Falsification de documents et conséquences contractuelles : enjeux de la responsabilité de l’emprunteur.

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Falsification de documents et conséquences contractuelles : enjeux de la responsabilité de l’emprunteur.

L’Essentiel : La S.A. Le Crédit Lyonnais a accordé un prêt immobilier de 222.670 € à Monsieur [L] [G] en mars 2022, mais a découvert que les relevés bancaires fournis étaient falsifiés. En conséquence, la banque a prononcé la déchéance du terme en juin 2023, réclamant 221.004,29 €. Le tribunal a confirmé la légitimité de cette déchéance, considérant que les documents étaient effectivement falsifiés. La demande de Monsieur [L] [G] pour des délais de paiement a été rejetée, et il a été condamné à verser 207.468,09 € à la banque, ainsi qu’une indemnité pour frais de justice.

Exposé du litige

La S.A. Le Crédit Lyonnais a accordé un prêt immobilier de 222.670 € à Monsieur [L] [G] le 5 mars 2022, remboursable en 180 mensualités à un taux d’intérêt de 1,02 %. Pour obtenir ce prêt, Monsieur [L] [G] a fourni divers documents, dont des bulletins de salaire et des relevés bancaires. Cependant, une vérification a révélé que ces relevés étaient falsifiés. En conséquence, la banque a demandé des explications à Monsieur [L] [G] et a prononcé la déchéance du terme le 20 juin 2023, lui réclamant un montant total de 221.004,29 €.

Exposé des prétentions et moyens

Dans ses conclusions, la S.A. Le Crédit Lyonnais a demandé le rejet des demandes de Monsieur [L] [G] et sa condamnation à payer 207.468,09 €, ainsi qu’une indemnité de 3.000 € pour frais de justice. La banque a soutenu que l’emprunteur avait fourni des informations inexactes, justifiant ainsi la déchéance du terme. De son côté, Monsieur [L] [G] a contesté la déchéance, affirmant avoir remis des documents authentiques et demandant des délais de paiement en raison de sa situation financière.

Motifs de la décision

Le tribunal a examiné la légitimité de la déchéance du terme en se basant sur les articles du code de la consommation et du code civil. Il a conclu que la S.A. Le Crédit Lyonnais avait prouvé que les documents fournis par Monsieur [L] [G] étaient falsifiés, ce qui justifiait la déchéance du terme. La demande de requalification de l’indemnité conventionnelle de 7 % en clause pénale a été rejetée, le tribunal considérant que cette indemnité ne présentait pas de caractère excessif. Enfin, la demande de délais de paiement a été également rejetée en raison de l’absence de preuves suffisantes concernant la situation financière de Monsieur [L] [G].

Conclusion

Le tribunal a condamné Monsieur [L] [G] à payer 207.468,09 € à la S.A. Le Crédit Lyonnais, avec des intérêts au taux conventionnel, et a rejeté ses demandes de requalification de l’indemnité et de délais de paiement. Il a également ordonné le paiement de 1.000 € pour frais de justice et a statué sur l’exécution provisoire de la décision.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la déchéance du terme du prêt

La déchéance du terme du prêt est régie par plusieurs dispositions légales, notamment l’article L. 313-17 du Code de la consommation et l’article 1103 du Code civil.

L’article L. 313-17 du Code de la consommation stipule :

« Le prêteur ne peut ni résilier ni modifier ultérieurement le contrat de crédit conclu avec l’emprunteur au motif que les informations fournies étaient incomplètes ou qu’il a vérifié la solvabilité de manière incorrecte, sauf dans l’hypothèse où il est avéré que des informations essentielles à la conclusion du contrat ont été sciemment dissimulées ou falsifiées par l’emprunteur. »

Cet article impose au prêteur de prouver que l’emprunteur a sciemment dissimulé ou falsifié des informations essentielles.

De plus, l’article 1103 du Code civil précise que :

« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

Cela signifie que les parties sont tenues par les termes du contrat qu’elles ont accepté.

Dans le cas présent, la S.A. Le Crédit Lyonnais a démontré que les relevés de compte fournis par Monsieur [L] [G] étaient falsifiés, ce qui constitue une inexactitude des renseignements fournis lors de la demande de prêt.

