L’Essentiel : Le 10 juin 2024, l’instruction de la procédure a été clôturée, suivie d’une audience le 1er octobre. La société Abeille Iard & Santé a soulevé un incident de procédure concernant l’appel de M. [W] [B], qui a été interprété comme une demande d’infirmation partielle. Concernant la garantie d’assurance, la cour a jugé que l’assistance d’une tierce personne était indemnisable. Les préjudices corporels ont été évalués, avec une indemnisation totale de 329 419,25 euros accordée à M. [W] [B], incluant des provisions et une indemnité procédurale de 4 000 euros.
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Clôture de l’instruction et audienceUne ordonnance du 10 juin 2024 a marqué la clôture de l’instruction de la procédure, suivie d’une audience qui s’est tenue le 1er octobre 2024. Incident de procédureLa société Abeille Iard & Santé a soulevé un incident de procédure, demandant la confirmation du jugement contesté par M. [W] [B]. Ce dernier a interjeté appel après le 17 septembre 2020, et la cour a rappelé que l’appelant devait expressément demander l’infirmation ou l’annulation du jugement. Bien que le mot « infirmation » ne figure pas dans les conclusions de M. [W] [B], la cour a interprété sa demande comme une demande d’infirmation partielle, écartant ainsi l’incident de procédure soulevé par l’intimée. Sur la garantie de l’assureurLe contrat d’assurance souscrit par M. [W] [B] prévoyait une garantie de 400 000 euros pour les dommages corporels, applicable si le taux d’incapacité permanente était supérieur à 10 %. La société Abeille Iard & Santé a contesté l’inclusion de certains préjudices, notamment l’assistance d’une tierce personne à titre permanent, sans justifier son refus. La cour a considéré que cette assistance était indemnisable en tant que conséquence de l’incapacité permanente. Liquidation des préjudices corporelsConcernant les préjudices patrimoniaux temporaires, M. [W] [B] a contesté l’écartement de la facture de son médecin conseil, mais n’a pas fourni de justificatif. Les frais divers ont été confirmés à 2 599,17 euros. Pour l’assistance d’une tierce personne, la cour a retenu un besoin de trois heures par jour, fixant ce préjudice à 38 304 euros. En ce qui concerne la perte de gains professionnels, la cour a calculé une perte de revenus de 14 134 euros. Préjudices patrimoniaux permanentsLes frais divers futurs ont été confirmés à 1 540 euros. M. [W] [B] a sollicité une indemnisation pour pertes de gains futures, mais après déduction des rentes versées par la CPAM, il ne percevra aucune somme pour ce préjudice. L’incidence professionnelle a été reconnue, mais aucune somme ne sera versée en raison des déductions à effectuer. Préjudices extra-patrimoniauxLes préjudices extra-patrimoniaux temporaires, tels que le déficit fonctionnel temporaire et les souffrances endurées, ont été confirmés respectivement à 13 546,50 euros et 30 000 euros. Les préjudices extra-patrimoniaux permanents, incluant le préjudice esthétique permanent et le préjudice d’agrément, ont également été confirmés à 3 000 euros et 20 000 euros. Provisions et indemnitésLa société Abeille Iard & Santé a été condamnée à verser à M. [W] [B] la somme de 329 419,25 euros, après avoir pris en compte les provisions déjà versées. La cour a également statué sur les dépens, condamnant la société aux dépens d’appel et de première instance, tout en déboutant M. [W] [B] de sa demande de frais d’exécution. Une indemnité procédurale de 4 000 euros a été accordée à M. [W] [B]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de l’appelant en matière de conclusions selon le Code de procédure civile ?L’article 908 du Code de procédure civile stipule que l’appelant doit conclure dans un délai de trois mois à compter de l’enregistrement de l’appel. Il est précisé que les conclusions doivent comporter une prétention sollicitant expressément l’infirmation ou l’annulation du jugement frappé d’appel. En effet, l’article 954, alinéa 2, précise que le dispositif des conclusions de l’appelant doit comporter cette demande d’infirmation ou d’annulation, sans quoi la déclaration d’appel est caduque. Ainsi, si l’appelant ne respecte pas cette obligation, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, sauf si elle relève d’office la caducité de l’appel. Il est important de noter que cette exigence a été affirmée pour la première fois par un arrêt de la Cour de cassation en date du 17 septembre 2020, et s’applique uniquement aux appels interjetés après cette date. Comment la cour d’appel évalue-t-elle la recevabilité des conclusions de l’appelant ?La cour d’appel évalue la recevabilité des conclusions de l’appelant en se basant sur le contenu du dispositif des écritures déposées dans le délai imparti par l’article 908. Dans le cas présent, la cour a examiné les conclusions déposées le 23 novembre 2021, qui ne contenaient pas explicitement les termes « infirmation » ou « infirmer ». Cependant, la cour a interprété la demande d’infirmation comme étant implicite dans la formulation « confirmer le jugement sauf concernant » certains postes de préjudice. Cette interprétation est conforme à la jurisprudence, qui admet que des formulations inversées peuvent être considérées comme une demande d’infirmation, tant que l’objet de l’appel est clairement déterminé. Ainsi, la cour a écarté l’incident de procédure soulevé par l’intimée, permettant de statuer sur l’ensemble des chefs sollicités par l’appelant. Quelles sont les conditions de garantie de l’assureur en matière d’accident ?Les conditions particulières du contrat d’assurance stipulent que l’assureur doit régler les dommages corporels subis par le conducteur dans la limite de 400 000 euros, si le taux d’incapacité permanente est supérieur à 10 %. L’article 7 des conditions générales précise que les dommages corporels se décomposent en divers postes de préjudices, tels que les frais médicaux, l’incapacité temporaire, l’incapacité permanente, et le préjudice d’agrément. Il est également mentionné que les montants réglés par les tiers payeurs doivent être déduits des sommes dues par l’assureur. Dans le cas présent, la société Abeille Iard & Santé ne conteste pas l’application de la garantie conducteur, mais s’oppose à l’inclusion du préjudice lié à l’assistance d’une tierce personne à titre permanent, sans justifier son refus. La cour a donc considéré que ce préjudice était indemnisable, en l’absence de