Indemnisation des préjudices suite à un accident de la circulation : responsabilités partagées entre assureurs.

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Indemnisation des préjudices suite à un accident de la circulation : responsabilités partagées entre assureurs.

L’Essentiel : Le 17 juin 2018, un accident de la circulation à [Localité 2] a impliqué trois véhicules, entraînant le décès de Madame [V] et des blessures à Monsieur [S]. Les assureurs AXA et MATMUT ont refusé d’indemniser Monsieur [S], qui a alors assigné les deux compagnies devant le tribunal de Lyon. Dans ses conclusions, il a demandé 33 820,18 euros pour ses préjudices. Le tribunal a évalué ces derniers à 31 320,18 euros et a reconnu la responsabilité de MATMUT, condamnant solidairement AXA et MATMUT à verser à Monsieur [S] la somme de 29 320,18 euros, avec intérêts.

Accident de la circulation

Le 17 juin 2018, un accident de la circulation a eu lieu à [Localité 2] (01) impliquant trois véhicules. Madame [Z] [V], assurée par AXA France IARD, a tenté de dépasser un véhicule conduit par Madame [N] [Y], assurée par MATMUT, qui s’apprêtait à tourner à gauche. Ce dépassement a entraîné une collision avec le véhicule de Monsieur [K] [S], assuré par MAIF, arrivant en sens inverse. L’accident a causé le décès de Madame [V] et des blessures à Monsieur [S] et sa famille.

Refus d’indemnisation

Les compagnies d’assurance AXA France IARD et MATMUT ont refusé d’indemniser Monsieur [S] pour ses préjudices. En conséquence, Monsieur [S] a assigné ces deux assureurs ainsi que la CPAM de l’Ain devant le tribunal judiciaire de Lyon pour obtenir réparation de son préjudice.

Demandes de Monsieur [S]

Dans ses conclusions du 5 février 2024, Monsieur [S] a demandé au tribunal de condamner solidairement AXA et MATMUT à lui verser un total de 33 820,18 euros, répartis sur plusieurs postes de préjudice, ainsi que des intérêts et des frais de justice. Il a affirmé son droit à une indemnisation intégrale, en vertu de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, en raison de l’absence de faute de sa part.

Réponses des assureurs

AXA a proposé une indemnisation partielle pour certains préjudices, tout en demandant à être déchargée de la responsabilité principale, arguant que Madame [Y] avait commis une faute. De son côté, MATMUT a demandé le rejet des demandes de Monsieur [S] à son encontre, tout en reconnaissant son droit à indemnisation, mais en affirmant qu’elle n’était pas responsable.

Évaluation des préjudices

Le tribunal a évalué les préjudices de Monsieur [S] en se basant sur un rapport d’expertise amiable. Les préjudices ont été classés en patrimoniaux et extra-patrimoniaux, incluant des frais médicaux, des pertes de revenus, un déficit fonctionnel temporaire et permanent, ainsi que des souffrances endurées. Le montant total des préjudices a été fixé à 31 320,18 euros, avec des provisions à déduire.

Doublement des intérêts

Le tribunal a également statué sur le doublement des intérêts en raison de l’absence d’offre d’indemnisation dans les délais impartis par le Code des assurances. Les intérêts ont été calculés à partir de la date de consolidation de l’état de Monsieur [S] jusqu’à la date de l’offre d’indemnisation.

Partage de responsabilité

Concernant la responsabilité, AXA a tenté de prouver une faute de conduite de Madame [Y], mais le tribunal a conclu qu’aucune faute n’était établie. En revanche, la MATMUT a été reconnue responsable en raison de la faute exclusive de Madame [V] dans l’accident.

Décision du tribunal

Le tribunal a condamné solidairement AXA et MATMUT à verser à Monsieur [S] la somme de 29 320,18 euros, avec intérêts au taux légal. Les deux assureurs ont également été condamnés aux dépens et à payer des frais de procédure. AXA a été tenue de garantir MATMUT pour les condamnations prononcées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale pour l’indemnisation du préjudice de Monsieur [S] ?

La base légale pour l’indemnisation du préjudice de Monsieur [S] repose sur la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, qui régit les accidents de la circulation.

Cette loi stipule que toute victime d’un accident de la circulation a droit à une indemnisation intégrale de son préjudice, indépendamment de la responsabilité.

L’article 1 de cette loi précise que « la victime d’un accident de la circulation a droit à une réparation intégrale de son préjudice, qu’elle soit ou non responsable de l’accident ».

Ainsi, Monsieur [S] peut demander l’indemnisation de son préjudice à l’assureur de l’un des véhicules impliqués, même s’il n’a pas été en contact direct avec celui-ci.

