L’Essentiel : Le 2 septembre 2024, l’instruction de l’affaire a été clôturée, suivie d’une audience le 8 octobre. Le Sitom des [Adresse 8] avait construit une usine d’incinération à Chedde, mais un désordre sur un pilier a été constaté en 2000. Axa France Iard a contesté sa garantie, arguant que le désordre n’était pas décennal. Cependant, les expertises ont confirmé que ce désordre compromettait la solidité de l’ouvrage. La cour a rejeté la nullité du rapport d’expertise et a établi la responsabilité d’Axa, condamnant l’assureur à indemniser le Sitom pour les réparations nécessaires.
|
Clôture de l’instruction et audienceUne ordonnance du 2 septembre 2024 a mis fin à l’instruction de la procédure, et l’affaire a été plaidée lors de l’audience du 8 octobre 2024. Contexte de l’affaireLe Sitom des [Adresse 8], en tant que maître d’ouvrage, a construit une usine d’incinération à Chedde 74, souscrivant une police unique de chantier auprès de la société Axa France Iard. Après la réception de l’ouvrage en octobre 1995, un désordre a été constaté sur un pilier en 2000. Axa France Iard a contesté l’application de sa garantie, arguant que le désordre n’était pas de nature décennale et que le rapport d’expertise judiciaire était nul. Nature de la garantie dommageLa police d’assurance inclut des garanties dommage et responsabilité décennale. La garantie dommage couvre les réparations des dommages, même en cas de vice du sol, et est plafonnée à des montants spécifiques. Cette garantie est applicable en cas de désordre décennal, sauf en cas de faute intentionnelle ou de cause étrangère, l’assureur devant prouver l’existence d’une exclusion. Existence d’un désordre de nature décennaleL’usine, capable de traiter 56 000 tonnes de déchets par an, a présenté des déformations sur un pilier essentiel de sa structure. Les expertises ont conclu que ce désordre affectait la solidité de l’ouvrage, le rendant impropre à sa destination. La cour a confirmé que le désordre était de nature décennale, en se basant sur les rapports d’expertise. Nullité du rapport d’expertiseAxa France Iard a soulevé la nullité du rapport d’expertise judiciaire, mais la cour a rejeté cette demande, considérant que les causes de nullité invoquées ne relevaient pas de vices de fond. Les arguments concernant le non-respect du contradictoire et d’autres irrégularités n’ont pas été jugés suffisants pour annuler le rapport. Causes du désordreAxa France Iard a soutenu que le désordre était dû à l’accumulation de déchets contre le pilier. Cependant, les expertises ont mis en évidence d’autres causes, notamment des malfaçons dans la conception et la construction de l’ouvrage. La cour a conclu que la responsabilité de l’assureur ne pouvait être exonérée sur la base de la seule accumulation de déchets. Montant des indemnités allouéesAxa France Iard a contesté le montant des indemnités, affirmant qu’elle n’avait pas de responsabilité contractuelle. Le Sitom des [Adresse 8] a évalué son préjudice matériel et immatériel à des montants significatifs. La cour a confirmé les montants alloués par le premier juge, en précisant que les ponts roulants étaient inclus dans la couverture d’assurance. Responsabilité contractuelle de l’assureurLa cour a établi que la société Axa France Iard avait manqué à ses obligations contractuelles en ne préfinançant pas les réparations nécessaires. Ce manquement a été jugé comme une faute justifiant la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle. Mesures accessoiresLa société Axa France Iard a été condamnée aux dépens d’appel et à verser une indemnité procédurale au Sitom des [Adresse 8]. La cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, y compris le montant des indemnités et les intérêts. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la nature de la garantie dommage dont bénéficie le Sitom des [Adresse 8]La police unique de chantier souscrite par le Sitom des [Adresse 8] auprès de la société Axa France Iard inclut des garanties spécifiques, notamment une garantie dommage et une garantie responsabilité décennale, comme le stipulent les articles 3.1 et 3.2 des conditions particulières. La garantie dommage est définie comme suit : « la garantie s’applique, en dehors de toute recherche de responsabilité, au paiement des travaux de réparation des dommages, même résultant d’un vice du sol, de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs, au sens de l’article 1792-1 du code civil ». Cette garantie est une garantie de préfinancement qui s’applique en cas de désordre de nature décennale, sauf si celui-ci résulte d’un fait intentionnel, d’un dol de l’assuré, d’usure normale, de défaut d’entretien ou de cause étrangère, conformément à l’article 3 des exclusions des clauses particulières. Il incombe à l’assureur de prouver l’existence d’un cas d’exclusion. L’indemnité allouée dans le cadre de cette garantie doit être affectée à l’exécution des travaux de réparation, et l’assuré doit permettre à l’assureur de constater les travaux, comme le précise l’article 4.2.4.2 des conditions particulières. Sur l’existence d’un désordre de nature décennaleL’ouvrage en question est une unité de valorisation des déchets, capable de traiter 56 000 tonnes de déchets par an. Il est constitué d’une structure métallique supportant des ponts roulants, et un des piliers, le Q17.22, présente une déformation transversale significative. Selon l’article 1792 du code civil, « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit à l’égard du maître de l’ouvrage des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ». Les