Construction et obligations contractuelles : enjeux de paiement et de responsabilité

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Construction et obligations contractuelles : enjeux de paiement et de responsabilité

L’Essentiel : La Sccv Le Vip 182 a engagé des travaux de construction pour des bureaux et des appartements, mais n’a pas réglé la facture de situation n°6, totalisant 20 203,70 euros HT. Après une mise en demeure, la Sas Let Lafforgue a assigné la Sccv devant le tribunal, demandant le paiement du solde dû et des intérêts. Le tribunal a constaté que, bien que les travaux aient été réalisés, les avenants non signés ne prouvaient pas un accord valide. La Sccv a été condamnée à payer 23 781,14 euros TTC, tandis que ses demandes d’indemnités ont été partiellement rejetées.

Exposé du litige

La Sccv Le Vip 182 a engagé des travaux de construction pour des bureaux et des appartements, sous la direction de M. [K] [E]. Un contrat a été signé le 25 mai 2020 avec la Sas Let Lafforgue pour le lot Plomberie – Sanitaire – Vmc – Canalisation, d’un montant de 82 844,69 euros HT. Plusieurs factures ont été réglées, mais la Sccv Le Vip 182 n’a pas payé la facture de situation n°6 et le décompte général définitif, totalisant 20 203,70 euros HT. Après une mise en demeure restée sans réponse, la Sas Let Lafforgue a assigné la Sccv Le Vip 182 devant le tribunal.

Prétentions et moyens des parties

La Sas Let Lafforgue demande le paiement du solde dû, ainsi que des intérêts de retard et des frais de justice. Elle soutient que les travaux ont été réalisés conformément aux avenants, malgré l’absence de signature de la Sccv Le Vip 182. En réponse, la Sccv Le Vip 182 conteste la régularité des avenants et invoque des surcoûts dus à des erreurs de la Sas Let Lafforgue, demandant des indemnités pour préjudice financier et moral.

Motifs de la décision

Le tribunal rappelle que la charge de la preuve incombe à celui qui réclame le paiement. Il constate que la Sas Let Lafforgue a réalisé les travaux, mais que la Sccv Le Vip 182 conteste la qualité de ces derniers. Les avenants non signés ne suffisent pas à établir un accord, et certaines sommes ne sont pas dues. La Sccv Le Vip 182 doit donc payer 23 781,14 euros TTC, avec intérêts. Les demandes d’indemnités de la Sccv Le Vip 182 sont partiellement rejetées, sauf pour une somme de 1 430 euros pour des travaux de reprise. La compensation des créances entre les parties est ordonnée, et la Sccv Le Vip 182 est condamnée aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 1353 du Code civil dans le cadre de la demande en paiement de la Sas Let Lafforgue ?

L’article 1353 du Code civil stipule que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Cela signifie que la charge de la preuve incombe à la partie qui demande l’exécution d’une obligation, en l’occurrence, la Sas Let Lafforgue.

Ainsi, pour obtenir le paiement des sommes dues, la Sas Let Lafforgue doit démontrer que les travaux ont été réalisés conformément aux termes du contrat et que la Sccv Le Vip 182 a accepté ces travaux.

Il est également précisé que « réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Cela implique que si la Sccv Le Vip 182 conteste le paiement, elle doit prouver qu’elle a été libérée de son obligation de paiement, par exemple, en démontrant un manquement contractuel de la part de la Sas Let Lafforgue.

En l’espèce, la Sas Let Lafforgue a produit des éléments prouvant l’exécution des travaux, tandis que la Sccv Le Vip 182 ne conteste pas la réalisation des travaux, mais plutôt leur qualité. Cela montre que la Sas Let Lafforgue a satisfait à son obligation de preuve selon l’article 1353.

Comment l’absence de signature des avenants affecte-t-elle la demande de paiement de la Sas Let Lafforgue ?