clauses d’exclusion dans le contrat. Comment la cour d’appel détermine-t-elle les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux ?La cour d’appel détermine les préjudices patrimoniaux en se basant sur les frais engagés par la victime en raison de l’accident, ainsi que sur les pertes de gains professionnels. Pour les préjudices extra-patrimoniaux, la cour évalue les souffrances endurées, le préjudice esthétique, et le déficit fonctionnel. Les préjudices patrimoniaux temporaires, tels que les frais divers et l’assistance tierce personne, sont évalués en fonction des justificatifs fournis par la victime. Dans le cas de M. [W] [B], la cour a confirmé certains postes de préjudice, tout en rejetant d’autres en raison de l’absence de justificatifs adéquats. Pour les préjudices extra-patrimoniaux, la cour a pris en compte les évaluations de l’expert judiciaire, qui a qualifié les souffrances endurées comme étant importantes. Ainsi, la cour a fixé les montants des préjudices en fonction des éléments de preuve présentés et des évaluations des experts. Quelles sont les conséquences de la décision de la cour d’appel sur les provisions versées ?La cour d’appel a constaté que la société Abeille Iard & Santé avait versé des provisions à hauteur de 95 580,75 euros, tandis que M. [W] [B] a fait état de deux provisions totalisant 70 580,75 euros. Cela a conduit à une différence de 25 000 euros, qui a été prise en compte dans le calcul des sommes dues par l’assureur. En conséquence, la cour a condamné la société Abeille Iard & Santé à verser à M. [W] [B] la somme de 329 419,25 euros, en tenant compte des provisions déjà versées et du plafond de garantie. Cette décision souligne l’importance de la transparence et de la justification des provisions versées par l’assureur, afin d’assurer une indemnisation juste et équitable pour la victime. |
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 31 Décembre 2024
N° RG 21/01737 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GZBY
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ANNECY en date du 29 Juillet 2021
Appelant
M. [W] [B]
né le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 7], demeurant [Adresse 3] – [Localité 4]
Représenté par la SARL CABINET BEATRICE BONNET CHANEL, avocats au barreau d’ANNECY
Intimées
S.A. AVIVA ASSURANCES, dont le siège social est situé [Adresse 9] – [Localité 6]
Représentée par la SELARL LEGI RHONE ALPES, avocats au barreau d’ANNECY
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SA VOIE, dont le siège social est situé [Adresse 2] – [Localité 5]
Sans avocat constitué
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Date de l’ordonnance de clôture : 10 Juin 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 octobre 2024
Date de mise à disposition : 31 décembre 2024
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Inès REAL DEL SARTE, Magistrate honoraire, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
– Mme Inès REAL DEL SARTE, Magistrate honoraire
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Faits et procédure
Le 4 septembre 2012, M. [W] [B], né le [Date naissance 1] 1993, a été victime d’un accident de la circulation alors qu’il circulait sur la commune de [Localité 8] avec son cyclomoteur en direction de son lieu de travail. Il a été gravement blessé.
Par ordonnance de référé du 10 mars 2014, le tribunal de grande instance d’Annecy, sur saisine de M. [B], a ordonné une expertise médicale au contradictoire de la société Aviva Assurances, son assureur, et la caisse primaire d’assurance maladie et commis Mme [P] [S] pour y procéder. Son état n’étant pas consolidé, par ordonnance de référé du 6 mars 2017, Mme [S] a de nouveau été désignée et a déposé son rapport le 3 novembre 2017.
Par exploits d’huissier des 14 et 17 décembre 2018, M. [B] a assigné la société Aviva Assurances et la Caisse primaire d’assurance maladie de Haute Savoie devant le tribunal de grande instance d’Annecy, notamment aux fins d’indemnisation de son préjudice.
Par jugement du 29 juillet 2021, le tribunal de grande instance d’Annecy, devenu le tribunal judiciaire, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, a :
– Déclaré le jugement commun et opposable à la caisse primaire d’assurance maladie de Haute Savoie ;
– Débouté M. [B] de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels futurs, de l’incidence professionnelle, du déficit fonctionnel permanent et de l’assistance tierce personne après consolidation ;
– Condamné la société Aviva Assurances à verser à M. [B] la somme complémentaire de 75 049,16 euros, outre intérêts légaux à compter du présent jugement ;
– Débouté M. [B] pour le surplus de ses demandes indemnitaires ;
– Débouté M. [B] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
– Condamné la société Aviva Assurances à verser à M. [B] la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Au visa principalement des motifs suivants :
Un dossier de rente accident du travail est en cours d’instruction auprès de la caisse primaire d’assurance maladie de Haute Savoie depuis le 12 novembre 2018, M. [B] n’a pas justifié de l’aboutissement de ce dossier ou d’un rejet administratif de sa demande de pension par la caisse primaire d’assurance maladie ;
Cette rente accident du travail à vocation à s’imputer sur les pertes de gains professionnels futurs, l’incidence professionnelle et, en cas de reliquat, sur le déficit fonctionnel permanent ;
En conséquence, seul le poste soumis à recours pour lequel le tribunal dispose des éléments pourra être liquidé soit la perte de gains professionnels actuels pour lequel le montant des indemnités journalières versées déductibles est connu ;
M. [B] qui n’a pas demandé à titre subsidiaire de surseoir à statuer sur les autres postes soumis à recours sera débouté de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels futurs, de l’incidence professionnelle ou encore du déficit fonctionnel permanent, faute de connaître le montant de la rente accident du travail et son capital constitutif.
Par déclaration au greffe de la cour d’appel du 24 août 2021, M. [B] a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu’elle a :
– Déclaré le jugement commun et opposable à la caisse primaire d’assurance maladie de Haute Savoie ;
– Condamné la société Aviva Assurances à verser à M. [B] la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
– Déclaré le présent jugement exécutoire par provision.
