Responsabilité décennale et conditions de mise en œuvre des garanties dans le cadre de travaux de construction.

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Responsabilité décennale et conditions de mise en œuvre des garanties dans le cadre de travaux de construction.

L’Essentiel : Monsieur [S] [C] a engagé la SARL De Lima BTP pour construire une terrasse, finalisée en mai 2008. Après des désordres signalés, il a contacté la SA SMA, supposée assureur décennal, qui a nié toute responsabilité. Un constat d’huissier a été réalisé en mai 2018. Suite à une procédure judiciaire, le tribunal a mis hors de cause la SMA Courtage, mais a débouté Monsieur [S] [C] de ses demandes de dommages et intérêts. En appel, la cour a confirmé ce jugement, soulignant que les désordres n’affectaient pas la solidité de l’ouvrage et que la garantie décennale n’était pas applicable.

Contexte des travaux

Monsieur [S] [C] a engagé la SARL De Lima BTP pour la construction d’une terrasse sur remblais à son domicile, avec un devis daté du 25 juin 2007. Les travaux ont été finalisés le 27 mai 2008, et une facture de 16 528,21 euros a été réglée par Monsieur [S] [C]. La société De Lima BTP a été radiée du registre du commerce le 11 septembre 2015.

Désordres constatés

Après l’achèvement des travaux, Monsieur [S] [C] a signalé des désordres sur la terrasse. Il a contacté la société SA SMA, supposée être l’assureur décennal de De Lima BTP, qui a nié être responsable des problèmes liés à un garde-corps en PVC. Un constat d’huissier a été réalisé le 23 mai 2018 pour documenter les désordres.

Procédure judiciaire

Monsieur [S] [C] a assigné la SA SMA et la SMA Courtage devant le tribunal de grande instance de Val-de-Briey. Le juge des référés a ordonné une expertise et a fixé une consignation de 1 000 euros, tout en condamnant Monsieur [S] [C] aux dépens. L’expert a été remplacé plusieurs fois, et un rapport a été remis le 23 février 2021.

Jugement du tribunal

Le tribunal judiciaire de Val-de-Briey a rendu un jugement le 10 août 2023, mettant hors de cause la SMA Courtage et déclarant Monsieur [S] [C] recevable dans ses demandes contre la SA SMA. Cependant, il a débouté Monsieur [S] [C] de ses demandes de dommages et intérêts, tout en condamnant ce dernier à payer 1 000 euros à la SA SMA au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Analyse des désordres

Le juge a constaté que les désordres affectant la terrasse ne compromettaient pas sa solidité. Les problèmes d’altitude, de jonction avec les murs et de dégradations périphériques n’étaient pas suffisants pour caractériser l’ouvrage comme impropre à sa destination. De plus, les infiltrations d’humidité étaient attribuées à un défaut d’entretien plutôt qu’à des malfaçons.

Appel de Monsieur [S] [C]

Monsieur [S] [C] a interjeté appel du jugement, demandant la réformation de la décision et la condamnation de la SA SMA à réparer les préjudices subis. Il a réclamé des sommes pour préjudice matériel, trouble de jouissance et préjudice moral, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arguments de la SA SMA

La SA SMA a demandé la confirmation du jugement de première instance, tout en contestant les demandes de Monsieur [S] [C]. Elle a également réclamé des dommages et intérêts pour procédure abusive, arguant que l’action engagée par Monsieur [S] [C] était infondée.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal, rejetant les demandes de Monsieur [S] [C] et le condamnant à payer des frais supplémentaires à la SA SMA. La cour a statué que les désordres ne compromettaient pas la solidité de l’ouvrage et que la garantie décennale ne pouvait pas être mise en œuvre.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la responsabilité décennale en vertu de l’article 1792 du Code civil ?

La responsabilité décennale est régie par l’article 1792 du Code civil, qui stipule que « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage, ou qui l’affectent dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».

Cette disposition implique que pour qu’un dommage soit couvert par la garantie décennale, il doit :

– Affecter la solidité de l’ouvrage,
– Rendre l’ouvrage impropre à sa destination,
– Ne pas être apparent et ne pas avoir fait l’objet de réserves lors de la réception.