Il est donc établi que ni la société AXA France IARD, ni la MATMUT ne contestent le droit de Monsieur [S] à une indemnisation intégrale, ce qui renforce sa position.

Quelles sont les conséquences du non-respect des délais d’offre d’indemnisation par les assureurs ?

Les conséquences du non-respect des délais d’offre d’indemnisation par les assureurs sont clairement établies dans l’article L. 211-9 du Code des assurances.

Cet article stipule que « lorsque la responsabilité n’est pas contestée et que le dommage a été entièrement quantifié, l’assureur est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation ».

En cas de non-respect de ce délai, l’article L. 211-13 du même Code prévoit que « le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif ».

Dans le cas présent, la société AXA et la MATMUT n’ont pas respecté ces délais, ce qui entraîne une majoration des intérêts à leur charge.

Comment se répartit la responsabilité entre les assureurs dans le cadre de cet accident ?

La répartition de la responsabilité entre les assureurs est régie par les principes du Code civil, notamment l’article 1240, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Dans cette affaire, la société AXA a tenté de prouver que l’assurée de la MATMUT, Madame [Y], avait commis une faute en ne signalant pas son intention de tourner à gauche.

Cependant, le tribunal a conclu que la société AXA n’avait pas apporté la preuve d’une faute de conduite de Madame [Y].

En revanche, il a été établi que Madame [V] avait commis une faute en procédant à un dépassement dangereux, ce qui a conduit à la décision de condamner in solidum les deux assureurs à indemniser Monsieur [S].

Ainsi, la MATMUT est fondée à exercer un recours contre AXA pour obtenir une garantie des condamnations prononcées.

Quels sont les critères d’évaluation des préjudices corporels dans ce cas ?

L’évaluation des préjudices corporels est effectuée selon des critères précis, notamment en se basant sur les rapports d’expertise amiable.

Le tribunal a pris en compte plusieurs postes de préjudice, tels que les frais médicaux, les pertes de gains professionnels, le déficit fonctionnel temporaire et permanent, ainsi que les souffrances endurées.

Les articles 1240 et 1241 du Code civil, qui traitent de la réparation du dommage, sont également pertinents ici.

L’expertise a établi des montants précis pour chaque poste, par exemple, les frais médicaux s’élevant à 122,30 euros, les pertes de gains professionnels à 1 352,69 euros, et le déficit fonctionnel temporaire à 3 608,55 euros.

Ces évaluations sont essentielles pour déterminer le montant total de l’indemnisation due à Monsieur [S], qui s’élève à 29 320,18 euros, avec des intérêts au taux légal à compter du jugement.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais de justice non compris dans les dépens.

Dans cette affaire, le tribunal a condamné in solidum la SA AXA France IARD et la société d’assurances mutuelles MATMUT à verser à Monsieur [S] la somme de 2 000 euros en application de cet article.

Cette somme vise à couvrir les frais engagés par Monsieur [S] pour faire valoir ses droits en justice.

Il est important de noter que cette disposition vise à garantir l’accès à la justice et à compenser les frais qui ne sont pas remboursés par les dépens.

Ainsi, l’article 700 joue un rôle crucial dans l’équilibre des charges financières entre les parties dans le cadre d’un litige.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

Quatrième Chambre

N° RG 22/04836 – N° Portalis DB2H-W-B7G-WY6S

Jugement du 14 Janvier 2025

Minute Numéro :

Notifié le :

1 Grosse et 1 Copie à

Me Emmanuel LAROUDIE, vestiaire : 11182

Maître Marie-Christine MANTE-SAROLI de la SELARL MANTE SAROLI AVOCATS ASSOCIES,
vestiaire : 1217

Me Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS,
vestiaire : 1813

Copie Dossier
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu par mise à disposition au greffe, en son audience de la Quatrième chambre du 14 Janvier 2025 le jugement réputé contradictoire suivant,

Le délibéré initialement mis au 10 Décembre 2024 a été prorogé au 14 Janvier 2025

Après que l’instruction eut été clôturée le 28 Mai 2024, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 24 Septembre 2024 devant :

Président : Véronique OLIVIERO, Vice-Président
Siégeant en formation Juge Unique
Greffier : Marianne KERBRAT,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDEUR

Monsieur [K] [S]
né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 10] (92)
[Adresse 6]
[Localité 2]

représenté par Maître Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSES

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’AIN, prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est
[Adresse 4]
[Localité 1]

défaillante n’ayant pas constitué avocat

SA AXA FRANCE IARD, Société anonyme, prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est
[Adresse 5]
[Localité 9]

représentée par Maître Marie-Christine MANTE-SAROLI de la SELARL MANTE SAROLI AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

LA MATMUT, Mutuelle Assurance Travailleur Mutualiste, Société d’Assurance Mutuelle à cotisation variable, prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est
[Adresse 7]
[Localité 8]

représentée par Maître Emmanuel LAROUDIE, avocat au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

Le 17 juin 2018, un accident de la circulation s’est produit sur la commune de [Localité 2] (01). Madame [Z] [V], automobiliste assurée auprès de la société AXA France IARD, a entrepris de dépasser le véhicule conduit par Madame [N] [Y], assuré auprès de la MATMUT, qui s’apprêtait à tourner à gauche. La voiture de Madame [V] est entrée en collision avec le véhicule arrivant en sens inverse, conduit par Monsieur [K] [S], lequel était assuré auprès de la MAIF.

