Responsabilité contractuelle et sous-traitance : enjeux de preuve et d’exécution des obligations.

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Responsabilité contractuelle et sous-traitance : enjeux de preuve et d’exécution des obligations.

L’Essentiel : Le 25 février 2015, la société Sade a été mandatée pour renforcer le réseau d’eau potable à [Localité 13], sous la maîtrise d’œuvre de Safege. Sade a sous-traité les travaux de terrassement à SAT, qui a ensuite sollicité RTP pour des camions. Le 22 avril 2016, RTP a mis en demeure Sade et SAT pour des factures impayées de 390 085 euros HT. Sade a contesté l’existence d’un contrat avec RTP. Après plusieurs procédures judiciaires, le tribunal de commerce de Paris a débouté RTP le 25 juin 2021, entraînant un appel de cette dernière.

Contexte de l’affaire

Le 25 février 2015, la société Sade a été chargée par le syndicat intercommunal de distribution d’eau de la corniche des Maures (SIDECM) de réaliser des travaux de renforcement du réseau d’eau potable dans la commune de [Localité 13]. La maîtrise d’œuvre a été confiée à la société Safege. Pour les travaux de terrassement, la société Sade a sous-traité à la société SAT, qui a ensuite fait appel à la société RTP pour la mise à disposition de camions avec chauffeur.

Litige et mise en demeure

Le 22 avril 2016, la société RTP a mis en demeure la société SAT et la société Sade de régler des factures impayées s’élevant à 390 085 euros HT. En réponse, la société Sade a affirmé qu’aucun contrat n’avait été établi entre elle et la société RTP, et que cette dernière n’avait pas été informée de son intervention. Le conseil de la société SAT a également contesté la nature de la relation contractuelle avec RTP.

Procédures judiciaires

La société RTP a saisi le tribunal administratif de Toulon pour demander la désignation d’un expert, qui a été nommé le 8 décembre 2016. Parallèlement, le 6 juillet 2016, RTP a assigné les sociétés Safege, SAT et Sade devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir le paiement des factures. Le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société SAT le 19 décembre 2019.

Jugement du tribunal de commerce

Le 25 juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société RTP de toutes ses demandes, déclarant irrecevable sa demande d’expertise et condamnant RTP à payer 5 000 euros à chacune des sociétés Safege et Sade pour procédure abusive. RTP a interjeté appel de ce jugement le 22 septembre 2021.

Liquidation judiciaire de la société RTP

Le 17 avril 2023, le tribunal de commerce de Chambéry a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société RTP. La société Etude [Z] et [M] est intervenue en tant que liquidateur de RTP.

Prétentions des parties

La société RTP, par l’intermédiaire de son liquidateur, a demandé l’infirmation du jugement du 25 juin 2021, la production de pièces, et la reconnaissance de ses créances. En réponse, la société Sade a contesté la présence et l’engagement de RTP sur le chantier, tandis que Safege a soutenu que l’expertise réalisée était suffisante.

Motivations de la cour

La cour a examiné la demande de production de pièces, concluant que RTP n’avait pas justifié la nécessité de ces documents pour établir sa créance. Concernant les demandes fondées sur la responsabilité contractuelle, la cour a noté que RTP n’avait pas prouvé l’existence d’un contrat avec Sade ou SAT. Les demandes d’enrichissement sans cause ont également été rejetées, la cour considérant que l’enrichissement des sociétés Sade et SAT avait une cause légitime.

Conclusion de la cour

La cour a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris, sauf en ce qui concerne la demande d’une nouvelle expertise, qu’elle a rejetée. Les dépens ont été fixés à la procédure collective de la société RTP, et des sommes ont été allouées aux sociétés Safege et Sade au titre des frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations contractuelles des parties dans le cadre de la sous-traitance ?

Les obligations contractuelles des parties dans le cadre de la sous-traitance sont régies par les articles 1134 et 1184 du Code civil, qui stipulent que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L’article 1134 précise que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Cela signifie que les parties sont tenues de respecter les engagements qu’elles ont pris, qu’ils soient écrits ou verbaux.

L’article 1184, quant à lui, traite de la résolution des contrats. Il stipule que « la résolution d’un contrat peut être demandée en cas d’inexécution de l’une des parties ». Cela implique que si l’une des parties ne respecte pas ses obligations, l’autre peut demander la résolution du contrat.

Dans le cas présent, la société RTP soutient avoir été engagée par la société SAT et la société Sade pour des travaux de terrassement, mais les sociétés défenderesses contestent l’existence d’un contrat formel.

Il est donc essentiel de prouver l’existence d’un contrat et les obligations qui en découlent pour établir la responsabilité des parties.

Quelles sont les conséquences de l’absence de contrat écrit dans une relation de sous-traitance ?

L’absence de contrat écrit dans une relation de sous-traitance peut avoir des conséquences significatives, notamment en matière de preuve et d’exécution des obligations. Selon l’article 1315 du Code civil, « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».

Cela signifie que, sans contrat écrit, la charge de la preuve incombe à la partie qui prétend qu’un accord a été conclu. En l’absence de preuves tangibles, comme des factures ou des documents signés, il devient difficile de prouver l’existence d’une relation contractuelle.

De plus, l’article 9 du Code de procédure civile stipule que « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Cela renforce l’idée que, sans contrat écrit, la partie qui prétend avoir des droits doit fournir des éléments probants pour soutenir sa demande.

