Caducité de l’appel pour défaut de conclusions conformes

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Caducité de l’appel pour défaut de conclusions conformes

L’Essentiel : Le 20 juin 2024, le tribunal judiciaire de Reims a condamné M. [M] [B] et Mme [W] [L] à verser 16 013,93 euros à la banque CIC Est, avec des intérêts de 3,950 %. M. [B] a interjeté appel le 16 août 2024, mais la banque a demandé la caducité de cet appel, arguant que les conclusions ne contenaient pas de demande d’infirmation du jugement. Le conseiller de la mise en état a statué en faveur de la banque, déclarant l’appel caduc et condamnant M. [B] aux dépens d’appel ainsi qu’à verser 1 000 euros à la banque.

Jugement du Tribunal Judiciaire de Reims

Le 20 juin 2024, le tribunal judiciaire de Reims a rendu un jugement condamnant M. [M] [B] et Mme [W] [L] épouse [B] à verser à la banque CIC Est la somme de 16 013,93 euros, assortie d’intérêts au taux contractuel de 3,950 %. Les parties ont été déboutées du surplus de leurs prétentions, et les époux ont également été condamnés aux dépens ainsi qu’à payer 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision a été assortie de l’exécution provisoire.

Appel de M. [B]

Le 16 août 2024, M. [M] [B] a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal. Cet appel a été suivi de conclusions d’incident notifiées le 18 novembre 2024 par la banque CIC Est, qui a demandé la caducité de la déclaration d’appel de M. [B] et a réclamé 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Arguments de la Banque CIC Est

La banque CIC Est a soutenu que les conclusions déposées par M. [B] ne contenaient aucune demande d’infirmation ou d’annulation du jugement, ne respectant pas les exigences des articles 542, 910-1 et 954 du code de procédure civile. Elle a donc demandé que la caducité de la déclaration d’appel soit prononcée.

Réponse de M. [B]

En réponse, M. [B] a contesté la demande de la banque, arguant que celle-ci relevait de la compétence exclusive de la cour d’appel. Il a également soutenu que ses conclusions étaient conformes aux exigences légales et a demandé à la cour de débouter la banque de ses demandes.

Analyse Juridique

L’article 908 du code de procédure civile stipule qu’un appelant doit remettre ses conclusions dans un délai de trois mois pour éviter la caducité de sa déclaration d’appel. Les conclusions doivent déterminer l’objet du litige, et l’absence d’une demande d’infirmation du jugement entraîne la caducité de l’appel. La banque CIC Est a donc demandé la caducité de l’appel de M. [B] en raison de l’absence de cette mention dans ses conclusions.

Décision du Conseiller de la Mise en État

Le conseiller de la mise en état a statué que M. [B] n’avait pas respecté les exigences légales en matière de conclusions d’appel, entraînant la caducité de sa déclaration d’appel. M. [B] a été condamné aux dépens d’appel et à verser 1 000 euros à la banque CIC Est au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de validité des conclusions d’appel selon le code de procédure civile ?

Les conditions de validité des conclusions d’appel sont principalement régies par les articles 908, 910-1, 542 et 954 du code de procédure civile.

L’article 908 stipule qu’à peine de caducité de la déclaration d’appel, l’appelant doit remettre ses conclusions au greffe dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel.

Cet article précise :

« À peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe. »

De plus, l’article 910-1 précise que les conclusions doivent déterminer l’objet du litige :

« Les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l’objet du litige. »

Il est donc impératif que l’appelant mentionne dans ses conclusions une demande d’infirmation ou d’annulation du jugement contesté, conformément aux articles 542 et 954.

En cas de non-respect de cette exigence, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, sauf si elle relève d’office la caducité de l’appel, comme le prévoit l’article 914.

Quelles sont les conséquences de la caducité de la déclaration d’appel ?

La caducité de la déclaration d’appel entraîne plusieurs conséquences juridiques pour l’appelant, notamment la confirmation du jugement initial et l’obligation de supporter les dépens.

Lorsque la déclaration d’appel est déclarée caduque, cela signifie que l’appelant a perdu son droit de contester le jugement rendu.

En effet, selon l’article 914 du code de procédure civile :

« La cour d’appel peut relever d’office la caducité de l’appel. »

Ainsi, si l’appelant ne respecte pas les conditions de validité des conclusions, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement initial.

De plus, l’appelant qui succombe doit supporter les dépens d’appel, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, qui stipule :

« Les dépens comprennent les frais de justice exposés par les parties. »

Enfin, l’article 700 du même code permet à la partie gagnante de demander le remboursement de ses frais d’avocat, ce qui a été appliqué dans le cas présent où M. [B] a été condamné à verser 1 000 euros à la banque CIC Est.

Quelle est la compétence du conseiller de la mise en état dans le cadre d’un incident d’appel ?

La compétence du conseiller de la mise en état est clairement définie par le code de procédure civile, notamment par l’article 910-4.

Cet article précise que le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur les incidents soulevés dans le cadre d’une procédure d’appel.

Il est important de noter que, selon la jurisprudence, la compétence exclusive de la cour d’appel pour connaître des fins de non-recevoir a été affirmée dans l’avis n°22-70.010 de la Cour de cassation.

Cela signifie que le conseiller de la mise en état peut examiner les incidents, mais certaines questions, comme les fins de non-recevoir, relèvent de la compétence de la cour d’appel.

Dans le cas présent, le conseiller de la mise en état a été jugé compétent pour statuer sur l’incident soulevé par la banque CIC Est, ce qui est conforme à la répartition des compétences établie par le code de procédure civile.

Ainsi, le conseiller a pu prononcer la caducité de la déclaration d’appel de M. [B], confirmant ainsi son rôle dans la gestion des incidents d’appel.