Madame [V] est décédée. Monsieur [S], son épouse et leurs deux enfants ont été blessés.

Les sociétés AXA France IARD et MATMUT ont refusé de prendre en charge l’indemnisation de Monsieur [S].

Par acte d’huissier de justice signifié les 25, 26 avril et 4 mai 2022, Monsieur [K] [S] a fait assigner la SA AXA France IARD, la société d’assurances mutuelles MATMUT et la CPAM de l’Ain devant le tribunal judiciaire de Lyon aux fins d’indemnisation de son préjudice.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées le 5 février 2024, Monsieur [K] [S] sollicite du tribunal de :

CONDAMNER solidairement la SA AXA ASSURANCES IARD et la société d’assurances mutuelles MATMUT à lui verser la somme de 33 820,18 euros, répartie de la façon suivante :
– Dépenses de santé : 122,30 euros
– Frais de transport pour soins : 1 308,64 euros
– Tierce personne : 1 428 euros
– Perte de revenus : 1 352,69 euros
– Déficit fonctionnel temporaire : 3 608,55 euros
– Souffrances endurées : 8 000 euros
– Déficit fonctionnel permanent : 16 000 euros
– Préjudice d’agrément : 2 000 euros

CONDAMNER solidairement la SA AXA ASSURANCES IARD et la société d’assurances mutuelles MATMUT à lui verser l’intérêt de plein droit sur l’indemnité fixée, au double du taux de l’intérêt légal à compter du 18 décembre 2020

CONDAMNER solidairement la SA AXA ASSURANCES IARD et la société d’assurances mutuelles MATMUT à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER solidairement la SA AXA ASSURANCES IARD et la société d’assurances mutuelles MATMUT aux entiers dépens.

Monsieur [S] estime que son droit à indemnisation est intégral en application de la loi n°85-677 du 05 juillet 1985, dès lors qu’il n’a commis aucune faute. Il sollicite la liquidation de son préjudice corporel. Il conclut également à la condamnation des deux assureurs au versement de l’intérêt au double du taux légal applicable sur l’indemnité fixée, en l’absence d’offre définitive émise dans les conditions et délais impartis par les articles L. 211-9 et suivants du Code des assurances.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées le 3 octobre 2023, la SA AXA France IARD (ci-après AXA) sollicite du tribunal de :

ALLOUER à Monsieur [K] [S] les sommes suivantes en indemnisation des préjudices subis dans les suites de l’accident du 17 juin 2018 :
– Assistance par tierce personne : 1 240, 70 €
– Déficit fonctionnel temporaire : 3 341, 25 €
– Souffrances endurées : 5 500 €
– Préjudice d’agrément : 500 €

STATUER ce qu’il appartiendra sur l’indemnisation des préjudices de dépenses de santé actuelles, pertes de gains professionnels actuels, frais de transport et déficit fonctionnel permanent subis par Monsieur [K] [S]

DEBOUTER Monsieur [K] [S] de sa demande de condamnation de la compagnie AXA France IARD et de la compagnie MATMUT au doublement du taux d’intérêt légal issu de l’article L. 211-9 du Code des assurances

A titre subsidiaire,

LIMITER la période de doublement du taux d’intérêt légal issu de l’article L. 211-9 du Code des assurances à celle courant entre le 16 août 2021 et la date d’émission de l’offre ou des conclusions valant offre

En tout état de cause,

FIXER, dans les rapports entre co-impliqués, la contribution à la dette indemnitaire de la manière suivante :
– société MATMUT : 60%
– société AXA France IARD : 40 %

CONDAMNER la société MATMUT, dans la limite de sa part de responsabilité, à relever et garantir la société AXA France IARD de toute somme que celle-ci aura été amenée à payer à Monsieur [K] [S], au-delà de la part de responsabilité de son assurée,

CONDAMNER la société MATMUT à lui payer la somme de 33 447 €, outre intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, au titre du remboursement de sa part contributive dans les indemnités versées aux ayants droit de Madame [Z] [V]

CONDAMNER la société MATMUT à lui payer la somme de 2 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile

FIXER la répartition des dépens de l’instance à proportion de la part de responsabilité de chacune des parties.

