L’Essentiel : Madame [D] [T], âgée de 59 ans, a souscrit un contrat d’assurance vie auprès de GROUPAMA GAN VIE le 1er juillet 1996. La clause bénéficiaire a été modifiée à plusieurs reprises, désignant successivement son époux, ses enfants, et d’autres bénéficiaires. À la suite du décès de l’assurée en 2018, Madame [M] [N] a demandé des précisions sur la clause, évoquant un manquement au devoir de conseil. En 2021, elle a saisi le Tribunal, demandant reconnaissance de ses droits et des dommages-intérêts. Le Tribunal a déclaré son action irrecevable, considérant qu’elle n’avait pas prouvé sa qualité d’ayant droit.
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Souscription du contrat d’assuranceMadame [D] [T], âgée de 59 ans, a souscrit un contrat d’assurance vie auprès de GROUPAMA GAN VIE le 1er juillet 1996. Le contrat stipule que, en cas de vie, le bénéfice revient à l’assurée, et en cas de décès, au conjoint, aux enfants, ou aux héritiers. Modifications de la clause bénéficiaireLa clause bénéficiaire a été modifiée plusieurs fois. En mars 2001, elle a été modifiée pour désigner Monsieur [A] [T], époux de l’assurée, et ses enfants. En février 2004, un avenant a ajouté Monsieur [K] [N], gendre de l’assurée. En septembre 2007, un projet d’avenant a proposé une répartition entre plusieurs bénéficiaires, mais n’a pas été régularisé. Un autre projet en novembre 2007 a également été proposé sans régularisation. En janvier 2009, la clause a été modifiée pour inclure plusieurs bénéficiaires, et en février 2015, elle a été modifiée à nouveau pour inclure Madame [M] [N] et d’autres. Décès de l’assurée et demandes d’informationsMadame [D] [T] est décédée le [Date décès 2] 2018. Suite à cela, plusieurs courriers ont été échangés entre GROUPAMA GAN VIE et Madame [M] [N], qui a demandé des précisions sur la clause bénéficiaire. En juillet 2020, elle a évoqué un manquement au devoir de conseil et a demandé réparation. Actions en justiceEn avril 2021, Madame [N] a renouvelé ses demandes, soulignant l’absence de lien de parenté entre certains bénéficiaires et l’assurée, ce qui aurait entraîné des droits de succession élevés. GROUPAMA a répondu que les bénéficiaires avaient été désignés dans des clauses précédentes. En mars 2022, Madame [M] [N] a saisi le Médiateur de l’assurance, et en mars 2023, elle a assigné Madame [P] [O] [B] [G] et GROUPAMA GAN VIE devant le Tribunal judiciaire de Meaux. Demandes de Madame [N]Dans ses conclusions, Madame [N] a demandé au Tribunal de reconnaître un manquement au devoir de conseil et d’information, notamment lors de la modification de la clause bénéficiaire. Elle a également demandé des dommages-intérêts pour le préjudice subi, affirmant que l’assurée n’avait pas été informée des conséquences fiscales des primes versées après 70 ans. Réponses des défenderessesLes défenderesses ont contesté la qualité d’ayant droit de Madame [N] et ont soutenu qu’elles n’avaient commis aucun manquement. Elles ont affirmé que la clause bénéficiaire avait été modifiée selon la volonté de l’assurée et que les bénéficiaires avaient été choisis librement. Elles ont également souligné que le préjudice allégué par Madame [N] n’était pas prouvé. Décision du TribunalLe Tribunal a déclaré irrecevable l’action de Madame [N] en tant qu’ayant droit de Madame [D] [T], en raison de l’absence de preuve de sa qualité d’ayant droit. Il a également débouté Madame [N] de ses demandes en son nom propre, considérant qu’elle n’avait pas démontré qu’elle aurait été la seule bénéficiaire du capital. Madame [N] a été condamnée aux dépens et à verser des sommes à Madame [P] [O] [B] [G] et à GROUPAMA GAN VIE au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le devoir de conseil de l’assureur en matière d’assurance-vie ?Le devoir de conseil de l’assureur est un principe fondamental en matière d’assurance, notamment en ce qui concerne les contrats d’assurance-vie. Selon l’article 1147 du Code civil, « Le débiteur est tenu de réparer le dommage causé par son inexécution, lorsqu’elle est imputable à sa faute. » Cela signifie que l’assureur doit informer le souscripteur des conséquences de ses choix, notamment en ce qui concerne la désignation des bénéficiaires et les implications fiscales de ces choix. En l’espèce, Madame [N] soutient que l’assureur n’a pas respecté ce devoir de conseil lors de la modification de la clause bénéficiaire et lors de la capitalisation des primes versées après 70 ans. Il est donc essentiel que l’assureur fournisse des informations claires et précises sur les conséquences fiscales et successorales des décisions prises par le souscripteur, afin d’éviter tout préjudice. Quelles sont les conséquences de la désignation