Responsabilité contractuelle et contestation des obligations dans le cadre d’une opération de construction

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Responsabilité contractuelle et contestation des obligations dans le cadre d’une opération de construction

L’Essentiel : La société BIOMERIEUX a engagé un contrat avec OPENBOX PROJETS pour l’extension d’un entrepôt, réceptionnée le 24 mai 2022 avec réserves. En mai 2023, BIOMERIEUX a assigné OPENBOX et d’autres entreprises pour désigner un expert judiciaire. Le Tribunal de commerce a constaté le désistement de BIOMERIEUX contre certaines sociétés et a suspendu le jugement en attendant le rapport d’expertise. OPENBOX a également assigné INDUSTISOL et EFM-AIRPROCESS pour lever les réserves, mais leurs demandes de provision ont été rejetées par le juge, qui a ordonné un sursis à statuer en attendant l’expertise.

Contexte de l’Affaire

La société BIOMERIEUX a engagé un contrat de promotion immobilière avec OPENBOX PROJETS pour l’extension d’un entrepôt. Plusieurs entreprises ont participé à la construction, et l’ouvrage a été réceptionné le 24 mai 2022 avec des réserves.

Actions Judiciaires

En mai 2023, BIOMERIEUX a assigné OPENBOX et d’autres entreprises devant le Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse pour désigner un expert judiciaire afin d’examiner les réserves et désordres. Une expertise a été ordonnée en juillet 2023. BIOMERIEUX a également engagé une action au fond contre plusieurs sociétés pour lever les réserves et réparer les désordres.

Jugement du Tribunal de Commerce

Le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a constaté le désistement de BIOMERIEUX contre certaines sociétés et a suspendu le jugement en attendant le rapport d’expertise.

Demandes de Provision

OPENBOX a assigné plusieurs entreprises, dont INDUSTISOL et EFM-AIRPROCESS, pour lever les réserves et désordres. INDUSTISOL a demandé une provision de 33 315,40 € et EFM-AIRPROCESS 98 313,95 €, arguant que les désordres de condensation ne leur étaient pas imputables.

Arguments des Parties

INDUSTISOL a justifié sa demande par la réception des travaux et l’absence de réserves. EFM-AIRPROCESS a également soutenu que la société OPENBOX ne pouvait retenir des sommes supérieures à 5% du marché. OPENBOX a contesté ces demandes, invoquant des réserves non levées et la caducité des garanties.

Décision du Juge de la Mise en État

Le juge a rejeté les demandes de provision des deux sociétés, considérant qu’elles ne justifiaient pas d’une obligation non sérieusement contestable. Il a également ordonné un sursis à statuer en attendant le rapport d’expertise judiciaire.

Conclusion et Prochaines Étapes

Le juge a condamné OPENBOX aux dépens de l’incident et a renvoyé le dossier à une audience de mise en état pour faire le point sur les opérations d’expertise en cours.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour obtenir une provision en vertu de l’article 789 du Code de procédure civile ?

La demande de provision est régie par l’article 789, 3° du Code de procédure civile, qui stipule que :

« Le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. »

Cette disposition implique que pour qu’une provision soit accordée, le créancier doit démontrer que l’obligation à son égard n’est pas sérieusement contestable.

Il est également précisé que la compétence exclusive du juge de la mise en état est limitée au litige dont est saisi le tribunal judiciaire.

Ainsi, pour justifier le rejet d’une demande de provision, la contestation soulevée doit être de nature à supprimer ou restreindre l’obligation du débiteur.

Le juge doit donc vérifier si le moyen soulevé est sérieux, ce qui implique une analyse des éléments de preuve fournis par les parties.

Comment les garanties autonomes et les retenues de garantie influencent-elles les demandes de provision ?

Les garanties autonomes et les retenues de garantie jouent un rôle déterminant dans les demandes de provision. Selon l’article 1353 du Code civil :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

Dans le cadre des travaux de construction, la société Industisol a produit une garantie autonome et à première demande, ainsi qu’une garantie de parfait achèvement.

Cependant, la société Openbox a contesté la demande de provision en invoquant l’absence de levée des réserves et des désordres, ainsi que la caducité de la garantie autonome.

Il est important de noter que la retenue de garantie, prévue par la loi du 16 juillet 1971, est destinée à couvrir la levée des réserves à la réception et non les désordres dénoncés pendant l’année de parfait achèvement.