Reconnaissant le droit de Monsieur [S] à une indemnisation intégrale, la société AXA s’en rapporte à l’appréciation du tribunal concernant la liquidation des dépenses de santé actuelles, des frais de transport, des pertes de gains professionnels actuels, du déficit fonctionnel permanent. Elle émet des observations et des offres sur les autres postes de préjudice.

Concernant la majoration des intérêts, l’assureur fait valoir que la MAIF, en sa qualité d’assureur mandaté, aurait dû émettre l’offre d’indemnisation, provisionnelle ou définitive. Subsidiairement, il soutient n’avoir été informé de la consolidation de Monsieur [S] que le 16 août 2021, qui doit donc être le point de départ de la sanction.

Par ailleurs, sur le fondement des articles 1240, 1241 et 1317 du Code civil, ainsi que des articles R. 412-6 et R. 412-10 du Code de la route, la société AXA conclut à un partage de la contribution à la dette avec la MATMUT, au motif que Madame [Y] a commis une faute. Elle lui reproche un changement de direction imprévisible, sans clignotant, avec un arrêt très en amont de l’intersection, obligeant Madame [V] à une brusque manœuvre d’évitement à l’origine de la collision avec Monsieur [S].
Enfin, en application de l’article 1346 du Code civil et de l’article L. 121-1 du Code des assurances, la société AXA exerce son recours subrogatoire concernant les indemnités versées aux ayants-droits de Madame [V], dans la proportion de la quote-part de responsabilité de Madame [Y].

***

Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 mai 2023, la société d’assurances mutuelles MATMUT sollicite du tribunal de :

A titre principal,

DEBOUTER Monsieur [S] de toutes demandes dirigées contre elle

CONDAMNER la seule compagnie AXA à prendre en charge l’intégralité des condamnations prononcées au profit de Monsieur [S]

A titre subsidiaire, si par extraordinaire une condamnation était prononcée à son encontre,

Lui DONNER ACTE de ce qu’elle ne s’oppose pas aux demandes formulées par Monsieur [S] au titre des postes de préjudice suivants :
– Dépenses de santé actuelles
– Frais divers : frais de transport pour soin
– Pertes de gains professionnels actuels

Lui DONNER ACTE de son offre d’indemnisation définitive au titre du préjudice subi par Monsieur [S] en réparation des postes de préjudices suivants :
Assistance par tierce personne temporaire : 1 240,70 € Déficit fonctionnel temporaire : 3 341,25 € Souffrances endurées : 5 500,00 € Déficit fonctionnel permanent : 12 800,00 € Préjudice d’agrément : 500,00 €
DIRE que la MATMUT est bien fondée à exercer une action récursoire à l’encontre de la compagnie AXA, assureur de Madame [V], au regard de la faute commise par cette dernière

DIRE que la pénalité du doublement des intérêts sera calculée entre le 1er novembre 2021 et jusqu’à la date de notification des conclusions valant offre soit le 31 janvier 2023

CONDAMNER la compagnie AXA à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre

En tout état de cause,

CONDAMNER la compagnie AXA à lui payer la somme de 2 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER la compagnie AXA aux entiers dépens instance.

La MATMUT admet que le droit à indemnisation de Monsieur [S] est intégral. En revanche, elle réfute toute faute de son assurée, Madame [Y], considérant qu’elle a respecté les prescriptions du Code de la route pour effectuer sa manœuvre.

Subsidiairement, elle émet des observations sur les prétentions indemnitaires de Monsieur [S], et formule des offres.

Concernant la sanction du doublement des intérêts, la MATMUT observe que le mandat d’indemnisation initial était confié à la MAIF, en application de la convention IRCA. Elle ajoute n’avoir eu connaissance de la date de consolidation de Monsieur [S] que le 1er juin 2021 et remarque qu’une offre a été notifiée par conclusions le 31 janvier 2023. Elle estime qu’en tout état de cause, il revient à AXA d’assumer cette sanction, dès lors qu’elle doit être tenue à l’intégralité de l’indemnisation.

***

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l’indemnisation du préjudice de Monsieur [S]

*Vu la loi n°85-677 du 05 juillet 1985

Dans un accident complexe, la victime est en droit de demander l’indemnisation de son préjudice à l’assureur de l’un quelconque des véhicules impliqués, même si elle n’a pas été en contact avec celui-ci.

Ni la société AXA France IARD, ni la MATMUT ne conteste le droit de Monsieur [S] à une indemnisation intégrale.