Par ordonnance du 2 février 2023, la conseillère de la mise en état a :
– Rejeté la demande de la société Aviva Assurances, devenu la société Abeille Iard & Santé, de voir déclarer irrecevables les écritures déposées par M. [W] [B] le 31 août 2022,
– Dit que le conseiller de la mise en état ne dispose pas du pouvoir juridictionnel pour statuer sur la demande tendant au rejet d’une prétention nouvelle,
– Débouté M. [W] [B] de sa demande d’indemnité procédurale,
– Condamné la société Abeille Iard & Santé aux dépens de l’incident.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 30 août 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique et signifiées à la Caisse primaire d’assurances Maladie de la Haute-Savoie par acte d’huissier du 19 septembre 2022, M. [B] sollicite l’infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :
Sur la forme,
– Lui donner acte de ce qu’il a expressément visé, dans sa déclaration d’appel, les chefs du jugement qu’il critiquait et qu’il déférait donc par-devant la Cour en vue d’en obtenir la réformation ;
– Lui donner acte de ce que ces chefs du jugement déféré critiqués étaient expressément repris en pages 2 à 4 de ses conclusions, mais aussi pages 18 et 19, visant expressément, sur 47 pages, sa demande de « réformation » du jugement entrepris sur lesdits chefs du jugement déféré, développant moyens et prétentions à l’appui de cette contestation, conformément aux dispositions des articles 542 et 954 du Code de procédure civile, et dans ces conditions ;
– Débouter la société Abeille Iard & Sante (ex Aviva Assurances) de sa demande principale, en cause d’appel, visant à voir la cour se déclarer non saisie et, de facto, à confirmer le jugement entrepris, et se déclarer donc valablement saisie ;
Et sans s’arrêter à toutes conclusions et demandes contraires, tant sur la forme que sur le fond, si ce n’est pour les rejeter en ce qu’elles sont infondées et injustifiées,
– Faire droit à ses demandes sur le fond et dans ces conditions ;
– Confirmer le jugement entrepris sauf concernant les chefs du jugement déféré dûment critiqués, visés à la déclaration d’appel en date du 24 août 2021 et aux conclusions d’appelant en date du 23 novembre 2021 ;
– Et infirmant le jugement en date du 29 juillet 2021 sur ces points, le réformant sur ceux-ci, statuer à nouveau, et liquider ces postes de préjudices contestés de la manière suivante :
A. Préjudices Patrimoniaux
1) Préjudices Patrimoniaux Avant Consolidation
– Frais divers avant consolidation
3 020 euros
– Tierce personne temporaire :
à titre principal :
à titre subsidiaire :
97 234,50 euros
74 700 euros
– Perte de gains professionnels actuels
18 308,07 euros
2) Préjudices Patrimoniaux après Consolidation
– Tierce personne après consolidation :
à titre principal :
à titre subsidiaire :
1 687 439,94 euros
1 430 424,55 euros
– Perte de gains professionnels futurs :
à titre principal :
à titre subsidiaire :
480 229,79 euros
407 085,59 euros
– Incidence professionnelle
100 000 euros
– Préjudice de formation
18 000 euros
B) Préjudices Extra Patrimoniaux
1) Préjudices Extra Patrimoniaux Avant Consolidation
– Déficit fonctionnel temporaire
20 524,9euros
– Souffrances endurées 5,5/7
35 000 euros
Préjudices Extra Patrimoniaux Apres Consolidation
– Déficit fonctionnel permanent 50 %
(dont seulement la moitié pourra être ponctionnée par le recours de la
CPAM)
à titre principal :
à titre subsidiaire :
231 500 euros
210 500 euros
Total de L’estimation des Préjudices de [W] [B]
2 691 257,29 euros
Provisions à déduire
Ordonnance du 20 mars 2014
Ordonnance du 6 mars 2017
A déduire également la créance de la CPAM, poste par poste, et pour moitié du déficit fonctionnel permanent, tel qu’indiqué dans le cadre des présentes.
20 580,75 euros
50 000 euros
– Par ailleurs, dire et juger que le plafond de garantie de 400 000 euros fixé au titre de la « garantie conducteur » prévue au contrat de la société Aviva Assurances (désormais Abeille Iard & Santé) est acquis ;
– Condamner en conséquence la société Abeille Iard & Santé (ex Aviva Assurances) à lui payer une somme de 329 419,25 euros, après déduction des provisions déjà versées (400 000 euros ‘ 20 580,75 euros ‘ 50 000 euros), outre intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ;
– Déclarer la décision à intervenir opposable à la CPAM de la Haute-Savoie ;
– Condamner la société Abeille Iard & Santé (ex Aviva Assurances) au paiement d’une indemnité de 4 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel ;
– Condamner la société Abeille Iard & Santé (ex Aviva Assurances) aux entiers dépens d’instance, qui comprendront les frais d’exécution forcée, le cas échéant, et les frais d’expertise.
