L’Essentiel : En novembre 2018, le tribunal de grande instance de Lyon a condamné M. [S] [V] et Mme [G] [W] à rembourser 36 785,20 € pour un prêt accordé par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel centre-est. Après des saisies immobilières, une saisie des rémunérations a été autorisée en février 2021. En juillet 2023, le Crédit agricole a réclamé un montant supplémentaire de 84 717,79 €. Les époux [V] ont contesté cette saisie, entraînant une décision du juge de l’exécution en leur faveur, que le Crédit agricole a ensuite contestée en appel, demandant un sursis à exécution.
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Exposé du litigeLa Caisse régionale de Crédit agricole mutuel centre-est a accordé à M. [S] [V] et à Mme [G] [W] quatre prêts entre 2006 et 2008, totalisant 346 000 €. En novembre 2018, le tribunal de grande instance de Lyon a condamné les époux [V] à rembourser une somme de 36 785,20 € pour l’un des prêts. Suite à des procédures de saisie immobilière, une saisie des rémunérations a été autorisée en février 2021 pour un montant de 66 473,83 €. En juillet 2023, le Crédit agricole a intervenu dans cette procédure pour réclamer un montant supplémentaire de 84 717,79 €. Jugement du 24 octobre 2024Les époux [V] ont contesté la saisie des rémunérations devant le juge de l’exécution, qui a ordonné la mainlevée de la saisie et condamné le Crédit agricole à verser 800 € pour préjudice moral et 1 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Le Crédit agricole a interjeté appel de cette décision et a demandé un sursis à exécution, soutenant qu’il avait des moyens sérieux de réformation. Arguments du Crédit agricoleDans son assignation, le Crédit agricole a affirmé que la décision du juge de l’exécution était erronée, en raison de l’absence de production des titres exécutoires et des décomptes de créances. Il a également précisé que la saisie immobilière n’avait pas affecté le montant de sa créance, qui avait été déterminé par un jugement antérieur. Réponse des époux [V]Les époux [V] ont contesté les demandes du Crédit agricole, arguant que ce dernier ne pouvait pas demander au premier président de statuer sur le jugement du juge de l’exécution. Ils ont également mentionné avoir déposé un dossier de surendettement auprès de la Banque de France. Motifs de la décisionLe premier président a examiné la demande de sursis à exécution et a conclu que le Crédit agricole avait présenté des moyens sérieux de réformation. Il a noté que le juge de l’exécution avait fondé sa décision sur l’absence de titres exécutoires, ce qui a conduit à une interrogation sur la liquidité des créances. Le premier président a donc décidé d’accorder le sursis à exécution. Demande de dommages et intérêtsLes époux [V] ont également demandé des dommages et intérêts pour procédure abusive, mais cette demande a été rejetée, le sursis à exécution ne permettant pas de prospérer en leur faveur. Dépens et fraisConcernant les dépens, chaque partie a été condamnée à supporter ses propres frais, et les demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ont été rejetées. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions pour obtenir un sursis à exécution selon l’article R. 121-22 du Code des procédures civiles d’exécution ?Le sursis à exécution est une mesure qui permet de suspendre l’exécution d’une décision judiciaire en attendant qu’un appel soit jugé. Selon l’article R. 121-22 du Code des procédures civiles d’exécution, il est stipulé que : « En cas d’appel, un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution peut être demandé au premier président de la cour d’appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s’il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée. Jusqu’au jour du prononcé de l’ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n’a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure. Le sursis à exécution n’est accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour. » Ainsi, pour qu’un sursis à exécution soit accordé, il faut que la demande soit formée correctement, qu’elle suspende les poursuites, et surtout qu’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision contestée. Comment le juge de l’exécution a-t-il justifié la levée de la saisie des rémunérations ?Le juge de l’exécution a fondé sa décision sur plusieurs éléments, notamment l’absence de production des titres exécutoires et le manque de détails concernant les intérêts dus. Il a précisé que : « …les motifs de sa décision sont clairs à ce sujet ; le texte susvisé ne conduit le Crédit agricole qu’à articuler des moyens sérieux de réformation ou d’annulation du jugement rendu le 10 octobre 2024 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lyon. » Le juge a également souligné que le Crédit agricole n’avait pas démontré que la saisie des rémunérations était justifiée, ce qui a conduit à la décision de lever cette saisie. Il a noté que le Crédit agricole devait produire des éléments concrets pour prouver la liquidité de ses créances, ce qui n’a pas été fait de manière satisfaisante. Quelles sont les implications de l’article 514-3 du Code de procédure civile dans ce litige ?L’article 514-3 du Code de procédure civile traite des décisions du juge de l’exécution concernant les voies d’exécution. Il stipule que : « Les