Toutefois la MATMUT conclut à titre principal au rejet des prétentions du demandeur dirigées à son encontre, au motif que son assurée, Madame [Y], n’a commis aucune faute et qu’il appartient à la société AXA d’assumer l’intégralité de l’indemnisation. Or, l’implication du véhicule assuré par la MATMUT dans l’accident dont a été victime Monsieur [S] n’est pas discutée. Dès lors, la MATMUT doit également être tenue d’indemniser Monsieur [S]. La faute de son assurée, Madame [Y], sera à apprécier au stade des recours entre assureurs.

*Pour la liquidation du préjudice de Monsieur [S], le tribunal prend pour base le rapport d’expertise amiable, sous réserve des observations des parties et de l’appréciation de celles-ci. La date de consolidation y a été fixée au 23 décembre 2019.

Sur les préjudices patrimoniaux temporaires

Frais médicaux

Ce poste de préjudice vise à indemniser les frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la partie demanderesse.

Les parties défenderesses ne contestent pas la demande de Monsieur [S] tendant au remboursement de 122,30 euros de frais médicaux restés à sa charge. Ce montant est retenu.

Frais divers

Ce poste de préjudice vise à indemniser les frais autres que médicaux restés à la charge de la partie demanderesse.

Monsieur [S] indique avoir exposé 1 308,64 euros pour ses déplacements à des rendez-vous médicaux ou aux opérations d’expertise. Ce montant, non discuté par les parties défenderesses, est retenu.

Assistance tierce personne

Ce poste de préjudice vise à indemniser la prise en charge de l’assistance par une tierce personne dont a eu besoin la partie demanderesse durant la période antérieure à la consolidation de son état médical.

L’expertise amiable retient un besoin en aide humaine de :
6 heures par semaine du 19 juin 2018 au 31 août 2018, soit (74 jours/7j x 6h =) 64 heures arrondies3 heures par semaine du 1er septembre 2018 au 15 octobre 2018, soit (45 jours/7 x 3h =) 20 heures arrondies.
Les parties divergent sur le taux horaire. Si l’aide apportée à Monsieur [S] n’était pas spécialisée et a été manifestement assumée par son entourage sans recours à un organisme extérieur impliquant des coûts supplémentaires, le taux proposé par le demandeur est précisément en adéquation avec ces critères. Il est retenu un taux horaire de 17 euros.

Il revient à Monsieur [S] une somme de : (84 heures x 17€/h =) 1 428 euros.

Pertes de gains professionnels

Ce poste de préjudice vise à indemniser le préjudice économique subi par la partie demanderesse pendant la durée de son incapacité temporaire, qu’elle soit totale ou partielle.

Placé en arrêt de travail du 17 juin au 19 octobre 2018, Monsieur [S] indique avoir perdu la somme de 1 352,69 euros. Ce montant, non discuté par les parties défenderesses, est retenu.

Sur les préjudices extra patrimoniaux temporaires

Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice vise à indemniser, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de la qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, ainsi que, le cas échéant, le préjudice d’agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire.

Classiquement les experts considèrent que la personne est en déficit fonctionnel temporaire total (DFTT) lorsqu’elle est hospitalisée. En dehors de cette hypothèse le déficit temporaire est partiel et divisé en quatre classes (classe 4 : 75% du DFTT ; classe 3 : 50% du DFTT ; classe 2 : 25% du DFTT ; classe 1 : 10 % du DFTT)

L’expertise amiable fixe les périodes de :
– déficit fonctionnel temporaire total du 17 au 18 juin 2018, soit 2 jours
– déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 4 du 19 juin au 24 septembre 2018, soit 98 jours
– déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 2 du 25 septembre au 18 décembre 2018, soit 85 jours
– déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 1 du 19 décembre 2018 au 22 décembre 2019, soit 369 jours.

Il résulte du rapport d’expertise que Monsieur [S] a incontestablement subi une gêne pour accomplir les actes de la vie courante. Ces troubles justifient d’allouer conformément à la demande la somme de 27 euros par jour de déficit total, et au prorata du taux retenu s’agissant des phases de déficit partiel soit :
– déficit fonctionnel temporaire total : (2 jours x 27€/j =) 54 euros
– déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 4 : (98 jours x 20,25€/j =) 1984,50 euros
– déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 2 : (85 jours x 6,75€/j=) 573,75 euros
– déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 1 : (369 jours x 2,7€/j =) 996,30 euros
Total : 3 608,55 euros.

Souffrances endurées

Ce poste de préjudice vise à indemniser les souffrances tant physiques que morales subies par la partie demanderesse.

Il résulte de l’expertise que Monsieur [S] a été victime, outre du traumatisme de l’accident au cours duquel son épouse et leurs deux jeunes enfants ont été blessés, d’une fracture de la styloïde ulnaire et d’une fracture du talus gauche, toutes deux traitées de façon orthopédique. Du fait des immobilisations, l’utilisation d’un fauteuil roulant a été rendue nécessaire. Par ailleurs, Monsieur [S] a suivi des soins de rééducation et subi une complication algodystrophique.