Ainsi, si les réserves n’ont pas été levées, cela peut justifier le refus de la demande de provision.

Quel est l’impact de l’expertise judiciaire sur les demandes de provision ?

L’expertise judiciaire a un impact significatif sur les demandes de provision, comme le souligne l’article 378 du Code de procédure civile :

« La décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. »

Dans le cas présent, la société Openbox a demandé un sursis à statuer sur les demandes de provision en raison des désordres de condensation, en attendant le rapport de l’expert judiciaire.

Le tribunal a jugé qu’il était de bonne administration de la justice de surseoir à statuer sur l’ensemble des demandes formées au fond dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise.

Cela signifie que tant que l’expertise n’est pas terminée, les demandes de provision peuvent être considérées comme prématurées, car les conclusions de l’expert pourraient influencer la solution du litige.

Quelles sont les conséquences de la réception avec réserves sur les obligations des parties ?

La réception avec réserves a des conséquences importantes sur les obligations des parties. Selon l’article 1103 du Code civil :

« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

Cela signifie que les parties sont tenues de respecter les termes de leur contrat, y compris les réserves formulées lors de la réception.

Dans le cas présent, la réception de l’ouvrage a eu lieu le 24 mai 2022 avec plusieurs réserves.

La société Openbox a mis en demeure la société Industisol d’achever les travaux de reprise des désordres, ce qui souligne l’importance de lever les réserves pour éviter des contestations ultérieures.

Les réserves non levées peuvent justifier le refus de paiement des sommes dues, car elles indiquent que l’ouvrage n’est pas conforme aux engagements contractuels.

Comment les parties peuvent-elles contester les demandes de provision ?

Les parties peuvent contester les demandes de provision en soulevant des moyens sérieux qui remettent en question l’existence de l’obligation.

Selon l’article 1353 du Code civil, il incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de prouver son existence.

Dans le cadre des demandes de provision, la société Openbox a contesté les demandes de la société Industisol et de la société EFM-Airprocess en invoquant l’absence de levée des réserves et des désordres, ainsi que la caducité des garanties autonomes.

Ces contestations doivent être étayées par des éléments de preuve, tels que des courriers, des rapports d’expertise ou des documents contractuels, afin de démontrer que l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Le juge doit alors examiner ces éléments pour déterminer si la demande de provision peut être acceptée ou rejetée.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

6ème chambre 2ème section

N° RG 23/06932 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZ3Q2

N° MINUTE :

Réputé contradictoire

Assignation du :
17 Mai 2023

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 10 janvier 2025

DEMANDERESSE

S.A.S. OPENBOX CO DESIGN & BUILD
[Adresse 5]
[Localité 9]

représentée par Maître Florence DUBOSCQ de la SELARL PARETO AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E2150

DEFENDERESSES

S.A.R.L. SOMAFI LYON
[Adresse 7]
[Localité 6]

défaillante non constituée

Société BIOMERIEUX
[Adresse 19]
[Localité 12]

représentée par Maître Mathieu JACOB de la SELAS CABINET CONFINO, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #K0182

S.A.S.U. NET ETANCHEITE
[Adresse 3]
[Localité 13]

représentée par Maître Gaël DECHELETTE de la SELARLU DECHELETTE AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0583

S.E.L.A.R.L. OXY INGENIERIE
[Adresse 21]
[Adresse 21]
[Localité 10]

représentée par Maître Sandrine DRAGHI ALONSO de la SELEURL SELARL CABINET DRAGHI-ALONSO, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D1922

S.A.S.U. EFM-AIRPROCESS
[Adresse 20]
[Localité 14]

représentée par Maître Alexandra SEIZOVA de la SELARL SELARL DAFIA & SEIZOVA AVOCATS, de PARIS, vestiaire #C1099

S.A.S.U. INDUSTISOL prise en la personne de son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 15]
[Localité 16]

représentée par Maître Stéphanie GARNIER de la SELEURL CIRRAC, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0212

S.A.S. APAVE SUDEUROPE
[Adresse 17]
[Localité 2]

représentée par Maître Sandrine MARIÉ de la SELARL SANDRINE MARIÉ, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0168

S.A.S. BENTIN
[Adresse 4]
[Localité 18] FRANCE

représentée par Maître Audrey BEN AYOUN de la SELEURL GB AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #A0053

S.A.S.U. SOCIETE DE TUYAUTERIE INDUSTRIELLE (STI)
[Adresse 8]
[Localité 11]

représentée par Maître Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0240

S.A.S.U. TRADISOL
[Adresse 1]
[Localité 13]

défaillante non constituée

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Madame Nadja GRENARD, Vice-présidente

assistée de Madame Audrey BABA, Greffier

DEBATS

A l’audience du 17 octobre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 10 janvier 2025.