Ainsi, la banque a été fondée à prononcer la déchéance du terme, car les conditions d’application de la clause de déchéance étaient remplies.

Monsieur [L] [G] n’a pas réussi à prouver qu’il avait remis des documents authentiques à un intermédiaire, ce qui renforce la légitimité de la décision de la banque.

Sur l’indemnité conventionnelle

L’indemnité conventionnelle est régie par l’article L. 313-51 du Code de la consommation et l’article R. 313-28 du même code.

L’article L. 313-51 dispose que :

« Lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. »

Cet article permet au prêteur de réclamer des indemnités en cas de défaillance de l’emprunteur.

L’article R. 313-28 précise que :

« L’indemnité prévue en cas de résolution du contrat de crédit ne peut dépasser 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés. »

Dans cette affaire, la S.A. Le Crédit Lyonnais a prévu une indemnité de 7 % dans les conditions générales du contrat de prêt.

Cette indemnité a été jugée conforme aux dispositions légales, car elle ne constitue pas une clause pénale et ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties.

Ainsi, la demande de Monsieur [L] [G] de requalifier cette indemnité en clause pénale a été rejetée.

Sur les montants dus

Les montants dus par Monsieur [L] [G] sont déterminés par les versements effectués après la déchéance du terme, conformément à l’article 1353 du Code civil.

L’article 1353 stipule que :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

La S.A. Le Crédit Lyonnais a présenté des preuves des montants dus, y compris les versements effectués par Monsieur [L] [G] après la déchéance.

Le tribunal a donc arrêté le montant des sommes restant dues à 207.468,09 €, en tenant compte des intérêts et de l’indemnité conventionnelle.

Monsieur [L] [G] n’a pas réussi à prouver qu’il avait déjà réglé des montants supérieurs à ceux réclamés, ce qui justifie la décision du tribunal.

Sur les délais de paiement

Les délais de paiement sont régis par l’article 1343-5 du Code civil, qui dispose que :

« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. »

Dans cette affaire, Monsieur [L] [G] a demandé des délais de paiement, mais n’a pas fourni de justificatifs suffisants concernant sa situation financière actuelle.

Le tribunal a donc rejeté sa demande, considérant qu’il ne justifiait pas de ses ressources depuis son admission à la retraite anticipée.

Ainsi, la demande de délais de paiement a été considérée comme non fondée, et le tribunal a statué en faveur de la S.A. Le Crédit Lyonnais.

MINUTE N° :
JUGEMENT DU : 31 Décembre 2024
DOSSIER N° : N° RG 23/07196 – N° Portalis DB3T-W-B7H-UVCK
AFFAIRE : S.A. LE CREDIT LYONNAIS C/ [L] [G]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL

3ème Chambre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : M. LUCCHINI, Juge

Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.

GREFFIER : Mme REA

PARTIES :

DEMANDERESSE

S.A. LE CREDIT LYONNAIS, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Magali TARDIEU-CONFAVREUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R010

DEFENDEUR

Monsieur [L] [G], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Joseph SUISSA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1795

Clôture prononcée le : 25 avril 2024
Débats tenus à l’audience du : 14 Octobre 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : 17 décembre 2024
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe du 31 décembre 2024, nouvelle date indiquée par le Président.

EXPOSE DU LITIGE :

La société anonyme Le Crédit Lyonnais (ci-après « S.A. Le Crédit Lyonnais ») a consenti à Monsieur [L] [G] un contrat de prêt immobilier d’un montant de 222.670 €, souscrit le 5 mars 2022, assorti d’un remboursement en 180 échéances successives au taux d’intérêt de 1,02 %.

Dans le cadre de sa demande de prêt, Monsieur [L] [G] a remis à destination de la S. A. Le Crédit Lyonnais les documents suivants :
– les bulletins des salaires qui lui ont été versés par la société G3 DISTRIBUTION entre novembre 2021 et janvier 2022 ;
– le relevé d’imposition au titre de ses revenus perçus en 2020.
– les relevés de son compte détenu auprès du CRÉDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL au titre de la période comprise entre novembre 2021 et janvier 2022.

