Conservation des preuves et opposabilité en cas de redressement judiciaire

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Conservation des preuves et opposabilité en cas de redressement judiciaire

L’Essentiel : Madame [Z] [S] et Monsieur [X] [R] ont engagé la société Archipel Bois Habitat pour construire leur maison sur le littoral des Trois Bassins. Rapidement, des désordres et des malfaçons sont apparus, entraînant une ordonnance d’expertise par le juge des référés le 28 mars 2024. En raison de la mise en redressement judiciaire de la société, les époux ont assigné les administrateurs judiciaires pour que les résultats de l’expertise leur soient opposables. Malgré une assignation régulière, ces derniers n’ont pas constitué avocat. Le tribunal a reconnu la légitimité de la demande d’opposabilité et a permis leur participation à l’expertise.

Contexte de la construction

Madame [Z] [S] et Monsieur [X] [R] ont entrepris la construction d’une maison sur une parcelle située sur le littoral des Trois Bassins, en confiant les travaux à la société Archipel Bois Habitat par le biais d’un contrat signé le 12 novembre 2020. Cependant, ils ont rapidement constaté des désordres, des retards et des malfaçons dans l’exécution des travaux.

Ordonnance d’expertise

Face à ces problèmes, le juge des référés a ordonné, le 28 mars 2024, une expertise confiée à Monsieur [U] pour évaluer les désordres constatés. Peu après, le conseil de la société Archipel Bois Habitat a informé l’expert que la société était en redressement judiciaire depuis un jugement rendu le 29 mai 2024.

Assignation des administrateurs judiciaires

Le 4 octobre 2024, Madame [S] et Monsieur [R] ont assigné la SELAS BL & Associés, en tant qu’administrateur judiciaire, et la SELARL [T] [Y], en tant que mandataire judiciaire, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint Denis de la Réunion. Ils souhaitaient que les opérations d’expertise ordonnées le 28 mars 2024 soient déclarées opposables à ces entités.

Absence de défense

Malgré une assignation régulière et un délai suffisant pour préparer leur défense, ni la SELAS BL & Associés ni la SELARL [T] [Y] n’ont constitué avocat pour se représenter lors de l’audience.

Décision du tribunal

Le tribunal a examiné la recevabilité et la régularité de la demande, conformément à l’article 472 du code de procédure civile. Il a constaté que Madame [S] et Monsieur [R] avaient un motif légitime pour demander l’extension de l’expertise, justifiant ainsi leur demande d’opposabilité des résultats de l’expertise à la SELAS BL & Associés et à la SELARL [T] [Y].

Conséquences financières

En ce qui concerne les dépens, le tribunal a décidé de laisser provisoirement les frais de l’instance à la charge de Madame [S] et Monsieur [R], considérant qu’il s’agissait d’une mesure probatoire pré-contentieuse.

Conclusion de l’ordonnance

Le juge des référés a statué en renvoyant les parties à se pourvoir, tout en réservant les droits et moyens des parties. Il a déclaré que les opérations d’expertise étaient communes et opposables aux deux entités judiciaires, leur permettant ainsi de participer à l’expertise et de faire valoir leurs droits. L’expert a été chargé d’inclure ces entités dans ses opérations d’expertise.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de recevabilité d’une demande en référé lorsque le défendeur ne comparaît pas ?

Conformément à l’article 472 du Code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le tribunal doit vérifier si la demande est recevable, régulière et bien fondée.

L’absence du défendeur ne saurait faire présumer ces trois conditions. Cela signifie que même si le défendeur ne se présente pas, le juge doit s’assurer que la demande de la partie demanderesse respecte les exigences légales.

Ainsi, le tribunal doit examiner si la demande est conforme aux règles de procédure, si elle est justifiée par des éléments de fait et de droit, et si elle ne contrevient pas à l’ordre public.

En résumé, la non-comparution du défendeur n’exonère pas le tribunal de son obligation de vérifier la validité de la demande.

Quelles sont les conditions pour ordonner une mesure d’instruction avant procès ?

L’article 145 du Code de procédure civile stipule que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

Cela signifie qu’une partie peut demander une mesure d’instruction, comme une expertise, si elle peut justifier d’un intérêt légitime à le faire.

Dans le cas présent, Madame [S] et Monsieur [R] ont démontré un intérêt manifeste à pouvoir opposer les résultats de l’expertise à la SELAS BL & Associés et à la SELARL [T] [Y].

Cette justification a permis au juge d’accéder à leur demande d’extension de l’expertise, en considérant qu’il y avait un motif légitime pour agir avant le procès.

Quelles sont les conséquences de l’absence de constitution d’avocat par le défendeur en référé ?

L’absence de constitution d’avocat par le défendeur, en l’occurrence la SELAS BL & Associés et la SELARL [T] [Y], ne prive pas le tribunal de sa compétence pour statuer sur la demande.

Cependant, cela peut avoir des conséquences sur la défense de ces parties. En effet, sans avocat, elles ne peuvent pas faire valoir leurs arguments de manière formelle et risquent de ne pas être en mesure de contester efficacement les demandes de la partie adverse.

Il est important de noter que le tribunal a l’obligation de s’assurer que les droits de toutes les parties sont respectés, même en l’absence de défense formelle.

Ainsi, le juge a décidé que les opérations d’expertise seraient communes et opposables à ces parties, leur permettant de participer et de faire valoir leurs droits.

Quelles sont les implications des dépens dans une procédure de référé ?

En matière de référé, les dépens sont généralement laissés à la charge de la partie qui a succombé. Dans cette affaire, le juge a décidé de laisser provisoirement les dépens à la charge de Madame [S] et Monsieur [R], malgré leur demande d’expertise.