L’absence de signature des avenants par la Sccv Le Vip 182 soulève des questions quant à l’acceptation des modifications contractuelles. Selon le droit des contrats, l’acceptation d’un avenant nécessite généralement une manifestation claire de volonté des parties.

L’article 1103 du Code civil précise que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ». Cela implique que les parties doivent respecter les engagements pris, mais aussi que l’acceptation des modifications doit être claire.

Dans le cas présent, bien que la Sccv Le Vip 182 n’ait pas signé les avenants, elle a payé certaines sommes qui y étaient liées, ce qui peut être interprété comme une acceptation tacite de ces modifications. Cependant, pour les avenants non réglés, l’absence de signature et de paiement peut être interprétée comme un refus d’acceptation.

Ainsi, la Sas Let Lafforgue doit prouver que les travaux supplémentaires ont été expressément commandés ou acceptés par la Sccv Le Vip 182, conformément à l’article 1353. L’absence de signature sur les avenants n’est pas en soi un obstacle à la demande de paiement, mais elle complique la preuve de l’acceptation des modifications contractuelles.

Quelles sont les implications de l’article 1231-1 du Code civil concernant les demandes indemnitaires de la Sccv Le Vip 182 ?

L’article 1231-1 du Code civil stipule que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ».

Dans le cadre des demandes indemnitaires de la Sccv Le Vip 182, cet article implique que pour obtenir des dommages et intérêts, elle doit prouver que la Sas Let Lafforgue a manqué à ses obligations contractuelles, que ce soit par une inexécution totale ou un retard dans l’exécution des travaux.

La Sccv Le Vip 182 a invoqué des retards et des désordres dans l’exécution des travaux, mais elle doit apporter la preuve de ces manquements. En l’absence de preuve d’un retard contractuellement convenu ou d’une inexécution, la demande de dommages et intérêts pourrait être rejetée.

De plus, la Sccv Le Vip 182 doit également prouver que les préjudices financiers qu’elle réclame sont directement liés aux manquements de la Sas Let Lafforgue. Si elle ne peut pas établir ce lien, sa demande d’indemnisation sera également compromise.

Comment l’article 700 du Code de procédure civile s’applique-t-il dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile dispose que « la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». Cela signifie que la partie qui succombe dans ses prétentions peut être tenue de rembourser les frais engagés par l’autre partie pour sa défense.

Dans cette affaire, la Sccv Le Vip 182 a été condamnée à verser à la Sas Let Lafforgue une somme de 3 000 euros sur le fondement de cet article. Cela reflète le principe selon lequel la partie qui a gagné le procès peut obtenir le remboursement de ses frais de justice, y compris les honoraires d’avocat.

Il est important de noter que la demande de la Sccv Le Vip 182 au titre de l’article 700 a été rejetée, car elle a succombé dans ses demandes. Cela souligne l’importance de la réussite dans le litige pour bénéficier de cette disposition.

En résumé, l’article 700 permet de compenser les frais engagés par la partie gagnante, et dans ce cas, la Sccv Le Vip 182, en tant que partie perdante, a été condamnée à payer les frais de la Sas Let Lafforgue.

MINUTE N° :
JUGEMENT DU : 13 Janvier 2025
DOSSIER : N° RG 22/02714 – N° Portalis DBX4-W-B7G-Q7HJ
NAC : 54D

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
POLE CIVIL – Fil 1

JUGEMENT DU 13 Janvier 2025

PRESIDENT

Madame KINOO, Vice-Présidente
Statuant à juge unique conformément aux dispositions des
articles R 212-9 et 213-7 du Code de l’Organisation judiciaire

GREFFIER lors du prononcé

Madame CHAOUCH, Greffier

DEBATS

à l’audience publique du 04 Novembre 2024, les débats étant clos, le jugement a été mis en délibéré à l’audience de ce jour.