de bénéficiaires tiers dans un contrat d’assurance-vie ?La désignation de bénéficiaires tiers dans un contrat d’assurance-vie peut avoir des conséquences fiscales significatives. Selon l’article L. 511-1 du Code des assurances, « Les sommes versées au titre d’un contrat d’assurance-vie sont exonérées de droits de succession dans la limite de 152 500 euros par bénéficiaire, pour les primes versées avant 70 ans. » Cependant, pour les primes versées après 70 ans, les sommes sont soumises aux droits de succession, ce qui peut entraîner une imposition à hauteur de 60% pour les bénéficiaires n’ayant pas de lien de parenté avec le souscripteur. Dans le cas présent, Madame [N] fait valoir que les bénéficiaires Mademoiselle [V] [N] et Monsieur [H] [N] n’ayant pas de lien de parenté avec l’assurée, sont soumis à ces droits de succession à taux plein. Il est donc crucial pour le souscripteur d’être conscient des implications fiscales de ses choix de bénéficiaires. Comment la qualité d’ayant droit est-elle déterminée dans une procédure judiciaire ?La qualité d’ayant droit est déterminée par la capacité d’une personne à agir en justice au nom d’une autre. Selon l’article 122 du Code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité. » Dans le cas présent, Madame [N] a été déclarée irrecevable dans sa demande en qualité d’ayant droit de Madame [D] [T] car elle n’a pas produit de justificatif de sa qualité d’ayant droit. Il est donc impératif pour toute personne souhaitant agir en justice au nom d’un tiers de fournir les preuves nécessaires établissant sa qualité d’ayant droit. Quelles sont les implications de la modification de la clause bénéficiaire sur les droits des héritiers ?La modification de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie peut avoir des implications significatives sur les droits des héritiers. Selon l’article 1384 du Code civil, « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre. » Dans cette affaire, la modification de la clause bénéficiaire a conduit à une répartition des sommes entre plusieurs bénéficiaires, ce qui a pu réduire la part des héritiers légaux. Madame [N] soutient que si la clause bénéficiaire n’avait pas été modifiée, elle aurait pu prétendre à l’intégralité du capital souscrit. Il est donc essentiel de comprendre que les modifications apportées à la clause bénéficiaire peuvent affecter non seulement les bénéficiaires désignés, mais également les droits des héritiers légaux. Quels sont les critères pour établir un préjudice en matière de responsabilité civile ?Pour établir un préjudice en matière de responsabilité civile, il est nécessaire de prouver l’existence d’un dommage, d’une faute et d’un lien de causalité entre les deux. Selon l’article 1353 du Code civil, « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit prouver les faits qui lui donnent droit à cette exécution. » Dans le cas présent, Madame [N] prétend avoir subi un préjudice en raison d’un manquement au devoir de conseil de l’assureur. Cependant, elle n’a pas démontré que ce manquement lui a causé un préjudice direct et certain. Il est donc crucial de fournir des preuves tangibles du préjudice subi pour obtenir réparation en justice. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Date de l’ordonnance de
clôture : 17 juin 2024
Minute n°24/918
N° RG 23/01406 – N° Portalis DB2Y-W-B7H-CC74J
Le
CCC : dossier
FE :
-Me NEGREVERGNE
-Me PAIN
-Me LABASSE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSE
Madame [M] [N] agissant tant à titre personnel qu’en qualité d’ayant droit de sa mère, Madame [D] [T] née [E], décédée le [Date décès 2] 2018
[Adresse 1]-[Localité 6]
représentée par Maître Jean-charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE FONTAINE DESENLIS, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant
DEFENDERESSES
S.A. GROUPAMA GAN VIE
[Adresse 7]-[Localité 5]
représentée par Maître Florence PAIN de la SCP IEVA-GUENOUN/PAIN, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant
Madame [O] [P]
NOM D’USAGE [L]
[Adresse 3]-[Localité 4]
représentée par Maître Dorothée LABASSE de la SELAS Burguburu Blamoutier Charvet Gardel & Associés, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
Présidente : Mme RETOURNE, Juge
Assesseurs: Mme GRAFF, Juge
M. ETIENNE, Juge
Jugement rédigé par : Mme RETOURNE, Juge
DEBATS
A l’audience publique du 10 Octobre 2024
GREFFIERE
Lors des débats et du délibéré : Mme CAMARO, Greffière
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Mme RETOURNE, Présidente, ayant signé la minute avec Mme CAMARO, Greffière ;
Madame [D] [T], alors âgée de 59 ans, a souscrit un contrat d’assurance sur la vie auprès de la société GROUPAMA GAN VIE à effet du 1er juillet 1996.
