarios aux entiers dépens distraits au profit de Maitre Gilles SOREL sur sa due affirmation.

Vu les conclusions d’intimé n°2 notifiées le 30 avril 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sasu Entreprise Bourdarios demandant, aux visas des articles 1103 du code civil et 146 du code de procédure civile, de :

– confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Toulouse le 16 janvier 2023 en ce qu’il a rejeté la demande d’expertise formée par la société Nd Concept ;

– réformer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Toulouse le 16 janvier 2023 en ce qu’il a condamné la société Bourdarios au paiement de la somme de 3.506,30 € HT au titre des travaux supplémentaires effectués par la société Nd Concept ;

– réformer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Toulouse le 16 janvier 2023 en ce qu’il a condamné la société Bourdarios au paiement de la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux dépens ;

Statuant à nouveau,

– débouter la société Nd Concept de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

– condamner la société Nd Concept à régler à la concluante la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens ;

MOTIFS

Sur la demande en paiement

La société appelante affirme qu’il était habituel sur le chantier, que des travaux supplémentaires soient réalisés à la demande de l’entreprise principale, et ne fassent l’objet d’un avenant qu’ultérieurement ; elle affirme avoir procédé selon les mêmes modalités, en adressant à l’entreprise Bourdarios le devis n°2021720 le 22 février 2021, postérieurement à la réalisation de ces travaux.

Elle estime que l’accord à la réalisation de ces travaux par l’entreprise principale résulte des mentions manuscrites portées sur le devis, qui viennent contester les montants facturés, mais non la réalité des travaux.

La société Bourdarios conteste tout accord express ou tacite à la réalisation de ces travaux, et rappelle que le devis litigieux lui a été adressé un an après la fin de l’intervention de la société Nd Concept sur le chantier.

Il ressort des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En l’espèce, le devis n°2021720 du 22 février 2021 ne porte mention d’aucun contrat entre les parties ; elles s’entendent toutefois pour affirmer qu’il se rapporte au contrat du 12 juillet 2019.

La Cour constate que ce contrat et ses deux avenants prévoient une rémunération du sous-traitant au forfait.

Aux termes de l’article 1793 du code civil, lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d’oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.

L’article 1793 ne visant que le propriétaire du sol, il est constant qu’un contrat de sous-traitance conclu entre deux entrepreneurs ne peut pas être un marché à forfait.

Toutefois, en dehors du champ d’application de l’article 1793 du code civil, rien n’interdit aux parties d’organiser contractuellement un régime identique. Le principe de la liberté contractuelle leur permet de préciser ainsi les seuls modes de preuve qui seront admis pour établir un accord sur une commande de travaux supplémentaires.

En l’espèce, le contrat du 12 juillet 2019 prévoit dans son article 14 intitulé : « TRAVAUX SUPPLEMENTAIRES OU MODIFICATIFS » :

« Tous travaux supplémentaires ou modificatifs doivent faire l’objet d’un accord écrit préalable de l’EP (entreprise principale) avant toute mise en ‘uvre par le ST (sous-traitant), et ne peuvent, à défaut, faire l’objet d’aucune rémunération. Les travaux supplémentaires préalablement acceptés par l’EP sont évalués par application des prix unitaires du contrat ou, à défaut, sur justificatifs produits par l’EP. »

Il est constant que dans cette hypothèse, les travaux supplémentaires ne peuvent donc être mis à la charge du maître de l’ouvrage qu’en cas d’autorisation écrite préalablement aux travaux ou d’acceptation expresse et non équivoque de ceux-ci une fois effectués.

Il appartient ainsi à la société Nd Concept qui sollicite le paiement de travaux supplémentaires, de rapporter la preuve, à défaut d’autorisation écrite préalable, d’une acceptation expresse et non équivoque.

Pour ce faire, elle se fonde en premier lieu sur la pratique qu’elle désigne comme habituelle entre les parties, de procéder à des travaux supplémentaires hors contrat, et de régulariser ensuite par un avenant.

La Cour constate sur ce point que la société appelante elle-même verse aux débats l’ensemble des documents contractuels (contrats et avenants) et des factures acquittées, et que seul le devis litigieux porte sur des travaux qui ne sont en lien ni avec un contrat ni avec un avenant.