JUGEMENT

Contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe.
Copie revêtue de la formule
exécutoire délivrée
le
à
DEMANDERESSE

S.A.S. LET LAFFORGUE, RCS Auch 301 464 780, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Maître Odile LACAMP de la SCP LERIDON LACAMP, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 001

DEFENDERESSE

SCCV VIP, RCS Toulouse 850 459 702, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN – ESPAGNO – SALVADOR, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant/postulant, vestiaire : 328

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure

La Sccv Le Vip 182 a entrepris la construction de bureaux à usage de cabinet médical et de six appartements au [Adresse 1] à [Localité 3], sous la maîtrise d’oeuvre, de M. [K] [E] du cabinet E-Team-Archi.

Par contrat du 25 mai 2020, la Sccv Le Vip 182 a confié à la Sas Let Lafforgue le lot Plomberie – Sanitaire – Vmc – Canalisation, pour un montant total de 82 844,69 euros HT.

La Sccv Le Vip 182 a payé à la Sas Let Lafforgue :
– une facture de situation n°1, référencée FA-2006-00112, d’un montant de 2 193,03 euros HT;
– une facture de situation n°2, référencée FA-2011-0026, d’un montant de 24 114,57 euros HT;
– une facture de situation n°3, référencée FA-2102-00001, d”un montant de 15 587,56 euros HT ;
– une facture de situation n°4, référencée FA-2102-00161, d’un montant de 16 598,91 euros HT ;
– une facture de situation n°5, référencée FA-2105-00097, d’un montant de 6 928,97 euros HT.

La Sccv Le Vip 182 n’a, en revanche, pas payé à la Sas Let Lafforgue la facture de situation n°6 du 31 mai 2021, référencée FA-2105-00109, d’un montant de 15 498,70 euros HT, pas plus que la facture du 24 août 2021 correspondant au décompte général définitif, référencé FA-2108-00035 d’un montant de 4 705 euros HT.

Par courrier recommandé du 13 janvier 2022, réceptionné le 1er février 2022, la Sas Let Lafforgue a mis en demeure la Sccv Le Vip 182 de lui régler le solde de son marché de travaux, soit un montant total de 20 203,70 euros HT (24 244, 44 euros TTC). Cette mise en demeure est toutefois demeurée infructueuse.

Par acte du 17 juin 2022, la Sas Let Lafforgue a fait assigner la Sccv Le Vip 182 devant le tribunal judiciaire de Toulouse, en paiement du solde lui restant dû.

L’ordonnance de clôture de la mise en état, avec fixation de l’affaire à l’audience du 4 novembre 2024 tenue à juge unique, est intervenue le 19 septembre 2024.

Prétentions et moyens des parties

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 18 juin 2024, la Sas Let Lafforgue demande au tribunal de :
Vu les articles 1103, 1104, 1217, 1219, 1231 et suivant, 1353, 1347 et 1347-1 du code
civil,
Vu la loi n°71-584 du 16 juillet 1971 ;
Vu l’article R.231-7 du code de la construction et de l’habitation,
Vu l’article L.442-1 du code de commerce dans sa version applicable au litige,
– condamner la Sccv Le Vip 182 à régler à la Sas Let Lafforgue la somme de 20 203,70 euros HT, soit 24 244,44 euros TTC, correspondant au solde de son marché de travaux outre les intérêts de retard dus à compter de la mise en demeure reçue le 1er février 2022 fixés à la somme de 1 488,92 euros, à parfaire au jour du jugement à intervenir ;
– condamner la Sccv Le Vip 182 à payer à la Sas Let Lafforgue la somme de 4 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;
– débouter la Sccv Le Vip 182 de sa demande d’indemnité en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Au soutien de ses demandes, la Sas Let Lafforgue expose que, alors que les travaux se sont déroulés conformément aux avenants conclus et sont achevés, pour un montant total de 85 896,74 euros HT, la Sccv Le Vip 182 a réglé la somme de 64 693,04 euros HT et lui reste donc redevable d’une somme de 24 244,44 euros TTC, au titre d’une facture de situation n°6 et de son décompte général définitif, tous deux demeurés impayés.