ORDONNANCE

– Réputée contradictoire
– En premier ressort
– Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– Signée par Madame Nadja Grenard , Juge de la mise en état et par Madame BABA Audrey , Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DE L’INCIDENT

Selon acte sous seing privé des 16 et 22 avril 2020, la société BIOMERIEUX, en sa qualité de maître d’ouvrage, a conclu un contrat de promotion immobilière avec la société OPENBOX PROJETS, aux droits de laquelle se trouve la société OPENBOX CO DESIGN & BUILD (ci-après société Openbox), pour la conception et la réalisation d’une extension d’un entrepôt situé à [Localité 22].

Dans le cadre de cette opération de construction, sont notamment intervenues :

la société NET ETANCHEITE en charge des travaux de couverture ;
la société OXY INGENIERIE en qualité de bureau d’études fluides ;
la société EFM-AIRPROCESS (ayant pour nom commercial EFM-ENERGIES) en charge des travaux du lot HVAC chauffage climatisation;
la société INDUSTISOL pour les travaux d’enceintes isolantes;
la société APAVE en qualité de contrôleur technique;
la société BENTIN SERPOLLET en charge du lot électricité
la société STI en charge du lot plomberie
la société TRADISOL en charge du lot dallage
la société SOMAFI en charge du lot Fermetures Industrielles.
L’ouvrage a été réceptionné le 24 mai 2022 avec réserves.

Par exploit délivré le 12 mai 2023, la société Biomérieux a assigné la société Openbox ainsi que certaines entreprises devant le président du Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, statuant en référé, afin de solliciter la désignation d’un expert judiciaire pour examiner les réserves restant à lever et les désordres dénoncés dans l’année de parfait achèvement.

Par ordonnance du 18 juillet 2023, une expertise judiciaire a été ordonnée et confiée à M. [P] [B].

La société Biomérieux a en outre engagé une action au fond au contradictoire des sociétés Openbox, Bentin, STI, Tradisol, Somafi et CLF devant le Tribunal de commerce de Bourg en Bresse afin de solliciter leur condamnation à lever les réserves restantes et à réparer les désordres dénoncés dans l’année de parfait achèvement.

Par jugement du 28 juin 2024, le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a notamment :

– constaté le désistement d’instance de la société Biomérieux à l’encontre des sociétés Bentin, STI, Tradisol, Somafi Lyon et CLF;

– sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise de M. [B].

Par exploits de commissaire de justice des 17,22 et 23 mai 2023, la société Openbox design & build a assigné devant le Tribunal judiciaire de Paris les parties suivantes :
la société Net étanchéitéla société Oxy ingenieriela société EFM-airprocess (ayant pour nom commercial EFM-energies)la société Industisolla société Apave sudeuropela société Bentinla société de tuyauterie industriellela société Tradisolla société Somafi Lyonla société Biomérieuxaux fins de reprise des réserves restant à lever et des désordres dénoncés dans l’année de parfait achèvement.

*

Aux termes de ses dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 17 octobre 2024, la société Industisol sollicite de voir :

condamner la société OPENBOX CO DESIGN & BUILD à lui régler une provision de 33 315,40 € TTC majorée des intérêts au taux de trois fois l’intérêt légal à compter de la mise en demeure du 30 mars 2023;
débouter la société OPENBOX CO DESIGN & BUILD de toutes ses demandes;
condamner la société OPENBOX CO DESIGN & BUILD à lui régler la somme de 6 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’incident, dont distraction au profit de la SELARL CIRRAC.
Au soutien de sa demande de provision, elle expose, au visa de l’article 10.1.4 du CCAP, justifier d’une créance non sérieusement contestable dans la mesure où elle rapporte la preuve que :

– les travaux sont terminés et ont été réceptionnés;
– le DGD a été signé par les deux parties sans réserve;
– la société Openbox a indiqué être d’accord sur le solde dû par courriel du 22 mars 2023;
– la garante de cautionnement a reconnu que sa créance était certaine, liquide et exigible.