COUR D’APPEL

DE [Localité 4]

CHAMBRE CIVILE

ET

COMMERCIALE

N° RG 24/01316 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FRCE-11

Monsieur [M] [B], né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 5] (51),

Représentant : Me Emmanuel LUDOT, avocat au barreau de REIMS

APPELANT AU PRINCIPAL

DEFENDEUR A L’INCIDENT

La banque CIC EST, société anonyme au capital de 225’000 000 euros, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Strasbourg sous le n° 754.800.712, dont le siège social est au [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège,

Représentant : Me Nathalie CAPELLI de la SELARL MCMB, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE AU PRINCIPAL

DEFENDERESSE A L’INCIDENT

Madame [W] [L] épouse [B], née le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 4] (51),

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro C-51454-2024-00378 du 30/09/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 4])

Représentant : Me Clémence GIRAL-FLAYELLE, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE AU PRINCIPAL

ORDONNANCE D’INCIDENT

DU : 14 janvier 2025

Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre, conseillère de la mise en état, assistée de Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière ;

Après débats à l’audience du 17 décembre 2024, a rendu par mise à disposition au greffe, l’ordonnance contradictoire suivante :

Par jugement du 20 juin 2024, le tribunal judiciaire de Reims a :

– condamné solidairement M. [M] [B] et Mme [W] [L] épouse [B] à payer à la banque CIC Est la somme de 16 013,93 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,950 %,

– débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

– condamné in solidum M. [M] [B] et Mme [W] [L] épouse [B] aux dépens,

– condamné in solidum M. [M] [B] et Mme [W] [L] épouse [B] à payer à la banque CIC Est la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que la décision est assortie de l’exécution provisoire.

Par déclaration du 16 août 2024, M. [M] [B] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions d’incident notifiées le 18 novembre 2024, la banque CIC Est demande au conseiller de la mise en état de :

– prononcer la caducité de la déclaration d’appel formée par M. [B],

– condamner M. [B] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir que le dispositif des conclusions déposées par l’appelant dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile ne comporte aucune demande d’infirmation ou d’annulation ; que ces conclusions ne répondent pas aux exigences des articles 542,910-1 et 954 du code de procédure civile de sorte que la caducité de la déclaration d’appel doit être prononcée.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 19 novembre 2024, M. [B] demande au conseiller de la mise en état de :

– juger que la demande présentée par la banque CIC Est sur incident s’analyse en une fin de non recevoir de la compétence exclusive de la cour d’appel,

– en conséquence se déclarer incompétent,

– subsidiairement,

– débouter la banque CIC Est de ses demandes,

– condamner la banque CIC Est au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il fait valoir que dans sa décision n°21-25.108, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser la répartition des compétences relatives à l’article 910-4 du code de procédure civile et par un avis n°22-70.010, elle s’est prononcée en faveur de la compétence exclusive de la cour d’appel pour connaître des fins de non recevoir tirées des articles 654 et 910-4 du code de procédure civile.

Il ajoute que contrairement à ce qui est soutenu, le dispositif de ses conclusions est conforme au texte visé par le demandeur à l’incident.

Mme [W] [L] épouse [B] n’a pas conclu sur incident.

SUR CE,

L’article 908 du code de procédure civile prévoit qu’à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe.

L’article 910-1 du même code, dans sa version applicable au présent litige, précise :

 » Les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l’objet du litige. »

Il est désormais de principe (Civ2e 4 novembre 2021n° 20-15.757) qu’il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile, dans leur version applicable à la cause, que l’appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue à l’article 914 du code de procédure civile de relever d’office la caducité de l’appel. Lorsque l’incident est soulevé par une partie ou relevé d’office par le conseiller de la mise en état, ce dernier ou, le cas échéant, la cour d’appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d’appel si les conditions en sont réunies.

Pour que des écritures puissent être considérées comme des conclusions valablement adressées à la cour au sens de l’article 908 du code de procédure civile, elle doivent contenir certains éléments qui déterminent l’objet du litige porté devant la cour d’appel et permettant à la partie adverse de répondre utilement dans le délai qui lui est imparti. Le fait que la déclaration d’appel soit conforme aux prescriptions imposées à peine de nullité par l’article 901 du code de procédure civile ne dispense pas l’appelant de remettre des conclusions qui déterminent l’objet du litige.

En l’espèce, la banque CIC Est demande de prononcer la caducité de la déclaration d’appel au visa des articles susvisés, et non comme le prétend à tort l’appelant, au visa des articles 910-4 et 564 du code de procédure civile.

Un tel incident relève des pouvoirs juridictionnels de la présente juridiction valablement saisie sur incident.

M. [B] a déposé le 7 octobre 2024, dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile, des conclusions d’appelant dont le dispositif ne mentionne aucune demande expresse tendant à l’annulation du jugement ou à l’infirmation des chefs du jugement critiqué. Il n’a pas déposé de conclusions rectificatives dans le délai qui lui était imparti par le texte ci-dessus rappelé qui a expiré le 16 novembre 2024.

En conséquence, sa déclaration d’appel est caduque.

M. [B] qui succombe doit supporter les dépens d’appel et verser à la banque CIC Est la somme de 1 000 euros au titre des dispositions prévues par l’article 700 du code de procédure civile. Sa demande faite à ce titre est nécessairement mal fondée.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par ordonnance contradictoire,

Dit que le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur l’incident soulevé par la banque CIC Est ;

Prononce la caducité de la déclaration d’appel formée par M. [B] le 16 août 2024 à l’encontre du jugement rendu le 20 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Reims ;

Condamne M. [B] aux dépens d’appel ;

Condamne M. [B] à payer à la banque CIC Est la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente de chambre, conseillère de la mise en état


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