Par dernières écritures du 21 février 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Abeille Iard & Santé, anciennement Aviva Assurances, demande à la cour de :
Au principal,
– Dire que la cour n’est pas saisie par M. [B] d’une demande de réformation et d’annulation du jugement entrepris ;
En conséquence,
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Subsidiairement, pour le cas où la Cour se déclarerait valablement saisie de l’appel principal,
– La recevoir en son appel incident ;
– Réformer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamné à verser à M. [B] la somme complémentaire de 75 049,16 euros outre intérêts légaux à compter du jour du Jugement et la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué la somme de 26 560 euros au titre de la tierce personne temporaire ;
Statuant à nouveau sur ce poste,
– Allouer à M. [B] la somme de 23 240 euros en indemnisation de la tierce personne temporaire ;
– Réformer le Jugement entrepris en ce qu’il a alloué à M. [B] la somme de 13 536,99 euros, créance des organismes sociaux déduites, au titre des Pertes de Gains Professionnels Actuels ;
Statuant à nouveau sur ce poste,
– Dire que, l’indemnisation versée par la CPAM étant supérieure à la perte de revenus, il ne revient aucune somme à la victime au titre des Pertes de Gains Professionnels Actuels ;
– Débouter M. [B] de ce chef de demande ;
– Subsidiairement, surseoir à statuer sur l’indemnisation des Pertes de Gains Professionnels Actuels dans l’attente de la production de la créance définitive de la CPAM ;
– Réformer le Jugement entrepris en ce qu’il a alloué la somme de 15 393,75 euros au titre du Déficit Fonctionnel Temporaire,
Statuant à nouveau sur ce poste,
– Allouer à M. [B] la somme de 13 546,50 euros en indemnisation du Déficit Fonctionnel Temporaire ;
– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à M. [B] la somme de 30 000 euros au titre des souffrances endurées ;
Statuant à nouveau sur ce poste,
– Allouer à M. [B] la somme de 25 000 euros en indemnisation des souffrances endurées ;
– Réformer le Jugement entrepris en ce qu’il a alloué à M. [B] la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d’agrément ;
Statuant à nouveau sur ce poste,
– Allouer à M. [B] la somme de 10 000 euros en indemnisation du préjudice d’agrément ;
– Réformer le Jugement entrepris en ce qu’il a alloué à M. [B] la somme de 3 000 euros en indemnisation du préjudice esthétique permanent ;
Statuant à nouveau sur ce poste,
– Allouer à M. [B] la somme de 2 000 euros en indemnisation du préjudice esthétique permanent,
– Réformer le Jugement entrepris en ce qu’il a alloué à M. [B] la somme de 20 000 euros en indemnisation du préjudice d’établissement,
Statuant à nouveau,
– Allouer à M. [B] la somme de 15 000 euros en indemnisation du préjudice d’établissement ;
– Confirmer le Jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [B] de ses demandes au titre des Pertes de Gains Professionnels Futurs, de l’incidence professionnelle et du Déficit Fonctionnel Permanent ;
– Subsidiairement, surseoir à statuer sur l’indemnisation des Pertes de Gains Professionnels Futurs, de l’incidence professionnelle et du Déficit Fonctionnel Permanent, dans l’attente de la production de la créance définitive de la CPAM ;
– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [B] de sa demande au titre de l’assistance tierce personne après consolidation ;
– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [B] du sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a alloué à M. [B] la somme de 2 599,17 euros en indemnisation des frais divers, hors tierce personne avant consolidation ;
– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a alloué à M. [B] la somme de 8 000 euros au titre du préjudice scolaire ;
– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a alloué à M. [B] la somme de 5 000 euros en indemnisation du préjudice esthétique temporaire ;
– Dire que les provisions qu’elle a antérieurement versées à M. [B], à hauteur de 95 580,75 euros, devront être déduites de l’indemnisation allouée ;
– Confirmer le jugement en ce qu’il a dit que les frais d’expertise demeureront à la charge de M. [B] ;
– Débouter M. [B] de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel ;
– Condamner M. [B] aux dépens d’appel.
La caisse primaire d’assurance maladie de Haute Savoie n’a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
I – Sur l’incident de procédure
En application des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile et 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’objet du litige devant la cour d’appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l’obligation faite à l’appelant de conclure conformément à l’article 908 s’apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l’article 954. Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l’appelant remises dans le délai de l’article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l’infirmation ou l’annulation du jugement frappé d’appel. A défaut, en application de l’article 908, la déclaration d’appel est caduque ou, conformément à l’article 954, alinéa 3, la cour d’appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement. Ainsi, l’appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement, ou l’annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d’office la caducité de l’appel. Cette obligation de mentionner expressément la demande d’infirmation ou d’annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié) ne s’applique qu’à compter des appels interjeter à partir du 18 septembre 2020.
En l’espèce, la société Abeille Iard & Santé soulève cet incident et demande la confirmation du jugement entrepris et l’appel a été interjeté par M. [W] [B] postérieurement au 17 septembre 2020. Le fait que le conseiller de la mise en état ait déclaré recevable les conclusions n°2 déposées par l’appelant en date du 31 août 2022 est sans emport sur cet incident dès lors que le conseiller de la mise en état était uniquement saisi de la recevabilité des dites écritures au regard du délai imposé pour répondre à un appel incident.
Pour se prononcer sur le présent incident, il convient uniquement d’examiner le contenu du dispositif des écritures de l’appelant déposées le 23 novembre 2021 dans le délai imparti de trois mois visé à l’article 908 du code précité, aucune autre conclusion n’ayant été déposée dans le délai de trois mois susvisé.
Le début du dispositif des écritures litigieuses était le suivant, après énoncé des textes et pièces, et phrase de style :
‘- déclarer M. [W] [B] recevable et bien fondé en son appel,
– confirmer le jugement entrepris sauf concernant l’indemnisation des postes de préjudices contestés en cause d’appel, dans le cadre de son appel limité et statuant à nouveau, liquider ces postes de préjudice de la manière suivante….’.
Certes le mot ‘infirmation’ ou le verbe ‘infirmer’ ne figure pas en tant que tels de façon expresse mais l’infirmation est demandée par l’énoncé de la confirmation suivie de la locution ‘sauf’ puisque M. [W] [B] demande ‘la confirmation sauf concernant’ et demande de ‘statuant à nouveau sur l’indemnisation des postes de préjudices’ dont il ne demande pas la confirmation. Ce procédé ‘inversé’ est également régulièrement utilisé par le juge dans son dispositif notamment lorsque les chefs de jugement infirmés sont moins nombreux que ceux qui sont confirmés, mais l’inverse est également possible. Cette présentation du procédé de l’infirmation doit être considérée comme l’expression expresse exigée par la cour de cassation puisqu’elle ne signifie pas autre chose et ne peut être interprétée autrement, l’objet de l’appel étant parfaitement déterminé à savoir une infirmation partielle.
En conséquence, écartant l’incident de procédure soulevé par l’intimée, il y a lieu de statuer sur l’ensemble des chefs dont il est sollicité l’infirmation par M. [W] [B] comme ceux d’ailleurs faisant l’objet d’un appel incident de la société Abeille Iard & Santé.
II – Sur le fond
1 – Sur la garantie de l’assureur
Les conditions particulières du contrat souscrit par M. [W] [B] en qualité de conducteur du véhicule à bord duquel il se trouvait au moment de l’accident prévoient un plafond de garanties pour le conducteur à hauteur de 400 000 euros.