Dans le cas présent, le tribunal a constaté que les désordres affectant la terrasse ne compromettaient pas sa solidité et ne la rendaient pas impropre à sa destination, ce qui exclut l’application de la garantie décennale.

Quelles sont les conditions d’application de l’article L 124-1 du Code des assurances ?

L’article L 124-1 du Code des assurances précise que « dans les assurances de responsabilité, l’assureur n’est tenu que si, à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l’assuré par le tiers lésé ».

De plus, l’article L 124-3 ajoute que « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ».

Ces articles établissent que pour qu’un tiers puisse agir contre l’assureur, il doit prouver :

– L’existence d’un contrat d’assurance,
– La responsabilité de l’assuré pour le dommage causé.

Dans cette affaire, la société SMA, en tant qu’assureur de la société De Lima BTP, est tenue de répondre des dommages causés par cette dernière, tant que les conditions de la garantie sont remplies.

Comment se justifie la mise hors de cause de la SMA Courtage ?

Le tribunal a mis hors de cause la SMA Courtage en raison de l’absence de personnalité morale propre. En effet, il a été établi que la SMA Courtage n’était qu’un département de la SA SMA, et que les courriers échangés par Monsieur [S] [C] portaient l’immatriculation de la SA SMA.

Le juge a conclu que « la SMA Courtage n’a pas de personnalité morale propre et qu’elle ne peut dès lors faire l’objet d’une condamnation en propre ». Cela signifie que toute action en justice devait être dirigée contre la SA SMA, qui a constitué avocat et a donc pu se défendre.

Quels sont les critères pour établir un préjudice de jouissance ?

Le préjudice de jouissance est généralement établi lorsque l’usage d’un bien est altéré, ce qui peut résulter de désordres affectant l’ouvrage. Pour qu’un préjudice de jouissance soit reconnu, il doit être prouvé que :

– L’ouvrage est effectivement utilisé,
– Les désordres rendent l’usage de l’ouvrage moins agréable ou impossible.

Dans cette affaire, le tribunal a constaté que la terrasse était utilisée de manière usuelle, avec des meubles et des pots de fleurs présents lors des constatations. Ainsi, il n’a pas été démontré que les désordres affectaient la jouissance de l’ouvrage, ce qui a conduit à débouter Monsieur [S] [C] de sa demande de préjudice de jouissance.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce cas ?

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que « la partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».

Dans cette affaire, le tribunal a condamné Monsieur [S] [C] à payer à la SA SMA une somme de 1000 euros au titre de l’article 700, en raison de sa défaite dans le procès.

De plus, le tribunal a également décidé que Monsieur [S] [C] devait supporter les dépens, ce qui inclut les frais d’expertise et autres frais judiciaires, renforçant ainsi la responsabilité de la partie perdante dans le cadre des procédures judiciaires.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2025 DU 13 JANVIER 2025

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02125 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FH6F

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de VAL DE BRIEY,

R.G.n° 22/00291, en date du 10 août 2023,

APPELANT :

Monsieur [S] [C]

né le 23 Juillet 1963 à [Localité 6] (57)

domicilié [Adresse 9] – [Localité 7]

Représenté par Me Marie-Aline LARERE, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉES :

S.A. SMA, venant aux droits de la SA SAGENA, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 5] – [Localité 4]

Représentée par Me Raoul GOTTLICH de la SCP D’AVOCATS RAOUL GOTTLICH PATRICE LAFFON, avocat au barreau de NANCY

S.A. SMA COURTAGE [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1] – [Localité 3]

Non représentée, la déclaration d’appel ne lui ayant pas été signifiée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Novembre 2024, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,

Monsieur Thierry SILHOL, Président de chambre,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Isabelle FOURNIER ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2025, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : défaut, rendu par mise à disposition publique au greffe le 13 Janvier 2025, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

FAITS ET PROCÉDURE :

Selon devis du 25 juin 2007, Monsieur [S] [C] a confié à la SARL De Lima BTP la réalisation d’une terrasse sur remblais attenante à sa résidence située au [Adresse 2] à [Localité 7]. Les travaux ont été achevés le 27 mai 2008, une facture a été émise et payée par Monsieur [S] [C] pour un montant de 16528,21 euros.

