Caducité et délais : enjeux de la procédure d’appel dans le cadre d’une liquidation judiciaire

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Caducité et délais : enjeux de la procédure d’appel dans le cadre d’une liquidation judiciaire

L’Essentiel : Le 3 août 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert le redressement judiciaire de Hiventy France. La Banque populaire a déclaré une créance de 2 020 847,91 euros, mais le 11 janvier 2023, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire. Le 18 juin 2024, la créance de la banque a été déclarée irrecevable, entraînant un appel le 4 juillet. Les liquidateurs ont contesté cet appel, demandant sa caducité. Le 3 décembre, l’appelante a sollicité le rejet de cette demande, arguant d’une erreur sur les délais. Cependant, la cour a jugé la caducité proportionnelle aux objectifs de justice.

Ouverture du redressement judiciaire

Le 3 août 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert le redressement judiciaire de la société Hiventy France.

Créance déclarée par la Banque populaire

Le 16 septembre 2022, puis le 2 mars 2023, la Banque populaire Val-de-France a déclaré à la procédure collective une créance, s’élevant en dernier lieu à 2 020 847,91 euros.

Conversion en liquidation judiciaire

Le 11 janvier 2023, le tribunal de commerce a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, nommant les sociétés Alliance et BTSG² comme liquidateurs.

Déclaration d’irrecevabilité de la créance

Le 18 juin 2024, le juge-commissaire a déclaré la créance de la banque irrecevable, suite à la contestation des liquidateurs.

Appel de la Banque populaire

Le 4 juillet 2024, la Banque populaire a interjeté appel de l’ordonnance déclarant sa créance irrecevable.

Incidents et demandes des liquidateurs

Le 4 novembre 2024, les liquidateurs ont introduit un incident devant le président de la chambre, sollicitant la caducité de la déclaration d’appel et une indemnité de procédure de 5 000 euros.

Réponse de l’appelante

Dans ses dernières conclusions du 3 décembre 2024, l’appelante a demandé le rejet de la demande des liquidateurs et a sollicité une indemnité de procédure de 2 000 euros.

Caducité de la déclaration d’appel

L’article 905-2 du code de procédure civile stipule qu’un appelant doit remettre ses conclusions dans un délai d’un mois après réception de l’avis de fixation. En l’espèce, l’avis a été reçu le 2 septembre 2024, et l’appelante devait conclure au plus tard le 2 octobre 2024, ce qu’elle n’a pas fait.

Arguments de l’appelante

L’appelante a soutenu avoir été induite en erreur par les mentions des articles 902 et 909 du code de procédure civile, pensant disposer d’un délai de trois mois. Elle a également fait valoir que la sanction de caducité était disproportionnée au regard de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Analyse de la proportionnalité

Le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu et peut être soumis à des limitations. La cour a jugé que l’appelante n’a pas démontré que la sanction de caducité était disproportionnée par rapport aux objectifs de régulation des appels et de bonne administration de la justice.

Décision finale

Le président de la chambre a déclaré la déclaration d’appel caduque, a ordonné que les dépens soient employés en frais privilégiés de procédure collective, et a rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les bases légales de la médiation dans le cadre de ce litige ?

La médiation est encadrée par plusieurs articles de la loi n° 95-125 du 8 février 1995, ainsi que par le Code de procédure civile.

L’article 21 de la loi précitée stipule que :

« La médiation est un processus par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord avec l’aide d’un tiers, le médiateur. »

Cet article souligne l’importance de la médiation comme méthode alternative de résolution des conflits, permettant aux parties de trouver une solution amiable.

De plus, l’article 22-1 de la même loi précise que :

« Le juge peut, à tout moment de la procédure, inviter les parties à recourir à la médiation. »

Cela signifie que le juge a le pouvoir d’orienter les parties vers la médiation, ce qui a été fait dans le cas présent.

En ce qui concerne le Code de procédure civile, l’article 127-1 indique que :

« Le juge peut, d’office ou à la demande des parties, ordonner une mesure de médiation. »

Cela renforce l’idée que la médiation est une option que le juge peut proposer pour faciliter la résolution des litiges.

Quels sont les effets de l’accord de médiation sur la procédure judiciaire ?

L’accord de médiation a des effets significatifs sur la procédure judiciaire, comme le stipule l’article 131-1 du Code de procédure civile :

« L’accord résultant de la médiation a force obligatoire entre les parties. »

Cela signifie que si les parties parviennent à un accord, celui-ci doit être respecté et a la même valeur qu’un jugement.

En outre, l’article 914 précise que :

« Les parties peuvent demander au juge de constater l’accord intervenu entre elles. »

Cela permet aux parties de faire homologuer leur accord par le juge, ce qui lui confère une force exécutoire.

Il est également important de noter que, selon l’article 913, en cas de désaccord persistant, l’affaire se poursuivra dans le cadre de la mise en état, ce qui signifie que la procédure judiciaire continuera.