Les souffrances endurées sont évaluées par l’expert amiable à 3 sur 7. Elles seront réparées par une indemnité d’un montant de 5 500 euros, conformément à l’offre des parties défenderesses qui est satisfactoire, le tribunal notant l’absence d’intervention chirurgicale et de longue hospitalisation.

Sur les préjudices extra patrimoniaux définitifs

Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de préjudice vise à indemniser la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales, sociales).

L’expertise amiable retient un taux de déficit fonctionnel permanent de 8 % compte tenu de la persistance d’un enraidissement modeste du poignet droit en inflexion ulnaire, chez un droitier, un enraidissement sous astragalien, un enraidissement en flexion plantaire active tibio-astragalien, de douleurs résiduelles, d’une hypervigilance en voiture provoquant une tension psychique lors des déplacements.

Au vu de l’âge de Monsieur [S] à la date de consolidation (39 ans), il doit être fait droit à la demande indemnitaire formée à hauteur de 16 000 euros.

Préjudice d’agrément

Ce poste de préjudice vise à indemniser l’impossibilité pour la partie demanderesse de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs, ou, le cas échéant, les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités. Il importe de rappeler que ce chef de préjudice est distinct de celui indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent.

L’expert ne donne qu’un avis médical sur la possibilité d’exercer une activité ou un loisir, en se fondant sur les seules déclarations de la victime quant à leur réalité. Il appartient donc à cette dernière de rapporter la preuve de la pratique effective des activités ou loisirs dont elle est désormais privée en tout ou partie.

En l’espèce, Monsieur [S] indique être limité dans la pratique de la danse de couple, du ski, du bricolage ou jardinage, et ne plus pouvoir jouer au tennis.

Le demandeur produit des attestations confirmant son adhésion à un club de tennis et son inscription, avec son épouse, à un cours de danse de couple lors de la saison 2017-2018. Plusieurs proches corroborent ces documents et témoignent de son appétence pour le bricolage et le ski.

Le tribunal observe à la lecture du rapport d’expertise que Monsieur [S] conserve comme séquelles des enraidissements du poignet droit, dominant, et du pied gauche, qui sont aisément susceptibles de limiter les pratiques sportives, en particulier le tennis, ou les activités manuelles physiques. Par suite, la demande de Monsieur [S] est fondée en son principe et son quantum. Il est donc accordé la somme de 2 000 euros.

***

En définitive le préjudice de Monsieur [K] [S] s’établit de la manière suivante :
Frais médicaux, dépenses de santé actuelles : 122,30 euros Frais divers : 1 308,64 euros Assistance tierce personne : 1 428 euros Pertes de gains professionnels : 1 352,69 euros Déficit fonctionnel temporaire : 3 608,55 euros Souffrances endurées : 5 500 euros Déficit fonctionnel permanent : 16 000 euros Préjudice d’agrément : 2 000 euros
Total : 31 320,18 euros
Provisions : 2 000 euros
TOTAL : 29 320,18 euros.

La SA AXA France IARD et la société d’assurances mutuelles MATMUT seront donc condamnées in solidum au paiement de cette somme de 29 320,18 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Sur le doublement des intérêts

L’article L. 211-9 du Code des assurances dispose que, quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n’est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n’est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n’a pas été entièrement quantifié, l’assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.
Une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident. En cas de décès de la victime, l’offre est faite à ses héritiers et, s’il y a lieu, à son conjoint. L’offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un règlement préalable.
Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.
En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s’applique.
En cas de pluralité de véhicules, et s’il y a plusieurs assureurs, l’offre est faite par l’assureur mandaté par les autres.

Il appartient à l’assureur tenu de faire une offre d’établir qu’il a satisfait à cette obligation.

En vertu de l’article L. 211-13 du même Code, lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L. 211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur.

La sanction prévue par l’article L. 211-13 Code des assurances a pour assiette l’indemnité offerte par l’assureur avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l’assureur et avant déduction des provisions éventuellement versées.

Dès lors qu’il garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur, l’assureur assigné par la victime est tenu de la totalité de la sanction prévue pour absence d’offre, même si l’assureur mandaté par la convention IRCA pour l’indemniser n’a pas respecté la procédure d’offre.

En l’espèce, il ressort des pièces versées au débat que la MAIF, assureur du véhicule conduit par Monsieur [S], a accepté le mandat initial d’indemnisation en application de la convention IRCA. Elle a ainsi versé deux indemnités provisionnelles, dont la première dans le délai de huit mois suivant l’accident. Monsieur [S] ne discute pas ce point.