En réponse aux moyens opposés par la défenderesse, elle indique que le défaut de signature des avenants contractuels adressés au cours de l’exécution des travaux à la Sccv Le Vip 182 ne peut justifier une quelconque contestation en paiement du solde du marché, dès lors que cette dernière n’a émis aucune observation ni opposition à leur encontre et qu’ils entraînent seulement une légère modification du montant total du marché de travaux (3052,05 euros HT).

Elle ajoute que la Sccv Le Vip 182 ne rapporte pas la preuve d’un manquement contractuel de sa part qui justifierait qu’elle ne s’acquitte pas du solde du marché.
En particulier, elle conteste tout retard qui lui serait imputable, ce d’autant qu’aucun accord n’a été établi entre les parties sur une date de début et de fin des travaux. Elle fait observer que, dans les listes des opérations préalables à la réception, le retard signalé par le maître d’oeuvre est principalement imputable à deux autres entrepreneurs en charge de l’exécution des travaux.
S’agissant des réserves à la réception : la demanderesse rappelle qu’en sa qualité de maître d’ouvrage, la Sccv Le Vip 182 disposait de la possibilité de consigner une somme correspondant à 5% du marché global, soit 4 294,83 euros HT, pour la contraindre à intervenir en reprise des réserves à la réception, mais qu’elle n’a pas usé de cette faculté, ce qui ne lui donne pas pour autant la possibilité de conserver arbitrairement la somme de 20 203,70 euros HT.
S’agissant des désordres invoqués en défense comme affectant ses travaux : la Sas Let Lafforgue soutient que la cause du désordre constaté par l’expert d’assurance, à savoir une fuite sur une canalisation alimentant la douche du cabinet médical, n’est pas établie et que le seul fait d’avoir été titulaire du lot “plomberie” ne suffit pas à engager sa responsabilité. Elle souligne que la cause de la fuite n’a pas été déterminée par l’expert amiable.

Enfin, pour conclure aux demandes indemnitaires présentées à titre subsidiaire par la défenderesse, la Sas Let Lafforgue soutient que la Sccv Le Vip 182 ne produit aucune pièce en lien direct avec les travaux litigieux susceptible d’établir l’existence de la créance dont elle se prévaut.

En réponse, dans le dernier état de ses conclusions signifiées par voie électronique le 14 mai 2024, la Sccv Le Vip 182 demande au tribunal de :
Vu les articles 1103 et suivants du code civil,
Vu les articles 1217 et suivants du code civil,
Vu l’article 1231-1 du code civil,
Vu les articles 1347 et suivants du code civil,
A titre principal,
– constater que la Sccv Le Vip 182 a dû faire face à un surcoût de travaux imputables aux erreurs commises par la Sas Let Lafforgue ;
Par voie de conséquence,
– débouter la Sas Let Lafforgue de l’intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire,
– condamner la Sas Let Lafforgue à payer à la Sccv Le Vip 182 la somme de 23 088,66 euros en réparation de son préjudice financier ;
– condamner la Sas Let Lafforgue à payer à la Sccv Le Vip 182 la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– ordonner une compensation judiciaire entre les sommes dues par la Sccv Le Vip 182 et celles dues par la Sas Let Lafforgue ;
En tout état de cause,
– condamner la Sas Let Lafforgue au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la Sas Let Lafforgue aux entiers dépens.

A cette fin, la Sccv Le Vip 182 conteste la régularisation d’avenants entre les parties, faisant valoir qu’aucun n’est daté ou signé par elle.

Elle se prévaut encore de l’exception d’inexécution, faisant valoir :
– que la Sas Let Lafforgue a accumulé plusieurs semaines de retard, justifiant l’application de pénalités à hauteur de 6 069,94 euros TTC à ce titre ;
– que ses travaux sont entachés de désordres pointés par le maître d’oeuvre, lequel l’a relancée en vain pour la reprise desdits désordres ; qu’elle a été contrainte d’exposer la somme de 3 663,50 euros suite aux malfaçons de la demanderesse ; qu’elle est encore en droit de lui demander la somme de 13 355,22 euros TTC correspondant au préjudice financier causé à elle par une fuite sur la canalisation alimentant la douche des sanitaires du cabinet médical.

