Compétence juridictionnelle et responsabilité bancaire dans un contexte transnational

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Compétence juridictionnelle et responsabilité bancaire dans un contexte transnational

L’Essentiel : Monsieur [K] [J] a ouvert un compte chez Boursorama et a investi avec Insight Investment Group. En février 2022, il a été informé de la clôture de son compte et a tenté de récupérer ses fonds, sans succès. Après avoir découvert une usurpation d’identité, il a déposé plainte pour escroquerie. Il a assigné Boursorama et Banca Nazionale del Lavoro, demandant des réparations. La banque italienne a contesté la compétence du tribunal français, mais celle-ci a été maintenue, affirmant la nécessité d’une instruction conjointe. Le dossier a été renvoyé pour conclusions supplémentaires, marquant une avancée dans la procédure judiciaire.

Contexte de l’affaire

Monsieur [K] [J] a ouvert un compte bancaire chez la société Boursorama et a réalisé des investissements auprès d’Insight Investment Group, ainsi qu’avec une entité nommée Cabinet [L]-[B]. Il a effectué plusieurs virements totalisant 136 800 euros vers différentes banques, dont la Banca Nazionale del Lavoro en Italie.

Clôture du compte et plaintes

En février 2022, Monsieur [J] a été informé de la clôture de son compte par Boursorama. Il a tenté de récupérer ses fonds auprès des entités concernées, sans succès. Après avoir été informé d’une usurpation d’identité concernant Insight Investment, il a déposé plainte pour escroquerie.

Actions en justice

Monsieur [J] a assigné Boursorama et Banca Nazionale del Lavoro devant le tribunal judiciaire de Nanterre, demandant des réparations pour ses pertes financières et morales. Il a formulé plusieurs demandes de condamnation à l’encontre des deux sociétés.

Demande d’incompétence territoriale

La Banca Nazionale del Lavoro a contesté la compétence du tribunal français, arguant que le litige devait être jugé en Italie, étant donné que le compte bancaire concerné était domicilié là-bas. Elle a demandé à être déchargée des frais de justice.

Arguments de Monsieur [J]

Monsieur [J] a soutenu que le tribunal français était compétent en raison de la matérialisation du dommage sur son compte en France et de la pluralité de défendeurs. Il a également fait valoir que le préjudice financier était directement lié à son compte bancaire français.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la Banca Nazionale del Lavoro, affirmant que les demandes étaient liées et nécessitaient une instruction conjointe pour éviter des décisions contradictoires. La banque italienne a été condamnée à verser des frais à Monsieur [J] et à supporter les dépens de l’incident.

Conclusion et prochaines étapes

Le dossier a été renvoyé pour des conclusions supplémentaires, avec des délais fixés pour les parties. La décision a été signée par le magistrat et le greffier, marquant une étape importante dans la procédure judiciaire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence territoriale du tribunal judiciaire de Nanterre dans cette affaire ?

La compétence territoriale du tribunal judiciaire de Nanterre est régie par plusieurs articles du règlement (UE) n° 1215/2012, également connu sous le nom de règlement Bruxelles I bis.

Selon l’article 4, paragraphe 1, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites devant les juridictions de cet État membre, quelle que soit leur nationalité.

L’article 5, paragraphe 1, précise que les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées dans les sections II à VII du même chapitre.

En vertu de l’article 8, point 1, si plusieurs défendeurs sont impliqués, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger ensemble.

Dans cette affaire, le tribunal judiciaire de Nanterre est compétent car les demandes de Monsieur [J] à l’encontre des sociétés Boursorama et Banca Nazionale del Lavoro sont étroitement liées, ce qui justifie leur jugement commun pour éviter des décisions inconciliables.

Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile stipule que le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Cet article permet ainsi de compenser les frais engagés par la partie qui a gagné le procès, en tenant compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

Dans le cas présent, la société Banca Nazionale del Lavoro, ayant succombé à l’incident, a été condamnée à verser à Monsieur [J] une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles, conformément à l’article 700, afin de couvrir les frais qu’il a exposés dans le cadre de cette procédure.

Comment le tribunal a-t-il évalué le lieu du fait dommageable dans cette affaire ?

Le tribunal a évalué le lieu du fait dommageable en se référant à l’article 7, point 2, du règlement Bruxelles I bis, qui stipule que le lieu du fait dommageable est celui où le dommage s’est produit.

