Représentation légale et irrecevabilité d’un recours en liquidation judiciaire

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Représentation légale et irrecevabilité d’un recours en liquidation judiciaire

L’Essentiel : Le 29 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Chartres a condamné la société à verser 29 760 euros à l’URSSAF, rejetant ses pièces postérieures à la période contradictoire. Suite à cette décision, la société a interjeté appel le 16 novembre 2023, mais a été placée en liquidation judiciaire le 9 novembre. L’URSSAF a alors soulevé l’irrecevabilité de l’appel, arguant que le conseil de la société n’avait pas le pouvoir de la représenter. La cour a confirmé cette irrecevabilité, condamnant la société aux dépens d’appel, en raison de la représentation inadéquate après la liquidation.

Contexte du litige

A la suite d’un contrôle de l’application des législations de sécurité sociale, l’URSSAF a notifié à la société une lettre d’observations le 22 juillet 2021, envisageant un redressement de 29 760 euros concernant des comptes courants débiteurs pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.

Demande de régularisation

Le 23 septembre 2021, la société a demandé un délai supplémentaire pour fournir des justificatifs de régularisation des écritures comptables. Cependant, par courrier du 6 octobre 2021, l’URSSAF a maintenu le redressement en l’absence de ces justificatifs.

Mise en demeure et recours

Le 21 octobre 2021, l’URSSAF a mis en demeure la société de payer un montant total de 30 517 euros, incluant des cotisations et des majorations de retard. La société a alors saisi la commission de recours amiable de l’URSSAF, qui a rejeté son recours le 29 juin 2022.

Jugement du tribunal

Le 29 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Chartres a statué en écartant les pièces versées par la société après la période contradictoire, condamnant la société à payer 29 760 euros à l’URSSAF et déboutant la société de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Appel et liquidation judiciaire

Le 16 novembre 2023, la société a interjeté appel, mais a été placée en liquidation judiciaire le 9 novembre 2023. L’URSSAF a assigné le liquidateur judiciaire, car la convocation à l’audience était revenue avec la mention ‘Destinataire inconnu à l’adresse’.

Irrecevabilité de l’appel

Lors de l’audience, l’URSSAF a soulevé l’irrecevabilité de l’appel, arguant que le conseil de la société n’avait pas le pouvoir de la représenter après la liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire n’ayant pas répondu aux avis en délibéré, l’URSSAF a demandé la confirmation du jugement.

Décision de la cour

La cour a déclaré l’appel irrecevable, car la déclaration avait été faite par un conseil sans mandat, la société étant représentée par un liquidateur judiciaire. La société a été condamnée aux dépens d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la procédure d’appel selon le Code de procédure civile ?

L’article 932 du Code de procédure civile stipule que l’appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour.

Cette disposition précise que l’appel doit être formé par une déclaration écrite, ce qui implique que la partie qui souhaite interjeter appel doit suivre une procédure formelle.

Il est essentiel que cette déclaration soit faite par une personne ayant qualité pour agir, c’est-à-dire un mandataire dûment habilité.

En l’espèce, la société a interjeté appel par l’intermédiaire d’un conseil qui n’avait plus mandat de la représenter, ce qui soulève des questions sur la validité de la procédure d’appel.

Quelles sont les conséquences de la liquidation judiciaire sur les droits d’agir du débiteur ?

L’article L. 641-9 du Code de commerce précise que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens.

Cela signifie que, dès l’ouverture de la liquidation judiciaire, le débiteur perd le droit de gérer ses biens et ses droits, qui sont alors exercés par le liquidateur judiciaire.

Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Dans le cas présent, la société a été placée en liquidation judiciaire le 9 novembre 2023, et le liquidateur judiciaire n’a pas mandaté l’avocat pour poursuivre la représentation de la société.

Quelles sont les fins de non-recevoir selon le Code de procédure civile ?

L’article 122 du Code de procédure civile énonce que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond.

Cela inclut des motifs tels que le défaut de droit d’agir, le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, et la chose jugée.

Dans cette affaire, l’URSSAF a soulevé l’irrecevabilité de l’appel en raison du fait que la déclaration d’appel a été faite par un conseil qui n’avait pas qualité à agir.

Ainsi, l’irrecevabilité de l’appel a été prononcée, car la société n’était plus en mesure de se représenter elle-même en raison de la liquidation judiciaire.

Quelles sont les implications de l’irrecevabilité de l’appel pour la société ?

Lorsque l’appel est déclaré irrecevable, cela signifie que la cour ne peut pas examiner le fond de l’affaire et que la décision de première instance est maintenue.

Dans ce cas, la société a été condamnée aux dépens d’appel, ce qui implique qu’elle doit supporter les frais liés à la procédure d’appel.

La décision de la cour de déclarer l’appel irrecevable a pour effet de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Chartres, qui avait condamné la société à payer la somme de 29 760 euros à l’URSSAF.