Lors de la souscription, il était prévu que le bénéfice du contrat soit attribué, sauf stipulations
contraires :
– En cas de vie : à l’assurée;
– En cas de décès : au conjoint de l’assuré, à défaut ses enfants, à défaut aux autres héritiers.
Aux termes d’un avenant en date du 15 mars 2001, la clause bénéficiaire a été modifiée, prévoyant qu’en cas de décès, le contrat profite à Monsieur [A] [T], époux de l’assurée, à défaut, et à parts égales, à Madame [M] [N] née [T], fille de l’assurée, et à Monsieur [Z] [T], fils de l’assurée, à défaut aux héritiers de l’assurée.
Aux termes d’un avenant en date du 11 février 2004, la clause bénéficiaire a été modifiée pour prévoir qu’en cas de décès le contrat profite à Monsieur [A] [T], époux de l’assurée, à défaut à Madame [M] [N], née [T], fille de l’assurée, à défaut, Monsieur [K] [N], gendre de l’assurée, époux de Madame [M] [N], née [T], à défaut les héritiers de l’assurée.
Aux termes d’un projet d’avenant en date du 6 septembre 2007, la clause bénéficiaire aurait été modifiée pour prévoir qu’en cas de décès le contrat profite à 50% à Madame [M] [N], 25% à Monsieur [U] [T], 25% à Mademoiselle [S] [T]. L’avenant n’a pas été régularisé par Madame [T].
Aux termes d’un projet d’avenant du 7 novembre 2007, la clause bénéficiaire aurait été modifiée pour prévoir qu’en cas de décès le contrat profite à 25% à Mademoiselle [F] [N], à 25% à Mademoiselle [W] [N], à 12,5% à Monsieur [U] [T], à 12,5% à Mademoiselle [S] [T], à 12,5% à Mademoiselle [V] [N], à 12,5% à Monsieur [H] [N]. L’avenant n’a pas été régularisé par Madame [T].
Aux termes d’un avenant du 7 janvier 2009, la clause bénéficiaire est modifiée comme suit: en cas de décès le contrat profite à parts égales, à Mademoiselle [W] [N], Mademoiselle [F] [N], Mademoiselle [V] [N], Monsieur [H] [N], à défaut de l’un, le ou les survivants; à défaut de l’un, Madame [M] [N], à défaut, les héritiers de l’assurée.
Aux termes d’un avenant en date du 18 février 2015, signé par Madame [D] [T] le 27 février 2015, la clause bénéficiaire a été modifiée pour prévoir qu’ en cas de décès le contrat profite à parts égales, à Madame [M] [N], née [T], Mademoiselle [W] [N], Mademoiselle [F] [N], Mademoiselle [V] [N], Monsieur [H] [N], à défaut de l’un, les survivants, à défaut, Monsieur [K] [N], à défaut, les héritiers de l’assurée.
Mademoiselle [W] [N] et Mademoiselle [F] [N] sont les filles de Madame [M] [N], née [T]. Mademoiselle [V] [N] et Monsieur [H] [N] sont les neveux de Monsieur [K] [N],
L’assurée est décédée le [Date décès 2] 2018.