Dans cette affaire, le tribunal a déterminé que le dommage s’est produit au moment de l’appropriation des fonds, c’est-à-dire sur le compte ouvert en Italie dans les livres de la Banca Nazionale del Lavoro.

Le tribunal a rejeté l’argument de Monsieur [J] selon lequel le dommage aurait dû être considéré comme ayant eu lieu en France, en raison de la résidence habituelle du consommateur. Il a souligné que seul le lieu de l’appropriation des fonds est pertinent pour établir la compétence territoriale.

Quelles sont les conséquences de la pluralité de défendeurs dans cette affaire ?

La pluralité de défendeurs a des conséquences importantes sur la compétence juridictionnelle, comme le stipule l’article 8, point 1, du règlement Bruxelles I bis.

Cet article permet d’attrait une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre devant la juridiction du domicile de l’un des défendeurs, à condition que les demandes soient liées par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les juger ensemble.

Dans cette affaire, la société Boursorama et la société Banca Nazionale del Lavoro sont toutes deux impliquées dans les mêmes faits, ce qui justifie que le tribunal de Nanterre puisse juger les demandes de Monsieur [J] à leur encontre ensemble.

Cela permet d’éviter des décisions contradictoires et de garantir une cohérence dans l’évaluation des responsabilités et des préjudices allégués par Monsieur [J].

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

6ème Chambre

ORDONNANCE DE MISE EN ETAT

Rendue le 03 Janvier 2025

N° RG 23/03658 – N° Portalis DB3R-W-B7H-YLYC

N° Minute : 25/

AFFAIRE

[K] [J]

C/

Société BOURSORAMA, Société BANCA NAZIONALE DEL LAVORO

Copies délivrées le :
A l’audience du 10 Décembre 2024,

Nous, Louise ESTEVE, Juge de la mise en état assistée de Sylvie CHARRON, Greffier ;

DEMANDEUR

Monsieur [K] [J]
[Adresse 4]
[Localité 3]

représenté par Me Cécilia BOULLAND, avocat postulant au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN407
et par Me Arnaud DELOMEL, avocat plaidant au barreau de RENNES

DEFENDERESSES

Société BOURSORAMA
[Adresse 5]
[Localité 6]

représentée par Maître Arnaud-Glbert RICHARD de la SAS RICHARD ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : B1070

Société BANCA NAZIONALE DEL LAVORO
[Adresse 11]
[Localité 2] – ITALIE

représentée par Me Julien MARTINET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1329

ORDONNANCE

Par décision publique, rendue en premier ressort, contradictoire susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile, et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Les avocats des parties ont été entendus en leurs explications, l’affaire a été ensuite mise en délibéré et renvoyée pour ordonnance.

Avons rendu la décision suivante :

Monsieur [K] [J] a ouvert un compte bancaire n°[XXXXXXXXXX01] dans les livres de la société Boursorama, banque en ligne.
Par contrats respectivement des 22 octobre 2020 et 19 novembre 2020, il a réalisé des investissements financiers auprès d’une entité dénommée Insight Investment Group, spécialisée dans les investissements financiers en souscrivant à deux contrats de livret d’Epargne Disponible (L.E.D) et Livret d’Epargne Bloqué (L.E.B).
Monsieur [J] avait accès à l’ensemble de ses comptes détenus au sein de la société Insight Investment Group sur le site internet « my-dashboard-invest.com ».
Par ailleurs, Monsieur [J] a été contacté, durant la même période par une entité se présentant comme le Cabinet [L]-[B], lui proposant d’investir dans une place en Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD). Il a conclu un contrat avec cette entité le 02 décembre 2020.
Entre les mois de novembre et décembre 2020, Monsieur [J] a donné des instructions à la société Boursorama en vue d’effectuer plusieurs virements bancaires à partir de son compte détenu dans les livres de ladite banque en ligne pour la somme totale de 136 800 euros envers les destinataires suivants, les coordonnées bancaires lui ayant été données par les entités Insight Investment Group et Cabinet [L]-[B] :
Esfera Captial, Piraeus Bank – Grèce dont l’International Banking Account (IBAN) est [XXXXXXXXXX07] ;Banco Santander Totta – Portugal dont l’IBAN est le numéro [XXXXXXXXXX010] ;Banco BPI – Portugal dont l’IBAN est le numéro [XXXXXXXXXX09] ;Banca Nazionale del Lavoro SPA – Italie pour un montant de 54 000 euros sur un compte bancaire « LIVREO SOLUTIONS » ayant pour IBAN le numéro [XXXXXXXXXX08].Par courrier du 11 décembre 2020, la société Boursorama a demandé à Monsieur [J] des informations sur les virements effectués.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 08 février 2022, Monsieur [J] a appris la clôture de son compte bancaire auprès de la société Boursorama.
Monsieur [J] a tenté de récupérer les fonds déposés au sein des entités Insight Investment Group et Cabinet [L]-[B], sans réponse de leur part.
Il a pris attache avec l’Association de Défense des Consommateurs qui l’a informé que l’acteur financier autorisé Insight Investment avait été usurpé.
Le 13 février 2021 et le 1er avril 2021, Monsieur [J] a déposé plainte pour escroquerie à l’encontre des entités Insight Investment et Cabinet [L]-[B].
Par courrier du 24 janvier 2022, le conseil de Monsieur [J] a mis en demeure la société Boursorama de lui restituer la somme de 136 800 euros.
Par courrier du même jour, le conseil de Monsieur [J] a mis en demeure la société Banca Nazionale del Lavoro de lui restituer la somme de 54 000 euros.