Dans le cas de la société RTP, l’absence de contrat écrit avec la société Sade et la société SAT complique sa position, car elle doit démontrer l’existence d’un accord verbal et les obligations qui en découlent.

Comment se manifeste la responsabilité contractuelle en cas d’inexécution des obligations ?

La responsabilité contractuelle se manifeste lorsque l’une des parties ne respecte pas ses obligations contractuelles, entraînant un préjudice pour l’autre partie. Selon l’article 1147 ancien du Code civil, « le débiteur est condamné à des dommages-intérêts envers le créancier, si le débiteur n’exécute pas son obligation ».

Cela signifie que si une partie ne respecte pas ses engagements, elle peut être tenue de réparer le préjudice causé à l’autre partie. L’article 1231-1 nouveau du Code civil précise également que « la responsabilité contractuelle est engagée en cas d’inexécution d’une obligation ».

Dans le cas présent, la société RTP allègue que les sociétés SAT et Sade n’ont pas respecté leurs obligations de paiement, ce qui lui a causé un préjudice. Pour établir la responsabilité des sociétés SAT et Sade, la société RTP doit prouver l’existence d’un contrat, l’inexécution de l’obligation de paiement et le préjudice subi.

Quelles sont les conditions de l’enrichissement sans cause dans le cadre d’une relation contractuelle ?

L’enrichissement sans cause est un principe général du droit qui stipule qu’aucun individu ne peut s’enrichir injustement aux dépens d’autrui. Selon l’article 1371 ancien du Code civil, « celui qui a été enrichi sans cause doit indemniser celui qui a été appauvri ».

Pour établir une demande d’enrichissement sans cause, il faut prouver trois éléments :

1. **L’enrichissement** : La partie défenderesse doit avoir bénéficié d’un avantage économique.

2. **L’appauvrissement** : La partie demanderesse doit avoir subi un préjudice économique.

3. **L’absence de cause légitime** : L’enrichissement doit être sans cause, c’est-à-dire qu’il ne doit pas résulter d’une obligation contractuelle ou d’une autre justification légale.

Dans le cas de la société RTP, elle soutient que les sociétés Sade et SAT ont bénéficié de ses travaux sans la rémunérer. Cependant, les sociétés défenderesses contestent l’existence d’un lien de causalité entre l’enrichissement et l’appauvrissement, ce qui complique la demande d’enrichissement sans cause.

Quelles sont les implications de la procédure abusive dans le cadre d’un litige commercial ?

La procédure abusive se manifeste lorsque l’une des parties engage une action en justice de manière déloyale ou dans le but de nuire à l’autre partie. Selon la jurisprudence, pour qu’une procédure soit qualifiée d’abusive, il faut établir qu’il y a eu une faute caractérisant un abus du droit d’agir en justice.

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer une somme à l’autre partie pour couvrir les frais irrépétibles engagés dans le cadre du litige. Cela peut inclure des frais d’avocat et d’autres coûts liés à la procédure.

Dans le cas présent, les sociétés Sade et Safege soutiennent que la société RTP a engagé une procédure abusive. Si le tribunal conclut que les demandes de la société RTP sont manifestement infondées, il peut condamner cette dernière à payer des dommages-intérêts pour procédure abusive, conformément à la jurisprudence.

Il est donc déterminant pour les parties de s’assurer que leurs demandes sont fondées sur des éléments probants et qu’elles ne cherchent pas à nuire à l’autre partie par des actions judiciaires infondées.

RÉPUBLIQUE FRAN’AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 6

ARRÊT DU 10 JANVIER 2025

(n° /2025, 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/16743 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEL3F

Décision déférée à la Cour : jugement du 25 juin 2021 – tribunal de commerce de PARIS – RG n° J2020000482

APPELANTE

S.A.R.L. RTP prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Claire FAURÉ, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

S.A.S. SAFEGE prise en la personne de son représentant élgal domicilié audit siège

[Adresse 12],

[Localité 10]

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Ayant pour avocat plaidant Me Ghislaine JOB-RICOUART, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée à l’audience par Me Sarah GOMILA, avocat au barreau de MArSEILLE

S.A. SADE – COMPAGNIE GENERALE DE TRAVAUX D’HYDRAULIQUE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

S.E.L.A.R.L. GM, représentée par Maître [U] [S] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE DE TRANSPORTS – SAT dont le siège social est situé [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 1]

N’a pas constitué avocat – signification de la déclaration d’appel le 16 novembre 2021 à personne morale

PARTIE INTERVENANTE

S.E.L.A.R.L. ETUDE [Z] & [M] liquidateur judiciaire de la société RTP, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Claire FAURÉ, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 octobre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sylvie DELACOURT, présidente de chambre

Mme Laura TARDY, conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Viviane SZLAMOVICZ, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Manon CARON

ARRÊT :

– réputé contradictoire.

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 13 décembre 2024, prorogé au 10 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Laura TARDY, la conseillère faisant fonction de présidente pour la présidente empêchée et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 25 février 2015 la société Sade, compagnie générale de travaux d’hydraulique (la société Sade) s’est vue confier par le syndicat intercommunal de distribution d’eau de la corniche des Maures (SIDECM) la réalisation du lot  » réseaux principaux  » dans le cadre d’une opération visant le renforcement du réseau d’eau potable de la commune de [Localité 13].

La maîtrise d »uvre de l’opération a été confiée à la société Safege.