La S. A. Le Crédit Lyonnais, ayant sollicité auprès de la cellule centrale fraudes de l’établissement bancaire de Monsieur [L] [G] une vérification des relevés de compte fournis lors de la souscription du prêt, a reçu par courrier électronique du 2 janvier 2023 la confirmation que ces derniers avaient fait l’objet d’une falsification.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 10 janvier 2023, la S. A. Le Crédit Lyonnais a demandé à Monsieur [L] [G] de fournir des explications sur les inexactitudes relevées dans les documents fournis, à peine de déchéance du terme dans un délai de 30 jours.

Par courrier électronique du 31 janvier 2023, Monsieur [L] [G] a, par l’intermédiaire de son conseil, contesté auprès de la S. A. Le Crédit Lyonnais avoir fourni des justificatifs inexacts.

Par courrier électronique du 9 mars 2023, le conseil de la S. A. Le Crédit Lyonnais a transmis à celui de Monsieur [L] [G] le courrier électronique susmentionné du 2 janvier 2023.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 juin 2023, la S. A. Le Crédit Lyonnais a informé Monsieur [L] [G] de la déchéance du terme et l’a mis en demeure de payer la totalité des sommes restant dues au titre du prêt, d’un montant de 221.004,29 €, décomposé comme suit :
– capital restant dû au 20 juin 2023, pour un montant de 206.546,06 € ;
– indemnité forfaitaire de 7 %, pour un montant de 14.458,22 € ;
– intérêts au taux de 1,02 % l’an à compter du 20 juin 2023 jusqu’au parfait paiement.

Suivant assignation délivrée le 30 octobre 2023, la S. A. Le Crédit Lyonnais a attrait Monsieur [L] [G] devant le tribunal judiciaire de Créteil, aux fins de paiement des sommes réclamées au titre de la déchéance du terme.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 16 avril 2024, S. A. Le Crédit Lyonnais a demandé à la juridiction de :

“- DÉBOUTER, Monsieur [L] [G] de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions,

– CONDAMNER Monsieur [L] [G] à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 207.468,09 € augmentée des intérêts au taux conventionnel de 1,02 % sur la somme de 193.004,48 € à compter du 11 avril 2024 jusqu’à parfait paiement, et des intérêts au taux légal sur la somme de 14.458,22 € à compter de la même date jusqu’à parfait paiement,

– CONDAMNER Monsieur [L] [G], à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– RAPPELER que l’exécution provisoire de la décision est de droit conformément à l’article 514 du Code de procédure civile, nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie.”

La S. A. Le Crédit Lyonnais a soutenu :

Sur la déchéance du terme du prêt :

– que l’emprunteur lui a fourni des renseignements inexacts dans le cadre de la demande de prêt en ce que, d’une part, l’un des relevés de compte fourni était falsifié et, d’autre part, les bulletins de salaire produits présentaient des incohérences ;
– qu’en qualité de prêteur, elle s’était fondée sur ces documents afin d’octroyer le prêt et de mettre les fonds à disposition, de sorte qu’il lui était légitime de prononcer la déchéance du terme en vertu des clauses consenties par Monsieur [L] [G] lorsqu’il avait accepté l’offre de prêt ;
– que Monsieur [L] [G] ne démontre pas l’intervention, dans la conclusion du prêt, d’un intermédiaire ayant produit de faux documents, et qu’en tout état de cause l’emprunteur doit répondre de l’intermédiaire agissant pour son compte ;
– que l’emprunteur n’apporte pas la preuve qu’il aurait remis des documents authentiques à un intermédiaire ou que les bulletins de salaires remis dans le cadre de sa demande de prêt seraient authentiques dès lors que les montants salariaux qui y figurent se rapportent aux relevés de comptes litigieux ;
– que le mandat de mobilité bancaire produit par le défendeur, sans lien avec prêt lui ayant été accordé, ne permet pas d’attester de sa bonne foi.