Quelles sont les obligations des parties en matière de médiation ?

Les obligations des parties en matière de médiation sont clairement définies dans la décision rendue.

Tout d’abord, il est stipulé que :

« La présence de toutes les parties à cette réunion est obligatoire. »

Cela souligne l’importance de la participation active des parties au processus de médiation.

De plus, l’article 22-1 de la loi n° 95-125 précise que :

« Les parties doivent se rencontrer avec le médiateur pour discuter des modalités de la médiation. »

Cela implique que les parties doivent être ouvertes à la discussion et à la négociation.

Enfin, il est mentionné que :

« En cas d’accord, les parties pourront saisir le conseiller de la mise en état à tout moment pour faire homologuer l’accord. »

Cela montre que les parties ont la responsabilité de formaliser leur accord si elles parviennent à une solution amiable.

Quelles sont les conséquences d’un défaut de versement de la provision pour la médiation ?

Le défaut de versement de la provision pour la médiation a des conséquences importantes, comme le stipule la décision rendue.

Il est clairement indiqué que :

« À défaut de versement intégral de la provision dans le délai prescrit, la décision est caduque et l’instance se poursuit. »

Cela signifie que si une des parties ne respecte pas son obligation de paiement, la médiation ne pourra pas avoir lieu et le litige continuera devant le tribunal.

De plus, l’article 914 du Code de procédure civile précise que :

« Le juge peut ordonner la reprise de l’instance si la médiation échoue. »

Cela renforce l’idée que le non-respect des obligations financières liées à la médiation peut entraîner la poursuite de la procédure judiciaire.

Ainsi, le respect des obligations financières est crucial pour la réussite du processus de médiation et pour éviter la reprise des procédures judiciaires.

COUR D’APPEL

DE [Localité 16]

Chambre commerciale 3-2

Minute n°

N° RG 24/04220 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WT2I

AFFAIRE : S.A. BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE C/ LE PROCUREUR GENERAL, S.A.S. HIVENTY, S.C.P. BTSG, S.A.S. ALLIANCE, S.E.L.A.R.L. BCM, S.C.P. [V],

ORDONNANCE D’INCIDENT

prononcée le HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

par Monsieur Cyril ROTH, conseiller de la mise en état de la Chambre commerciale 3-2, avons rendu l’ordonnance suivante, après que la cause en a été débattue en notre audience de cabinet, le quatre Décembre deux mille vingt quatre,

assisté de Madame Françoise DUCAMIN, Greffière,

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DANS L’AFFAIRE ENTRE :

S.A. BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE

Ayant son siège

[Adresse 11]

[Localité 10]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 – N° du dossier 2401299

APPELANTE

DEFENDERESSE A L’INCIDENT

C/

LE PROCUREUR GENERAL

POLE ECOFI – COUR D’APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 5]

[Localité 9]

S.A.S. HIVENTY

Ayant son siège

[Adresse 6]

[Localité 8]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20240551

Plaidant : Me Thierry MONTERAN de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,vestiaire : P 0261

S.C.P. BTSG agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège mission conduite par Maître [R] [I], es qualité de mandataire liquidateur de la société HIVENTY FRANCE

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Adresse 15]

[Localité 14]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20240551

Plaidant : Me Thierry MONTERAN de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,vestiaire : P 0261

S.A.S. ALLIANCE

mission conduite par Maître [J] [T], es qualité de mandataire liquidateur de la société HIVENTY FRANCE

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 12]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20240551

Plaidant : Me Thierry MONTERAN de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,vestiaire : P 0261

S.E.L.A.R.L. BCM

mission conduite par Maître [C] [U], es qualité d’administrateur judiciaire de la société HIVENTY FRANCE

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Localité 13]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20240551

Plaidant : Me Thierry MONTERAN de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,vestiaire : P 0261

S.C.P. [V]

mission conduite par Maître [O] [V], es qualité d’administrateur judiciaire de la société HIVENTY FRANCE

Ayant son siège

[Adresse 4]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20240551

Plaidant : Me Thierry MONTERAN de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,vestiaire : P 0261

INTIMES

DEMANDEURS A L’INCIDENT

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Expéditions exécutoires délivrées aux avocats le —————

FAITS ET PROCEDURE

Le 3 août 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert le redressement judiciaire de la société Hiventy France.

Le 16 septembre 2022, puis le 2 mars 2023, la Banque populaire Val-de-France (la banque) a déclaré à la procédure collective une créance, en dernier lieu de 2 020 847,91 euros.

Le 11 janvier 2023, le tribunal de commerce a converti cette procédure en liquidation judiciaire et nommés liquidateurs les sociétés Alliance et BTSG² (les liquidateurs).

Le 18 juin 2024, sur contestation des liquidateurs, le juge-commissaire a déclaré la créance de la banque irrecevable.