décisions du juge de l’exécution ne peuvent être contestées que par la voie de l’appel, sauf disposition contraire. » Dans le cadre de ce litige, les époux [V] ont tenté de se prévaloir de cet article pour contester la demande du Crédit agricole. Cependant, le tribunal a jugé que cet article n’était pas applicable dans ce cas précis, car il régit spécifiquement les décisions du juge de l’exécution. Le tribunal a donc conclu que les époux [V] étaient infondés à se prévaloir de cet article, ce qui a eu pour effet de renforcer la position du Crédit agricole dans sa demande de sursis à exécution. Quelles sont les conséquences de la décision de sursis à exécution sur les demandes de dommages et intérêts ?La décision de sursis à exécution a des implications directes sur les demandes de dommages et intérêts formulées par les époux [V]. Le tribunal a noté que : « En tout état de cause, le sursis à exécution prononcé ne leur permet pas de prospérer en leur demande indemnitaire. » Cela signifie que, puisque le sursis à exécution a été accordé, les époux [V] ne peuvent pas obtenir de dommages et intérêts pour procédure abusive, car la décision contestée n’a pas été annulée ou réformée. Ainsi, la demande de dommages et intérêts est rejetée, et chaque partie doit supporter ses propres dépens, conformément à l’article 700 du Code de procédure civile, qui stipule que : « La partie qui succombe est condamnée aux dépens. » Cela souligne l’importance de la décision de sursis à exécution dans le cadre de ce litige. |
COUR D’APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT
ORDONNANCE DE REFERE
DU 06 Janvier 2025
DEMANDERESSE :
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me François CHAMPIGNEULLE substituant Me Pierre-yves CERATO de la SELAS IMPLID AVOCATS, avocat au barreau de LYON (toque 768)
DEFENDEURS :
M. [S] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Christiane DEBONO-CHAZAL, avocat au barreau de LYON (toque 1048)
Mme [G] [W] épouse [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Christiane DEBONO-CHAZAL, avocat au barreau de LYON (toque 1048)
Audience de plaidoiries du 16 Décembre 2024
DEBATS : audience publique du 16 Décembre 2024 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d’appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 septembre 2024 , assisté de Sylvie NICOT, Greffier.
ORDONNANCE : contradictoire
prononcée le 06 Janvier 2025 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par actes notariés des 31 janvier 2006, 5 mai et 9 septembre 2008, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel centre-est (le Crédit agricole) a accordé à M. [S] [V] et à Mme [G] [W] épouse [V] quatre prêts de montants respectifs de 69 000 €, de 80 000 €, de 157 000 € et de 40 000 €.
Par jugement du 27 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Lyon a condamné les époux [V] à verser au Crédit agricole la somme de 36 785,20 € outre intérêts conventionnels au titre du prêt du 9 septembre 2008.
Suite à la déchéance du terme de ces prêts et de cette décision, des procédures de saisie immobilière ont conduit à la perception de différentes sommes.
Par jugement du 2 février 2021, une saisie des rémunérations des époux [V] a été autorisée pour un montant de 66 473,83 € au titre du prêt du 5 mai 2008 et le Crédit agricole est ensuite intervenu par requête du 25 juillet 2023 dans cette procédure au titre du jugement du 27 novembre 2018 concernant le prêt du 9 septembre 2008 et d’un autre prêt de 80 000 € du 31 janvier 2006, intervention enregistrée pour un montant supplémentaire de 84 717,79 €.
Le 30 mai 2024, les époux [V] ont fait assigner le Crédit agricole devant le juge de l’exécution en contestation de la saisie des rémunérations.
Par jugement réputé contradictoire du 24 octobre 2024, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné la mainlevée de la saisie des rémunérations opérée par intervention du 23 septembre 2023, condamné le Crédit agricole à verser aux époux [V] la somme de 800 € au titre de leur préjudice moral et la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le Crédit agricole a interjeté appel de cette décision le 17 octobre 2024.
Par assignation du 31 octobre 2024, il a saisi le premier président d’une demande de sursis à exécution et de condamnation des époux [V] à lui verser chacun la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
A l’audience du 16 décembre 2024 devant le délégué du premier président, les parties, comparantes et régulièrement représentées, s’en sont remises à leurs écritures qu’elles ont soutenues oralement.
Dans son assignation, le Crédit agricole soutient au visa de l’article R. 121-22 du Code des procédures civiles d’exécution que des moyens sérieux de réformation doivent conduire à un sursis à exécution en ce qu’il répond aux griefs retenus par le juge de l’exécution en produisant les titres exécutoires et les décomptes de créances en détaillant le principal et les intérêts.
Il ajoute que le détail de sa créance au titre du prêt n°262555 a été fixé par le jugement d’orientation du 16 juillet 2020 et que cette saisie immobilière n’a pas affecté son montant en ce que le disponible a été affecté à deux autres prêts.
Elle considère que le jugement du 10 octobre 2024 a prononcé à tort la levée de sa première saisie en motivant qu’elle était soldée.