Cela signifie que, même si leur demande a été partiellement accueillie, ils devront supporter les frais liés à cette procédure.

L’article 696 du Code de procédure civile précise que « les dépens comprennent les frais de justice exposés par les parties pour la conduite de l’instance ».

Il est donc essentiel pour les parties de prendre en compte ces frais lorsqu’elles engagent une procédure, car cela peut avoir un impact significatif sur le coût total de leur action en justice.

En conclusion, la décision sur les dépens reflète la nature pré-contentieuse de la mesure probatoire demandée.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°

CHAMBRE DES REFERES
AFFAIRE N° RG 24/00460 – N° Portalis DB3Z-W-B7I-G372
NAC : 54Z

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

AUDIENCE DU 21 Novembre 2024

DEMANDEURS

M. [X] [P], [V] [R]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Rep/assistant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Mme [Z] [S]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Rep/assistant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DEFENDERESSES

S.E.L.A.S. BL & ASSOCIES La SELAS BL & ASSOCIES, prise en la personne de Maître [D] [W], agissant es-qualité d’administrateur judiciaire de la société ARCHIPEL BOIS HABITAT BOURBON BOIS EXPERIENCE, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION sous le numéro 844 330 100, dont le siège social est sis [Adresse 4], tenant ses pouvoirs d’un jugement rendu par le Tribunal Mixte de Commerce de SAINT-PIERRE ouvrant la procédure de redressement judiciaire.
[Adresse 1]
[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. SELARL [T] [Y] prise en la personne de Maître [T] [Y], agissant es-qualité de mandataire judiciaire de la société ARCHIPEL BOIS HABITAT BOURBON BOIS EXPERIENCE, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION sous le numéro 844 330 100, dont le siège social est sis [Adresse 4], tenant ses pouvoirs d’un jugement rendu par le Tribunal Mixte de Commerce de SAINT-PIERRE ouvrant la procédure de redressement judiciaire.
[Adresse 3]
[Localité 5]

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

LORS DES DÉBATS :

Président : Catherine VANNIER
Greffier : Isabelle SOUNDRON 
Audience Publique du : 31 Octobre 2024

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Ordonnance prononcée le 21 Novembre 2024 , par décision réputée contradictoire en premier ressort, et par mise à disposition au greffe de la juridiction par Madame Catherine VANNIER, Première Vice-présidente, assisté de Madame Marina GARCIA, Greffier 

Copie exécutoire à Me Alain ANTOINE délivrée le :
Copie certifiée conforme à Maître délivrée le :

**************

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS

Madame [Z] [S] et Monsieur [X] [R] ont fait construire une maison d’habitation sur une parcelle située sur le littoral des Trois Bassins, travaux confiés à la société Archipel Bois Habitat dans le cadre d’un marché de travaux en date du 12 novembre 2020. Ils constataient de nombreux désordres, retards et malfaçons et, par décision du 28 mars 2024, le juge des référés a ordonné une expertise confié à Monsieur [U].

Le conseil de la société Archipel Bois Habitat informait l’expert du placement de la société en redressement judiciaire par jugement du 29 mai 2024.

Par acte de commissaire de justice en date du 4 octobre 2024, Madame [S] et Monsieur [R] ont assigné la SELAS BL & Associés ès-qualité d’administrateur judiciaire de la société Archipel Bois Habitat et la SELARL [T] [Y] ès-qualité de mandataire judiciaire de la société Archipel Bois Habitat devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint Denis de la Réunion aux fins de voir déclarer opposables les opérations d’expertise ordonnées le 28 mars 2024 dans l’instance qu’ils ont initiée.

Bien que régulièrement assignées et ayant eu un temps suffisant pour préparer leur défense, ni la SELAS BL & Associés ni la SELARL [T] [Y] n’ont constitué avocat.

L’affaire a été mise en délibéré au 21 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le tribunal doit vérifier si la demande est recevable, régulière et bien fondée. L’absence du défendeur ne saurait faire présumer ces trois conditions.
Sur l’extension de l’expertise :
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

Madame [S] et Monsieur [R] justifient d’un motif légitime pour obtenir la mesure d’extension réclamée dès lors qu’est établi un intérêt manifeste à pouvoir opposer à la SELAS BL & Associés et à la SELARL [T] [Y] les résultats de l’expertise déjà ordonnée.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de Madame [S] et Monsieur [R].

Sur les dépens :
Enfin, en l’état des éléments du litige et s’agissant d’une mesure probatoire pré-contentieuse, il y a lieu de laisser provisoirement les dépens de l’instance à la charge de Madame [S] et Monsieur [R].

PAR CES MOTIFS
Nous, Juge des référés, statuant par ordonnance réputée contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir, mais dès à présent, tous droits et moyens des parties réservées,

Disons que les opérations d’expertise confiées à Monsieur [G] [U] par ordonnance rendue le 28 mars 2024 sont communes et opposables à la la SELAS BL & Associés et à la SELARL [T] [Y] qui participeront de ce fait à l’expertise et seront en mesure d’y faire valoir leurs droits ès-qualité le cas échéant,

Disons que l’expert commis voit sa mission étendue pour inclure la SELAS BL & Associés et à la SELARL [T] [Y] parmi les parties à l’expertise diligentée et qu’il devra les appeler à participer aux opérations d’expertise dès réception de la présente ordonnance,

Disons que le greffe fera parvenir la présente ordonnance à l’expert désigné,

Disons que les dépens seront laissés à la charge de Madame [Z] [S] et Monsieur [X] [R],

Rappelons que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit en application de l’article 514 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé les jour, mois et an indiqués ci-dessus, et signé du Président et du Greffier.

Le Greffier, Le Président


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