Par ailleurs, les conditions générales prévoient (page 21/65) que dans le cadre de la ‘garantie du conducteur à 400 000 euros’, l’assureur règle les dommages corporels dans la limite de 400 000 euros, subis par le conducteur si le taux d’incapacité permanente dont il demeure atteint est supérieur à 10 %. L’article 7 des conditions générales stipule également :
‘les dommages corporels se décomposent en divers postes de préjudices :
en cas de blessures :
* frais médicaux pharmaceutiques et autres
* incapacité temporaire
* incapacité permanente
* préjudice d’agrément
Nous déduisons de la somme correspondant à ces postes les montants réglés par les tiers payeurs. Nous procédons par ailleurs à l’indemnisation des préjudices personnels tels que la souffrance endurée et le préjudice esthétique, ainsi que des dommages vestimentaires s’ils sont la conséquences de l’accident corporel’.
Aucun des documents contractuels versés aux débats par l’appelant ne contient de définition des préjudices incapacité temporaire et incapacité permanente
La société Abeille Iard & Santé ne conteste pas l’application de ‘la garantie conducteur 400 000 euros’. En effet, le taux de déficit fonctionnel permanent retenu par l’expert judiciaire a été fixé à 50 %.
Mais la société Abeille Iard & Santé s’oppose à l’inclusion dans le périmètre des dommages corporels garantis, le préjudice lié à l’assistance d’une tierce personne à titre permanent.
Cependant, elle ne justifie pas la cause de son refus dans ses conclusions d’appel se contentant de solliciter la confirmation du jugement de ce chef, lequel ne contient pas de motivation. Par ailleurs, elle accepte que le périmètre de garantie couvre l’ensemble des préjudices corporels à caractère patrimoniaux temporaires ou permanents, y compris l’assistance temporaire de la tierce personne, ainsi que l’ensemble des préjudices corporels à caractère extra-patrimoniaux temporaires ou permanents, y compris ceux non visés spécifiquement par le contrat d’assurance tels que le préjudice d’établissement, sans préciser la raison pour laquelle seule l’assistance à tierce personne de façon permanente serait exclue. En acceptant d’indemniser l’assistance de la tierce personne à titre temporaire, elle considère que ce préjudice est une conséquence de l’incapacité temporaire. Il convient donc par voie de conséquence de considérer, en l’absence d’autres précisions sur les dommages corporels couverts et en l’absence de clauses d’exclusions, que l’assistance à tierce personne à titre permanent est une conséquence indemnisable de l’incapacité permanente, comme les pertes de gains futurs, l’incidence professionnelle et le préjudice d’études.
2 – Sur la liquidation des préjudices corporels
Sur les préjudices patrimoniaux
A- sur les préjudices patrimoniaux temporaires
Frais divers
La fixation des frais de transport, d’hospitalisation au centre de rééducation et de séances de rééducation neuropsychologiques n’est pas contestée par les parties. Est contesté par M. [W] [B] le fait que le montant de la facture de son médecin conseil ait été écarté par les premiers juges.
Toute victime a le droit d’être assistée au cours de l’expertise judiciaire par un médecin conseil dont les honoraires doivent être remboursés dès lors qu’ils sont justifiés et ne sont pas disproportionnés. En effet, ces débours sont la conséquence directe de l’accident. Cependant, si M. [W] [B] a été effectivement assisté au cours de l’expertise judiciaire par le docteur [V] comme l’indique l’expert dans son rapport, il ne produit pas la note d’honoraires réglée à hauteur selon lui de 420 euros. A défaut de justificatif, M. [W] [B] sera débouté de cette prétention.
Ainsi, le poste de préjudice ‘frais divers’ sera confirmé à hauteur de 2 599.17 euros.
Sur la tierce personne
M. [W] [B] estime, compte tenu des conclusions de l’expert, que son besoin en tierce personne entre la date de son retour à domicile et la date de la consolidation (du 1er février 2013 au 11 mai 2015) était de 5 heures par jour et non de 2 heures comme retenu par le tribunal et sollicite la fixation du taux horaire à 23.43 euros de l’heure ou à défaut à 18 euros, tandis que la société Abeille Iard & Santé propose 14 euros, le tribunal ayant retenu 16 euros de l’heure.
S’agissant du taux horaire, M. [W] [B] n’a pas eu recours à un intervenant extérieur qu’il aurait salarié, mais a eu recours à l’aide familiale en l’espèce sa mère. Il est de jurisprudence constante qu’en cas d’entre aide familiale, l’indemnité allouée au titre de l’assistance par une tierce personne ne saurait être réduite. Le taux horaire varie en fonction de la spécialisation de l’aide. S’agissant du rapport d’expertise médicale du docteur [S], ses conclusions ne sont pas précises. En effet, elle affirme que des soins (pansements et suites de chirurgie abdominale) auraient été nécessaires deux heures par jour sept jours sur sept pendant 830 jours et qu’une aide de supervision, incitation, guidance et surveillance était nécessaire ensuite à partir du 6 mars 2013, soit 798 jours à raison de trois heures par jour et sept jours sur sept. Cependant, pour les soins, l’expert ne s’appuie sur aucune pièce médicale pour retenir ce chiffrage sur une période aussi longue et page 8 de son rapport, elle indiquait que les suites de l’hospitalisation (sortie le 7 mars 2013) n’avaient nécessité aucun traitement sauf des antalgiques et que la mère de M. [W] [B] faisait des pansements tous les deux jours sans autre précision. Elle faisait ensuite référence à la réhospitalisation du 8 au 11 mars 2013 pour une nouvelle intervention mais sans dire quelles étaient les suites, sachant que dans son compte rendu en date du 11 mars 2013, le docteur [D] (pièce E35) fait état de suites opératoires simples, avec une bonne évolution cicatricielle, et enlèvement des agrafes en deux temps. Ainsi, l’aide d’une tierce personne pour les soins à raison de deux heures par jour sept jours sur sept pendant plus de deux ans (830 jours) n’est pas démontrée de façon certaine et doit être rejetée. En revanche, compte tenu du traumatisme crânien sévère avec séquelles cognitives chez un jeune homme de 20 ans, brusquement sans activités, une assistance par tierce personne a été nécessaire pour le superviser, le guider et le surveiller pendant trois heures par jour chaque jour jusqu’à sa consolidation, temps et besoin déjà quantifiés par le professeur [H] (pièce A4). Cette aide non spécialisée sera indemnisée sur la base d’un taux horaire de 16 euros de l’heure à raison de trois heures par jour pendant 798 jours.