Plusieurs courriers ont été échangés entre GROUPAMA GAN Vie et Madame [M] [N], fille de l’assurée, qui a sollicité des précisions.
Suivant courrier daté du 23 juillet 2020, Madame [N] a réitéré ses demandes d’informations en évoquant un manquement au titre du devoir de conseil et en sollicitant réparation.
Le 24 août 2020, GROUPAMA lui a répondu.
Par lettre d’avocat en date du 15 avril 2021, Madame [N] a renouvelé ses demandes en insistant notamment sur l’absence de lien de parenté entre les bénéficiaires Mademoiselle [V] [N] et Monsieur [H] [N], et l’assurée, de sorte qu’ils étaient soumis aux droits de succession à taux plein à hauteur de 60%.
Par courrier du 31 mai 2021, la société GROUPAMA GAN VIE a précisé que les quatre bénéficiaires, autres que Madame [M] [N], avaient tous déjà été désignés au titre des deux clauses bénéficiaires précédentes si bien que la volonté de gratifier ces personnes était clairement établie.
Par courrier du 08 mars 2022, notifié le 10 mars 2022, Madame [M] [N] a saisi le
Médiateur de l’assurance.
Par acte remis à personne les 10 et 15 mars 2023, [M] [N] a assigné Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] et GROUPAMA GAN VIE devant le Tribunal judiciaire de Meaux
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 juin 2024, Madame [N] sollicite du Tribunal de :
“A TITRE PRINCIPAL
Vu l’article 1147 du Code civil,
DIRE que Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L]
et la société GROUPAMA GAN VIE ont manqué à leur devoir de conseil et d’information — notamment:
-Lors de la modification de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie par avenant du 18 février 2015 — dont ils étaient débiteurs à l’égard de Madame [D] [T], aux droits de laquelle vient Madame [M] [N];
– Lors de la capitalisation de ce contrat avec des primes versées après 70 ans. .
A TITRE SUBSIDIAIRE
Vu les articles L. 511-1 du Codes des assurances et 1384 du Code civil,
DIRE que la responsabilité de la société GROUPAMA GAN VIE est engagée à l’égard de Madame [D] [T], aux droits de laquelle vient Madame [M] [N], en raison de la négligence de son mandataire, Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L], notamment:
-Lors de la modification de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie par avenant du 18 février 2015 — dont ils étaient débiteurs à l’égard de Madame [D] [T], aux droits de laquelle vient Madame [M] [N];
– Lors de la capitalisation de ce contrat avec des primes versées après 70 ans.
EN TOUTE HYPOTHESE
DIRE que les manquements de Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] et de la société GROUPAMA GAN VIE causent un préjudice à Madame [M] [N], tant à titre personnel, qu’en qualité d’ayant-droit de l’assurée.
DEBOUTER Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L], et la société GROUPAMA GAN VIE de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER in solidum, ou l’une à défaut de l’autre, Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] et la société GROUPAMA GAIN VIE à indemniser Madame [M] [N], tant à titre personnel, qu’en qualité d’ayant-droit de l’assurée, en lui versant la somme de 80.000,00 euros à titre de dommages-intérêts.
CONDAMNER in solidum, ou l’une à défaut de l’autre, Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] et la société GROUPAMA GAN VIE à verser à Madame [M] [N] la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
– N° RG 23/01406 – N° Portalis DB2Y-W-B7H-CC74J
CONDAMNER les mêmes aux dépens.
DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire
Elle fait valoir que Mme [T] n’a reçu aucune information ni mise en garde s’agissant des conséquences fiscales liées au versement de primes après 70 ans et à la désignation de tiers étrangers en tant que bénéficiaires. Elle se prévaut d’une perte de chance subie par Mme [T] aux droits de laquelle elle vient, de ne pas souscrire de contrat d’assurance vie, alors qu’il existait des placements plus intéressants et de ne pas désigner au titre des bénéficiaires des tiers étrangers afin d’éviter des droits de mutation de 60%. Elle ajoute que Madame [T] n’aurait pas modifié la clause bénéficiaire au regard de la modicité de la somme revenant à [V] et [H] [N] après imposition et qu’elle leur aurait fait des versements aux fêtes.