Dans le cadre de cette opération, la société Sade a contracté avec la société SAT, pour la sous-traitance de travaux de terrassement et remblais pour un montant de 597 470,40 euros HT.

La société SAT a eu recours à la société RTP pour la mise à disposition de camions avec chauffeur.

Par lettres du 22 avril 2016, la société RTP a mis en demeure la société SAT et la société Sade de lui régler les factures impayées pour un montant de 390 085 euros HT.

Par lettre du 2 mai 2016, la société Sade lui a répondu qu’aucun contrat n’avait été établi par la société Sade avec la société RTP, qu’elle n’avait pas été tenue informée de l’intervention de la société RTP en qualité de sous-traitant et qu’aucune demande d’agrément, ni d’acceptation de ses conditions de paiement ne lui avaient été communiquée.

Par lettre du 12 mai 2016, le conseil de la société SAT a répondu à la société RTP que la mise à disposition de camions avec chauffeur ne constituait pas un contrat de sous-traitance et qu’elle ne pouvait donner une suite favorable aux factures envoyées par la société RTP pour un montant total de 390 085 euros HT.

La société RTP a alors saisi le tribunal administratif de Toulon par voie de référé afin de voir désigner un expert.

Le 8 décembre 2016 M. [Y] a été désigné comme expert.

Le 14 septembre 2017, il a déposé son rapport.

Le 6 juillet 2016, la société RTP a assigné les sociétés Safege, SAT et Sade devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d’obtenir le paiement de la somme de 390 085 euros HT.

Le 19 décembre 2019, le tribunal de commerce de Cannes a prononcé, l’ouverture de la liquidation judiciaire de la société SAT et a désigné Me [S] en qualité de liquidateur.

Le 17 août 2020, la société RTP a assigné en intervention forcée Me [S] ès qualités de liquidateur de la société SAT devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 25 juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :

Déboute la société RTP de l’ensemble de ses demandes,

Déclare irrecevable la demande d’une nouvelle expertise par la société RTP,

Déboute la Safege et la société Sade de leur demande au titre de la procédure abusive,

Condamne la société RTP à payer 5 000 euros à chacune des sociétés Safege et Sade au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société RTP aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 116,74 euros dont 19,24 euros de TVA,

Ordonne l’exécution provisoire.

Par déclaration en date du 22 septembre 2021, la société RTP a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

– la société Safege,

– la société Sade,

– la société GM, en qualité de liquidateur de la société SAT.

Par jugement du 17 avril 2023, le tribunal de commerce de Chambéry a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société RTP.

La société Etude [Z] et [M] est intervenue volontairement à la procédure, en qualité de liquidateur de la société RTP.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2024, la société Etude [Z] et [M], ès qualités de liquidateur de la société RTP demande à la cour de :

Infirmer ledit jugement en ce qu’il :

 » Déboute la société RTP de l’ensemble de ses demandes, [incluant la demande de communication de pièces au visa de l’article 138 du code de procédure civile] ;

Déclare irrecevable la demande d’une nouvelle expertise par la société RTP,

Déboute la Safege et la Sade-compagnie générale de travaux d’hydraulique de leur demande au titre de la procédure abusive ;

Condamne la société RTP à payer 5 000 euros à chacune des sociétés Safege et Sade-compagnie générale de travaux d’hydraulique au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société RTP aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 116,74 euros dont 19,24 euros de TVA ;

Ordonne l’exécution provisoire.  »

Par conséquent :

Prononcer la recevabilité et le bien fondé des demandes de la société RTP ;

A titre liminaire,

Ordonner, au besoin sous astreinte, aux sociétés défenderesses, la production des pièces sur le fondement de l’article 138 du code de procédure civile :

– Le plan de prévention, qui doit être tenu par le maître d »uvre, en l’espèce la société Safege

– Les plannings de chantier permettant d’identifier la chronologie de la réalisation des travaux

Les ordres de service délivrés aux sociétés Sade et SAT par le maître d »uvre, Safege

Le registre du chantier conformément aux dispositions de l’article R4532-38 du code du travail,

Une attestation certifiée par l’expert-comptable de la société SAT sur les dépenses engagées pour les besoins du chantier,

Les justificatifs des frais de matériel mobilisés par la société SAT pour les travaux de terrassement,

Les comptes-rendus du CSPS le cabinet Egem, nécessairement transmis aux intimées,

Sur ce, étant constaté que la société RTP a bien été présente sur le lot 1 du chantier [Localité 13] du 8 octobre 2015 à fin mai 2016,

que la société RTP a activement participé aux travaux du chantier, et engagé des dépenses pour un montant de 390 085 euros HT soit 468 102,00 euros TTC,

que les sociétés SAT et Sade se sont engagées par contrat verbal à l’égard de la société RTP ;

que les sociétés SAT et Sade ont qualité de cocontractantes de la société RTP, l’inexécution par les sociétés SAT et Sade de leur obligation de paiement envers la société RTP,

la résistance abusive des sociétés SAT et Sade,

préjudice subi par la société RTP du fait de l’inexécution des obligations contractuelles des sociétés SAT et Sade,

A titre principal,

Ordonner l’exécution du contrat verbal, sur le fondement des articles 1134 et 1184 ancien du code civil ;