Elle indique en outre que :

– la société Openbox ne peut retenir aucune somme pour la levée des réserves dans la mesure où elle a justifié d’une garantie autonome et à première demande et une garantie de parfait achèvement pour un montant de 22 195,58€ représentant 5% du marché,

– elle a levé l’ensemble des réserves propres à son lot;

– l’expert ne lui a à ce stade imputé aucune part de responsabilité dans les désordres de condensation objet de l’expertise judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 11 octobre 2024, la société EFM-Airprocess sollicite de voir :

condamner par provision la société OPENBOX CO DESIGN & BUILD à lui payer la somme de 98.313,95 € TTC, augmentée au taux d’intérêt légal à compter de la mise en demeure du 21 octobre 2022,
rejeter l’ensemble des demandes formulées à son encontre;
rejeter la demande de sursis à statuer de la société OPENBOX CO DESIGN & BUILD,
condamner la société OPENBOX CO DESIGN & BUILD à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Alexandra SEIZOVA ainsi qu’ aux entiers dépens.
Au soutien de sa demande de provision, elle expose que la société Openbox ne peut retenir aucune somme au titre de son marché quand bien même il y aurait des réserves dès lors que :

– elle justifie qu’unegarantie autonome et à première demande a été octroyée à la société Openbox le 28 septembre 2022 pour un montant de 48 528 € correspondant à 3% du marché,

– la somme ainsi retenue excède largement les 5% du prix du marché et n’a pas été consignée entre les mains d’un consignataire;

– la société Openbox ne peut déroger aux règles d’ordre public alors que la réception a été prononcée il y a plus d’un an,

– les problèmes de condensation relèvent du lot étanchéité couverture, n’ont pas fait l’objet de réserves à la réception et relèvent d’un défaut de conception et/ou de choix des matériaux mis en oeuvre ;

– à ce stade l’expert judiciaire ne lui impute aucune part de responsabilité dans les désordres de condensation.

Par conclusions en réponse à incident notifiées par voie électronique le 16 octobre 2024, la société Openbox Co design & build sollicite de :
A titre principal,

surseoir à statuer sur les demandes provisionnelles formées par la société INDUSTISOL et EFM à son encontre en raison des désordres par condensation, jusqu’au dépôt du rapport de M. [P] [B], nommé en qualité d’expert judiciaire par ordonnance du 18 juillet 2023 du juge des référés du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse ;
A titre subsidiaire,

rejeter les demandes de provision;
En tout état de cause,

condamner les sociétés EFM-AIRPROCESS et INDUSTISOL à lui verser, chacune, une somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens dont distraction au profit de Maître Florence DUBOSCQ.
En réponse aux demandes de provisions, elle expose que les demandes formées par les sociétés Industiso et Efm se heurtent à des contestations sérieuses dès lors que :

– l’ensemble des réserves et désordres GPA des lots concernés n’ont pas encore été levés au vu du dernier état transmis par la société Biomérieux le 23 septembre 2024;

– des opérations d’expertise sont en cours pour déterminer l’origine des désordres de condensation affectant l’ouvrrage et les imputabilités techniques;

– les demandes de provision formées par les entreprises sont prématurées et doivent attendre le dépôt du rapport d’expertise;

– les deux entreprises ne sauraient se prévaloir des garanties autonomes octroyées dès lors que celles-ci ont expiré le 24 août 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 14 octobre 2024, la société Oxy ingenierie sollicite de surseoir à statuer dans l’attente du dépôt du rapport définitif de Monsieur [P] [B], expert judiciaire, désigné par ordonnance du juge des référés du Tribunal judiciaire de Bourg en Bresse du 18 juillet 2023 et voir réserver les dépens.

L’incident a été mis en délibéré au 10 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur les demandes de provision

S’agissant de la demande de sursis à statuer sollicitée par la société Openbox en réponse aux demandes de provision, force est de constater qu’il ne peut être sursis à statuer sur une demande d’incidents de provision dans la mesure où celle-ci ne constitue pas une demande formée au fond,et peut être sollicitée avant ou après dépôt d’un rapport d’expertise judiciaire dès lors qu’elle n’est uniquement soumise à la condition de démontrer une obligation non sérieusement contestable.

I.A Sur la demande de provision formée par la société INDUSTISOL

Aux termes de l’article 789, 3° du Code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

La compétence exclusive du juge de la mise en état est limitée au litige dont est saisi le tribunal judiciaire.