Dans leurs conclusions déposées au greffe par RPVA le 13 décembre 2024, les époux [V] s’opposent aux demandes du Crédit agricole et sollicitent la condamnation de ce dernier à leur verser la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Ils excipent de l’application de l’article 514-3 du Code de procédure civile et soutiennent que le Crédit agricole ne peut demander au premier président de statuer sur le dispositif du jugement du juge de l’exécution et ne démontre en rien que l’exécution provisoire de droit par ailleurs ordonnée doive être levée.
Ils indiquent avoir déposé un dossier de surendettement auprès de la Banque de France à [Localité 5].
Pour satisfaire aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l’exposé des moyens à l’énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.
Sur la demande de sursis à exécution de l’exécution provisoire
Attendu que l’article R. 121-22 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que «En cas d’appel, un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution peut être demandé au premier président de la cour d’appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s’il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée.
Jusqu’au jour du prononcé de l’ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n’a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure.
Le sursis à exécution n’est accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.» ;
Attendu que les époux [V] sont infondés à se prévaloir des termes de l’article 514 »3 du Code de procédure civile qui ne sont pas applicables en l’espèce, le texte susvisé régissant par nature les décisions du juge de l’exécution statuant sur les voies d’exécution engagées ;
Attendu qu’il doit être relevé à titre liminaire d’abord que seul le dispositif d’une décision s’exécute et qu’en outre, il n’est pas discuté que la décision rendue par le juge de l’exécution le 10 octobre 2024 était exécutoire de plein droit à titre provisoire, ce qui rend sans effet l’exécution provisoire qui a été ordonnée dans ce jugement ;
Que les parties discutent de manière inopérante d’une levée de la saisie des rémunérations autorisée le 2 février 2021, le juge de l’exécution n’en ayant pas été saisi et n’ayant en tout état de cause pas statué sur cette dernière, seule l’intervention du Crédit agricole du 21 septembre 2023 ayant été l’objet de la décision dont appel ; que les motifs de sa décision sont clairs à ce sujet ;
Attendu que le texte susvisé ne conduit le Crédit agricole qu’à articuler des moyens sérieux de réformation ou d’annulation du jugement rendu le 10 octobre 2024 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lyon ; qu’il n’appartient pas au premier président d’apprécier les chances de réformation mais il doit uniquement s’attacher au sérieux des moyens invoqués par le demandeur ;
Attendu qu’un moyen sérieux ne relève pas d’une simple affirmation ni de la seule reprise des arguments développés en première instance ; qu’en d’autres termes un moyen sérieux est un moyen suffisamment consistant pour mériter d’être allégué ou soutenu, pris en considération et avoir des chances d’être retenu après discussion et réflexion et qui doit en tout état de cause conduire à l’annulation ou à la réformation ;
Que l’absence de pouvoir juridictionnel du premier président pour déterminer les chances de succès de l’appel doit le conduire à ne retenir un moyen que s’il repose sur une base factuelle évidente ;
Attendu qu’il suffit de se reporter aux motifs de la décision du juge de l’exécution pour relever qu’ils sont particulièrement fondés sur l’absence de production des titres exécutoires et d’un détail des intérêts, conduisant à une interrogation sur le caractère liquide des créances du Crédit agricole ;
Que ce dernier a produit tant le titre exécutoire fondant sa créance que des décomptes qui ont manqué au juge de l’exécution, ce qui conduit à retenir comme sérieux les moyens de fait et de droit articulés de nature à conduire à la réformation par la cour d’appel ;
Attendu que l’argument des époux [V] portant sur l’engagement d’une procédure de surendettement est inopérant à ce stade, et il leur appartiendra le cas échéant de saisir le juge de l’exécution d’une demande en rapport avec l’effectif engagement de cette procédure ;
Attendu qu’il convient en conséquence de faire droit à la demande de sursis à exécution présentée par le Crédit agricole ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Attendu que les époux [V] réclament sans en préciser le fondement juridique des dommages et intérêts à raison d’un abus de droit d’agir qu’ils imputent au Crédit agricole ;
Qu’en tout état de cause, le sursis à exécution prononcé ne leur permet pas de prospérer en leur demande indemnitaire ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que compte tenu de l’absence de comparution du demandeur en première instance dans les conditions telles qu’il a entendu les décrire dans son assignation, chaque partie se doit de garder la charge de ses propres dépens ;
Que les demandes présentées respectivement au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ne peuvent dès lors prospérer ;
Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,
Vu la déclaration d’appel du 17 octobre 2024,
Ordonnons le sursis à exécution du jugement rendu le 10 octobre 2024 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lyon,
Déboutons M. [S] [V] et à Mme [G] [W] épouse [V] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Disons que chaque partie garde la charge de ses propres dépens inhérents à la présente instance en référé et rejetons les demandes respectivement présentées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
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