Puis, la MAIF a diligenté une expertise amiable, en deux temps puisque l’état de Monsieur [S] n’était pas consolidé lors du premier accedit. Ainsi, un second examen a eu lieu le 19 novembre 2020, en présence du médecin conseil de la société AXA. Le rapport, fixant la consolidation, a été envoyé le 4 décembre 2020, a priori seulement à la MAIF.

Il ressort toutefois de la réponse adressée le 4 janvier 2021 à la MAIF, que la société AXA a été informée des conclusions expertales dès le 18 décembre 2020 puisque cela correspond à la date où la MAIF lui a présenté son recours, sollicitant qu’elle reprenne le mandat d’indemnisation compte tenu du taux de déficit fonctionnel permanent supérieur à 5%, en l’occurrence 8%. La société AXA a refusé de reprendre le mandat, au motif d’une responsabilité prépondérante de l’assurée de la MATMUT.

Compte tenu des conclusions du rapport d’expertise amiable du 19 novembre 2020, fixant la date de consolidation et le taux de déficit fonctionnel permanent de Monsieur [S] à 8%, et du recours présenté par la MAIF dès le 18 décembre 2020 en application de la convention IRCA, il appartenait à la société AXA de présenter à Monsieur [S] une offre définitive d’indemnisation dans le délai de cinq mois, soit avant le 18 mai 2021.

Par ailleurs, bien qu’informée de la date de consolidation de Monsieur [S] par le recours de la MAIF exercé le 26 mai 2021, la MATMUT ne peut échapper à la sanction au motif de la défaillance de l’assureur mandaté dans le cadre de la convention IRCA, dès lors qu’elle garantit également la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur.

Monsieur [S] ne se prononce pas sur la date d’arrivée de la sanction. La MATMUT observe qu’une offre a été émise par les conclusions notifiées le 31 janvier 2023 qu’elle ne verse pas au débat et qui ne permet donc aucune vérification par la juridiction. En revanche, il est acquis qu’une offre a été émise dans ses dernières écritures, notifiées le 16 mai 2023, antérieurement à celle, identique, de la société AXA. Le caractère suffisant de cette offre n’est pas débattu. Dès lors, la sanction doit s’appliquer jusqu’au 16 mai 2023.

En définitive, le montant de l’indemnité offerte par la MATMUT dans ses conclusions notifiées le 16 mai 2023, avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l’assureur et avant déduction des provisions versées, produira intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter du 18 mai 2021 et jusqu’au 16 mai 2023. La société AXA France IARD et la société d’assurances mutuelles MATMUT seront condamnés in solidum au paiement de ces intérêts majorés.

Sur la contribution à la dette d’indemnisation du préjudice de Monsieur [S]

Vu l’article 1240 du Code civil

*Au soutien de sa demande de partage de responsabilité, la société AXA France IARD affirme que Madame [Y], dont le véhicule était assuré par la MATMUT, a commis des fautes de conduite. Elle lui reproche une manœuvre dangereuse et imprévisible, en ce qu’elle n’aurait pas actionné son clignotant pour avertir les autres usagers, en particulier Madame [V], de son intention de tourner à gauche, puis qu’elle se serait complètement arrêtée sur sa voie trop en amont de l’intersection, surprenant ainsi les autres usagers. La société AXA lui fait également grief de n’avoir pas conduit de manière attentive, n’ayant pas remarqué le véhicule de Madame [V] circulant derrière elle.
Concernant le clignotant, le seul fait que Madame [Y] se soit enquise après l’accident, auprès d’une autre victime, d’avoir correctement actionné son clignotant est insuffisant à démontrer qu’elle ne l’aurait pas enclenché tant il ressort de la déclaration du témoin qu’elle était sous le choc. Il est notable que les enquêteurs rapportent que Madame [Y] leur a immédiatement indiqué s’être positionnée, clignotant allumé, pour tourner à gauche à l’intersection, et avoir attendu de laisser passer la voiture de Monsieur [S] qui arrivait en face. De plus, lors de son audition ultérieure, ce dernier a indiqué qu’il avait parfaitement remarqué et compris l’intention de Madame [Y] de tourner à gauche. Aucun témoin ou victime de l’accident n’évoque l’absence de clignotant. Par ailleurs, un éventuel dysfonctionnement de l’avertisseur n’est qu’une hypothèse de la société AXA. En ce sens, l’assureur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’absence de clignotant, se bornant à des interprétations des silences de l’enquête.