expertises montrent que le pilier en question est un élément essentiel de la structure, et sa déformation affecte la solidité de l’ensemble de l’ouvrage. La cour a donc conclu que ce désordre est de nature décennale, rendant l’ouvrage impropre à sa destination. Les ponts roulants, bien qu’ils puissent être démontés, sont intégrés à la structure et leur construction est indissociable de celle de l’ouvrage, ce qui les rend également concernés par la garantie décennale. Sur l’existence d’une cause étrangèreLa société Axa France Iard soutient que le désordre du pilier Q22 est dû à un stockage inapproprié des déchets contre celui-ci. Elle invoque plusieurs rapports d’experts pour étayer cette affirmation. Cependant, selon l’article 1147 du code civil, « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée ». La cour a constaté que la société Axa France Iard n’a pas prouvé que l’accumulation de déchets était la seule cause du désordre. D’autres facteurs, tels que des malfaçons dans la construction et des défauts de conception, ont également été identifiés comme contribuant aux désordres. Ainsi, la société Axa France Iard ne peut pas se prévaloir d’une cause étrangère pour s’exonérer de sa responsabilité. Sur le montant des indemnités allouéesLa société Axa France Iard conteste le montant des indemnités allouées au Sitom des [Adresse 8], arguant qu’elle n’a pas commis de faute contractuelle. Selon l’article 1147 du code civil, l’assureur est responsable de l’inexécution de ses obligations, sauf preuve d’une cause étrangère. Le tribunal a évalué le préjudice matériel à 377 230,87 euros HT et le préjudice immatériel à 3 496 097,14 euros TTC, en se basant sur des expertises et des justifications fournies par le Sitom des [Adresse 8]. Les ponts roulants sont inclus dans la couverture de la police unique de chantier, et les dépenses engagées pour les réparations et les pertes économiques ont été dûment justifiées. La cour a donc confirmé le jugement de première instance concernant le montant des indemnités. Sur la responsabilité contractuelle pour faute de la société Axa France IardLa société Axa France Iard a manqué à ses obligations contractuelles en ne préfinançant pas les travaux nécessaires pour remédier aux désordres, ce qui constitue une faute au sens de l’article 1147 du code civil. La jurisprudence a établi que l’assureur dommages-ouvrage est tenu de préfinancer les réparations nécessaires pour mettre fin aux désordres. En l’espèce, la société Axa France Iard avait reconnu l’application des garanties mais n’a pas suivi avec les actions nécessaires. Le manquement à cette obligation a causé un préjudice au Sitom des [Adresse 8], justifiant ainsi la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de l’assureur. La cour a donc condamné la société Axa France Iard à indemniser le Sitom des [Adresse 8] pour les préjudices subis. |
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 31 Décemebre 2024
N° RG 21/02443 – N° Portalis DBVY-V-B7F-G34N
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BONNEVILLE en date du 03 Décembre 2021
Appelante
Société AXA FRANCE IARD, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SCP BESSAULT MADJERI SAINT-ANDRE, avocats plaidants au barreau de CHAMBERY
Intimées
G.I.E. CETEN APAVE, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par Me Marie luce BALME de la SELARL MLB AVOCATS, avocat au barreau de CHAMBERY
SYNDICAT INTERCOMMUNAL SITOM DES [Adresse 8], dont le siège social est situé ‘Les [Adresse 7]
Représenté par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représenté par la SELARL LEVANTI, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS
S.P.A. SOCIETA GENERALE DI PARTECIPAZIONI – SOGEPA
dont le siège social est situé [Adresse 9] – ITALIE
Représentée par Me Michel FILLARD, avocat au barreau de CHAMBERY
Société ENTREPRISE GENERALE ECM
dont le siège social est situé [Adresse 4]
Société NALDEO (BETURE ENVIRONNEMENT)
dont le siège social est situé [Adresse 2]
Sans avocats constitués
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l’ordonnance de clôture : 02 Septembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 octobre 2024
Date de mise à disposition : 31 Décembre 2024
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Composition de la cour :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
– M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
avec l’assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Faits et procédure
Le syndicat intercommunal Sitom des [Adresse 8] (ci-après désigné le Sitom des [Adresse 8]), propriétaire d’une usine d’incinération dédiée au traitement des déchets sur la commune de [Localité 6], dont les travaux de construction étaient réceptionnés le 27 mars 1997 à effet au 1er octobre 1995, a déclaré à la société Axa Courtage (désormais la société Axa France Iard) , assureur dommages ouvrages et responsabilité décennale, un sinistre lié à la déformation d’un pilier support d’un portique métallique sur lequel était installé un pont roulant d’un chariot élévateur.
Une expertise a été ordonnée en référé et l’expert désigné, M. [C], a déposé son rapport le 15 février 2005.
Par acte d’huissier du 6 avril 2016, le Sitom des [Adresse 8] a assigné la société Axa Courtage devant le tribunal de grande instance de Bonneville notamment aux fins d’être indemnisé et celle-ci a appelé en cause et en garantie la société Itisa-Ansaldo-Volund (Beture Environnement), la société ECM [Localité 5] et la société Cepen Apave. La société SOGEPA a été également en la cause.