Par ailleurs, la société Nd Concept produit à titre de seul exemple le processus de rédaction de l’avenant n°1 du 19 décembre 2019 au contrat du 12 juillet 2019 ; il ressort de ces éléments que si les travaux ont été réalisés antérieurement à la date de l’avenant, ils avaient fait l’objet d’une acceptation expresse par l’entrepreneur principal par courrier électronique du 8 novembre 2019, et d’une réalisation à la fin du mois de novembre, soit moins d’un mois avant la réalisation de l’avenant.

Or en l’espèce, il ne peut qu’être relevé que les travaux listés sur le devis n’ont pas fait l’objet d’une autorisation antérieure écrite, et que par ailleurs le devis litigieux a été présenté à la société Bourdarios un an après le départ du chantier de la société Nd Concept.

Ce processus ne peut en conséquence pas être qualifié d’habituel entre les parties, et ne vient en tout état de cause pas caractériser une acceptation expresse et non équivoque des travaux listés dans le devis litigieux.

La société Nd Concept se fonde également sur les mentions manuscrites portées par la société Bourdarios sur le devis litigieux, qui selon elle viennent démontrer qu’elle n’a pas contesté les avoir autorisés.

La Cour relève que si le simple ajout de mentions manuscrites ne permet pas d’en identifier l’auteur, la société Bourdarios ne conteste pas les avoir portées sur le devis présenté.

Il ne peut toutefois qu’être constaté que ces mentions démontrent un désaccord avec les demandes de la société Nd Concept ; en effet, certaines viennent contester la réalisation des travaux, d’autres s’interrogent sur la localisation de ces travaux, démontrant ainsi que rien n’avait été prévu entre les parties de ce chef, et d’autres enfin évoquent des malfaçons.

Il ne peut d’ailleurs qu’être constaté que si la société Bourdarios a fait une proposition de paiement moindre à la société Nd Concept, elle n’a pour autant effectué aucun paiement.

Dès le 13 janvier 2022, l’avocat de l’entrepreneur principal a répondu à une demande en paiement de Nd Concept, en lui rappelant l’article 14 du contrat selon lequel aucune facturation ne pourra intervenir sans accord préalable écrit.

Par ces mentions manuscrites, la société appelante démontre tout au plus que la société Bourdarios n’a pas contesté la réalisation de certains travaux, et qu’elle était même disposée à accepter de les payer en partie, bien qu’elle ait mis en avant des malfaçons qui ont nécessité des travaux de reprise ; cependant, le fait de ne pas contester leur réalité ne fait pas présumer que lesdits travaux ont fait l’objet d’une autorisation expresse et non équivoque.

De la même manière, la tentative de règlement amiable du litige par l’entrepreneur principal qui a proposé un paiement partiel, dans un contexte de relations commerciales dont il a dit lui-même être satisfait, ne suffit pas à démontrer qu’il a donné son accord pour la réalisation de travaux supplémentaires

Ces mentions manuscrites ne suffisent donc pas à établir une acceptation expresse et non équivoque de réalisation des travaux supplémentaires dont le paiement a été sollicité par la société Nd Concept sur le fondement du devis n°2021720.

En conséquence, la société appelante échoue à démontrer que le paiement de travaux supplémentaires est dû par la société Bourdarios.

La Cour infirmera le premier jugement en ce qu’il a considéré que la proposition de paiement initialement faite par la société intimée, la liait pour la suite de la procédure, pour les motifs précédemment développés.

La société Nd Concept sera ainsi déboutée de l’ensemble de ses demandes, en ce compris sa demande d’expertise qui avait déjà fait l’objet d’un rejet en première instance.

Sur les demandes accessoires

En l’état de la présente décision d’infirmation, sur appel incident de la société Bourdarios, la Cour infirmera les dispositions du premier jugement l’ayant condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Nd Concept, qui succombe, sera ainsi condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En revanche, l’équité ne commande pas d’allouer d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; les parties seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant dans les limites de sa saisine, en dernier ressort, de manière contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté la Sarl Nd Concept de sa demande d’expertise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la Sarl Nd Concept de l’ensemble de ses demandes ;

Déboute la Sarl Nd Concept et la Sasu Entreprise Bourdarios de leurs demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Condamne la Sarl Nd Concept aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

La Greffière La Présidente

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