Ainsi, ce poste de préjudice sera fixé à la somme de 38 304 euros (798 joursx3x16).
Sur la perte de gains professionnels actuels
M. [W] [B] estime que sa perte de gains professionnels est de 18 308, 07 euros calculée comme suit :
– 325 jours d’apprentissage sur un salaire de 750,02 euros par mois en août :8 13,91 euros ;
-655 jours à 1 418 euros par mois en tant que boucher charcutier traiteur qualifié (niveau 3 échelon C (cap) : 30535,60 euros
– à déduire : emploi saisonnier : 4 122,10 euros ; indemnités journalières : 16 119,34 euros..
La société Abeille Iard & Santé soutient qu’il aurait dû percevoir 28 mois à 750,02 euros par mois puis trois mois et demi (mit temps thérapeutique) à 375,01 euros par mois avec le montant de la somme perçue pendant l’emploi saisonnier à déduire ainsi que les indemnité journalières à hauteur de 17 272,42 euros de sorte que le solde est négatif de 18,95 euros.
Il convient d’apprécier la perte de gains professionnels de M. [W] [B] in concreto :
‘ sur les revenus escomptés :
– du 4 septembre 2012 au 26 juillet 2013 : ce qui représente 323 jours, M. [W] [B] était apprenti boucher non cadre au moment de l’accident. Il devait effectuer son apprentissage du 26 juillet 2012 au 26 juillet 2013. La perception d’un salaire mensuel de 750,02 euros pendant l’apprentissage n’est pas contestée. Pour cette période, il aurait dû percevoir la somme de 7 965 euros calculée comme suit : [(750,02 x 12) : 365 ]x 323
– du 27 juillet 2013 au 11 mai 2015 : ce qui représente 655 jours, M. [W] [B] a perdu la chance d’obtenir un emploi de boucher charcutier traiteur, cette perte de chance étant certaine e totale compte tenu de ses diplômes obtenus en apprentissage et de l’offre d’emploi dans ce type de profession. Toutefois, il ne peut être considéré en sortie d’apprentissage que M. [W] [B] aurait été un boucher charcutier traiteur hautement qualifié de catégorie 3 échelon C avec un salaire brut de 1 841 euros. En sortie d’apprentissage, il convient de considérer que M. [W] [B] aurait pu obtenir un poste de boucher charcutier traiteur qualifié de catégorie 3 échelon A, lequel selon la grille de la convention collective 2006 réactualisée en 2012 percevait un salaire mensuel moyen brut de 1 660 euros soit net de 1 280 euros (- 23 % charges). Pour cette période, il aurait dû percevoir la somme (arrondie) de 27 563 euros calculée comme suit : [(1 280 x 12) : 365 ]x 655
‘ sur les sommes venant en déduction :
– les revenus de l’emploi saisonnier : 4 122,10 euros (somme admise par les deux parties)
– les indemnités journalières perçues sur la période considérée soit de la date de l’accident jusqu’à la consolidation le 11 mai 2015 : 17 272,42 euros conformément à la notification des débours de l’organisme social en date du 12 juillet 2022 qui ne peut être considéré que comme étant définitif au regard de sa date et de la date de consolidation.
Soit une perte de revenus de 14 134 euros calculée comme suit : [7 965 + 27 563] – [4 122.10 + 17 272,42].
B- sur les préjudices patrimoniaux permanents :
Frais divers futurs
Ce poste de préjudice fixé à la somme de 1 540 euros en première instance n’est remis en cause en appel par les parties. Il est rappelé pour mémoire.
Pertes de gains futures
M. [W] [B] sollicite à titre principal la somme de 480 229,79 euros, à titre subsidiaire la somme de 407 085,59 euros. Il fait valoir qu’il aspirait à la profession de boucher charcutier traiteur qualifié, emploi pour lequel il aurait pu obtenir un salaire net de 1 418 euros selon la grille de classification des emplois (convention collective). Il a retenu une perte de salaire de 686,80 euros par mois résultant de la différence entre le salaire espéré et le salaire perçu effectivement en 2017. La société Abeille Iard & Santé propose quant à elle un calcul à parti du SMIC (1 188 euros) tout en sollicitant le débouté de la prétention en l’absence de rente CPAM accident du travail connue. A titre subsidiaire, elle demande un sursis à statuer.
Pour calculer la perte de gains futurs de M. [W] [B], compte tenu des diplômes obtenus et celui qu’il comptait obtenir, de l’expérience après quelques années, il y a lieu de retenir le montant brut du salaire d’un boucher charcutier traiteur de catégorie trois échelon C avec un salaire brut de 1 841 euros mensuels soit 1 418 euros nets. Il a perçu en 731,20 euros nets à partir de 2017, montant qui sera retenu selon demande de M. [W] [B].
– sur la période entre la date de consolidation du 11 mai 2015 arrêtée au 11 décembre 2024, sur une perte de salaire mensuelle de 686,80 euros (1 418 – 731.20), il sera alloué à M. [W] [B] la somme de 78 982 euroscalculée comme suit : 686,80 x 12 x 9 + 686,80 x 7 mois
– sur la période à partir du 11 décembre 2024 :sur la base d’un euro de rente à 32,538 (rente à 65 ans homme de 31 ans gazette du palais 2020 taux 0 % : 268 165 euros calculée comme suit : 686,80x12x32,538
soit un total de 347 147 euros (arrondi).
Il y a lieu de déduire la rente accident du travail versée par la CPAM et désormais connue (pièce C29 appelant) les arrérages échus de la rente accident du travail entre le 12 mai 2015 et le 30 juin 2022 à hauteur de 62 742,50 euros et le capital représentatif de la rente à échoire au 12 juillet 2022 d’un montant de 439 145,75 euros, soit un total de 501 888,25 euros.