Condamner en conséquence solidairement, et à tout le moins in solidum, les sociétés SAT représentée par son mandataire ad hoc, Me [S] et Sade à payer à la société RTP la créance d’un montant de 390 085 euros HT soit 468 102 TTC au titre de l’exécution de leur obligation, augmentée de l’intérêt légal à compter de la date de la mise en demeure avec application de l’anatocisme, sur le fondement des articles 1134, 1153 et 1154 anciens du code civil, ainsi que 1343-1 et 1343-2 nouveaux du code civil pour l’intérêt légal et l’anatocisme ;

Prononcer l’engagement de la responsabilité contractuelle des sociétés SAT et Sade ;

Condamner les sociétés SAT représentée par son mandataire ad hoc, Me [S] et Sade solidairement, et à tout le moins in solidum, au paiement de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice économique important et dont les effets sont également actuels, subi par la société RTP sur le fondement de l’article 1147 ancien du code civil et 1231-1 nouveau du code civil ;

Condamner les sociétés Safege, Sade et Me [S] ès qualités de mandataire ad hoc, solidairement et à tous le moins in solidum au paiement de la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

Etablir le montant de la plus-value dont ont bénéficié les sociétés SAT et Sade ;

Déterminer en conséquence le montant de l’indemnisation à hauteur de la plus faible valeur entre l’appauvrissement de la société RTP et l’enrichissement corrélatif des sociétés SAT et Sade ;

En conséquence,

Condamner solidairement, et à tout le moins in solidum, les sociétés SAT représentée par son mandataire ad hoc, Me [S] et Sade, à payer la somme d’un montant de 390 085 euros HT soit 468 102 euros TTC à la société RTP, sur le fondement des articles 1370 et 1371 anciens du code Civil, augmentée de l’intérêt légal à compter de la date de la mise en demeure avec application de l’anatocisme, sur le fondement des articles 1153 et 1154 anciens du code civil et des articles 1343-1 et 1343-2 nouveaux du code civil ;

Condamner les sociétés SAT représentée par son mandataire ad hoc, Me [S] et Sade solidairement, et à tout le moins in solidum, au paiement de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique important et dont les effets sont également actuels, subi par la société RTP, sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil, et de l’article 1240 nouveau du code civil ;

A titre encore plus subsidiaire,

Ordonner la désignation d’un expert au besoin, sur le fondement de l’article 263 du code de procédure civile, avec pour mission de :

Se rendre sur les lieux,

Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ; rechercher et préciser les liens contractuels unissant les parties, décrire les missions confiées à chacune des parties attraites à la présente instance et, si possible, annexer à son rapport les marchés, avenants, ordres de services et tous autres documents utiles ;

Décrire les travaux effectués sur le chantier du marché de renforcement des réseaux d’eau potable de [Localité 13], notamment ceux de terrassement ; en établir un relevé précis et détaillé et en examiner la conformité avec les factures ou toutes autres pièces produites par la société RTP ainsi qu’avec les exigences initiales du marché ;

Evaluer la nature et le coût total des travaux réalisés par la société RTP ; dire si ces prestations ont dépassé la convention initiale ;

Examiner les comptes rendus de chantier établis par la société Safege et le SIDECM ; définir le degré de connaissance, par chacun des acteurs du marché, de la présence de la société RTP sur le chantier et dire si des manquements ont été commis ;

Faire toutes autres constatations nécessaires ;

En tout état de cause,

Vu les manquements de la société Safege à ses obligations en tant que maître d »uvre, prononcer le préjudice (sic) subi par la société RTP représentée par la Selarl Etude [Z] & [M], représentée par Me [Z] et Me [M], liquidateur judiciaire du fait des manquements de la société Safege ;

En conséquence,

Prononcer l’engagement de la responsabilité civile de la société Safege sur le fondement de l’article 1383 ancien du code civil ;

Condamner en conséquence la société Safege à payer à la société RTP la somme d’un montant de 390 085 euros HT soit 468 102 euros TTC en réparation du préjudice causé à RTP, augmentée de l’intérêt légal à compter de la date de la mise en demeure avec application de l’anatocisme, sur le fondement des articles 1382, 1153 et 1154 anciens du code civil, et 1240, 1343-1 et 1343-2 nouveaux du code civil ;

Condamner la société Safege au paiement de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice économique important et dont les effets sont également actuels, subi par la société RTP, sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil et 1240 nouveau du code civil ;

Enfin,

Débouter les sociétés Safege et Sade de l’ensemble de leurs demandes fins et prétentions ;

Condamner les sociétés Safege, Sade et Me [S] ès qualités de mandataire ad hoc, solidairement et à tous le moins in solidum au paiement de la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2022, la société Sade demande à la cour de :

A titre principal,

Constater que la société RTP ne démontre ni l’étendue de sa présence, ni l’étendue de sa mission sur le chantier ;

Constater que la société RTP ne démontre pas l’existence de commandes passées par la société Sade ;

Constater qu’aucun lien de corrélation n’existe entre l’enrichissement de la société Sade et les dépenses effectuées par la société RTP ;

Constater que la société RTP ne démontre pas le préjudice subi ;

Constater que la demande de communication de pièces est dépourvue de tout intérêt ;

Constater que la société RTP ne justifie d’aucun élément permettant d’ordonner une nouvelle expertise judiciaire ;

Constater que la présente procédure engagée par la société RTP doit être qualifiée d’abusive ;

En conséquence,

Confirmer le jugement rendu le 25 juin 2021 par le tribunal de commerce de Paris ;

Débouter la société RTP de toutes ses demandes fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