Après de nombreuses procédures judiciaires au stade de la mise en état, par jugement du 3 décembre 2021, le tribunal de grande instance de Bonneville, devenu le tribunal judiciaire, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, a :
– Rejeté la demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire ;
– Dit que les désordres présentés par l’usine d’incinération de [Localité 6] à la fin de l’année 2000 étaient de nature décennale ;
– Dit que la société Axa Courtage devenue la société Axa France Iard avait commis une faute en refusant de préfinancer la réfection des désordres ;
– Dit que la société Axa France Iard devait réparer l’intégralité des préjudices subis par le Sitom des [Adresse 8], et ce sans plafond de garanties et exclusions ;
– Condamné la société Axa France Iard à payer au Sitom des [Adresse 8] diverses sommes en réparation de son préjudice matériel d’un montant total de 377 230,87 euros HT avec indexation et diverses sommes en réparation de son préjudice immatériel d’un montant total de 3 496 097,14 euros TTC ;
– Débouté le Sitom des [Adresse 8] de ses autres demandes ;
– Constaté que la société Axa France Iard ne formulait plus de demandes contre la société Sogepa, la société Itisa-Ansaldo-Volund, la société ECM [Localité 5] ;
– Rappelé que la juridiction n’était pas compétente pour statuer sur le recours en garantie de la société Axa France Iard contre la société Cepen Apave ;
– Condamné la société Axa France Iard aux dépens et au paiement d’indemnités procédurales.
Au visa principalement des motifs suivants :
L’expertise n’est pas nulle dès lors qu’il n’est pas démontré que le rapport d’expertise n’a pas respecté le principe du contradictoire, que l’expert n’a pas rempli personnellement sa mission et un manquement à l’article 276 du code de procédure civile ;
La garantie dommages prévue par le contrat police unique par chantier est une garantie de préfinancement liée à la démonstration de l’existence de désordres de nature décennale et à l’absence d’une cause étrangère et d’un dommage provenant pour partie d’une exclusion de garantie, en l’occurrence un usage anormal des locaux ;
La construction est ensemble formant un tout qui, par sa conception, son ampleur et l’emprunt de ses éléments à la construction immobilière, constitue un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil ;
Les désordres rendent l’ouvrage impropre à sa destination et relèvent de la garantie décennale et l’assureur Axa France Iard qui doit sa garantie dommages-ouvrage.
Par déclaration au greffe de la cour d’appel du 17 décembre 2021, la société Axa France Iard a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Par ordonnance du 28 décembre 2022, la conseillère de la mise en état a :
– Constaté le désistement de la société Axa France Iard de l’instance engagée en appel contre la société Cepen Apave, la société Sogepa, la société Naldéo et la société ECM [Localité 5] ;
– Dit qu’en conséquence, la cour est dessaisie de l’appel formé par la société Axa France Iard à l’encontre de la société Cepen Apave, la société Sogepa, la société Naldéo et la société ECM [Localité 5] ;
– Condamné la société Axa France Iard à payer à la société Cepen Apave une indemnité procédurale de 1 000 euros ;
– Condamné la société Axa France Iard aux dépens du présent incident.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 8 août 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Axa France Iard sollicite l’infirmation de la décision et demande à la cour de :
À titre subsidiaire,
– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville le 3 décembre 2021 (RG 18/01417) ;
– Annuler le rapport d’expertise judiciaire de M. [C] ;
– Débouter le Sitom des [Adresse 8] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
À titre plus subsidiaire,
Sur les préjudices matériels,
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville le 3 décembre 2021 (RG 18/01417) en ce qu’il a débouté le Sitom des [Adresse 8] de ses réclamations dénommées « Études et maîtrise d »uvre pour réparations » pour 57 695 euros H.T., sur la réclamation relative aux dépenses préalables aux travaux pour vidage de la fosse, à hauteur de 181 316,50 euros H.T, et sur les réclamations dénommées « Étude pour diagnostic charpentes » à hauteur de 70 417 euros H.T ;
Pour le surplus,
– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville le 3 décembre 2021 (RG 18/01417) ;
– Débouter le Sitom des [Adresse 8] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Sur les préjudices immatériels,
– Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville le 3 décembre 2021 (RG 18/01417) ;
– Limiter sa condamnation envers le Sitom des [Adresse 8] au plafond de garantie contractuel, et ainsi la contrepartie en euros de la somme de 2 000 000 Frs, soit 304 414 euros en principal, outre intérêts de droit au taux légal du 1er septembre 2007 au 28 février 2022, pour un montant total de 51 510,86 euros, soit au total en principal et intérêts la somme de 355 924,86 euros ;
En toute hypothèse,
– Rejeter toute demande formée en voie d’appel à titre d’appel incident par le Sitom des [Adresse 8] ;
– Condamner le Sitom des [Adresse 8] à lui verser une somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner le Sitom des [Adresse 8] en tous les dépens, incluant les frais d’expertise judiciaire, de première Instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Grimaud, avocat, en exécution des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 17 juin 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le Sitom des [Adresse 8] demande à la cour de :
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville le 3 décembre 2021 en ce qu’il a :
– rejeté la demande de nullité du rapport d’expertise de M. [C],
– dit que les désordres présentés par l’usine d’incinération de [Localité 6] à partir de la fin de l’année 2000 sont de nature décennale,
– dit que la société Axa France Iard a commis une faute en refusant de préfinancer la réfection de ces désordres, alors que le contrat dommages-ouvrage souscrit par le Sitom des [Adresse 8], auprès de la société Axa France Iard venant aux droits de la société Axa Courtage venant, elle-même aux droits de la société UAP, était applicable,