En conséquence, la société se trouve dans une situation défavorable, car elle doit non seulement payer la somme due, mais également les frais de la procédure d’appel.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88A

Ch.protection sociale 4-7

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 NOVEMBRE 2024

N° RG 23/03268 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WGME

AFFAIRE :

S.A.S. [7]

C/

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Septembre 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire de CHARTRES

N° RG : 22/00257

Copies exécutoires délivrées à :

Me Yoan BESSONNAT

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

SELARL [8]

Copies certifiées conformes délivrées à :

S.A.S. [7],

S.E.L.A.R.L. [8]

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. [7]

[Adresse 6]

[Localité 3]

non comparante, ni représentée

Ayant pour avocat Me Yoann BESSONNAT, de la SCP CHASSANY WATRELOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

S.E.L.A.R.L. [8], en la personne de Me [J] [E],en qualité de liquidateur de la SAS [7], dont le siège social se situe [Adresse 6]

[Adresse 5]

CS 20218

[Localité 2]

non comparante, ni représentée

APPELANTES

****************

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 4] / FRANCE

représentée par M. [C] [S], en vertu d’un pouvoir spécial

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Septembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente,

Madame Aurélie PRACHE, présidente de chambre,

Madame Charlotte MASQUART, conseillère,

Greffière, lors des débats et du prononcé : Madame Juliette DUPONT,

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d’un contrôle de l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires sur la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020, l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales du Centre-Val-de-Loire (l’URSSAF) a notifié à la société [7] (la société) une lettre d’observations, le 22 juillet 2021, aux termes de laquelle il était envisagé un redressement d’un montant de 29 760 euros portant sur un chef de redressement (comptes courants débiteurs).

Le 23 septembre 2021,la société a sollicité un délai supplémentaire pour fournir la régularisation d’écritures comptables qui seraient à l’origine du redressement.

Par courrier du 6 octobre 2021, l’URSSAF a maintenu le redressement en l’absence de justificatifs de corrections des écritures comptables.

L’URSSAF a notifié à la société une mise en demeure datée du 21 octobre 2021 pour le paiement de la somme totale de 30 517 euros, dont 29 760 euros de cotisations et 757 euros de majorations de retard.

La société a saisi la commission de recours amiable de l’URSSAF qui a rejeté son recours dans sa séance du 29 juin 2022.

Par jugement contradictoire en date du 29 septembre 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Chartres, saisi par la société, a :

– écarté les pièces versées aux débats par la société postérieurement à la période contradictoire ;

– condamné reconventionnellement la société à payer à l’URSSAF la somme de 29 760 euros ;

– débouté la société de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société aux entiers dépens.

Par déclaration du 16 novembre 2023, la société a interjeté appel par l’intermédiaire de son conseil et les parties ont été convoquées à l’audience du 24 septembre 2024.

La convocation par le greffe de la société étant revenue avec l’indication ‘Destinataire inconnu à l’adresse’, l’URSSAF a assigné, le 5 septembre 2024 à personne habilitée, la société [8], liquidateur judiciaire de la société, désignée par le tribunal de commerce de Chartres le 9 novembre 2023.

Le conseil de la société a écrit au greffe en précisant que la société avait été mise en liquidation judiciaire et qu’il n’avait pas été mandaté par le liquidateur judiciaire pour la représenter.

A l’audience, la société, représentée par son liquidateur judiciaire, n’a pas comparu ni été représentée.

A l’audience, l’URSSAF soulève l’irrecevabilité de l’appel interjeté par un conseil qui n’avait pas le pouvoir de représenter la société placée en liquidation judiciaire avant la déclaration d’appel.

L’URSSAF ne justifiant pas avoir notifié ses conclusions d’irrecevabilité au liquidateur judiciaire de la société, la cour a adressé, en délibéré, un avis aux parties afin qu’elles s’expliquent sur ce moyen.

Le liquidateur judiciaire ne s’est pas manifesté ni n’a apporté des observations sur l’avis en délibéré et les moyens soulevés par l’URSSAF.

L’URSSAF demande, à titre principal, l’irrecevabilité de l’appel et, à titre subsidiaire, la confirmation du jugement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 932 du code de procédure civile, l’appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour.

Aux termes de l’article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l’article L. 641-9 du code du commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l’activité professionnelle, même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

En l’espèce, la déclaration d’appel a été adressée au greffe de la Cour par le conseil de la société qui n’avait plus mandat de la représenter, celle-ci ayant été placée en liquidation judiciaire le 9 novembre 2023 et représentée par un liquidateur judiciaire qui n’avait pas donné mandat à l’avocat pour poursuivre la représentation de la société.

En conséquence, l’appel diligenté par une personne n’ayant pas qualité à agir est irrecevable.

La société, qui succombe à l’instance, est condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Déclare l’appel formé par la société [7] irrecevable ;

Y ajoutant,

Condamne la société [7] aux dépens d’appel ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente, et par Madame Juliette DUPONT, greffière, à laquelle la magistrate signataire a rendu la minute.

La greffière La conseillère


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