Fixer au passif de la société SAT, représentée par la société GM prise en la personne de Me [S], ès qualités de mandataire ad hoc de la société SAT, la créance à titre chirographaire de la société Sade qui correspondra à toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre et dont elle sera relevée et garantie intégralement par la société SAT ;

En tout état de cause,

Et reconventionnellement,

Infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté la société Sade de sa demande au titre de la résistance abusive ;

Condamner la société RTP au paiement de la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ;

Condamner la société RTP au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société RTP aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2022, la société Safege demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu le 25 juin 2021 par le tribunal de commerce de Paris dans toutes ses dispositions ;

Débouter la société RTP de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société Safege, comme étant irrecevables et subsidiairement infondées ;

Ordonner la mise hors de cause de la société Safege ;

Condamner la société RTP à payer à la société Safege la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens distraits au profit de la SCP Caroline Hatet.

Le 16 novembre 2021 la société GM s’est vue signifier la déclaration d’appel, par étude déposé à l’étude de l’huissier.

Le 4 juillet 2021, la société GM s’est vue signifier les premières conclusions également par étude déposé à l’étude de l’huissier.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 26 septembre 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 3 octobre 2024, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

1°) Sur la demande de production de pièces

Moyens des parties

La société RTP soutient que les pièces dont la communication est sollicitée sont nécessaires pour attester du rôle joué par la société appelante sur le chantier de [Localité 13] et que les sociétés défenderesses sont nécessairement en possession des pièces sollicitées dès lors que ces pièces découlent d’obligations légales d’ordre public, notamment au regard de la législation en matière de droit du travail et qu’il n’existe aucun doute sur leur existence en présence de sociétés de taille mondiale.

La société Sade expose que la société RTP n’a pas sollicité en cours d’expertise de pièces complémentaires alors que l’expert avait pour mission de se faire communiquer tous documents et pièces utiles. Elle ajoute qu’elle n’est pas en possession des documents sollicités en précisant :

Sur le plan de prévention, qu’aucun lien contractuel ne la lie à la société RTP

Sur les plannings de chantier et les ordres de service, que la société RTP devrait être en possession de ces documents si elle avait eu le rôle qu’elle prétend sur le chantier

Sur le registre du chantier, qu’il s’agit d’un document établi par le maître d »uvre et remis au maître d’ouvrage

Sur l’attestation certifiée de l’expert-comptable de la société SAT sur les dépenses engagées pour les besoins du chantier et les justificatifs de frais de matériels mobilisés par la société SAT pour le terrassement, que ces demandes ne la concernent pas.

La société Safege soutient que l’article 138 du code de procédure civile n’est applicable que si la mesure sollicitée a pour but la sauvegarde d’un droit légalement reconnu ou judiciairement constaté et que la société RTP ne justifie pas d’un tel droit.

Elle observe que l’expert avait pour mission de se faire communiquer tout document utile pour rechercher et préciser les liens contractuels unissant les parties et que la société RTP n’a soulevé aucune difficulté ni incident en cours d’expertise.

Elle souligne au surplus que le plan de prévention des risques est sans rapport avec les prestations réalisées par une entreprise pour sa facturation, que les demandes relatives aux plannings de chantier sont inutiles dès lors que la totalité des comptes-rendus de chantier a été communiquée à l’expert. Quant aux ordres de services, ils ne concernent que les sociétés SAT et Sade. Elle précise que le registre de chantier a été communiqué lors de l’expertise et que les autres demandes concernent la société SAT.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article 138 du code de procédure civile, si, dans le cours d’une instance, une partie entend faire état d’un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n’a pas été partie ou d’une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l’affaire d’ordonner la délivrance d’une expédition ou la production de l’acte ou de la pièce.

Il ne peut être ordonné de production de pièces sans que l’existence de ces dernières soit, sinon établie avec certitude, du moins vraisemblable (2e Civ., 17 novembre 1993, pourvoi n° 92-12.922, Bulletin 1993 II N° 330).

Au cas d’espèce, le tribunal de commerce a justement observé que la mission de l’expert désigné par le tribunal administratif de Toulon portait précisément sur le récolement de pièces aux fins de déterminer les prestations réalisées par la société RTP sur le chantier litigieux.

Or la société RTP ne s’explique pas sur les motifs pour lesquels elle n’a pas sollicité la communication des pièces litigieuses dans le cadre de l’expertise qui avait été ordonnée à cette fin.

Il convient par ailleurs d’examiner les différentes pièces sollicitées par la société RTP pour déterminer si elles sont nécessaires pour établir sa créance alléguée à l’égard des sociétés SAT, Sade et Safège et si l’existence des pièces est vraisemblable.

Le plan de prévention

Le plan de prévention est défini à l’article R. 4512-6 du code du travail qui dispose qu’au vu des informations et éléments recueillis au cours de l’inspection commune préalable, les chefs des entreprises utilisatrice et extérieures procèdent en commun à une analyse des risques pouvant résulter de l’interférence entre les activités, installations et matériels.

Lorsque ces risques existent, les employeurs arrêtent d’un commun accord, avant le début des travaux, un plan de prévention définissant les mesures prises par chaque entreprise en vue de prévenir ces risques.

Si la société RTP affirme que la société Sade a nécessairement établi un plan de prévention, elle ne précise pas si le document sollicité concerne le plan de prévention qu’elle aurait établi avec la société SAT ou avec elle-même. Le document sollicité n’apparaît donc pas assez déterminable.