Le 4 juillet 2024, la banque a interjeté appel de son ordonnance.

Par conclusions du 4 novembre 2024, les liquidateurs ont introduit un incident devant le président de la chambre.

Par dernières conclusions du 19 novembre 2024, ils sollicitent le prononcé de la caducité de la déclaration d’appel et l’allocation d’une indemnité de procédure de 5 000 euros.

Par dernières conclusions du 3 décembre 2024, l’appelante sollicite le rejet de cette demande et l’allocation d’une indemnité de procédure de 2 000 euros.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur la caducité

L’article 905-2 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa :

A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

Selon l’article 641 du même code, lorsqu’un délai est exprimé en mois, ce délai expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.

En l’espèce, l’avis de fixation de l’affaire à bref délai a été adressé à l’appelante le 2 septembre 2024.

Il lui incombait de conclure au plus tard le mercredi 2 octobre suivant, et non le 3 octobre suivant comme elle le soutient à tort.

Ses conclusions du 3 octobre 2024 sont donc tardives, de sorte que la caducité de la déclaration d’appel est encourue en application des dispositions de l’article 905-2 précité.

L’appelante soutient que la déclaration d’appel qui lui a été adressée par le greffe mentionne les dispositions des articles 902 et 909 du code de procédure civile ; qu’induite en erreur par ces mentions, elle pensait disposer pour conclure d’un délai de trois mois ; que la sanction de la caducité serait disproportionnée au regard des exigences de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le droit d’accès à un tribunal garanti à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas absolu ; il se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’État, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation. Ces limitations ne sauraient restreindre l’accès ouvert à un justiciable d’une manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s’en trouve atteint dans sa substance même. En outre, les limitations appliquées ne se concilient avec l’article 6 que si elles poursuivent un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (CEDH, [N] [L] [G] c. Roumanie [GC], no 41720/13, § 195, 25 juin 2019, Grda c. Pologne [GC], no 43572/18, § 343, 15 mars 2022, et [A] [W] c. France, no 15567/20, § 42, 9 juin 2022). Selon la jurisprudence de la Cour, le droit d’accès à un tribunal se trouve atteint dans sa substance lorsque sa réglementation cesse de servir les buts de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice et constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir son litige tranché au fond par la juridiction compétente.

En l’occurrence, l’appelante n’allègue aucune disproportion in abstracto du délai d’un mois et de la sanction de caducité fixés à l’article 905-2 du code de procédure civile précité aux objectifs légitimes de régulation des appels, de bonne administration de la justice et de célérité du traitement de certains contentieux devant la cour d’appel dont ce texte procède, alors même que, lorsque la représentation est comme en l’espèce obligatoire devant la cour, il est nécessairement manié par des professionnels du droit et que sa mise en ‘uvre est parfaitement prévisible, faisant l’objet d’une pratique judiciaire constante et cohérente (CEDH, 21 novembre 2024, [F] c. France, n°76664/17, §40).

Par ailleurs, le récépissé de déclaration d’appel adressé par le greffe à l’appelante le 8 juillet 2024, qui comporte la reproduction des articles 902, 903 et 909 du code de procédure civile, ne donne aucune indication sur la procédure devant être suivie devant la cour, contrairement à ce que soutient à tort l’appelante ; celle-ci n’a aucunement pu être induite en erreur par ce récépissé sur les délais lui étant impartis pour conclure, qui lui ont de surcroît été rappelés de manière particulièrement explicite dans l’avis de fixation du 2 septembre 2024 émanant du greffe.

Enfin, si l’appelante fait valoir qu’elle a conclu le 3 octobre 2024 au matin, de sorte que le faible dépassement du délai qui lui était imparti pour conclure n’a pas porté préjudice aux intimés ni retardé la procédure, elle n’explique pas ce qui l’aurait empêché de conclure avant le 2 octobre 2024 à minuit, étant précisé que, par voie électronique, ses conclusions pouvaient être déposées de jour comme de nuit au cours du mois qui lui était imparti. Elle n’a pas non plus fait état d’un cas de force majeure permettant au président de la chambre, en application de l’article 910-3 du code de procédure civile, d’écarter la sanction de la caducité prévue à l’article 905-2 de ce code.

A supposer qu’un contrôle de proportionnalité doive être opéré in concreto (voir sur ce point l’étude de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation publiée au recueil annuel des études de 2023 et l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 21 novembre 2024 dans l’affaire [F] c. France, n°76664/17), l’appelante ne peut donc être considérée ici comme subissant une atteinte disproportionnée à son droit d’accès au juge liée à la caducité de sa déclaration d’appel.

De là suit que la caducité encourue doit être prononcée.

Sur les demandes accessoires

L’équité impose d’écarter les demandes formulées par les parties au titre des frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS,

Le président de la chambre

Dit la déclaration d’appel caduque ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;

Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président

Françoise DUCAMIN Cyril ROTH


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