Elle se prévaut encore d’un préjudice moral consistant en une atteinte réputationnelle, soutenant que ses clients ne feront plus appel à ses services en raison des interventions ‘désastreuses’ de la demanderesse.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, le tribunal, tenu par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu’il ne sera statué sur les demandes des parties tendant à ‘dire et juger’, ‘constater’, que dans la mesure où elles constitueront des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

1. Sur la demande en paiement de la Sas Let Lafforgue

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il résulte de cet article que celui qui réclame le paiement de travaux doit prouver le consentement de l’autre partie à l’exécution de ceux-ci au prix demandé.

L’entrepreneur qui réclame le paiement de prestations supplémentaires doit, quel que soit le type du marché et conformément au droit commun des contrats, rapporter la preuve que le maître de l’ouvrage les a expressément commandées avant leur réalisation ou les a acceptées sans équivoque après leur exécution. Sa seule absence de protestation durant leur réalisation ne suffit pas à démontrer qu’il les a acceptées.

En l’espèce, les éléments versés aux débats permettent de retenir que la Sas Let Lafforgue a réalisé les travaux mentionnés dans les devis et factures dont elle sollicite le règlement. La Sccv Le Vip 182 ne le conteste au demeurant pas, ses griefs ne portant pas sur la quantité mais sur la qualité des prestations dont la demanderesse sollicite le règlement. Or, le maître de l’ouvrage ne peut à la fois refuser de payer les sommes dues et se voir octroyer des dommages et intérêts en réparation des conséquences des manquements du locataire d’ouvrage à ses obligations.

Les parties s’opposent sur les effets tenant à l’absence d’acceptation formelle par la Sccv Le Vip 182 et de signature par celle-ci des avenants.

Il est, à cet égard, constant qu’aucun des huit avenants au contrat n’a été signé par la Sccv Le Vip 182.

Si trois mentionnent des moins-values, cinq de ces huit avenants correspondent, à l’inverse, à des travaux supplémentaires :
– avenant n°1 du 5 octobre 2020 portant sur une plus value d’entrée d’air en maçonnerie (+ 959,39 euros HT),
– avenant n°3 du 26 novembre 2020 portant sur une modification de l’eau chaude sanitaire du rez-de-chaussée (+ 339 euros HT),
– avenant n°5 du 1er février 2021 ayant pour objet le déplacement de l’unité intérieure du bureau n°3 (+ 884,35 euros HT),
– avenant n°6 du 1er février 2021 ayant pour objet l’ajout d’une unité intérieure dans le bureau n°5 (+ 1 328,64 euros)
– avenant n°8 correspondant à un changement de modèle de receveur (+ 57,44 euros).

Il ressort des éléments versés aux débats que les sommes correspondant aux avenants n°1, 3 et 5, toutes mentionnées dans la situation n°4, ont déjà été intégralement payées par la Sccv Le Vip 182, qui les a donc acceptés.

En revanche, celles correspondant aux avenants n°6 et n°8 n’ont pas été réglées. L’absence de protestation de la Scciv Le Vip 182 pendant la réalisation des prestations correspondant aux deux avenants considérés est insuffisante à établir son accord pour ceux-ci. Au contraire, aucun élément ne démontre qu’elle les a acceptés. En conséquence, les sommes de 1 328,64 euros HT et de 57,44 euros HT (soit 1 386,08 euros HT au total) ne sont pas dues.

Il résulte de ce qui précède que la somme de 84 510,66 euros HT (85896,74 – 1386,08) est due à la Sas Let Lafforgue par la Sccv Le Vip 182 au titre du montant du chantier. Le maître de l’ouvrage ayant déjà versé la somme de 64 693,04 euros HT, demeure due celle de 19 817,62 euros HT soit 23 781,14 euros TTC, au paiement de laquelle il sera condamné.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux contractuel de 12% l’an à compter, conformément à la demande de la Sas Let Lafforgue, du 1er février 2022.