Ensuite, il n’est pas débattu que Madame [Y] était débitrice d’une priorité à l’égard des véhicules arrivant en sens inverse, avant de couper leur voie pour tourner sur sa gauche. Dans ce contexte, il ne peut lui être reproché d’avoir dû s’arrêter pour laisser passer le véhicule de Monsieur [S]. La société AXA ne démontre pas que le code de la route interdit cet arrêt, les conditions de circulation ne pouvant systématiquement permettre un simple ralentissement. Par ailleurs, en l’état de l’enquête pénale, le positionnement exact de la voiture de Madame [Y] par rapport à l’intersection n’est pas précisément connu. Au demeurant, l’existence de l’intersection était nécessairement annoncée en amont aux usagers circulant dans le même sens que Madame [Y], de sorte que Madame [V] ne pouvait ignorer que des véhicules étaient susceptibles de ralentir voire de s’arrêter à l’approche de l’intersection.

Enfin, à supposer que Madame [Y] n’ait pas prêté une attention suffisante aux véhicules circulant derrière elle, la société AXA n’établit pas le lien de causalité entre ce grief et la survenue de l’accident. Au demeurant, Monsieur [S] n’a pas davantage remarqué la voiture conduite par Madame [V] avant que celle-ci ne se déporte sur sa voie de circulation.

Par conséquent, la société AXA France IARD ne rapporte pas la preuve d’une ou plusieurs fautes de conduite imputable à Madame [Y], de nature à engager sa responsabilité. Sa demande de partage de la contribution à la dette avec la société MATMUT doit être rejetée.

*Parallèlement, la MATMUT soutient que Madame [V] a commis une faute en procédant à un dépassement sans s’assurer qu’elle pouvait le faire sans danger.

Il ressort de l’enquête pénale, en particulier des témoignages de Monsieur [S] et de Madame [R], que Madame [V] s’est déportée sur la voie de gauche, alors qu’arrivait un véhicule en sens inverse. De plus, il apparaît qu’elle a dépassé à l’approche d’une intersection, alors qu’un véhicule circulant dans le même sens s’apprêtait à tourner à gauche. Madame [V] a donc commis une faute, à l’origine exclusive de la collision avec la voiture conduite par Monsieur [S].

Par conséquent, la compagnie MATMUT est fondée en son appel en garantie. La société AXA France IARD devra la relever et garantir intégralement des condamnations prononcées au profit de Monsieur [S].

Sur le recours subrogatoire exercé par AXA contre MATMUT

Dès lors qu’aucune faute imputable à Madame [Y] n’est démontrée, que la faute exclusive de Madame [V] est établie et qu’aucun partage de responsabilité n’a lieu d’être prononcé, la société AXA France IARD est mal fondée en son recours subrogatoire exercé contre la MATMUT suite au versement des indemnités aux ayants-droits de Madame [V].
Sur les demandes accessoires

Il convient de condamner in solidum la SA AXA France IARD et la société d’assurances mutuelles MATMUT aux dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

La SA AXA France IARD et la société d’assurances mutuelles MATMUT seront également condamnées in solidum à payer à Monsieur [S] la somme de 2 000 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les autres demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile doivent être rejetées.

La société AXA France IARD sera condamnée à relever et garantir intégralement la société MATMUT des condamnations aux dépens et frais non répétibles qui précèdent.

L’article 514 du code de procédure civile applicable aux instances introduites depuis le 1er janvier 2020 dispose que les décisions de première instance sont, de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

CONDAMNE in solidum la SA AXA France IARD et la société d’assurances mutuelles MATMUT à payer à Monsieur [K] [S] la somme de 29 320,18 euros, provisions déduites, en réparation de son préjudice corporel, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement

DIT que le montant de l’indemnité offerte par la MATMUT dans ses conclusions notifiées le 16 mai 2023, avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l’assureur et avant déduction des provisions versées, produira intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter du 18 mai 2021 et jusqu’au 16 mai 2023

CONDAMNE in solidum la société AXA France IARD et la société d’assurances mutuelles MATMUT au paiement de ces intérêts majorés

DEBOUTE la SA AXA France IARD de sa demande de partage de responsabilité

DEBOUTE la SA AXA France IARD de son appel en garantie

CONDAMNE in solidum la SA AXA France IARD et la société d’assurances mutuelles MATMUT aux dépens

CONDAMNE in solidum la SA AXA France IARD et la société d’assurances mutuelles MATMUT à payer à Monsieur [K] [S] la somme de 2 000 euros au titre des frais non répétibles de l’instance

CONDAMNE la SA AXA France IARD à relever et garantir intégralement la société d’assurances mutuelles MATMUT de toute somme que celle-ci aura été amenée à payer suite aux condamnations qui précèdent, au titre de l’indemnisation de Monsieur [S] avec les intérêts majorés, des dépens et des frais non répétibles

REJETTE toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Prononcé à la date de mise à disposition au greffe par Véronique OLIVIERO, vice-président,

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le Président, Véronique OLIVIERO, et Karine ORTI, Greffier, présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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