– dit que ladite société devra réparer l’intégralité des préjudices subis par le Sitom des [Adresse 8], et ce, sans plafond de garanties ni exclusion, s’agissant de la mise en ‘uvre de la responsabilité contractuelle,
– constaté que la société Axa France ne formule plus aucune demande de condamnation à l’encontre des sociétés Sogepa, Naldeo et Entreprise Générale ECM et déclaré le présent jugement opposable auxdites sociétés,
– rappelé que la présente juridiction est incompétente pour statuer sur l’appel en garantie formé par la société Ceten Apave, comme l’a jugé la cour d’appel de Grenoble dans son arrêt du 30 juin 2014 ;
– Infirmer le jugement rendu en première instance pour le surplus et,
Statuant de nouveau,
– Condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 699 350,22 euros au titre du préjudice matériel ;
– Dire que ces sommes devront être indexées sur la base de l’indice du coût de la construction en vigueur lors de l’estimation expertale et revalorisées selon l’indice en vigueur au jour du paiement des condamnations à intervenir ;
– Condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 5 436 580 euros au titre du préjudice immatériel, outre intérêts à taux légal à compter de l’assignation ;
– Condamner la société Axa France Iard à verser à l’intimé la somme de 50 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui comprendront les frais des expertises, ainsi que ceux de première instance, avec application pour ceux d’appel, des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la société Bollonjeon, avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
Le Sitom des [Adresse 8], établissement public, a fait réaliser, en ayant la qualité de maître de l’ouvrage, une usine d’incinération à Chedde 74. Il avait pour ce faire souscrit une police unique de chantier auprès de l’assureur la société Axa France Iard courtage sous le numéro 375036771709 B. L’ouvrage ainsi construit, qualifié d’ouvrage de génie civil, réceptionné à effet au 1er octobre 1995, a présenté fin 2000 un désordre au niveau d’un pilier N°5 Q17/Q22. La société Axa France Iard estime que sa garantie dommage n’a pas vocation à s’appliquer dès lors que selon elle, il ne s’agit pas d’un désordre de nature décennale et le rapport d’expertise judiciaire qui conclut l’inverse est frappé de nullité. Par ailleurs, elle estime qu’il existe une cause exonératoire soit un défaut d’exploitation imputable au Sitom des [Adresse 8]. Enfin, elle conteste les sommes sollicitées par ce dernier.
I – Sur la nature de la garantie dommage dont bénéficie le Sitom des [Adresse 8]
La police unique de chantier souscrite auprès de la société Axa France Iard comprend des conditions spéciales et des conditions particulières aux termes desquelles l’assuré bénéfice d’une garantie dommage et d’une garantie responsabilité décennale (articles 3.1 et 3.2 des conditions particulières). En l’espèce, le Sitom des [Adresse 8] recherche la garantie dommage dont l’objet est le suivant : ‘la garantie s’applique, en dehors de toute recherche de responsabilité, au paiement des travaux de réparation des dommages, même résultant d’un vice du sol, de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs, au sens de l’article 1792-1 du code civil,….’. Selon les conditions particulières, la garantie de base est plafonnée au coût total de construction prévisionnel (33 935 000 francs), les garanties complémentaires sont plafonnées à 3 000 000 francs pour les éléments d’équipement autres que ceux liés au fonctionnement de l’usine et à 2 000 000 francs pour les dommages immatériels après réception, sans franchise.
Cette garantie est une garantie de pré- financement qui a vocation à s’appliquer en présence d’un désordre de nature décennale dès lors que celui-ci ne résulte pas notamment d’un fait intentionnel ou d’un dol de la part de l’assuré, des effets de l’usure normale, défaut d’entretien, de la cause étrangère (article 3 exclusions clauses particulières) étant précisé qu’il appartient à l’assureur de démontrer l’existence d’un cas d’exclusion.
Enfin, l’indemnité alloué dans le cadre de cette garantie dommages doit être affectée à l’exécution des travaux de réparation et l’assuré s’engage à autoriser l’assureur à pouvoir le constater. (Article 4.2.4.2 des conditions particulières).
II – Sur l’existence d’un désordre de nature décennale
L’ouvrage est une unité de valorisation des déchets apte à traiter 56 000 tonnes de déchets par an. Elle est équipée d’un four, d’une fosse de stockage en béton d’un volume de 4 000 m3, coiffée par une structure métallique en portiques P.R.S galvanisés, avec des portiques de 20 m de hauteur supportant à 17 m deux ponts roulants/bipoutre. Un de ces poteaux P.R.S. repère Q17.22 de la file 5 présentait une déformation transversale sur son élément bas du côté de la fosse avec déplacement en rotation entre 10 et 12 mm de la semelle basse et les deux autres poteaux de la file 8 et 11 présentaient des déformations naissantes de même nature (rapport 16 février 2001 [W] expertise mandaté par la société Axa France Iard ).
Ce poteau est un élément de la structure métallique principale qui couvre la fosse de stockage et supporte les chemins de roulement des ponts roulants (second rapport [W] du 28 février 2001). Il est situé au centre du dispositif de déchargement au droit des trois travées de 8 m les plus sollicitées.
La société Axa France Iard estime que ce pilier est un élément dissociable qui ne rend pas l’ensemble du bâtiment impropre à sa destination.
Cependant, il ressort des différentes expertises qu’il s’agisse de l’expertise judiciaire dans sa partie descriptive ou des expertises privées que ce poteau est un des éléments capitaux de la structure métallique supportant les ponts roulants de sorte que sa torsion qui rend dangereuse l’utilisation des ponts roulants et affecte la structure métallique dans son ensemble est un désordre de nature décennale rendant impropre l’ouvrage à sa destination mais aussi portant atteinte à sa solidité.