La société De Lima BTP a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 11 septembre 2015.

Se plaignant de désordres apparaissant sur la terrasse, Monsieur [S] [C] a pris attache avec la société SA SMA, venant aux droits de la société SAGEBAT, département de SAGENA, la pensant assureur décennal de la société De Lima BTP, laquelle lui indiquait, dans un courrier portant un logo de la SMA Courtage [Localité 8], ne pas être l’assureur responsabilité civile d’un garde-corps en PVC réalisé lors des travaux.

Le 23 mai 2018, Maître [U], huissier de justice mandaté par Monsieur [S] [C], a dressé constat des désordres argués par celui-ci.

Monsieur [S] [C] ayant fait assigner la SA SMA et la SMA Courtage [Localité 8], le juge des référés du tribunal de grande instance de Val-de-Briey par ordonnance du 13 août 2018 a :

– ordonné une mesure d’expertise et commis pour y procéder Monsieur [N] [T],

– fixé à 1000 euros le montant de la consignation à valoir sur la rémunération de l’expert,

– condamné Monsieur [S] [C] aux dépens.

Par la suite, Monsieur [N] [T] a été remplacé par Monsieur [Y] puis par Madame [R] qui a remis son rapport d’expertise le 23 février 2021.

Par actes d’huissier des 08 février et 17 février 2022, Monsieur [S] [C] a fait respectivement assigner la société SA SMA et la société SMA Courtage [Localité 8] devant le tribunal judiciaire de Val-de-Briey aux fins de paiement.

Par jugement contradictoire du 10 août 2023, le tribunal judiciaire de Val-de-Briey a :

– mis hors de cause la SMA Courtage [Localité 8],

– déclaré Monsieur [S] [C] recevable en ses demandes à l’encontre de la SA SMA venant aux droits de la SA SAGENA,

– débouté Monsieur [S] [C] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel, de son préjudice de jouissance et de son préjudice moral,

– débouté la SA SMA de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamné Monsieur [S] [C] à payer à la SA SMA la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Monsieur [S] [C] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Monsieur [S] [C] aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise,

– rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Pour statuer ainsi, concernant la mise hors de cause de la SMA Courtage [Localité 8], le juge relève qu’il ressort des pièces versées aux débats, notamment des courriers reçus par Monsieur [S] [C], qu’elles portaient certes un en-tête de la SMA Courtage [Localité 8], cependant l’immatriculation au RCS utilisée était celle de la SA SMA. Il ne pouvait en être autrement dès lors qu’il s’agit d’un département de la même entité.

Le juge en déduit que la SMA Courtage [Localité 8] n’a pas de personnalité morale propre et

qu’elle ne peut dès lors faire l’objet d’une condamnation en propre. Il ajoute que la SA SMA ayant quant à elle constitué avocat et la SMA Courtage [Localité 8] n’ayant pas la personnalité morale alors le jugement sera contradictoire.

Pour statuer ainsi, concernant la garantie décennale :

* S’agissant de la garantie de la SA SMA, le juge relève qu’il n’est pas contesté que la société SA SMA vient aux droits de la société Sagebat ;

Par ailleurs, le juge constate que l’attestation d’assurance versée par le demandeur démontre que la société De Lima BTP était assurée au titre de la garantie décennale par la société Sagebat du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008. Le juge ajoute que les travaux réalisés chez Monsieur [S] [C] ont été réceptionnés sans réserve, le 27 mai 2008, soit à une période où le contrat d’assurance garantie décennale continuait de courir auprès de la société Sagebat ; le juge conclut sur ce point en précisant que, quand bien même tel ne serait pas le cas, la SA SMA ne verse aucune pièce permettant d’attester que la police d’assurance de la société De Lima BTP était résiliée au 31 décembre 2008 et décide que Monsieur [S] [C] est bien fondé à agir contre elle et est déclaré recevable.

* S’agissant de la mise en jeu de la garantie décennale, le juge relève que selon le rapport d’expertise, les différents désordres affectant la terrasse portent sur l’altitude de la terrasse par rapport aux seuils, sur la jonction de la terrasse avec les murs de la maison et sur diverses dégradations périphériques.

