Incapacité mentale et validité des modifications de clauses bénéficiaires en assurance-vie

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Incapacité mentale et validité des modifications de clauses bénéficiaires en assurance-vie

L’Essentiel : Les consorts [Y] ont assigné SOGECAP et l’association LIGUE CONTRE LE CANCER en mai 2022, demandant l’annulation d’un avenant à la clause bénéficiaire de contrats d’assurance-vie de leur grand-mère, Madame [R] [E]. Ils soutiennent qu’elle était en état d’insanité d’esprit lors de la modification. Les défenderesses contestent la recevabilité des demandes et soulèvent une exception d’incompétence. Lors de l’audience du 9 octobre 2024, le juge a jugé que la lettre de modification était cohérente, rejetant ainsi l’argument d’insanité. La procédure se poursuivra pour la réintégration des primes d’assurance dans la succession, avec une audience prévue le 22 janvier 2025.

Contexte de l’affaire

Les consorts [Y], composés de Madame [T] [Y], Monsieur [D] [Y], Monsieur [W] [Y] et Monsieur [K] [Y], ont assigné la société SOGECAP et l’association LIGUE CONTRE LE CANCER en mai 2022. Ils cherchent à annuler un avenant à la clause bénéficiaire de plusieurs contrats d’assurance-vie souscrits par leur grand-mère, Madame [R] [E], en raison d’une prétendue insanité d’esprit au moment de la modification de cette clause.

Demandes des consorts [Y]

Les consorts [Y] demandent l’annulation de l’avenant du 6 septembre 2019, la condamnation de SOGECAP à leur verser un quart du capital décès, la réintégration d’une somme de 227 000 euros dans la succession de leur grand-mère, ainsi que des condamnations à des frais et dépens. Ils soutiennent que leur grand-mère n’était pas en état de modifier la clause bénéficiaire.

Réponses des défenderesses

L’association LIGUE CONTRE LE CANCER et SOGECAP contestent la recevabilité des demandes des consorts [Y]. Elles soulèvent une exception d’incompétence et demandent que les consorts soient déclarés irrecevables dans leur action en nullité. Elles sollicitent également des condamnations financières à leur encontre.

Débats et décisions préliminaires

Lors de l’audience du 9 octobre 2024, les parties ont maintenu leurs positions respectives. Le juge a précisé que les demandes de constatation ne sont pas considérées comme des demandes au sens du code de procédure civile. Il a également examiné la recevabilité de l’exception d’incompétence soulevée par les consorts [Y].

Analyse de la compétence du juge

Le juge a rappelé que les exceptions doivent être soulevées avant toute défense au fond. Les consorts [Y] ont été jugés recevables à soulever l’incompétence du juge de la mise en état, tandis que l’exception d’incompétence soulevée par l’association et SOGECAP a été rejetée.

Insanité d’esprit et recevabilité de la demande

Les consorts [Y] ont fait valoir que leur grand-mère n’était pas saine d’esprit lors de la modification de la clause bénéficiaire. Cependant, le juge a constaté que la lettre de modification était rédigée de manière cohérente et intelligible, ne prouvant pas l’existence d’un trouble mental. Les conditions légales pour une action en nullité n’étaient pas remplies, rendant leur demande irrecevable.

Suite de la procédure

L’instance se poursuivra concernant la demande des consorts [Y] relative à la réintégration des primes d’assurance dans la succession de leur grand-mère. La cause a été renvoyée à une audience de mise en état dématérialisée prévue pour le 22 janvier 2025, permettant aux défenderesses de conclure au fond. Les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile ont été réservés.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de recevabilité d’une exception d’incompétence selon le Code de procédure civile ?

L’article 74 du Code de procédure civile stipule que les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond et toute fin de non-recevoir.

Il est précisé que la défense au fond désigne tout moyen tendant à voir débouter l’adversaire de ses demandes au motif qu’elles sont infondées.

Les fins de non-recevoir, quant à elles, sont définies à l’article 122 du même code.

Elles incluent des moyens tendant à voir déclarer l’adversaire irrecevable en ses demandes, tels que le défaut de qualité à agir, le défaut d’intérêt à agir, la prescription, le délai préfixe et la chose jugée.

Ainsi, dans le cas présent, les consorts [Y] ont soulevé une exception d’incompétence après avoir formulé d’autres demandes, ce qui a été jugé recevable par le tribunal.

Quelles sont les implications de l’article 414-1 du Code civil concernant la santé mentale lors de la modification d’une clause bénéficiaire ?

L’article 414-1 du Code civil stipule que pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit.

C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.

Dans le cas présent, les consorts [Y] soutiennent que Madame [E] n’était pas saine d’esprit lors de la modification de la clause bénéficiaire.

Cependant, la lettre du 6 septembre 2019, par laquelle elle a demandé ce changement, est rédigée de manière cohérente et intelligible.