Elle indique que l’assureur en matière d’assurance vie est tenu vis à vis du souscripteur à un devoir de conseil et d’information sur les incidences fiscales et successorales au regard de sa situation.
Elle conclut sur le fondement de l’article 1147 du code civil et à titre subsidiaire de l’article 1384 du code civil, que Madame [T], aux droits de laquelle elle vient, a subi un préjudice direct et certain compte tenu de la diminution de son patrimoine au profit de l’administration fiscale selon des conditions auxquelles elle n’aurait pas consenti si elle avait été informée.
Elle fait valoir au visa de l’article 1382 du code civil, que, bien que tiers au contrat, elle est fondée à se prévaloir d’un manquement contractuel, si ce manquement lui a causé un préjudice et ajoute que les fonctions bancaires qu’elle occupe sont indifférentes car elle n’a jamais été informée des contrats et avenants souscrits par sa mère.
Elle affirme que si la clause bénéficiaire n’avait pas été modifiée, elle pouvait prétendre à l’intégralité du capital souscrit.
Elle ajoute que la non-divulgation de pièces justifie qu’en tout état de cause, il ne soit pas fait droit aux demandes de frais irrépétibles présentées par les défenderesses.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 mars 2024, Madame [O] [P] [L], sollicite du Tribunal au visa de l’article 32 et 125 du code de procédure civile de
– Débouter Mme [M] [N] de ses demandes, fins et prétentions contre Mme [P] [L].
En toute hypothèse,
– Ecarter l’exécution provisoire.
À titre reconventionnel,
– Condamner Mme [M] [N] à verser à Mme [P] [L] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du CPC.
– Condamner Mme [M] [N] aux dépens.
Elle fait valoir qu’elle est entrée en fonction le 1er janvier 2013 et que le dernier versement date de 2010 et en déduit qu’il ne peut lui être reproché d’avoir manqué à son devoir de conseil et d’information lors de la capitalisation de ce contrat avec des primes versées après 70 ans.
Au visa des articles 32 et 125 du code de procédure civile, elle fait valoir que la demande et l’action de Madame [N] en qualité d’ayant droit sont irrecevables car elle ne justifie pas de sa qualité d’ayant droit.
Elle indique qu’il n’existait pas de lien contractuel entre elle et Madame [T], car elle n’a jamais été partie au contrat d’assurance, elle est recherchée comme mandataire de l’assureur.
Elle ajoute que Madame [T] était seule créancière des obligations d’information et de mise en garde. Elle indique que seuls [V] [N] et [H] [N], soumis à des droits de mutation de 60% sur leur quote part auraient pu être pénalisés. Elle précique que Madame [N] n’apporte pas la preuve que Madame [T] n’aurait pas modifié la clause bénéficiaire si elle avait été informée et que la volonté de Madame [T] de rédiger spécifiquement des clauses bénéficiaires résulte des pièces. Elle indique que la désignation de [V] et [H] [N] comme bénéficiaires n’établit pas un défaut d’information ou de conseil mais une volonté de leur transmettre une part du capital du contrat d’assurance vie, et qu’aucune configuration n’aurait permis d’éviter les 60% de droits de succession et que l’objectif de Madame [T] n’était pas une optimisation fiscale mais une gratification et de percevoir les intérêts attachés à ce contrat.
A titre infiniment subsidiaire, elle souligne que le manquement à une obligation d’information et de conseil se traduit exclusivement par un préjudice de perte de chance et sa réparation ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Elle conclut qu’il n’est pas établi que Madame [N] aurait eu vocation à recevoir la totalité des fonds du contrat d’assurance vie de sa mère.
Elle fait valoir que le préjudice de la mère de Madame [N] est inexistant car elle ne s’est pas acquittée des droits de succession et donc cela n’a pas entraîné de diminution de son patrimoine. Concernant le préjudice invoqué par Madame [N], elle indique que si l’avenant précédent avait eu à s’appliquer, il ne désignait pas Madame [N] comme bénéficiaire de 1er rang.