Ainsi, M. [W] [B] ne percevra aucune somme au titre de ce préjudice, le solde des prestations encore à déduire étant de 154 741,25 euros.
Incidence professionnelle
M. [W] [B] sollicite l’allocation de la somme de 100 000 euros à ce titre en raison d’une importante dévalorisation sur le marché du travail, une pénibilité accrue, une perte de chance professionnelle et l’abandon d’une profession pour laquelle il s’était formé. La société Abeille Iard & Santé propose 50 000 euros tout en concluant au débouté ou au sursis à statuer dans l’attente de la créance de la CPAM.
Ce poste de préjudice correspond aux séquelles qui limitent les possibilités professionnelles. Il a pour but d’indemniser la dévalorisation sur le marché du travail, l’augmentation de la pénibilité de l’emploi ou encore du préjudice subi qui a trait à l’obligation d’abandonner la profession exercée.
En l’espèce, l’expert judiciaire a estimé que l’incidence professionnelle est importante en soulignant notamment que désormais M. [W] [B] n’est apte qu’à des travaux répétitifs et que sa fatigabilité rend aléatoire la possibilité d’un travail à plein temps. Le professeur [H] avait aussi indiqué que l’incidence professionnelle serait importante tant par la dévalorisation sur le marché de l’emploi que par la pénibilité accrue de tout travail. La fatigabilité importante est aussi mise en exergue dans les rapports psychologique et ergothérapeutique postérieurs. Il est certain que M. [W] [B] n’a pas pu exercer le métier auquel il s’était destiné et pour lequel il avait fait des études. Il ne peut occuper qu’un emploi à temps partiel, fait de taches répétitives. Sa dévalorisation sur le marché du travail est établie, ainsi que les autres éléments composant ce préjudice.
Compte tenu de son âge au moment de la consolidation soit 21 ans, ce poste de préjudice sera fixé à la somme de 50 000 euros.
Il y a lieu de déduire la partie non encore déduite de la rente accident du travail versée par la CPAM d’un montant de 154 741,25 euros.
Ainsi, M. [W] [B] ne percevra aucune somme au titre de ce préjudice, le solde des prestations pouvant encore déduites étant de 104 741,25 euros.
Préjudice de formation
M. [W] [B] sollicite la somme de 18 000 euros. la société Abeille Iard & Santé sollicite la confirmation de la décision qui a fixé ce préjudice à la somme de 8 000 euros.
Au moment de son accident, M. [W] [B] était en train de suivre une année complémentaire en boucherie. Il avait déjà obtenu un cap de charcutier qu’il avait complété avec une année de traiteur, ce qui démontre son appétence pour ce type d’études et sa volonté d’être professionnellement complet dans ce secteur.
L’impossibilité pour lui de continuer ses études doit être indemnisée à hauteur de 10 000 euros. Le jugement sera dès lors infirmé de ce chef.
Assistance tierce personne
M. [W] [B] sollicite, à raison de trois heures par jour sur 412 jours à un taux horaire de 23,43 euros, selon le barème de capitalisation GP 2020 pour un homme de 21 ans (58.269), la somme de 1 687 439,94 euros ou à titre subsidiaire la somme de 1 430 424,55 euros (base table GP 2018).
L’expert judiciaire a retenu le besoin en tierce personne de stimulation, guidance, surveillance de trois heures par jour sept jours sur sept compte de l’importance des séquelles neurologiques que M. [W] [B] présente à la suite de son accident. D’autres documents médicaux font état de ce besoin tels le compte rendu d’examen neuropsychologique rédigé par M. [I] en date du 12 avril 2016 (pièce E45) lequel fait état de la persistance d’une fatigabilité invalidante, des troubles du traitement de l’information visuelle, une détérioration significative des capacités de raisonnement non verbal en lien avec le siège des lésions, un syndrome amnésique massif et un syndrome dysexécutif à la fois cognitif et comportemental qui perturbe sa vie quotidienne, ou encore le rapport d’évaluation en ergothérapie en date du 23 mai 2016 (pièce E43). Toutefois, il a pu reprendre un travail à temps partiel en 2015 et aspirait à une certaine autonomie (logement).
Compte tenu de ces éléments, le besoin en tierce personne sera évalué à deux heures par jour pendant 365 jours à défaut de justifier pour l’intéresser de l’emploi d’une personne salariée.
– sur la période entre la date de consolidation du 11 mai 2015 arrêtée au 11 décembre 2024, à raison d’un taux horaire de 16 euros, il sera alloué à M. [W] [B] la somme de 111 968 euros calculée comme suit : 32 euros x 365 x 9 + 32 x 214
– sur la période à partir du11 décembre 2024 :sur la base d’un euro de rente à 48,632 (rente viagère homme de 31 ans gazette du palais 2020 taux 0 % : 568 021,76 euros calculée comme suit : 32 euros x 365 x 48,632.
soit un total de 679 990 euros (arrondi).
Sur les préjudices extra- patrimoniaux
A- Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires
Le déficit fonctionnel temporaire
Les parties ne contestent pas le nombre de jours pendant lequel M. [W] [B] a été atteint dans ses conditions d’existence avant la consolidation, ni les taux retenus par l’expert pendant les périodes successives.
M. [W] [B] sollicite toutefois un calcul de son préjudice sur un forfait journalier de 33.33 euros tandis que la société Abeille Iard & Santé sollicite la confirmation du jugement entrepris.
Le préjudice de M. [W] [B] au titre de son déficit fonctionnel permanent a été justement évalué par le premier juge à la somme de 13 546,50 euros basée sur la somme journalière de 25 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Les souffrances endurées
Les souffrances endurées ont été qualifiées par l’expert d’assez importantes à importantes (5.5/6) et ont été parfaitement décrites dans la décision entreprise. M. [W] [B] sollicite la somme de 35 000 euros tandis que la société Abeille Iard & Santé sollicite une fixation de ce poste de préjudice à la somme de 25 000 euros.