Pour justifier le rejet, total ou partiel d’une demande de provision, la contestation doit être de nature à supprimer ou à restreindre l’obligation du débiteur, le juge ayant, dans chaque cas d’espèce, le devoir de vérifier si le moyen soulevé est, ou non, sérieux.

Selon l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En vertu de l’article 1353 nouveau du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En application de ces dispositions, il incombe à l’entrepreneur qui sollicite le paiement de factures impayées de démontrer qu’il a réalisé les travaux qui lui ont été confiés conformément à ses engagements contractuels et aux règles de l’art.

Au cas présent la société Industisol sollicite à titre provisionnel le paiement de son solde de chantier (33 315,40 € TTC ) estimant que le décompte général définitif lie la société Openbox qu’il l’a validé, qu’aucune réserve ou désordre ne lui est imputable et qu’en tout état de cause elle a fourni une garantie autonome et à première demande ainsi qu’une garantie de parfait achèvement le 3 août 2022 pour un montant de 22 195,58€ soit 5% du prix du contrat d’entreprise outre un contrat de cautionnement de retenue de garantie les 21 juin et 11 juillet 2022 pour garantir la levée des réserves et désordres de parfait achèvement.

La société Openbox oppose principalement deux moyens :

– l’absence de levée des réserves et des désordres dénoncés dans l’année de parfait achèvement et la caducité de la garantie autonome à 1ère demande;
– l’éventuelle compensation avec une créance de réparation des désordres de condensation dénoncés par le maître d’ouvrage et objets de l’expertise judiciaire en cours.

Au vu des pièces du dossier, il ressort que :

– la société Openbox a signé le DGD et ne conteste pas le montant du solde de chantier sollicité par la société Industisol à hauteur de la somme de 33.315,40 € TTC,

– une réception a eu lieu le 24 mai 2022 avec plusieurs réserves;

– par courrier du 2 mai 2023 la société Openbox a mis en demeure la société Industisol d’achever l’ensemble des travaux de reprise des désordres de parfait achèvement incluant un problème de condensation;

– une liste de désordres du lot n°6 dévolu à la société Industisol mise à jour au 10 juin 2024 fait état de 7 désordres dénoncés au titre de la GPA;

– une expertise judiciaire est en cours au contradictoire de la société Industisol et vise à examiner les désordres de condensation dénoncés par le maître d’ouvrage dans le cadre de l’année de parfait achèvement ;

– aux termes de la garantie autonome et à première demande de la garantie parfait achèvement de 5% TTC du contrat d’entreprise de 212 195,58 € produite par la société Industisol , il est indiqué que la présente garantie prend effet à la date de son émission et expirera le 24 août 2023, que passé cette date, sans qu’aucune demande n’ait été présentée au garant, l’engagement deviendra automatiquement caduc que l’original ait été restitué ou non,

– la retenue de garantie produite par la société Industisol de 8818,83 € pour le marché principal et de 59,40 € pour les avenants 3 à 5 est prévue par la loi du 16 juillet 1971 laquelle est dès lors destinée uniquement à couvrir la levée des réserves à la réception et non les désordres dénoncés pendant l’année la garantie de parfait achèvement.

Il s’ensuit que compte tenu de la dénonciation de désordres relatifs à des problèmes de condensation affectant l’ouvrage , d’une expertise judiciaire en cours destinée à éclairer les juges du fond saisis du litige sur la matérialité des désordres, leur origine, cause, imputabilité et coût réparatoire, il y a lieu de constater que la créance dont se prévaut la société Industisol est susceptible de se compenser avec la créance du promoteur sur le coût réparatoire des désordres et autres indemnisations des préjudices subis découlant des désordres, qu’en outre les deux garanties produites par la société Industisol n’ont pas vocation à jouer dès lors que d’une part, la retenue de garantie n’a pour objectif que de garantir la levée des réserves à la réception lesquelles ont toutes été levées, d’autre part, la garantie autonome apparaît en l’absence de démonstration d’une demande formée à son égard comme ayant expirée depuis le 24 août 2023.

En conséquence la société Industisol ne justifie pas à ce stade d’une obligation non sérieusement contestable de sorte que sa demande sera rejetée.

II.B. Sur la demande de provision formée par la société EFM- Aiprocess

Au cas présent la société EFM-AIRPROCESS sollicite à titre provisionnel le paiement de son solde de chantier (98 313,95 € TTC ) estimant que la société Openbox ne peut retenir une somme supérieure à 5% sans respecter les règles d’ordre public, alors que la réception a eu lieu il y a plus d’un an, qu’en outre elle justifie qu’une garantie autonome et à première demande a été octroyée à la société Openbox le 28 septembre 2022 pour un montant de 48 528€ (correspondant à 3% du marché) et qu’enfin les désordres de condensation ne lui sont nullement imputables.