Sur les montants dus :

– qu’elle a tenu compte des versements effectués par Monsieur [L] [G] postérieurement à la déchéance du terme, de sorte que sa créance actualisée au 11 avril 2024 s’élève à la somme de 207.468,09 € ;

Sur l’indemnité conventionnelle :

– que l’indemnité conventionnelle de 7 % stipulée à l’article 6 des conditions générales du prêt ne constitue pas une clause pénale, ne présente pas un caractère excessif et ne crée au détriment du défendeur aucun déséquilibre significatif ;

Sur l’octroi de délais de paiement :

– que Monsieur [L] [G] ne démontre pas la nécessité de lui accorder des délais de paiement dans la mesure où il ne justifie pas de ses ressources et est propriétaire d’un bien immobilier dont la vente permettrait de désintéresser le préteur.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 14 mars 2024, Monsieur [L] [G] a demandé au tribunal de :

A titre principal,

“- DECLARER Monsieur [G] recevable dans l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Dès lors,

– DEBOUTER la société LE CREDIT LYONNAIS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– REQUALIFIER la clause, qui prévoit le versement d’une indemnité conventionnelle de 7%, du contrat de prêt en clause pénale et la réputer non écrite, ou à tout le moins, écarter cette clause pénale et la revoir largement à la baisse en cas de condamnation ;

A titre subsidiaire et reconventionnellement,

– ACCORDER des délais de paiement pour la somme de 212.924,36 euros à Monsieur [G] sur 24 mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;

En tout état de cause,

– CONDAMNER la société CREDIT LYONNAIS à payer à Monsieur [G] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– CONDAMNER la société CREDIT LYONNAIS aux dépens de la procédure.”

Monsieur [L] [G] a soutenu :

Sur la déchéance du terme du prêt :

– n’avoir commis aucune manœuvre frauduleuse qui lui sont imputables, dans la mesure où il a remis des documents authentiques à l’intermédiaire aux services duquel il a eu recours, de sorte que la déchéance du terme prononcée par la S. A. Le Crédit Lyonnais n’est pas encourue ;
– que c’est à la demanderesse qu’il incombe d’apporter la preuve qu’il aurait commis des manœuvres frauduleuses ;
– que sa bonne foi est démontrée par la production d’un mandat de recouvrement envoyé par la S. A. Le Crédit Lyonnais à une adresse électronique n’étant pas la sienne ;

Sur les montants dus :

– qu’il a déjà versé la somme de 29.876,73 € à la S. A. Le Crédit Lyonnais, ce compris la somme de 7.027,75 € versés postérieurement à l’introduction de la demande à ce qu’il soit condamné au paiement de la somme de 219.952,11 €, de sorte qu’il n’est redevable que de la somme de 212.924,36 € ;

Sur l’indemnité conventionnelle :

– que l’indemnité conventionnelle de 7 % est constitutive d’une clause pénale présentant un caractère manifestement excessif et créant un déséquilibre significatif entre les parties lors de la conclusion du contrat de prêt ;

Sur la demande reconventionnelle d’octroi de délais de paiement :

– que sa situation personnelle justifie leur octroi dès lors que, en cas de condamnation au paiement des sommes demandées, il devrait supporter des échéances mensuelles importantes eu égard au fait qu’il est désormais retraité, que ses revenus ont diminué et qu’il a un enfant à charge ;

Sur l’exécution provisoire :

– que l’exécution provisoire doit être écartée dans la mesure où une éventuelle condamnation aurait des conséquences excessives compte-tenu des montants demandés.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures déposées, en application de l’article 455 du Code de procédure civile.

À l’issue de la mise en état, la clôture a été prononcée le 25 avril 2024.

L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoirie en juge unique du 14 octobre 2024 et mise en délibéré au 17 décembre 2024 puis prorogée au 31 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande principale

Sur la demande de condamnation aux paiement des sommes exigibles par anticipation

En vertu de l’article L. 313-17 du code de la consommation, « Le prêteur ne peut ni résilier ni modifier ultérieurement le contrat de crédit conclu avec l’emprunteur au motif que les informations fournies étaient incomplètes ou qu’il a vérifié la solvabilité de manière incorrecte, sauf dans l’hypothèse où il est avéré que des informations essentielles à la conclusion du contrat ont été sciemment dissimulées ou falsifiées par l’emprunteur. »

En vertu de l’article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

L’article 1353 du code civil dispose quant à lui que : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

La clause insérée à l’article 5.1 des conditions générales de l’offre de prêt acceptée par Monsieur [L] [G] prévoyait que :