Le préjudice de M. [W] [B] au titre des souffrances endurées a été justement évalué par le premier juge à la somme de 30 000 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Le préjudice esthétique temporaire
Ce poste n’a pas fait l’objet d’un appel et les deux parties sollicitent la confirmation du jugement qui a fixé ce poste à 5 000 euros.
B- Sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents
Le préjudice esthétique permanent
Ce poste n’a pas fait l’objet d’un appel par M. [W] [B]. la société Abeille Iard & Santé sollicite sa fixation à 2 000 euros.
Le préjudice esthétique permanent de M. [W] [B] a été justement évalué par le premier juge à la somme de 3 000 euros en raison notamment des cicatrices abdominales . Le jugement sera confirmé de ce chef.
Le préjudice d’agrément
Ce poste n’a pas fait l’objet d’un appel par M. [W] [B]. la société Abeille Iard & Santé sollicite sa fixation à 10 000 euros.
Le préjudice d’agrément de M. [W] [B] a été justement évalué par le premier juge et par des motifs pertinents à la somme de 20 000 euros. Compte tenu du jeune âge de la victime au moment de l’accident, celui-ci n’avait pas encore toutes les possibilités d’exercer des activités sportives de façon pérenne. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Le préjudice d’établissement
Ce poste n’a pas fait l’objet d’un appel par M. [W] [B]. la société Abeille Iard & Santé sollicite sa fixation à 15 000 euros.
Le préjudice d’établissement de M. [W] [B] a été justement évalué et motivé par le premier juge à la somme de 20 000 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Le déficit fonctionnel permanent
Le taux de déficit fonctionnel temporaire a été chiffré par l’expert à 50 % ; M. [W] [B] sollicite à ce titre la somme de 231 500 euros et à titre subsidiaire la somme de 210 500 euros. Il s’oppose à la répercussion du recours de l’organisme social sur ce poste de préjudice, ou au maximun à 50 %. la société Abeille Iard & Santé propose une somme de 150 000 euros à titre subsidiaire, mais à titre principal sollicite le débouté en l’absence de connaissance de la créance de l’organisme social.
Le taux d’incapacité fixé à 50 % résulte notamment des troubles neuropsychologies, la fatigabilité, la diplopie extrême et les rares troubles digestifs dont souffre M. [W] [B]. Par ailleurs, la créance de l’organisme social est connue comme déjà indiquée. Celle-ci n’a pas argué du fait que la rente accident du travail couvrait pour partie ce poste de préjudice. En tout état de cause, la rente accident du travail ne répare pas le déficit fonctionnel permanent et n’a pas à s’imputer sur ce poste de préjudice.
Compte tenu du taux de déficit (50 %), de l’âge de M. [W] [B] au moment de la consolidation (21 ans), ce poste de préjudice sera justement fixé à la somme de 231 500 euros.
En conséquence, la fixation des préjudices de M. [W] [B] sera reprise dans le tableau ci-dessous, après imputation de la rente accident du travail:
Préjudices patrimoniaux
Préjudices patrimoniaux avant consolidation
frais divers
2 599.17 euros
tierce personne temporaire
38 304 euros
PGPA
14 134 euros
Préjudices patrimoniaux
Préjudices patrimoniaux après consolidation
frais médicaux
1 540 euros
tierce personne
679 990 euros
PGPF
0 euros
incidence professionnelle
0 euros
frais de formation
10 000 euros
Préjudices extra-patrimoniaux
Préjudices extra-patrimoniaux avant consolidation
préjudice esthétique temporaire
5 000 euros
déficit fonctionnel temporaire
13 546.50 euros
souffrances endurées
30 000 euros
Préjudices extra-patrimoniaux
Préjudices extra-patrimoniaux après consolidation
préjudice esthétique permanent
3 000 euros
préjudice d’agrément
20 000 euros
préjudice d’établissement
20 000 euros
déficit fonctionnel permanent
231 500 euros
total 1 069 523.63 euros
C – Sur les provisions déjà versées
La société Abeille Iard & Santé dit avoir déjà versé des provisions à hauteur totale de 95 580,75 euros tandis que M. [W] [B] fait état de deux provisions d’un montant total de 70 580,75 euros selon ordonnances des 20 mars 2014 et 6 mars 2017 soit une différence de 25 000 euros.
La société Abeille Iard & Santé ne verse aucun élément sur les provisions qu’elle aurait déjà versées.
Ainsi, compte tenu du plafond de garantie, la société Abeille Iard & Santé sera condamnée à verser à M. [W] [B] la somme de 329 419,25 euros en derniers ou quittances au taux d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
3 – Sur les mesures accessoires
Succombant, la société Abeille Iard & Santé sera tenue aux dépens d’appel, mais aussi aux dépens de première instance comprenant les frais d’expertise médicale judiciaire, M. [W] [B] ayant été fondé à la solliciter.
S’agissant des frais d’exécution forcée, cette demande sera rejetée.
L’équité commande de faire droit à la demande d’indemnité procédurale de M. [W] [B] à hauteur en appel de 4 000 euros.
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Ecarte l’incident de procédure soulevé par la société Abeille Iard & Santé,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société Abeille Iard & Santé (ex société Aviva) à payer une indemnité procédurale de 4 000 euros en première instance,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Abeille Iard & Santé à payer à M. [W] [B] la somme de la somme de 329 419,25 euros en derniers ou quittances au taux d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Déclare cette décision commune et opposable à la caisse primaire d’assurance maladie de Haute Savoie,
Y ajoutant,
Condamne la société Abeille Iard & Santé aux dépens de première instance qui comprendront les frais d’expertise judiciaire et les dépens d’appel,
Déboute M. [W] [B] de sa demande de condamnation de l’intimée aux frais d’exécution,
Condamne la société Abeille Iard & Santé à payer à M. [W] [B] une indemnité procédurale de 4 000 euros en cause d’appel.
Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 31 décembre 2024
à
la SARL CABINET BEATRICE BONNET CHANEL
la SELARL LEGI RHONE ALPES
Copie exécutoire délivrée le 31 décembre 2024
à
la SARL CABINET BEATRICE BONNET CHANEL
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