Par acte d’huissier du 14 avril 2023, Monsieur [K] [J] a fait assigner la société Boursorama et la société Banca Nazionale del Lavoro devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de :
A titre principal, Condamner in solidum les sociétés Boursorama et Banca Nazionale del Lavoro à payer à Monsieur [J] la somme de 54 000 euros correspondant à une partie de son investissement, en réparation de son préjudice matériel ;Condamner la société Boursorama à payer à Monsieur [J] la somme de 82 800 euros correspondant au montant restant de son investissement, en réparation de son préjudice matériel ;Condamner in solidum les sociétés Boursorama et Banca Nazionale del Lavoro à payer à Monsieur [J] la somme de 27 360 euros correspondant à 20% du montant de son investissement, en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;Condamner in solidum les sociétés Boursorama et Banca Nazionale del Lavoro aux entiers dépens ;Condamner in solidum les sociétés Boursorama et Banca Nazionale del Lavoro à payer à Monsieur [J] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;A titre subsidiaire, Condamner la société Boursorama à payer à Monsieur [J] la somme de 136 800 euros correspondant à la totalité de son investissement, en réparation de son préjudice matériel ;Condamner la société Boursorama à payer à Monsieur [J] la somme de 27 360 euros correspondant à 20% du montant de son investissement, en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;Condamner la société Boursorama aux entiers dépens ;Condamner la société Boursorama à payer à Monsieur [J] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; A titre infiniment subsidiaire, Condamner la société Boursorama à payer à Monsieur [J] la somme de 136 800 euros correspondant à la totalité de son investissement, en réparation de son préjudice matériel ;Condamner la société Boursorama à payer à Monsieur [J] la somme de 27 360 euros correspondant à 20% du montant de son investissement, en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;Condamner la société Boursorama aux entiers dépens ;Condamner la société Boursorama à payer à Monsieur [J] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 21 septembre 2023, la société Banca Nazionale del Lavoro sollicite du juge de la mise en état de :
Juger le tribunal judiciaire de Nanterre territorialement incompétent, au profit des juridictions italiennes, pour connaître des demandes formées par Monsieur [J] à l’encontre de la société Banca Nazionale del Lavoro ;Condamner Monsieur [J] aux entiers dépens ;Condamner Monsieur [J] à payer à la société Banca Nazionale del Lavoro la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.Au soutien de sa demande d’incompétence du tribunal judiciaire de Nanterre, la société Banca Nazionale del Lavoro estime que la juridiction italienne est compétente car elle correspond à la fois au lieu du siège de la banque italienne sur le fondement des articles 5-1 et 63 du règlement de Bruxelles n°1215/2012 du 12 décembre 2012. Elle soutient également que l’Italie est le lieu du fait dommageable, sur le fondement de l’article 7 point 2 du règlement de Bruxelles n°1215/2012 du 12 décembre 2012. Le fait que la banque teneur du compte du demandeur, également mise en cause, soit domiciliée en France n’y changeant rien en l’absence de risque de contrariété de jugement en raison des fondements différents quant aux manquements imputés aux deux banques, sur le fondement de l’article 8 point 1 du règlement de Bruxelles n°1215/2012 du 12 décembre 2012.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 11 juin 2024, Monsieur [J] sollicite du juge de la mise en état de :
A titre principal, débouter la société Banca Nazionale del Lavoro de sa demande, au regard de la compétence des juridictions françaises a raison du lieu de la matérialisation du dommage ;A titre subsidiaire, débouter la société Banca Nazionale del Lavoro de sa demande, au regard de la compétence des juridictions françaises a raison de la pluralité de défendeurs ;En tout état de cause, Débouter la société Banca Nazionale del Lavoro de l’ensemble de ses demandes ;Condamner la société Banca Nazionale del Lavoro aux entiers dépens ;Condamner la société Banca Nazionale del Lavoro a payer a Monsieur [J] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.Au soutien de sa demande de rejet des prétentions adverses, Monsieur [J] considère que le juge français est compétent car le préjudice financier qu’il a subi s’est réalisé directement sur son compte bancaire, et que la disparition des fonds est intervenue sur ce même compte domicilie en France sur le fondement de l’article 46 du code de procédure civile et de l’article 7.2 du règlement Bruxelles I bis. Il indique par ailleurs que le compte bancaire de départ des fonds n’est pas l’unique critère de rattachement du litige aux juridictions françaises. La résidence habituelle du consommateur victime peut également être retenue.