Elle ajoute que Madame [N] n’a pas, dans ses correspondances précédant le contentieux, sollicité la communication de l’avenant de 2009.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 mars 2024, GROUPAMA GAN VIE sollicite du Tribunal au visa des articles 9 et 514-1 du Code de procédure civile et 1353 du Code civil:
“Juger que Madame [M] [N] ne démontre avoir qualité à agir au nom de Madame [D] [T],
Juger que la Cie GROUPAMA GAN VIE n’a commis aucun manquement à l’obligation d’information et de conseil,
Juger que Madame [T] n’a subi aucun préjudice,
Juger que Madame [N] ne démontre pas que Madame [T] aurait subi un préjudice,
En conséquence,
DEBOUTER Madame [N] tant en son nom personnel qu’en qualité d’ayant-droit de Madame [T], de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
CONDAMNER Madame [N] à verser la somme de 2 500 € à Monsieur [X] et à GROUPAMA GAN VIE au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par Maître Florence PAIN de la SCP IEVA-GUENOUN PAIN, Avocats au Barreau de MEAUX, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
ECARTER l’exécution provisoire “
Il fait valoir que Mme [N] ne démontre pas sa qualité d’ayant droit et précise que l’indemnité d’un préjudice subi par Mme [T] reviendrait à sa succession et devrait suivre la dévolution successorale et qu’elle ne justifie pas être l’unique ayant droit de Madame [T].
Il indique que l’avenant de 2015 correspond à la demande de l’assurée et à sa volonté puisqu’elle l’a régularisé. Il ajoute que le principe de la clause bénéficiaire est de désigner librement tout bénéficiaire de son choix, y compris un tiers et qu’il n’a pas été informé des liens de parenté entre les bénéficiaires et l’assurée.
Il indique qu’aucune faute contractuelle n’est démontrée, l’agent général d’assurance étant tenu à une obligation d’information à l’égard du souscripteur d’une assurance-vie sur l’opération d’assurance et non sur la fiscalité, à moins qu’il ne soit spécifiquement interrogé par les assurés sur ce point. Il fait valoir au visa de l’article 9 du code de procédure civile, que la charge de la preuve pèse sur Mme [N] et que la désignation des personnes sans lien de parenté ne signifie pas nécessairement que Mme [T] n’a pas été informée.
Il indique que le versement de primes d’assurance-vie après 70 ans demeure intéressant dans certaines conditions et que les personnes sans lien de parenté auraient réglé les mêmes droits de succession si ces sommes leur avaient été versées dans le cadre de la succession.
Il fait valoir que Madame [N] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice consécutif au manquement allégué. Il indique que le droit à réparation de Madame [T] relèverait de la succession. Il fait valoir que celle-ci a exprimé à 3 reprises son souhait de gratifier [F] et [H] [N], régularisant deux avenants conformes à ce choix et il n’est pas établi que la fiscalité dans le cadre d’une succession classique aurait été plus attractive.
– N° RG 23/01406 – N° Portalis DB2Y-W-B7H-CC74J
Quant au préjudice subi par Madame [T], il ajoute que la taxation des droits de mutation intervient après le décès, ne rentre donc pas dans le patrimoine et a fortiori n’est pas transmis.
Quant au préjudice subi par Madame [M] [N], il indique qu’elle ne démontre pas de préjudice personnel, la supposition que Madame [T] éclairée aurait préféré la désigner comme seule bénéficiaire de son épargne, ne prend pas en compte la volonté de Madame [T] exprimée en 2008 et 2015 de gratifier ses neveux par alliance.
Il ajoute quant aux frais irrépétibles que la rétention d’information évoquée par Madame [N] ne repose sur rien.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.
La clôture a été prononcée le 17 juin 2024, par ordonnance du même jour.
L’affaire a été entendue le 10 octobre 2024 et mise en délibéré au 21 novembre 2024.
I. Sur les demandes de Madame [N] en qualité d’ayant droit de Madame [T]
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile: “Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.”
Aux termes de l’article 125 du code de procédure civile: “Les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.
Le juge peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.
Lorsqu’une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir.”
En l’espèce, Madame [N] a assigné les défenderesses et formule des demandes à titre personnel et en qualité d’ayant droit de sa mère, Madame [D] [T].
Elle n’a pas produit de justificatif de sa qualité d’ayant droit.
Les défenderesses ont évoqué dans leurs écritures la question de la qualité d’ayant droit et de seule ayant droit de Madame [N].