En outre s’il s’agit du document établi avec elle-même, en qualité d’entreprise extérieure, il est peu probable qu’un tel document existe alors que les parties n’ont établi aucun contrat écrit concernant l’intervention de la société RTP sur le chantier.

Enfin la société RTP ne justifie pas que ce document destiné à protéger les salariés de l’entreprise extérieure intervenant sur le chantier serait de nature à justifier le bien-fondé des factures qu’elle a émises.

Les plannings de chantier

La société RTP ne justifie pas en quoi de tels plannings, s’ils étaient encore en possession des autres parties eu égard à l’ancienneté du chantier, seraient davantage susceptibles d’établir la réalité des travaux exécutés que les comptes-rendus de chantier transmis dans le cadre de la mesure d’expertise.

Sur les ordres de service délivrés aux sociétés Sade et SAT

Il résulte du rapport d’expertise que la société RTP a eu connaissance de l’acte d’engagement de la société Sade ainsi que du contrat de sous-traitance de la société Sade à la société SAT puisque ces pièces ont été produites lors de l’expertise.

La société RTP n’établit pas ce qu’elle entend par  » ordre de service  » et en quoi de tels documents différeraient des contrats mentionnés ci-dessus et seraient de nature à établir la preuve de sa créance contractuelle ou délictuelle à l’encontre des sociétés Sade et SAT.

Sur les comptes-rendus du CSPS (coordinateur en matière de sécurité et de protection de la santé) registre du chantier prévu à l’article R. 4532-38 du code du travail

L’expert a noté en page 30 de son rapport qu’il avait lu les 52  » registres journal  » correspondant à l’ensemble des éléments établis par le CSPS. La société RTP ne le conteste pas.

Elle n’explique donc pas l’intérêt de sa demande de communication de ces documents qui ont déjà été communiqués à l’expert et analysés par ce dernier.

Sur les dépenses engagées par la société SAT sur le chantier

La société RTP n’expose pas en quoi le montant des dépenses engagées par la société SAT sur le chantier serait de nature à prouver les travaux qu’elle a elle-même effectués. Au surplus, elle n’établit pas que les documents sollicités existeraient.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de communication de pièces.

2°) Sur le fondement contractuel des demandes de la société RTP

Moyens des parties

La société RTP expose qu’un devis initial prévoyait son intervention sur le chantier de [Localité 13], bien que ce devis n’ait pas été signé mais que la convention de location initiale a bien été signée par la société RTP et la société SAT concernant la location de sept engins de chantier avec chauffeur.

Elle rappelle que les sociétés RTP et SAT entretenaient des relations d’affaires établies de longue date, que dans ce contexte, la société RTP était redevable à l’égard de la société SAT d’une somme de 64 130,06 euros et que les sociétés RTP et SAT sont convenues que cette dette serait réglée par compensation, la société RTP mettant à la disposition de la société SAT du matériel de chantier avec chauffeur. Elle ajoute qu’en cours de chantier, des commandes verbales ont été formulées directement par la société Sade.

Elle soutient que sa participation à des travaux d’ampleur sur le chantier constitue un acte positif démontrant que les sociétés SAT et Sade ont eu la volonté de contracter avec elle et qu’elle justifie par les factures de location de véhicules, les contrats d’embauche de chauffeurs en interim et des attestations de personnes présentes sur le chantier, des travaux réalisés dans l’intérêt des sociétés SAT et Sade et de leur valeur.

La société Sade soutient que si la société RTP affirme s’être vue confier des travaux de terrassement du mois d’octobre 2015 au mois d’avril 2016, les pièces produites aux débats, qui sont les mêmes que celles présentées à l’expert judicaire, ne permettent pas d’établir l’exactitude de ses allégations.

Elle expose qu’aucune commande n’a été passée par la société Sade auprès de la société RTP et qu’elle n’apparaît pas dans les pièces établissant une relation d’affaires entretenue entre la société SAT et la société RTP.

Elle souligne que la société RTP a indiqué dans un premier temps être intervenue en qualité de sous-traitant de second rang et non en qualité de contractant direct de la société Sade.

Réponse de la cour

Selon l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l’occurrence en raison de la date du marché, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Selon l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Aux termes de l’article 1126 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, tout contrat a pour objet une chose qu’une partie s’oblige à donner, ou qu’une partie s’oblige à faire ou à ne pas faire.

L’article 1129 du même code dispose qu’il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce. La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu’elle puisse être déterminée.

Il est jugé qu’en l’absence d’un prix fixe par les parties, le juge apprécie souverainement la rémunération des prestations fournies, compte tenu des justifications produites et des circonstances de la cause (3e Civ., 24 janvier 1978, pourvoi n° 76-12.056, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 3 n°49 p.39).

Au cas d’espèce, il est établi et non contesté par les parties que dans le cadre de relations d’affaires, la société RTP devait à la société SAT une somme de 64 130,06 euros et qu’afin de solder cette dette, les sociétés sont convenues de la mise à disposition par la société RTP, pendant la durée du chantier, de sept engins de travaux public avec chauffeur qui ont fait l’objet d’une convention signée par les sociétés STP et RTP sans que cette convention n’indique le montant de cette prestation (pièce n°4 de la société RTP).