2. Sur les demandes indemnitaires de la Sccv Le Vip 182

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

2.1 Sur la demande au titre du préjudice financier

* Sur le grief tiré du retard dans l’exécution des prestations

Les clauses administratives particulières du marché, qui font la loi des parties, stipulent des pénalités de retard fixées à 1/500 du montant TTC du marché par jour calendaire de retard, sans pouvoir être supérieures à 20 % du marché.

Il appartient à la Sccv Le Vip 182 d’apporter la preuve du retard dont elle se prévaut, lequel ne peut s’entendre que par rapport à une date contractuellement convenue ou, lorsque le devis ne mentionne aucun délai d’exécution, par rapport à un délai raisonnable dont le point de départ est la date du devis (3e Civ., 29 septembre 2016, pourvoi n° 15-18.238).

Au cas présent, l’acte d’engagement (auquel renvoie le CCAP) stipule que les travaux seront exécutés dans le délai prévu sur le calendrier d’exécution des travaux, à compter de la date fixée par l’ordre de service qui prescrira de les commencer (article 3 – délais). Le calendrier d’exécution des travaux n’est toutefois pas versé aux débats et la pièce n°1 de la défenderesse consistant en un planning de travaux renseigné a posteriori par le maître d’œuvre est insusceptible de constituer cet élément, qui devait être joint à l’ordre de service. Le délai d’exécution contractuellement convenu n’est donc pas justifié par la Sccv Le Vip 182 à qui incombe la charge de la preuve.

En conséquence, le grief tiré du retard dans l’exécution des prestations sera écarté.

* Sur le grief tiré des travaux supplémentaires réalisés pour réparer les désordres causés par la société Let Lafforgue

La société Le Vip 182 sollicite le remboursement des factures et devis suivants, dont elle précise qu’il s’agit de travaux qui n’auraient pas été nécessaires si la demanderesse avait réalisé les travaux sans qu’aucun désordre ne soit à déplorer :
– devis du 9 novembre 2022 de M. [X] [D] exerçant sous le nom ‘entreprise [X] [D]’ pour des travaux de plomberie : 1 638 euros TTC,
– facture du 21 septembre 2021 de la Sarl PNP peinture pour reboucher et reprendre les dégradations commises par la demanderesse : 1 430 euros TTC,
– devis de la Sas Baticoncept pour des travaux de plomberie le 15 mai 2023 : 595,50 euros TTC.

Toutefois, la Sccv ne saurait être remboursée sur la base de devis portant sur des sommes qu’elle ne justifie pas avoir engagées et correspondant, pour celui de la Sas Baticoncept, à la fourniture d’un chauffe eau, dont elle ne justifie pas qu’elle ait été rendue nécessaire par un désordre imputable à la Sas Let Lafforgue. La Sccv Le Vip 182 ne justifie donc pas que les sommes de 1638 et 595,50 euros lui sont dues.

La facture de la société PNP établie le 21 septembre 2021 porte sur les prestations suivantes:
– rebouchages et reprises diverses des supports au plâtre et à l’enduit fin y compris ponçage,
– remise en peinture des supports murs et plafonds ‘suite dégradation plombier passage VMC, reprise WC ERT suite dégâts des eaux RDC‘.
Cette facture doit être rapprochée du courriel du maître d’oeuvre du 8 octobre 2021 signalant des ‘reprises de peinture suite aux erreurs d’implantation des meubles au RDC’, ‘aux sorties tardives de VMC une fois tout terminé’ et ‘après fuite du cabinet médical’. La mention d’un maître d’oeuvre distinct, arguée par la Sas Let Lafforgue, est inopérante, les deux architectes appartenant au même cabinet.
Cette somme est donc due à la Sccv Le Vip 182 par la Sas Let Lafforgue.