« LCL aura la faculté de rendre exigibles par anticipation, toutes sommes dues au titre du prêt, tant en principal, qu’en intérêts et accessoires, dans l’un quelconque des cas suivants : (…)
– Inexactitude des renseignements et/ou des justificatifs fournis lors de la demande de prêt, résultant de manœuvres frauduleuses imputables à l’un et/ou l’autre des Emprunteurs, portant sur la situation personnelle, professionnelle, patrimoniale ayant servi de base à l’octroi du prêt. »

La clause insérée à l’article 6 desdites conditions générales précise qu’en cas de demande de remboursement par exigibilité anticipé du capital, les sommes restant dues seraient assorties d’intérêts de retard au taux conventionnel du prêt, fixé en l’occurrence à 1,02 %.

La disposition précitée du code de la consommation impose au prêteur qui excipe de la falsification ou de l’omission intentionnelle par l’emprunteur, d’informations essentielles à la conclusion du contrat de prêt, de rapporter la preuve des éléments matériel, intentionnel du faux/omission, l’imputabilité à l’emprunteur, ainsi que la preuve du caractère déterminant de l’information falsifiée ou omise pour l’octroi du crédit.

En l’espèce, la S. A. Le Crédit Lyonnais produit un échange de courriers électroniques aux termes duquel la cellule centrale fraudes de l’établissement bancaire du défendeur établissait en date du 2 janvier 2023 (pièce n° 4 de la demanderesse) que le relevé de compte fourni dans le cadre de sa demande de prêt était falsifié. Les relevés de compte de Monsieur [L] [G] fournis au titre des mois de novembre et décembre 2021, puis du mois de janvier 2022 mentionnaient respectivement des soldes créditeurs de 4.204,45 €, 6.758,05 € et de 9.739,56 € au 31 janvier 2022, soit le mois précédant l’offre de prêt. La demanderesse rapporte ainsi la preuve que des informations relatives au compte bancaire de l’emprunteur procédaient d’une falsification.

Il résulte réciproquement de l’article 1353 du code civil que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation, de sorte qu’il appartient au défendeur d’apporter la preuve que la fourniture d’un document, dont il a été établi qu’il était inauthentique, ne lui est pas imputable.

En défense, Monsieur [L] [G] soutient que, pour monter son dossier de prêt, il est passé par un intermédiaire courtier auquel il avait communiqué notamment des relevés de compte authentiques et ne comportant aucune inexactitude. Cependant, il ne justifie d’aucun contrat de courtage, ni de la présence dans l’acte de prêt ou dans le moindre document bancaire d’un éventuel intermédiaire, dont il ne fournit pas l’identité et qu’il n’a pas appelé en garantie dans le présent litige, l’éventuelle erreur d’adressage électronique dans un mandat de mobilité bancaire produit par le défendeur n’ayant aucune incidence en la matière.

Dès lors, à défaut pour Monsieur [L] [G] de rapporter la preuve des faits qu’il allègue, il convient de retenir que la production des relevés de compte remis à la banque lors de la demande de prêt lui est imputable, et qu’il a ainsi indiqué à la banque disposer d’une épargne dont il n’était pas établi qu’elle correspondait alors à son patrimoine réel. Il a par conséquent privé la demanderesse d’informations authentiques sur sa solvabilité au moment de l’offre de prêt. De telles informations sont de nature à compromettre le remboursement du crédit, puisqu’elles peuvent induire le prêteur à croire que l’emprunteur dispose d’une épargne suffisante pour faire face aux risques d’impayés en cas de perte de revenus. Une épargne importante au regard du montant du financement sollicité, est par ailleurs naturellement déterminante du consentement d’un établissement financier à octroyer un prêt bancaire.

Les conditions d’application de la clause de déchéance du terme sont donc remplies, et la S. A. Le Crédit Lyonnais a été parfaitement fondée à s’en prévaloir,

Monsieur [L] [G] sera donc condamné à payer à la S. A. Le Crédit Lyonnais les montants exigibles de manière anticipée aux termes de la déchéance du prêt souscrit auprès d’elle, au taux conventionnel de 1,02 % à compter de la mise en demeure de la banque en date du 20 juin 2023.