Pour ce faire, l’expert a relevé s’agissant de l’altitude de la terrasse, qu’elle subissait une variation qui devait être anticipée et qui engendrait des désaffleurements des matériaux de parement qui présentaient le risque de coupure de butée. Concernant la jonction de la terrasse avec les murs de la maison, il a relevé que la dégradation et l’imperméabilisation des enduits mono-couches au contact de la terrasse n’avait pas été réalisée et donc qu’ils se dégradaient en parallèle d’une perméabilité de la maison. Enfin, il a expliqué qu’il pouvait être constaté une dégradation des enduits périphériques s’agissant du joint contre la maison, le bas des enduits de la maison et le décollement des couronnements du mur périphérique.

Le juge déduit de ce qui précède que la solidité de l’ouvrage n’est pas compromise, tout comme l’a relevé l’expert.

Concernant les infiltrations, le juge constate, comme le note l’expert, que l’humidité n’est pas, en soit, de nature à remettre en cause la solidité de l’ouvrage et semble résulter davantage d’un défaut d’entretien, sans lien avec l’ouvrage en tant que tel, que de l’absence de joint. Et la production de photographies de fissures et de parages humides par Monsieur [S] [C], non contextualisées, ne permettent pas de le caractériser non plus.

En outre, le juge considère que la simple présence de fissuration provoquant ‘un risque’ ne permet pas en soit de caractériser le fait que l’ouvrage soit impropre à sa destination et ajoute que le simple fait que l’épouse de Monsieur [S] [C] se soit blessée à une reprise, dans des conditions qui ne sont que rapportées, ne permet pas davantage de le constater, et ce d’autant que ces faits ne peuvent s’être produits que si la terrasse était utilisée.

De plus, le juge indique que les photographies versées aux débats permettent de constater que, lors du constat d’huissier du 23 mai 2018, une table reposait sur cette terrasse, ainsi que des parasols et des chaises, et qu’elle était donc utilisée de manière usuelle. De même, les photographies prises par l’expert en 2021 permettent de constater que de nombreux pots de fleurs ont été posés à différents emplacements de la terrasse, de même que des chaises et une chaise longue. Le juge en conclut qu’il n’est pas démontré que l’ouvrage serait impropre à sa destination de ce point de vue.

De même, comme l’a relevé l’expert, le juge indique que ce désaffleurement ne concerne pas l’ensemble de la terrasse, mais seulement les seuils.

Ensuite, le juge énonce que les désordres apparus après 2018, date de cessation de la garantie décennale, ne peuvent être retenus au titre de cette garantie et indique donc que la différence d’altitude entre la terrasse et le seuil, supérieure à deux centimètres aujourd’hui, ne peut être retenue.

Enfin, le juge retient que l’impossibilité de couvrir la terrasse et le décalage des garde-corps, arguments avancés par Monsieur [S] [C] et contredits par les constatations faites par l’huissier et l’expert, dans le temps où la garantie décennale pouvait encore jouer, ne permettent pas davantage de considérer qu’elle serait impropre à sa destination.

Le juge ajoute, concernant l’impossibilité de réaliser certains travaux, que cet élément ne permet pas davantage de démontrer un désordre la rendant impropre à sa destination puisque cette utilisation ne peut être définie par les travaux que l’on souhaite y voir réaliser dans le futur.

Le tribunal en déduit que l’ouvrage n’est ni compromis dans sa solidité, ni impropre à sa destination et que la garantie décennale ne peut donc pas jouer ; aussi le juge décide de débouter Monsieur [S] [C] de ses demandes à ce titre, ainsi que de ses demandes au titre de son préjudice de jouissance et de son préjudice moral qui, au demeurant, ne sont pas démontrés compte tenu des constatations ci-dessus mentionnées.

Concernant la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive, le juge constate que la SA SMA n’a nullement motivé sa demande et rappelle que le simple fait d’engager une action dont on est débouté n’est pas susceptible de caractériser une procédure abusive.