Il résulte par ailleurs du courrier du 12 mai 2016 du conseil de la société SAT au conseil de la société RTP, suite à la demande de paiement de factures pour un montant total de 390 085 euros HT, que la facture émise par la société RTP le 29 février 2016 pour un montant de 36 000 euros TTC n’est pas contestée par la société SAT et la société RTP reconnaît qu’elle a été réglée (pièce n°6 page 1 de la société RTP).

Il convient d’observer que l’expert désigné par le tribunal administratif avait notamment pour mission de rechercher et préciser les liens contractuels unissant les parties en décrivant les travaux effectués sur le chantier litigieux et notamment ceux du terrassement, en en établissant un relevé précis et détaillé et en examinant la conformité avec les factures ou toutes autres pièces produites par la société RTP et les exigences initiales du marché. Il avait également pour mission d’évaluer la nature et le coût total des travaux réalisés par la société RTP et dire si ces prestations ont dépassé la convention initiale.

L’expert a conclu qu’en l’état des pièces communiquées il lui était très difficile de répondre à la question de la nature et du coût des travaux réalisés par la société RTP.

Il remarque que si la société RTP affirme qu’elle aurait mis sur le chantier un conducteur de travaux pour suivre les travaux, cette personne n’apparaît sur aucune des factures et qu’aucun représentant du maître d’ouvrage, du maître d »uvre, de la société Sade ou de la société SAT n’a rencontré cette personne et que le nom de la société RTP n’apparaît sur aucun compte-rendu de chantier.

L’analyse de la pièce n°13 par la cour, produite par la société RTP pour justifier les factures qu’elle aurait réglées auprès de ses fournisseurs, fait apparaître que :

les factures figurant en pages 4 à 6 sont les mêmes que celles figurant en pages 1 à 3,

les factures figurant en pages 9 à 13 mentionnent comme chantier  » la STEP d'[Localité 11] « , mention rayée et remplacée manuscritement par la mention  » SAT « ,

les factures figurant en pages 16 à 25 sont soit rayées manuscritement avec l’indication de voir avec SAT et la précision que rien n’a été commandé, soit des factures d’avoir,

Ces factures n’établissent pas l’existence de prestations réalisées sur le chantier d’une valeur dépassant le montant de 101 130,06 euros.

La société RTP produit également les contrats de mise à disposition de salariés par la société d’interim Technic MCM ainsi que des relevés d’heures.

Elle ne produit cependant aucun décompte total du nombre d’heures effectuées par chacun des salariés ni le coût réglé à la société d’interim pour ces prestations. En outre, à l’examen de ces documents, la cour constate que l’expert a remarqué à juste titre que sur certains relevés d’heures le lieu de travail n’est pas indiqué.

Enfin l’expert a conclu de la lecture des 52  » registres journal  » établis par le CSPS que la société RTP était présente sur le chantier du 30 novembre 2015 au 4 janvier 2016, soit environ 4 semaines, avec un effectif de 3 hommes, soit 60 journées de travail, ce qui pourrait représenter 15 000 à 20 000 euros de prestation.

Dès lors qu’il n’est pas contesté que la société RTP est intervenue sur le chantier, la présence ou non d’engins loués par elle sur ce chantier est sans incidence sur le présent litige.

Quant aux attestations de trois salariés produites par la société RTP (pièces 30, 31 et 32), elles ne précisent pas le nombre d’heures de travail qu’ils auraient effectués ni ce qu’ils auraient effectué comme travail ni les relations entre la société RTP et la société SAT, indiquant seulement que  » les chefs sur le chantier  » s’appelaient [L] et [K] de la société Sade.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société RTP n’établit pas la preuve que le contrat conclu avec la société SAT porterait sur des prestations autres que celles définies par la convention signée par les parties ni que les prestations fournies justifieraient une rémunération au-delà de ce qui a été payé par la société SAT.

Quant à la société Sade, il convient d’ajouter qu’aucune des pièces produites par la société RTP ne permet d’établir qu’elle se serait engagée à l’égard de celle-ci à rémunérer les prestations que cette dernière aurait effectuées sur le chantier.

Les demandes de la société RTP fondées sur la responsabilité contractuelle des sociétés SAT et Sade seront donc rejetées.

3°) Sur les demandes formées au titre de l’enrichissement sans cause

Moyens des parties

La société RTP fait valoir qu’en application du principe général du droit, nul ne peut s’enrichir injustement aux dépens d’autrui et qu’il est prouvé que les sociétés Sade et SAT ont bénéficié des travaux réalisés par la société RTP sans la rémunérer.

La société Sade soutient que si elle a retiré un avantage économique du chantier, cet enrichissement a une cause légitime, les travaux qu’elle a elle-même réalisés ou qu’elle a sous-traité à la société SAT. Quant aux dépenses alléguées par la société RTP, elle observe que cette dernière ne les justifie pas ni les travaux de terrassement qu’elle aurait réalisés. Elle ajoute qu’aucun lien de corrélation entre l’enrichissement et l’appauvrissement n’est démontré, l’expert ayant conclu qu’il ne pouvait être établi ni le cadre ni l’étendue des prestations réalisées par la société RTP.

Réponse de la cour

Il est établi un principe général du droit selon lequel nul ne peut s’enrichir injustement aux dépens d’autrui (1re Civ., 4 avril 2001, pourvoi n° 98-13.285, Bull. 2001, I, n° 105).

Au cas d’espèce, il apparaît que l’enrichissement de la société Sade résulte de l’exécution de ses obligations contractuelles à l’égard du maître d’ouvrage et qu’elle a réglé à cette fin les sommes dues à la société SAT, son sous-traitant. Il en résulte que son enrichissement a une cause légitime.