Sur la notion d’ouvrage et de nature décennale du dommage, la cour adopte en outre les motifs pertinents du premier juge, le jugement décrivant de façon détaillée la structure de l’usine comportant des locaux de bâtiment et génie civil, des locaux d’industries particulières et des équipement spéciaux des locaux d’industries particulières, ensemble formant un tout, qui, par sa conception, son ampleur et l’emprunt de ses éléments à la construction immobilière constitue un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil. Par ailleurs, les ponts roulants, si effectivement ils peuvent être démontés, ne peuvent être considérés comme de simples éléments d’équipement au sens de l’article 1792-3 mais ont été construit en même temps que l’ossature du bâtiment, leur construction relève des techniques de construction et ils font partie de l’ouvrage dans sa globalité compte tenu de leurs caractéristiques et de leur importance dans le fonctionnement même de l’usine dont ils sont les éléments centraux. En conséquence, le désordre affectant un des piliers de la structure métallique supportant les ponts, lequel présente une torsion importante, est à l’évidence un désordre de nature décennale.
III – Sur l’existence d’une cause étrangère
La société Axa France Iard fait état des rapports des experts qu’elle a mandatés et soulève à titre subsidiaire et non à titre principal la nullité de l’expertise judiciaire qui n’aboutit pas à la même conclusion.
Sur la nullité du rapport d’expertise
Cette nullité n’est pas demandée par la société Axa France Iard à titre principal mais sera envisagée à ce stade afin de pouvoir ou non se référer à l’expertise judiciaire autrement que dans sa partie descriptive.
En vertu de l’article 175 du code de procédure civile, ‘la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure’. En l’espèce, les causes de nullité invoquées par la société Axa France Iard ne sont pas des nullités pour vice de fond prévues à l’article 117 du code de procédure civile mais des nullités pour vice de forme prévues à l’article 114 du même code.Or aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si cette nullité n’a pas été légalement prévue, sauf formalité substantielle ou d’ordre public, et à charge pour celui qui se prévaut de cette nullité de prouver le grief que lui cause l’irrégularité.
La société Axa France Iard reproche à l’expert :
– un non respect du principe du contradictoire en ayant pris la décision unilatérale de faire fermer l’usine sans en avertir les parties le jour même mais uniquement le lendemain par une note diffusée aux seules parties et non à leurs avocats, en s’abstenant de diffuser aux avocats des parties un note en date du 29 janvier 2003 et en déposant son rapport le 1er février 2005 sans répondre aux dires ;
– des réponses aux dires qui ne reflètent pas une analyse véritable (article 276 code de procédure civile ) ;
– l’appel à un sapiteur dans une discipline qui n’est pas différente de la sienne (articles 233 et 278) ;
– un manque de conscience, d’impartialité et d’objectivité (article 237) en ne tenant pas compte de six rapports d’expertise opposés.
Toutefois, s’agissant de la violation du principe du contradictoire, il est établi que si la note en date du 10 septembre 2002, n’a pas été communiqué aux avocats des parties mais aux parties elles-même, M. [C] écrivait qu’en raison des déformations de deux piliers et de la découverte de nouveaux éléments d’instabilité grave de la structure métallique du bâtiment, il estimait que la construction présentait de véritables dangers pour le personnel et les clients et préconisait d’interrompre l’usage du pont roulant et l’accès à la fosse et à son quai. Il s’agit là d’un principe de précaution qui ne peut être reproché à l’expert, d’autant que la décision de fermeture est revenue au Sitom des [Adresse 8]. La non communication de cette note aux avocats n’a pas causé de griefs à la société Axa France Iard. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que l’expert mandaté par la société Axa France Iard elle-même, dans son premier rapport en date du16 février 201, souligné l’urgence de la situation et a indiqué dans son rapport n°3, que le sitom et l’exploitant avaient pris la décision début 2001 compte tenu de la déformation du pilier de le faire étayer, de sorte que c’est en toute logique que l’expert a pu aussi ensuite mettre en exergue la dangerosité de l’installation. En outre, et contrairement à la position de la société Axa France Iard, l’expert a adressé un pré-rapport, même s’il ne l’a pas intitulé ainsi, et les parties ont pu lui adresser des dires, la société Axa France Iard ayant d’ailleurs adressé 5 dires auxquels l’expert a répondu et qu’il a annexés à son rapport.
S’agissant de la violation de l’article 276 qui prévoit que ‘l’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent. Il doit faire mention, dans son avis, de la suite qu’il leur aura donnée’, celle-ci ne repose sur aucun fondement puisque justement l’expert a joint les dires des parties à son rapport et y a répondu (voir nota chapitre 7 et annexe 1 du rapport). Le fait pour l’expert de ne pas acquiescer au dire d’une partie ne signifie pas pour autant qu’il ne l’a pas pris en considération.
S’agissant de la violation de l’article 278 qui prévoit que ‘L’expert peut prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne’, M. [C] a été autorisé à s’adjoindre un sapiteur en la personne de M. [L] lequel était spécialisé dans les calculs concernant les structures métalliques et disposait à cette fin de logiciels spécifiques. Si M. [C] ne s’était pas adjoint un sachant dans ce domaine, il aurait pu le lui être reproché. Il y a lieu d’ailleurs de souligner le fait que M. [W], mandaté par la compagnie d’assurance, s’est adjoint lui-même un sapiteur M. [N] ingénieur en structure et informatique.