Sur la clause d’indemnité conventionnelle

Il résulte de l’article 1103 précité du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Aux termes de l’article L. 313-51 du code de la consommation : « Lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret. »

L’article R. 313-28 du même code dispose quant à lui que : « L’indemnité prévue en cas de résolution du contrat de crédit ne peut dépasser 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés. »

La clause prévue à l’article 6 des conditions générales de l’offre de prêt acceptée par défendeur stipule que, outre l’exigibilité anticipée des sommes dues produisant des intérêts au taux conventionnel, « une indemnité de 7 % du capital et des intérêts échus et non payés, outre les frais taxables occasionnés, serait due par l’Emprunteur ».

En l’espèce, Monsieur [L] [G] a souscrit auprès de la S. A. Le Crédit Lyonnais un contrat de prêt dont la déchéance a été valablement prononcée par la banque, de sorte que l’exigibilité anticipée du capital en découlait, ce qui ouvrait doit à la réclamation par la demanderesse d’une indemnité dans les conditions stipulées dans ce contrat de prêt.

Une telle indemnité, dont les conditions d’exigibilité et le pourcentage répondent aux critères fixés par le législateur et le pouvoir réglementaire, ne présente pas les caractéristiques d’une clause pénale et n’est par ailleurs pas manifestement excessive. Son montant étant par ailleurs inférieur à la totalité des intérêts payés et à échoir qui auraient été dus par le défendeur en cas de poursuite du contrat du prêt, il ne présente par conséquent pas un déséquilibre significatif.

La demande tendant à requalifier cette clause indemnitaire en clause pénale ou à en modérer le montant sera donc rejetée.

Sur les montants dus

Il résulte des conclusions de la demanderesse que les versements effectués par Monsieur [L] [G] postérieurement au prononcé de la déchéance terme ont été prises en compte et que le montant du principal, dont la banque prétend l’exigibilité anticipée à la date du 11 avril 2024, correspond au tableau d’amortissement édité dans le cadre de l’offre de prêt acceptée par le défendeur, outre les intérêts à compter du prononcé de cette déchéance, et l’indemnité forfaitaire susmentionnée.

Il y a donc lieu d’arrêter le montant des sommes restant dues à hauteur de 207.468,09 €.

Sur les délais de paiement

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil : « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. (…) »

En l’espèce, si le défendeur fournit des justificatifs relatifs à sa situation personnelle au titre des années 2018 à 2022, il ne fait pas état de ses ressources à compter de l’assignation, et successivement à son admission à la retraite anticipée depuis le 1er juillet 2023.

En l’absence de tels éléments, il y a lieu de rejeter sa demande de délais de paiement.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du Code de procédure civile, il convient de condamner Monsieur [L] [G] aux entiers.

Il y a lieu en outre de condamner Monsieur [L] [G] à payer à la S. A. Le Crédit Lyonnais la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile

L’exécution provisoire est de droit, conformément à l’article 514 du Code de procédure civile, et il n’y a pas lieu en l’espèce d’en disposer autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant après débats publics, par décision contradictoire mise à disposition des parties par le greffe et en premier ressort,

DÉBOUTE Monsieur [L] [G] de sa demande tendant à requalifier l’indemnité conventionnelle de 7 % en clause pénale, en ce compris la demande tendant à en modérer le montant ;

CONDAMNE Monsieur [L] [G] à payer à la S. A. Le Crédit Lyonnais la somme de 207.468,09 € augmentée des intérêts au taux conventionnel de 1,02 % sur la somme de 193.004,48 € à compter du 11 avril 2024 jusqu’à parfait paiement, et des intérêts au taux légal sur la somme de 14.458,22 € à compter de la même date jusqu’à parfait paiement ;

DÉBOUTE Monsieur [L] [G] de sa demande en octroi de délais de paiement à compter de la signification du présent jugement ;

CONDAMNE Monsieur [L] [G] à payer à la S. A. Le Crédit Lyonnais la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu de suspendre l’exécution provisoire de la présente décision ;

CONDAMNE Monsieur [L] [G] aux entiers dépens.

Fait à CRETEIL, L’AN DEUX MIL VINGT QUATRE ET LE TRENTE ET UN DECEMBRE

LE PRÉSENT JUGEMENT A ÉTÉ SIGNE PAR LE PRÉSIDENT ET LE GREFFIER PRÉSENTS LORS DU PRONONCE.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


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