Il n’est pas prouvé que Madame [E] était sous sauvegarde de justice ou qu’une action avait été introduite pour ouvrir une curatelle ou une tutelle.

Ainsi, les conditions légales pour annuler la modification de la clause bénéficiaire pour insanité d’esprit ne sont pas remplies, rendant la demande des consorts [Y] irrecevable.

Quelles sont les conséquences de l’article 414-2 du Code civil sur l’action en nullité après le décès de l’intéressé ?

L’article 414-2 du Code civil précise que, de son vivant, l’action en nullité de l’acte doit être intentée par l’intéressé.

Après son décès, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par les héritiers pour insanité d’esprit que dans certains cas.

Ces cas incluent :

1. Si l’acte porte en lui-même la preuve du trouble mental.
2. Si l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice.
3. Si une action a été introduite avant son décès aux fins d’ouverture d’une curatelle, d’une tutelle ou d’une habilitation familiale.

Dans cette affaire, les consorts [Y] n’ont pas pu prouver que les conditions pour agir en nullité étaient remplies, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de leur demande.

Comment le juge de la mise en état a-t-il statué sur la demande de réintégration des primes d’assurance dans la succession ?

Le juge de la mise en état a décidé que l’instance se poursuivrait concernant la demande des consorts [Y] visant à la réintégration des primes d’assurance manifestement excessives dans la succession de Madame [E].

Cette décision a été prise après avoir rejeté la demande d’annulation pour insanité d’esprit, ce qui a permis de concentrer l’attention sur la question des primes d’assurance.

Le tribunal a renvoyé la cause et les parties à une audience de mise en état dématérialisée pour permettre aux défenderesses de conclure au fond.

Les dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile ont été réservés, ce qui signifie que les questions de frais et d’indemnisation des avocats seront traitées ultérieurement.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] 3 copies exécutoires
délivrées le :
– Me RAVANAS
– Me CUTARD
– Me GEORGEON
+ 1 copie dossier

5ème chambre
2ème section

N° RG 22/06118
N° Portalis 352J-W-B7G-CW3WA

N° MINUTE :

Assignation du :
13 Mai 2022

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 21 Novembre 2024

DEMANDEURS

Madame [T] [Y] épouse [F]
[Adresse 1]
[Localité 8]/FRANCE
représentée par Maître Emmanuel RAVANAS de la SELEURL ERAVANAS – AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #D1318

Monsieur [K] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 4]/FRANCE
représenté par Maître Emmanuel RAVANAS de la SELEURL ERAVANAS – AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #D1318

Monsieur [D] [Y]
[Adresse 11]
[Localité 6]
représenté par Maître Emmanuel RAVANAS de la SELEURL ERAVANAS – AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #D1318

Monsieur [W] [Y]
[Adresse 5]
[Localité 10]/FRANCE
représenté par Maître Emmanuel RAVANAS de la SELEURL ERAVANAS – AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #D1318

DEFENDERESSES

Société SOGECAP
[Adresse 12]
[Localité 9]
représentée par Me Corinne CUTARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1693

Association LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Maître Anne GEORGEON de la SELEURL SAPIENCEE AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #L0177

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Monsieur Antoine DE MAUPEOU, Premier Vice-Président Adjoint

assisté de Madame Romane BAIL, Greffier

DEBATS

A l’audience du 09 octobre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 21 Novembre 2024.

ORDONNANCE

Prononcée par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

Vu les assignations délivrées les 13 et 20 mai 2022 à la requête de Madame [T] [Y], Monsieur [D] [Y], Monsieur [W] [Y] et Monsieur [K] [Y] à l’encontre de la société SOGECAP et l’association LIGUE CONTRE LE CANCER afin d’obtenir :

L’annulation d’un avenant à la clause bénéficiaire des contrats PRECAP numéro 00022/0114844 4, SEQUOIA numéro 00216/7376046 4 et SEQUOIA numéro 00216/6334931 0 en date du 6 septembre 2019 pour insanité d’esprit sur le fondement des articles 414-1 et 901 du code civil,
La condamnation de la société SOGECAP à verser à chacun d’entre eux du quart du capital décès prévu à ces contrats en pleine propriété, les capitaux versés produisant intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
A titre subsidiaire, la réintégration dans la succession de Madame [R] [Y] de la somme de 227 000 euros représentant des primes manifestement exagérées versées au titre des contrats d’assurance suscités avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
L’exécution provisoire de la décision à intervenir,
La condamnation in solidum des défenderesses à leur payer à chacun la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
La condamnation in solidum des défenderesses aux dépens ;
Vu les conclusions d’incident signifiées pour la dernière fois le 7 octobre 2024 par voie électronique aux termes desquelles l’association LIGUE CONTRE LE CANCER :