Quant à la société SAT, son enrichissement résulte de l’exécution du contrat de sous-traitance qu’elle a conclu avec la société Sade et a donc également une cause légitime.

Par ailleurs, ainsi qu’il a été établi ci-dessus la société RTP n’apporte la preuve ni de son appauvrissement ni du lien de causalité de cet éventuel appauvrissement avec les travaux qu’elle allègue avoir effectués sur le chantier litigieux dès lors que ne sont établis ni le montant des dépenses alléguées par la société RTP ni le fait que ces dépenses seraient causées par l’exécution du chantier litigieux.

C’est donc à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes formées sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

4°) Sur la demande d’expertise

Moyens des parties

La société RTP soutient que l’expertise réalisée est lacunaire en ce que l’expert n’a pu déterminer l’ampleur et le paiement de travaux de terrassement ni les sommes perçues par la société SAT.

La société Sade expose que l’expert a parfaitement mené sa mission et que les conclusions insatisfaisantes pour la société RTP ne suffisent pas à démontrer l’utilité d’une nouvelle expertise.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article 146 du code de procédure civile, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver.

En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.

Au cas d’espèce, il apparaît que l’expert a procédé à l’analyse des documents qui lui ont été transmis par les parties et que la société RTP ne peut lui faire grief de n’avoir pu déterminer précisément les travaux qu’elle a accomplies alors qu’elle-même n’a pu lui fournir suffisamment d’éléments probants à ce sujet.

Par ailleurs, la société RTP ne produit aux débats à l’appui de ses prétentions aucun élément nouveau qui nécessiterait une nouvelle analyse par un expert.

Par conséquent il convient de rejeter la demande d’expertise mais d’infirmer le jugement dès lors qu’il ne s’agit pas d’une fin de non-recevoir mais d’un rejet au fond de la demande.

5°) Sur les demandes formées à l’encontre de la société Safege

Moyens des parties

La société RTP soutient que la société Safege, en qualité de maître d »uvre, a manqué à ses obligations de surveillance du chantier et donc d’ordonnancement, de coordination et de pilotage des travaux. Elle observe notamment qu’elle a commis une faute en n’établissant pas de comptes-rendus de chantier suffisamment précis et en ne mentionnant pas la présence de la société RTP sur le chantier.

La société Safege fait valoir que dans sa mission de direction d’exécution des travaux, il ne peut lui être imposé une présence constante sur le chantier et qu’il n’est pas établi que le maître d »uvre aurait dû avoir connaissance de l’existence d’une sous-traitance.

Réponse de la cour

Il est établi que l’architecte, tenu que d’une obligation de moyens dans l’exécution de ses missions (3e Civ., 3 octobre 2001, pourvoi n° 00-13.718), est responsable envers le maître de l’ouvrage des fautes commises dans le suivi du chantier lorsque cette mission lui a été confiée.

L’obligation de surveillance qui lui incombe, ne lui impose cependant pas une présence constante sur le chantier et ne se substitue pas à celle que l’entrepreneur doit exercer sur son personnel (3e Civ., 4 juillet 1973, pourvoi n° 72-11.158, Bull. 1973, III, n° 463).

Au cas d’espèce, il n’est pas établi que les comptes-rendus de chantier établis par la société Safege seraient incohérents ou insuffisamment précis, ni qu’ils devaient mentionner la présence sur le chantier de la société RTP, intervenant comme loueur de camions. Il sera par ailleurs observé que l’obligation contractée par le maître d »uvre au profit du maître d’ouvrage consiste à informer ce dernier, par ces comptes-rendus, de l’avancée des travaux et de justifier de leur suivi par le maître d »uvre et n’est pas destinée à établir la preuve des prestations réalisées par chacun des intervenants sur le chantier.

A défaut d’établir la preuve que la société Safege aurait commis une faute, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la société RTP à son encontre.

6°) Sur les demandes des sociétés Sade et Safege au titre de la procédure abusive

Pour condamner une partie au titre de la procédure abusive, le juge doit caractériser une faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice et d’exercer une voie de recours (1ère Civ., 9 avril 2015, pourvoi n° 14-11.853, Bull. 2015, I, n° 83).

Au cas d’espèce, si les demandes de la société RTP s’avèrent mal fondées, il n’en résulte pas pour autant qu’elle aurait, en engageant cette procédure à l’encontre des sociétés Sade et Safege, abusé de son droit d’agir en justice.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes au titre de la procédure abusive et la nouvelle demande formée en appel de la société Safege au titre de la procédure abusive sera rejetée.

7°) Sur les frais du procès

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En cause d’appel, la société RTP, partie succombante, supportera les dépens qui seront fixés au passif de la procédure collective, de même que les sommes de 4 000 euros allouées à la société Sade et à la société Safege, chacune, au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il déclare irrecevable la demande d’une nouvelle expertise ;

L’infirme sur ces points et statuant à nouveau,

Rejette la demande d’une nouvelle expertise ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages et intérêts de la société Safege au titre de la procédure abusive ;

Fixe les dépens d’appel à la procédure collective de la société RTP ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société RTP et fixe au passif de la procédure collective la somme de 4 000 euros au profit de la société Safege et 4 000 euros au profit de la société Sade.

La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente pour la présidente empêchée,


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