A titre subsidiaire, Monsieur [J] estime que les juridictions françaises sont compétentes à raison de la pluralité de défendeurs qui ont tous les deux concourus à son dommage en ne respectant pas leur obligation de vigilance, sur le fondement de l’article 42 du code de procédure civile et de l’article 8 point 1 du règlement Bruxelles I bis. Il ajoute que le Règlement (CE) N°864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles dit « Rome II » prévoit dans son article 4 § 1 que, sauf dispositions contraires, la loi applicable a une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays ou le fait générateur survient.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 04 décembre 2024, la société Boursorama sollicite du Juge de la mise en état de :
Donner acte à la société Boursorama qu’elle s’en rapporte à justice sur le bien-fondé de l’incident ; Condamner la partie qui succombera aux entiers dépens de l’incident que Maître [C] [Y] [D] recouvrera directement sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.L’affaire était mise en délibéré au 03 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION,
Sur la demande d’exception d’incompétence territorialeAux termes de son article 4, paragraphe premier (chapitre II, « Compétence »), sous réserve des autres dispositions dudit règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.
Aux termes de l’article suivant – article 5, paragraphe premier, même chapitre – les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections II à VII du présent chapitre II.
Par exception au principe posé par l’article 4, la compétence des juridictions françaises pour connaitre d’une action dirigée contre des personnes domiciliées à l’étranger peut être recherchée dans les conditions des articles 7 et 8 dudit règlement.
En vertu de l’article 8, point 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, s’il y a plusieurs défendeurs, une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut, par dérogation au principe énoncé à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, être attraite devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.
En l’espèce, le lieu où le dommage est survenu, tant au sens de l’article 4 du règlement « Rome II » que de l’article 7 2) du règlement « Bruxelles I bis », est le lieu de l’appropriation des fonds, en l’espèce, le compte ouvert en Italie dans les livres de la Banca Nazionale del Lavoro, en l’absence de tout autre élément de rattachement allégué et attestant de liens plus étroits de nature à concourir à la désignation de la loi française.
Le lieu où le fait dommageable s’est produit ne saurait être, comme le soutient Monsieur [J], le centre des intérêts patrimoniaux de la victime et donc le lieu de résidence du consommateur.
En effet, le seul fait que des conséquences financières affectent le demandeur ne justifie pas l’attribution de compétence aux juridictions du domicile de celui-ci, les conséquences indirectes du dommage ne devant pas être prises en compte dans la mesure où seul importe le dommage direct.
En substance, le préjudice financier, à savoir l’atteinte subie par l’investisseur dans son patrimoine, revêt un caractère indirect par rapport à la perte des fonds qui s’est produite en Italie, sur le compte bancaire du destinataire des virements reçus par la Banca Nazionale del Lavoro, lieu de survenance du dommage.
Par suite, c’est à tort que Monsieur [J] soutient que le dommage qu’il a subi s’est réalisé sur le compte bancaire ouvert en France.
Cependant, cette règle connaît des exceptions.
Monsieur [J], estimant avoir été victime d’une escroquerie, agit, sur le fondement de la violation du devoir de vigilance, à l’encontre de :

– la S.A. Boursorama, banque ayant effectué le virement et à laquelle il est contractuellement lié,

– la société Banca Nazionale del Lavoro, banque ayant ouvert un compte bancaire « Livreo Solutions » ayant pour IBAN le numéro [XXXXXXXXXX08], entité au profit de laquelle le virement a été opéré.