Soulève l’irrecevabilité de la demande formulée par les consorts [Y] tendant à ce que le juge de la mise en état se déclare incompétent pour statuer sur le présent incident, à titre subsidiaire, demande le rejet de cette exception d’incompétence,
Demande à voir les consorts [Y] déclarés irrecevable en leur action en nullité pour insanité d’esprit des avenants à la clause bénéficiaire des contrats d’assurance la désignant comme unique bénéficiaire,
Sollicite la condamnation solidaire des consorts [Y] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’incident ;
Vu les conclusions d’incident signifiées de la même manière, pour la dernière fois le 8 octobre 2024 aux termes desquelles la société SOGECAP demande :

Qu’il soit constaté que les consorts [Y] se désiste de leur demande de communication de pièces,
Que les consorts [Y] soient déclarés irrecevables en leur demande d’annulation de la modification de la clause bénéficiaire des contrats d’assurance au profit de l’association LIGUE CONTRE LE CANCER,
Le rejet des demandes formulées par les consorts [Y] à son encontre,
La condamnation solidaire des consorts [Y] aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions en réponse à l’incident signifiées de la même manière, pour la dernière fois le 8 octobre 2024 aux termes desquelles les consorts [Y] demandent au juge de la mise en état de :

Débouter l’association LIGUE CONTRE LE CANCER de sa demande tendant à les voir déclarer irrecevable en leur exception d’incompétence,
Se déclarer incompétent au profit de la formation de jugement du tribunal,
Rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l’association LIGUE CONTRE LE CANCER et la société SOGECAP,
Prendre acte qu’ils se désistent de leur demande de communication de pièce faite contre la société SOGECAP,
Plus largement, débouter l’association LIGUE CONTRE LE CANCER et la société SOGECAP de leurs demandes,
En tout état de cause, renvoyer les parties à une prochaine audience de mise en état dématérialisée pour conclusions en réplique, condamner in solidum la société SOGECAP et l’association LIGUE CONTRE LE CANCER à leur payer chacun la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et réserver les dépens ;
Vu les débats à l’audience sur incident du 9 octobre 2024 lors de laquelle les parties ont maintenu les termes de leurs écritures et l’affaire a été mise en délibéré au 21 novembre 2024 ;

MOTIFS :

A titre liminaire, il sera précisé que les demandes aux fins de prendre acte et de constater ne sont pas des demandes au sens de l’article 4 du code de procédure civile et que le juge de mise en état n’est pas tenu d’y répondre.

Sur la compétence du juge de la mise en état :

Sur la recevabilité de l’exception d’incompétence soulevée par les consorts [Y] :
L’association LIGUE CONTRE LE CANCER soulève l’irrecevabilité de cette exception au motif qu’elle n’a pas été soulevée avant toute défense au fond ou toute fin de non-recevoir. Elle explique, en effet, qu’avant de soulever cette exception, les consorts [Y] ont formulé devant le juge de la mise en état une demande de sursis à statuer, une demande de communication de pièce et une demande de débouté.

Les consorts [Y] répliquent que l’exception d’incompétence qu’ils soulèvent est recevable, une demande de communication de pièces ne constituant pas une défense au fond ni une fin de non-recevoir et que leur demande de sursis à statuer était justifiée par leur demande de communication de pièce.

Il résulte de l’article 74 du code de procédure civile que les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond et toute fin de non-recevoir.

L’on entend par défense au fond tout moyen tendant à voir débouter l’adversaire de ses demandes au motif qu’elles sont infondées.

Les fins de non-recevoir sont définies à l’article 122 du code de procédure civile : il s’agit de moyens tendant à voir déclarer l’adversaire irrecevable en ses demandes tels que le défaut de qualité à agir, le défaut d’intérêt à agir, la prescription, le délai préfixe et la chose jugée. Selon l’article 32 du même code, le défaut de droit d’agir constitue également une fin de non-recevoir.

En l’espèce, dans leurs premières conclusions en réponse à l’incident, signifiées le 7 février 2023, les consorts [Y] ont sollicité du juge de la mise en état, la condamnation de la société SOGECAP à leur fournir certaines pièces, le sursis à statuer et le débouté des demandes formées par la LIGUE CONTRE LE CANCER dans ses conclusions d’incident signifiées le 1 décembre 2022.

La demande de communication de pièce et de sursis à statuer ne constituent pas des défenses au fond puisqu’elles ne visent pas à contester le bien fondé de la demande. Elles ne peuvent être non plus considérées comme des fins de non-recevoir. Quant à la demande de débouté, elle concerne l’irrecevabilité soulevée par la société LIGNE NATIONALE CONTRE LE CANCER dans ses conclusions signifiées le 1 décembre 2022. Il ne s’agit pas d’une défense au fond ni d’une fin de non-recevoir.