* Sur le grief tiré de la réparation de la fuite décrite dans le rapport d’expertise du 23 février 2024 à hauteur de 13 355,22 euros

La Sccv Le Vip 182 verse aux débats un rapport d’expertise DO établi le 23 février 2024 par la Sas Eurisk, faisant état d’infiltrations en pied de paroi dans le local médical (à l’origine du gonflement des portes en bois de trois bureaux et d’endommagement de plinthes) et dans les parties communes au rez-de-chaussée (ayant provoqué une dégradation des plinthes et de la tapisserie dans le couloir). L’expert DO attribue la cause du désordre à une fuite sur la canalisation d’eau chaude sanitaire qui alimente la douche située dans les sanitaires : l’eau s’écoule sur le plancher, puis migre à travers la couche de mortier de scellement du carrelage et remonte par capillarité dans les cloisons.

Toutefois, la Sccv ne justifie ni d’une demande ni d’une action à son encontre engagée par le propriétaire du cabinet médical et/ou par le syndicat des copropriétaires. Elle ne justifie pas plus s’être acquittée en leur faveur de la somme de 13 355,22 euros TTC correspondant aux réparations du désordre, tandis que la Sas Let Lafforgue fait valoir, sans être utilement contredite, que l’assureur DO pourrait l’avoir préfinancée. En conséquence, la Sccv Le Vip 182 ne saurait se prévaloir d’une créance qu’elle détiendrait à ce titre à l’égard de la Sas Let Lafforgue.

Il s’ensuit que le préjudice financier de la Sccv Le Vip 182 s’élève à 1430 euros TTC, montant au paiement duquel la Sas Let Lafforgue sera condamnée, à l’exclusion de toute autre somme.

2.2 Sur la demande au titre du préjudice moral

Est ici sollicitée par la Sccv Le Vip 182 la condamnation de la Sas Let Lafforgue à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation d’une atteinte réputationnelle importante tenant à ce que ‘les clients ne feront plus appel à ses services’.

La réalité de ce préjudice moral n’est toutefois pas prouvée par la Sccv Le Vip 182, débitrice de la charge de la preuve.

La demande à ce titre ne peut donc qu’être rejetée.

2.3 Sur la compensation

Conformément à la demande de la Sccv Le Vip 182, il y a lieu d’ordonner la compensation des sommes dues par la Sas Let Lafforgue à la Sccv Le Vip 182 avec celles dues par la Sccv Le Vip 182 à la Sas Let Lafforgue.

3. Sur les frais du procès

La Sccv Le Vip 182, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Il n’apparaît pas équitable de laisser à la Sas Let Lafforgue la charge des frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense. En conséquence, la Sccv Le Vip 182 sera condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Sccv Le Vip 182 sera déboutée de sa propre demande à ce titre.

L’exécution provisoire est de droit aux termes de l’article 514 du code de procédure civile modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, sans qu’il y ait lieu de l’ordonner. Il n’est, en outre, pas sollicité de l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

Condamne la Sccv Le Vip 182 à verser à la Sas Let Lafforgue la somme de 23 781,14 euros TTC au titre du solde du marché, outre intérêts au taux contractuel de 12% l’an à compter du 1er février 2022,

Déboute la Sas Let Lafforgue du surplus de sa demande à ce titre,

Condamne la Sas Let Lafforgue à régler à la Sccv Le Vip 182 la somme de 1430 euros TTC en réparation de son préjudice financier,

Déboute la Sccv Le Vip 182 du surplus de sa demande au titre du préjudice financier et de sa demande au titre du préjudice moral,

Ordonne la compensation des sommes dues par la Sas Let Lafforgue à la Sccv Le Vip 182 avec celles dues par la Sccv Le Vip 182 à la Sas Let Lafforgue.

Condamne la Sccv Le Vip 182 aux dépens,

Condamne la Sccv Le Vip 182 à verser à la Sas Let Lafforgue la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Sccv Le Vip 182 de sa demande à ce titre.

Le Greffier, La Présidente,


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