Il leur réclame, à titre principal, le paiement in solidum de la somme de 54 000 euros soit le montant du virement opéré, à titre de dommages et intérêts.

Dès lors, en application de l’article 8 du règlement Bruxelles I bis et abstraction faite de ce que le siège sociale de la banque étrangère défenderesse se trouve en Italie et que l’appropriation frauduleuse des fonds perdus par Monsieur [J] a pu se réaliser à partir du compte ouvert dans les livres de la société Boursorama, les demandes, qui se rapportent aux mêmes faits et qui tendent à des fins identiques, posent des questions communes qui appellent des réponses coordonnées, notamment sur la matérialité et l’étendue du préjudice, l’analyse des causes du dommage et la responsabilité éventuelle de chaque société.

En effet, les demandes de Monsieur [J] portent sur les mêmes faits. Elles posent des questions communes. Elles appellent des réponses coordonnées sur l’analyse des causes du dommage, des manquements invoqués et de la part de responsabilité de chacune des banques et, le cas échéant, de celle de Monsieur [J], et sur l’appréciation des préjudices matériel et moral allégués.

Il importe peu que différent la nature des responsabilités encourues (responsabilité contractuelle pour la société Boursorama et responsabilité délictuelle pour la société Banca Nazionale del Lavoro) et les lois applicables (loi française pour la société Boursorama et loi italienne pour la société Banca Nazionale del Lavoro). Les actions en responsabilité engagées par Monsieur [J] à l’encontre de la société Boursorama et de la société Banca Nazionale del Lavoro sont connexes en ce qu’elles s’inscrivent dans une même situation de faits et de droit et que, pour éviter tout risque d’inconciliabilité des solutions, il convient de les juger ensemble, peu important que les demandes soient éventuellement fondées sur des lois différentes et que les rapports de droit entre les parties soient distincts.

Il existe ainsi un intérêt à instruire et à juger ensemble les demandes présentées par Monsieur [J] à l’encontre des sociétés de droit français Boursorama et de droit italien Banca Nazionale del Lavoro car elles sont étroitement liées en fait et en droit et qu’il existe un risque de décisions inconciliables si deux juridictions, l’une française et l’autre italienne, les examinent séparément.

En conséquence, l’exception d’incompétence territoriale présentée par la société Banca Nazionale del Lavoro sera rejetée.

Sur les autres demandes Sur les dépens Aux termes de l’article 790 du code de procédure civile, le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens.
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, la société Banca Nazionale del Lavoro, qui succombe à l’incident, sera condamnée aux entiers dépens de l’incident.

Sur les frais irrépétibles Conformément aux dispositions de l’article 790 du code de procédure civile, le juge de la mise en état peut statuer sur les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, la société Banca Nazionale del Lavoro, condamnée aux dépens, devra verser à Monsieur [J] une somme qu’il est équitable de fixer à 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS,
Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile, mis à disposition au greffe,
REJETTE l’exception d’incompétence territoriale soulevée par la société Banca Nazionale del Lavoro ;

CONDAMNE la société Banca Nazionale del Lavoro à verser à Monsieur [K] [J] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

LAISSE à la charge de la société Banca Nazionale del Lavoro les frais irrépétibles qu’elle a engagés ;

CONDAMNE la société Banca Nazionale del Lavoro aux dépens de l’incident ;

RENVOIE le dossier à l’audience de mise en état électronique du 15 mai 2025 à 9 h 30 pour les conclusions de la société Banca Nazionale del Lavoro à signifier avant le 28 février 2025 et pour conclusions en demande à signifier avant le 09 mai 2025.

signée par Louise ESTEVE, Magistrat, chargée de la mise en état, et par Sylvie CHARRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER

LE JUGE DE LA MISE EN ETAT


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