S’agissant enfin de la violation des dispositions de l’article 237 qui énonce que ‘le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité.’, la société Axa France Iard ne démontre pas un manquement de la part de l’expert à ce niveau. Son rapport s’est déroulé certes sur plusieurs années, mais comme classiquement en matière de construction avec des enjeux aussi importants et une vigilances toute particulière des parties, étant à nouveau rappelé que des conclusions d’expertise judiciaire qui divergent des rapports d’experts mandatés par les parties n’impliquent pas un manque d’objectivité et une partialité de ce dernier.
C’est donc à bon droit et par de justes motifs que le premier juge a écarté la nullité du rapport d’expertise.
Sur l’existence d’une cause étrangère
La société Axa France Iard affirme que la cause du désordre affectant le pilier Q22 est le stockage des déchets contre le dit pilier. Elle appuie son affirmation sur les rapports de ses experts et ceux d’autres parties présentes en première instance:
– rapport de M. [W] du30 juillet 2001 (pièces 2 et 16)
– rapport de M. [N] (pièces 6 et 26) en date du 17 juillet 2001 ;
– rapport de M. [F] (pièce 26) , ingénieur des Ponts et Chaussées en date du 3 juin 2003;
– rapport de M. [P], ingénieur des Ponts et Chaussées, en date du 10 avril 2005 (pièce 82 appelante) :
– rapport de M. [K] ingénieur ETP en date du 23 mai 2005
– rapport de M. [Y] ingénieur conseil en date du 22 mars 2012
‘ Dans son premier rapport, le cabinet [W] expertise privilégiait l’hypothèse d’un vrillage du porteur de grande hauteur du fait de la faible rigidité à la torsion. Dans son troisième rapport en date du 11 avril 2001, il s’interrogeait sur l’incidence du stockage des déchets accumulés au droit de la travée en août 2000, incluant le poteau vrillé, sachant qu’il précisait que les déchets avaient été stockés au-delà de la fosse sur 4m30 à partir de fin août et remis en fosse en septembre 2000 et que la trace de ces déchets sur le poteau était encore visible à une hauteur de 7 m. Dans son rapport définitif en date du 30 juillet 2001, il affirmait après calculs effectués par un sapiteur M. [N], que les déformations observées mettent en cause le stockage des ordures contre le poteau, étant ajouté que les calculs qu’il avait précédemment demandés au CETIM (remis le 2 mai 2001) concluait que le chargement appliqué et les hyptothèses d’appui qui ont été prises ne peuvent pas expliquer le phénomène de flambage’ d’où le recours à M. [N].
‘ M. [N], ingénieur expert en structures et informatique, formule la conclusion suivante : ‘le chargement des ordures ménagères contre le poteau… correspond aux effets observés : flexion de deux ailes avec maximum pour l’aile intérieure du fait du décalage de la fixation à la base par rapport à l’axe du potau ; moment et flèche maximum ; rotations horizontale et verticale de la base avec dépassement de la limite élastique. Il termine en disant que seul l’effet du chargement transversal est à retenir.
‘ M. [F] a étudié trois possibilités : déplacement du pilier support du poteau, flambement et flexion sous l’action d’une poussée horizontale. Il a écarté les deux premières et a retenu la troisième cause en indiquant que l’explication du sinistre proposé par MM [W] et [N] est la seule plausible.
‘ M. [P] indique ‘pour déformer le poteau, je rappelle qu’il a nécessairement fallu lui amener une énergie. Je ne vois que deux sources possibles; soit une poussée horizontale provenant des ordures, soit les mouvements du chariot (vide ou chargé) qui auraient provoqué la déformation du poteau du fait des mouvements de torsion de sa tête’. Cet expert estime qu’il ‘suffit de réfléchir, sans même faire de calcul’, à la déformation du poteau qui est de simple flexion et dont la torsion de la tête était impossible par l’existence d’une palée de contreventement. Après avoir vivement critiqué le rapport judiciaire, et après avoir validé les constats de MM. [W], [N] et [F], il conclut ainsi ‘le désordre provient de la poussée dissymétrique du volume d’ordures indûment entassé par l’exploitant sur le terre plein de l’usine en contradiction avec ses obligations à partir d’août 2000. … les efforts anormaux qui s’en sont suivis… ont induit des efforts de flexion transversale…’
‘ M [K] conclut ‘ le rapport définitif de M. [C] n’établit pas la cause réelle du sinistre survenu en septembre 2000 et ce ne sont pas ses démonstrations et son délayage à connotation scientifique qui pourront enlever la conviction d’une juridiction tant ses hypothèses sont aléatoires’. Il termine en disant adhérer aux calculs effectués par les conseillers de l’assureur quand ils démontrent que l’amorce de la déformation visuelle… résulte de la poussée du talus d’ordures constitué anormalement au cours de l’été 2000, … qui s’est aggravée sous l’effet conjugué des mouvements du pont roulant et de l’inévitable compression des déchets imprimé par l’engin mévaonique qui les a repris pour les remettre en fosse’.
‘ M. [Y] estime que les conclusions de l’expert judiciaire sont incohérentes et reposent sur des résultats de calcul erronés, mais aussi que le défaut hypothétique de résistance de la structure n’a pas été démontré. Il conclut en affirmant qu’il n’y a aucun doute sur les causes de la déformation des structures du bâtiment qui sont à attribuer à des imprudences dans la gestion du mode de réception des ordures ménagères résultant d’une surexploitation qui n’a pas été prévue.
Tous les avis d’experts produits par la société Axa France Iard convergent vers la même cause à l’origine du désordre affectant le pilier Q17.22 : la poussée des ordures ménagères.