La société Openbox oppose principalement deux moyens :

– l’absence de levée des réserves et désordres dénoncés dans l’année de parfait achèvement et la caducité de la garantie autonome à 1ère demande;

– l’éventuelle compensation avec une créance de réparation des désordres de condensation dénoncés par le maître d’ouvrage et objets de l’expertise judiciaire en cours.

Au vu des pièces du dossier, il ressort que :

– une réception a eu lieu le 24 mai 2022 avec plusieurs réserves;

– par courrier du 2 mai 2023 la société Openbox a indiqué à la société EFM-Air process qu’elle estimait que sa responsabilité ait engagée au titre des désordres de condensation dans la mesure où la notice descriptive de son marché prévoyait une humidité relative intérieure inférieure à 70% au point de démarrage alors qu’elle a été contrôlée à 85%, et l’a mise en demeure d’achever l’ensemble des travaux de reprise des désordres de parfait achèvement;

– une liste de désordres mise à jour au 10 juin 2024 du lot n°9 dévolu à la EFM-Air process fait état de 4 désordres de GPA relatifs notamment au problème de condensation objets de l’expertise judiciaire;

– aux termes de la garantie autonome et à première demande garantie parfait achèvement de 3% TTC du contrat d’entreprise produite par la société Efm Airprocess, il est indiqué que la présente garantie prend effet à la date de son émission et expirera le 24 août 2023, que passé cette date, sans qu’aucune demande n’ait été présentée au garant, l’engagement deviendra automatiquement caduc que l’original ait été restitué ou non,

– la société Efm-Airprocess a fourni à la société Openbox une caution bancaire en lieu et place de la retenue de garantie telle que la loi lui permet.

Il s’ensuit que compte tenu de la dénonciation de désordres relatifs à des problèmes de condensation affectant l’ouvrage, d’une expertise judiciaire en cours destinée à éclairer les juges du fond saisi du litige sur la matérialité des désordres, leur origine, cause, imputabilité et coût réparatoire, il y a lieu de constater que la créance dont se prévaut la société Efm-Airprocess est susceptible de se compenser avec la créance du promoteur sur le coût réparatoire des désordres et autres indemnisations des préjudices subis découlant des désordres, qu’en outre les deux garanties produites par la société Efm – Airprocess n’ont pas vocation à jouer dès lors d’une part, que la retenue de garantie n’a pour objectif que de garantir la levée des réserves à la réception lesquelles ont toutes été levées au vu du dernier état des réserves et désordres produits, d’autre part, que la garantie autonome apparaît en l’absence de démonstration d’une demande formée à son égard comme ayant expirée depuis le 24 août 2023.

En conséquence la société EFM-Airprocess ne justifie pas à ce stade d’une obligation non sérieusement contestable de sorte que sa demande sera rejetée.

III. Sur la demande de sursis à statuer

Aux termes de l’article 378 du Code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.

Dans la mesure où les opérations d’expertise sont toujours en cours et où les conclusions de l’expert judiciaire sont de nature à influencer sur la solution du litige, il est de bonne administration de la justice de surseoir à statuer sur l’ensemble des demandes formées au fond dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire confiée à M. [B] par ordonnance du 18 juillet 2023.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Openbox, dans l’intérêt de laquelle est ordonné le sursis à statuer, conservera la charge des dépens de l’incident.

L’équité ne commande pas de faire droit à la demande de condamnation au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Nous, Nadja GRENARD, juge de la mise en état, statuant par décision réputée contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe, susceptible de recours dans les conditions énoncées à l’article 795 du Code de procédure civile ;

Rejetons les demandes de provision formées par la société Industisol et la société Efm-airprocess;

Ordonnons le sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire confiée à M. [B] par ordonnance du 18 juillet 2023.

Condamnons la société Openbox aux dépens de l’incident;

Renvoyons le dossier à l’audience de mise en état du 12 juin 2025 à 14h15 pour faire le point sur les opérations d’expertise en cours;

Faite et rendue à Paris le 10 Janvier 2025

Le Greffier La Juge de la mise en état

Audrey Baba Nadja Grenard


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