Madame [N] ne produit cependant aucun élément établissant la qualité d’ayant droit sur le fondement duquel elle agit.
En conséquence, son action engagée en sa qualité d’ayant droit de Madame [D] [T] sera déclarée irrecevable.
II. Sur les demandes de Madame [N] en son nom propre
Madame [N] fait valoir que son préjudice résulte du fait qu’elle a perdu une chance que Madame [T], éclairée, n’aurait pas modifié la précédente clause bénéficiaire en application de laquelle elle se serait vu allouer la totalité du capital.
Elle indique par ailleurs, ne pas contester que la modification de la clause bénéficiaire au profit de ses neveux reflète le choix de sa mère défunte, mais conteste que celui-ci ait été éclairé.
Elle conclut également que Madame [T] aurait largement mieux fait de faire cadeau à [V] et [H] [N] de ces deniers à l’occasion de fêtes.
D’une part, aux termes d’un avenant du 7 janvier 2009, la clause bénéficiaire a été modifiée comme suit: en cas de décès le contrat profite à parts égales, à Mademoiselle [W] [N], Mademoiselle [F] [N], Mademoiselle [V] [N], Monsieur [H] [N], à défaut de l’un, le ou les survivants; à défaut de l’un, Madame [M] [N], à défaut, les héritiers de l’assurée.
D’autre part dans le contrat initial ou ses avenants, Madame [M] [N] n’était soit pas la seule bénéficiaire, soit pas bénéficiaire en premier lieu.
Enfin, Madame [M] [N] ne démontre pas qu’il existait un autre placement plus conforme aux souhaits de Madame [T] et qui aurait engendré quelle soit seule bénéficiaire.
En conséquence, quand bien même l’avenant de 2015 n’aurait pas été conclu, aucun élément ne vient démontrer que Madame [M] [N] aurait été seule bénéficiaire de l’intégralité du capital souscrit ou a perdu une chance d’y prétendre.
Elle sera donc déboutée de sa demande.
III. Sur les autres demandes
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, Madame [M] [N] sera condamnée aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Maître Florence PAIN de la SCP IEVA-GUENOUN PAIN, Avocats au Barreau de MEAUX pour ceux exposés dans l’intérêt de GROUPAMA GAN VIE.
Sur l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile
En application de l’article 700 1° du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Madame [N] fait valoir qu’elle a dû engager la présente procédure pour obtenir des documents relatifs à l’historique du contrat d’assurance vie. Toutefois, la communication de ces éléments est indifférente à l’introduction et au maintien de la présente procédure, puisqu’aucune demande de communication de pièce n’était formulée par Madame [N] dans son assignation et que sa demande principale de condamnation in solidum des défenderesses à 80000 euros n’a pas évolué à réception de ces pièces.
Il convient de condamner Madame [M] [N] à payer à Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– N° RG 23/01406 – N° Portalis DB2Y-W-B7H-CC74J
Il convient de condamner Madame [M] [N] à payer à la société GROUPAMA GAN VIE la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de débouter Madame [M] [N] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l’exécution provisoire
L’article 514 du Code de procédure civile, issu de l’article 3 du décret du 19 novembre 2019 applicable aux instances introduites au 1er janvier 2020, dispose que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
En conséquence, l’exécution provisoire est de droit et il n’y a pas lieu d’en disposer autrement.
Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,
DECLARE irrecevable l’action engagée par Madame [M] [N] en qualité d’ayant-droit de l’assurée Madame [D] [T] contre Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] et la société GROUPAMA GAN VIE;
DEBOUTE Madame [M] [N] agissant à titre personnel de sa demande de condamnation in solidum de Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] et la société GROUPAMA GAN VIE à la somme de 80.000,00 euros à titre de dommages-intérêts;
CONDAMNE Madame [M] [N] aux dépens, qui seront recouvrés par Maître Florence PAIN de la SCP IEVA-GUENOUN PAIN, Avocats au Barreau de MEAUX pour ceux exposés pour GROUPAMA GAN VIE,
CONDAMNE Madame [M] [N] à payer à Madame [P] [O] [B] [G], nom d’usage [L] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Madame [M] [N] à payer à la société GROUPAMA GAN VIE la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE Madame [M] [N] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
REJETTE toute demande autre plus ample ou contraire.
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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