Cependant, l’expert judiciaire a relevé plusieurs désordres affectant les ossatures de charpente métalliques (la cour renvoie au jugement entrepris qui a détaillé ces désordres de façon exhaustive), tandis que les conseillers techniques de la société Axa France Iard se sont focalisés sur le pilier Q17.22 file 5 alors même que M. [W] avait noté une déformation naissante des poteaux de la file 8 et de la file 11 de même nature et avait pu indiquer que ces portiques étaient sollicités par des efforts normaux résultant des charges permanentes et des efforts horizontaux transversaux et longitudinaux résultant des effets du vent et des deux ponts roulants bipoutre. En outre, tant l’expert que son sapiteur ont examiné à plusieurs reprises la théorie des experts dela société Axa France Iard et le sapiteur [L] a conclu notamment que le calcul des vérifications de MM. [F] et [N] était insuffisant, précisant aussi que le principe de calcul de M. [N] à partir du logiciel élastique Robot conduisait à des raisonnements faux et qu’il avait présenté des erreurs notamment sur les données caractéristiques des déchets ce qu’avait d’ailleurs reconnu M. [N] dans une seconde note.
Le jugement entrepris reprend également de façon détaillée les causes, selon l’expert judiciaire, des désordres de la structure métallique du bâtiment dont notamment :
– conception insuffisante de stabilité générale des éléments de l’ossature du bâtiment sous surcharges mobiles ;
– absence de règles écrites de spécifications volumiques aléatoires des déchets à stocker conjugées à des malfaçons des assemblages boulonnés des charpentes métalliques ;
– malfaçons de guidage support des rails des chemins de roulement.
– faiblesse des liaisons des poteaux du bâtiment sur plancher et le seuil du hall, les liaisons de pied sont devenues progressivement insuffisantes en fonction de l’amplitude du trafic saisonnier de la collecte de déchets.
Selon la société Axa France Iard, la cause permettant l’exonération de sa garantie serait donc la faute de l’exploitant qui aurait accumulé les déchets contre le pilier Q17.22, mais la faute ne peut produire un effet totalement exonératoire que si elle est la cause unique du dommage. Or en l’espèce, non seulement, la société Axa France Iard ne démontre pas avec certitude que l’accumulation de déchets contre ce poteau serait une cause de sa torsion, ni même qu’elle serait la seule cause, d’autant que d’autres piliers sont aussi tordus et que l’expert judiciaire a lui retenu d’autres causes.
En conséquence, en raison de l’existence d’un désordre de nature décennale rendant l’ouvrage impropre à sa destination et portant atteinte à sa stabilité, la société Axa France Iard doit sa garantie dommages.
IV – Sur le montant des indemnités allouées
La société Axa France Iard soutient tout d’abord qu’elle n’a commis aucune faute de nature contractuelle pour avoir dénié sa garantie. Elle fait valoir aussi que le Sitom des [Adresse 8] a volontairement créé son préjudice en transférant la charge financière du sinistre à son passif par avenant du 3 avril 2003 alors que cette charge devait peser sur l’exploitant, le Set Mont Blanc et qu’elle n’a jamais convenu d’assurer le risque lié à l’exploitation. A titre subsidiaire, elle soutient que le Sitom des [Adresse 8] affirmant que les travaux de réparation ont été faits, il doit en justifier puisque la garantie Axa est une garantie de préfinancement. Elle prétend que les ponts roulants ne sont pas inclus dans la couverture de la police unique de chantier et conclut au débouté du préjudice matériel. S’agissant du préjudice immatériel, elle soutient que le Sitom des [Adresse 8] n’a jamais démontré la nécessité de fermer le site 18 mois alors qu’il l’a réouvert ensuite sans travaux. Au maximum, le préjudice immatériel devra être limité à la somme retenue en première instance. Elle ajoute enfin que si une faute devait être retenue contre elle, elle ne pourra pas être privée de la possibilité d’opposer les plafonds de garantie et les exclusions.
Le Sitom des [Adresse 8] maintient les prétentions dont il a été débouté en première instance concernant le vidage de la fosse et celle concernant les études pour le diagnostic charpente de sorte qu’il évalue son préjudice matériel à la somme de 699 350,22 euros. Il soutient aussi que les ponts roulants sont inclus dans la couverture de la police. Sur les préjudices immatériels, il rappelle qu’un expert a été désigné pour rechercher le montant de son préjudice économique, lequel a été évalué à 3 774 963 euros mais il demande pour sa part une somme de 5 391 577,82 euros en se fondant sur un rapport d’expertise privée qu’il a sollicité. Il demande aussi que les intérêts au taux légal partent à compter de l’assignation. Enfin, le Sitom des [Adresse 8] estime que la société Axa France Iard a engagé sa responsabilité en refusant de préfinancer les travaux de réparation, faute qui a causé un préjudice supplémentaire devant être réparé par l’allocation de dommages-intérêts correspondant au dépassement du plafond pour le préjudice immatériel.
En l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en fixant le préjudice matériel subi par le Sitom des [Adresse 8] à la somme de 377 230,87 euros HT avec indexation sur la base de l’indice du coût de la construction et le préjudice immatériel de ce dernier à la somme de 3 496 097,14 euros TTC, sommes motivées comme suit :
‘ sur le préjudice matériel
– la somme de 367 765 euros HT chiffrée par l’expert judiciaire, la cour renvoyant au détail précisé dans le jugement entrepris ;
Contrairement à ce que soutient la société Axa France Iard, les ponts roulants sont inclus dans la couverture de la police unique de chantier puisque le décomposition du prix global forfaitaire comprend page deux un paragraphe intitulé équipement qui débute avec un pont bascule et des ponts roulants 6 tonne et grappin 1 L (2) (paragraphe réception et manutention des déchets).