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Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 9 octobre 2023, Monsieur [S] [C] a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 8 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [S] [C] demande à la cour, sur le fondement de l’article L 243-7 alinéa 2 du code des assurances, des articles 1103 et 1792 du code civil, de :

– déclarer la demande de Monsieur [S] [C] recevable et bien fondée,

En conséquence,

– réformer le jugement rendu le 10 août 2023,

Statuant à nouveau,

– condamner la SA SMA à réparer les préjudices subis par Monsieur [S] [C], àsavoir au paiement des sommes suivantes, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai de 3 jours, à compter de la signification de la décision à intervenir soit :

– 44522,50 euros au titre du préjudice matériel,

– 5000 euros au titre du trouble de jouissance,

– 3000 euros au titre du préjudice moral,

– condamner la SA SMA à verser à Monsieur [S] [C] la somme de 10000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– se réserver le droit de liquider l’astreinte,

– condamner la SA SMA aux dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 21 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA SMA demande à la cour, sur le fondement des articles 1604 et suivants du code civil, des articles L216-1 et suivants du code de la consommation dans leur version antérieure au 1er juillet 2022, de :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Val-de-Briey pour le surplus,

– débouter Monsieur [S] [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Y ajoutant,

– condamner Monsieur [S] [C] à payer à la SA SMA la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [S] [C] aux entiers dépens.

La société Courtage [Localité 8] mise hors de cause, n’a pas constitué avocat selon communication du 5 juin 2024.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 18 juin 2024.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 4 novembre 2024 et le délibéré au 13 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [S] [C] le 8 janvier 2024 et par la SA SMA le 21 mars 2024, et visées par le greffe, auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 18 juin 2024 ;

Sur la mise hors de cause de la SMA Courtage [Localité 8]

L’appelant considère que la SMA Courtage [Localité 8] est une filiale de la SMA BTP ce qui justifie sa mise en cause ; il affirme qu’il s’agit de deux entités distinctes ayant chacune une personnalité propre ;

Cependant il sera rappelé qu’aucune demande n’a été formée à l’encontre de la société SMA Courtage [Localité 8], intimée par l’appelant, alors que mise hors de cause en première instance ;

Dès lors l’appel diligenté contre elle n’est pas soutenu par Monsieur [C] ;

Sur la demande d’indemnisation des préjudices affectant la terrasse

* sur la garantie de la SA SMA

Aux termes de l’article L 124-1 du code des assurances ‘dans les assurances de responsabilité, l’assureur n’est tenu que si, à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l’assuré par le tiers lésé’ ;

‘Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable’ ajoute l’article L. 124-3 du même code ;

Ainsi l’action directe de la victime permet à cette dernière de mettre en ‘uvre un droit propre sur l’indemnité d’assurance, qui ne peut s’exercer que dans les limites du contrat d’assurance et trouve son fondement dans le droit à réparation du préjudice causé par l’accident dont l’assuré est responsable ; cette double nature explique dès lors, que les deux conditions de fond sont l’établissement, non seulement de la dette de responsabilité de l’assuré mais aussi de l’existence d’un contrat d’assurance ;

Il est constant qu’en l’espèce la société SMA anciennement Sagebat était l’assureur de la société De Lima BTP pour la période du 1er au 31 décembre 2008, au titre de la garantie décennale ;

Les travaux en litige ayant été réceptionnés sans réserve le 27 mai 2008, l’intimée est par conséquent valablement recherchée par Monsieur [C], en vertu de l’action directe prévue par le code des assurances sans que l’allégation d’une résiliation du contrat fin 2008 ne dispense l’assureur de ses obligations envers son assuré et les tiers victimes ;

* sur la nature, l’origine, la qualification des désordres

Aux termes de l’article 1792 du code civil ‘tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage, ou qui l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination’;

Dès lors la garantie décennale peut être mobilisée lorsque le dommage affecte la solidité de l’ouvrage, le rend impropre à sa destination ou affecte la solidité d’un élément d’équipement indissociable . Il doit être en outre non apparent et ne pas avoir fait l’objet de réserve à la réception ;

En revanche si les éléments d’équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs.