– la somme de 9 465,87 euros HT pour les travaux d’étaiement ;
Le premier juge a à bon droit rejeté :
– la prestation relative au vidage de la fosse d’un montant de 180 316,50 euros au visa du contrat d’exploitation et plus particulièrement du titre ‘évacuation des résidus à traiter dans le cas d’un arrêt de fonctionnement de l’usine d’incinérations’, estimant que ce vidage était à la charge de l’exploitant ;
– les études pour diagnostic charpente d’un montant de 70 400,17 euros non justifiées et non reprises par l’expert.
‘ sur le préjudice immatériel,
– les dépenses d’évacuation des ordures ménagères entre le 18 septembre 2002 et avril 2003 pour un coût de 2 202 904,29 euros ;
– l’installation d’un grue extérieure en avril 2003 jusqu’en avril 2004 pour un coût de 198 896,55 euros ;
– les dépenses pour financer un système anti odeur d’un montant de 25 583,14 euros et entre octobre 2003 et fin mars 2004, les dépenses pour mettre en balles les déchets d’un montant justifié de 325 846,53 euros ;
– les pertes de marge sur coûts variables retenues uniquement à hauteur de 644 661 euros dès que lors la baisse de quantité traitées ne peut être imputée au seul sinistre
– les frais financiers supplémentaires d’un montant de 314 829 euros, causés par la nécessité de contracter des emprunts et d’obtenir des lignes de trésorerie en lien direct avec le sinistre.
Il y a lieu de préciser que l’avenant n°6 a été pris justement en considération par le premier juge au titre de la prise en charge financière des détournements de déchets sans que l’on puisse reprocher au Sitom des [Adresse 8] d’avoir transféré cette charge sur lui puisqu’il doit assurer sa mission de service public consistant à assurer la collecte et le traitement des déchets.
C’est à bon droit par ailleurs que le tribunal a rejeté :
– la demande faite au titre du manque à gagner sur la vente d’électricité, cette vente bénéficiant à la société Set Mont blanc,
– la demande pour les préjudices subis par la set [Adresse 8] (chômage partiel, embauche de grutiers, baisse de sa rémunérations…), l’accord passé entre la set Mont blanc et le Sitom des [Adresse 8] n’étant pas opposable aux tiers,
– la perte alléguée également par l’exploitant qui ne peut être sollicitée par le Sitom des [Adresse 8]
‘ sur la responsabilité contractuelle pour faute de la société Axa France Iard
Aux termes de l’article 1147 du code civil (ancine), le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il est jugé que l’assureur dommages-ouvrage manque à ses obligations contractuelles en ne préfinançant pas une réparation efficace et pérenne de nature à mettre fin aux désordres (3e Civ., 11 février 2009, pourvoi n° 07-1.761, Bull. 2009, III, n°33). Cette jurisprudence est aussi applicable comme en l’espèce à l’assureur dommages. Dans la présente instance, de surcroît, la société Axa France Iard, pourtant par courrier du 28 février 2001, avait indiqué qu’au vu du rapport préliminaire de son expert, les garanties obligatoires de la police s’appliquaient et que dès réception du rapport définitif chiffrant les travaux de réfection, elle reprendrait contact avec le Sitom des [Adresse 8] ce qu’elle n’a pas fait, changeant d’avis sur la mise en oeuvre de la garantie. Or, le manquement à l’obligation de préfinancer des travaux efficaces de nature à mettre fin aux désordres, qui constitue une faute contractuelle, justifie la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de droit commun de l’assureur dommages ou dommages ouvrages.
N’ayant financé aucun travaux, elle a commis une faute en lien direct avec le préjudice immatériel subi par son assuré dont le détail a été ci-dessus repris. Le Sitom des [Adresse 8] sollicite des dommages-intérêts à hauteur du dépassement entre le plafond de garantie de 304 414 euros et le montant total de son préjudice immatériel. Il sera fait droit à sa demande et le jugement confirmé en ce qu’il a condamné la société Axa France Iard à payer au Sitom des [Adresse 8] la somme globale de 3 496 097,14 euros TTC, les intérêts au taux légal partant à compter de l’assignation soit le 6 avril 2006.
V – Sur les mesures accessoires
Succombant, la société Axa France Iard sera tenue aux dépens d’appel et sera déboutée de sa demande d’indemnité procédurale. L’équité commande de la condamner à payer à le Sitom des [Adresse 8] une somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que la condamnation de la société Axa France Iard à payer au Sitom des [Adresse 8] la somme de 3 496 097,14 euros TTC (plafond de garantie pour les préjudices immatériels et dommages-intérêts pour le surplus) produira intérêts au taux légal à compter de l’assignation soit le 6 avril 2006,
Condamne la société Axa France Iard aux dépens d’appel,
Déboute la société Axa France Iard de sa demande d’indemnité procédurale,
Condamne la société Axa France Iard à payer au Sitom des [Adresse 8] une indemnité procédurale de 20 000 euros en cause d’appel.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 31 Décembre 2024
à
la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY
la SELARL MLB AVOCATS
la SELARL BOLLONJEON
Me FILLARD
Copie exécutoire délivrée le 31 Décembre 2024
à
la SELARL BOLLONJEON
Laisser un commentaire