En l’espèce, la terrasse constitue un ouvrage, le désordre consiste en une altération, d’un défaut d’altitude de l’ouvrage que constitue la terrasse et d’une variation de celle-ci, entraînant des désaffleurements en périphérie, préjudiciables ;

Monsieur [C] conclut à l’impropriété de la terrasse à sa destination ;

Il résulte du rapport d’expertise technique déposé le 23 février 2021 par [I] [R], architecte (pièce 11 appelant) à la suite d’un déplacement sur les lieux le 23 juillet 2020 les éléments de fait suivants (cause des désordres) :

– les bordures périphériques de la terrasse ne comportent pas de ‘goutte d’eau’ ce qui permet à l’eau de s’insérer sous la bordure et de contribuer à son décollement ainsi qu’à la salissure des murs ;

– le premier facteur de désordre est l’absence de pente de la terrasse ;

– le troisième défaut est l’absence de seuils avec les baies vitrées et l’absence de tranche du pied de l’enduit (absence de joint de dilatation) ;

– l’absence de couvre-joint et barre de seuil entre l’escalier en granit et la maison non construits en même temps ;

L’expert conclut au vu de photos d’archives datant de la période de construction de la terrasse fournies par Monsieur [C], que ‘si la méthode est correcte on relève un certain nombre d’erreurs et défauts de conception et d’exécution qui aboutissent aujourd’hui aux désordres signalés’ ;

Elle ajoute que l’absence d’évacuation des eaux de pluie finit par dégrader la périphérie seule échappatoire de l’eau et précise que ‘l’entrepreneur qui a réalisé une terrasse postérieurement à la maison et à son enduit, n’a pas pensé à dégrader l’enduit existant pour réaliser un enduit étanche qui revient à 15 cm au dessus de l’altitude de la terrasse. Donc l’enduit monocouche qui est respirant, se comporte comme un buvard et se dégrade’ (rapport page 15) ;

Aussi, les désordres en résultant sont les suivants ;

– l’altitude de la terrasse par rapport aux seuils,

– la jonction de la terrasse avec les murs de la maison,

– la dégradation des divers périphériques, l’expert ajoutant que ces désordres ‘ne sont pas de nature à affecter la solidité de l’ouvrage qui n’est ici pas en cause’ ; en effet l’absence de pente de la terrasse n’affecte pas sa solidité et ne la rend pas impropre à sa destination ;

la terrasse n’est pas non plus un élément d’équipement ; un déficit d’entretien de la terrasse depuis dix ans a été constaté ;

Il y a lieu de préciser à ce stade, qu’aucun désaffleurement de la surface de la dalle n’est constaté, comme c’est le cas en matière de carrelage, cas dans lequel l’impropriété à l’usage peut être retenue ;

En revanche aucun préjudice de jouissance n’est relevé et la solution technique est la dépose des dalles et de la chape , la réalisation de deux siphons d’évacuation ainsi que l’exécution d’une chape puis la repose des dalles pour un montant estimé à 7700 euros TTC ; la couverture de la terrasse n’est pas écartée par l’expert interrogé sur ce point ;

Ainsi et tel que retenu par les premiers juges, l’ouvrage n’est ni compromis dans sa solidité, ni impropre à sa destination , ce qui exclut la mise en oeuvre de la garantie décennale par Monsieur [C], qui au demeurant, ne peut valablement invoquer l’existence de fissures de la terrasse qui seraient apparues après le délai décennal échu en mai 2018 ;

En conséquence la seconde condition tenant à la nature des désordres et aux conséquences sur l’ouvrage en litige, lequel n’est affecté ni dans sa solidité ni rendu impropre à sa destination ne permet pas la mise en jeu de la responsabilité décennale de la société qui l’a réalisé et partant l’action diligentée contre la société SMA, son assureur décennal, est vouée à l’échec ;

Le jugement déféré qui a rejeté la demande, sera par conséquent confirmé ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Monsieur [C] succombant dans ses prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamné aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelant, partie perdante, devra supporter les dépens et il est équitable qu’il soit condamné à payer à la société SMA, la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ; en revanche il sera débouté de sa propre demande de ce chef ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt rendu par défaut prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [S] [C] à payer à la société SMA la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile en sus des sommes précédemmment mises à sa charge ;

Déboute Monsieur [S] [C] de l’ensemble de ses demandes ;

Le condamne aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en dix pages.


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