Les consorts [Y] sont donc recevables à soulever l’incompétence du juge de la mise en état.

Sur la compétence du juge de la mise en état :
Selon l’article 789 6° du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa saisine, seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. Il est rappelé que, selon l’article 32 du même code, le défaut de droit d’agir constitue une fin de non-recevoir.

L’association LA LIGUE CONTRE LE CANCER et la société SOGECAP contestent le droit d’agir des [Y] sur le fondement de l’article 414-2 du code civil et de l’article 32 du code de procédure civile et elles demandent à ce qu’ils soient déclarés irrecevable en leur demande d’annulation des avenants modifiant les clauses bénéficiaires des contrats d’assurance visés dans l’assigantion. Ils soulèvent ainsi une fin de non-recevoir qui est de la compétence du juge de la mise en état. L’exception d’incompétence soulevée par les consorts [Y] sera donc rejetée.

Sur la fin de non-recevoir proprement dite :

De son vivant, Madame [R] [E], veuve [Y], a souscrit trois assurances-vie auprès de la société SOGECAP :

Un contrat PERCAP numéro 00022/0114844 le 28 juillet 1988
Un contrat SEQUOIA numéro 00216/6334931 0 le 18 juin 2004
Un contrat TOP CROISSANCE REVENUS 6 numéro 00108/0004611 le 21 février 1996 clôturé, puis transférer vers un contrat SEQUOIA numéro 00216/7376046 4 le 14 septembre 2017.

Le 23 mai 2017, Madame [E] a institué comme bénéficiaires des deux premiers contrat ses quatre petits-enfants, à savoir les consorts [Y], à part égales et le 13 novembre 2017, elle a procédé de même pour le contrat SOQUOIA numéro 002216/7376046 4. Le 6 septembre 2019, elle a modifié la clause bénéficiaire des trois contrats précités, désignant comme bénéficiaire l’association LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER.

Les consorts [Y] font valoir que Madame [E], veuve [Y], n’était pas saine d’esprit lors de cette modification et demandent l’annulation des avenants prévoyant celle-ci sur le fondement de l’article 414-1 du code civil.

L’association LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER et la société SOGECAP soulèvent l’irrecevabilité de cette demande sur le fondement de l’article 414-2 du code civil.

Il résulte de l’article 414-1 du code civil que, pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit et que c’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.

L’article 414-2 du code civil dispose que, de son vivant, l’action en nullité de l’acte doit être intentée par l’intéressé et qu’après sa mort, les actes faits par lui autres que la donation entre vifs et le testament ne peuvent être attaqués par les héritiers pour insanité d’esprit que dans les cas suivants :

Si l’acte porte en lui-même la preuve du trouble mental,S’il a été fait alors que l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice,Si une action a été introduite avant son décès aux fins d’ouverture d’une curatelle, d’une tutelle ou d’une habilitation familiale ou si effet a été donné à un mandat de protection future. Ce texte, qui délimite le droit d’agir des héritiers, conditionne la recevabilité de leur action en nullité d’un acte accompli par le défunt pour insanité d’esprit.

En l’espèce, la lettre du 6 septembre 2019 par laquelle Madame [E], veuve [Y], a sollicité le changement de la clause bénéficiaire des trois contrats d’assurance-vie qu’elle a conclus est rédigée comme suit :

« Je, soussigné Madame [Y] [R], souhaite modifier les clauses bénéficiaires de mes contrats n° 21663349310, N°21673760464 et N°2201148444 comme suit :

Pour la ligue contre le cancer, [Adresse 2] [Localité 7] , à défaut, mes héritiers.

[P]
Signature »

Ce courrier est rédigé de manière parfaitement cohérente et intelligible. Certes les initiales ne : »[P] » qui signifient [R] [E], le nom de jeune fille de l’assurée, ne correspondent pas à la signature qui s’intitule « [Y] », son nom de veuve. Cependant, ce seul élément ne permet pas d’établir une quelconque insanité d’esprit. La lettre dont s’agit ne porte pas en elle-même la preuve d’un trouble mental. Par ailleurs, il n’est ni prouvé ni allégué par les consorts [Y] qu’au moment de rédiger ce courrier, Madame [R] [E], veuve [Y], était sous sauvegarde de la justice, ni qu’une action était intentée aux fins d’ouverture d’une curatelle, d’une tutelle ou d’une habilitation familiale ni qu’il avait été donné effet à un mandat de protection future la concernant.

Les conditions légales de l’action en nullité du changement de clause bénéficiaire intentée par les consorts [Y] ne sont pas remplies et la demande qu’ils font en ce sens est irrecevable.

Sur les suites de la procédure :

l’instance se poursuivra concernant la demande des consorts [Y] aux fins de réintégration des primes d’assurance manifestement excessives dans la succession de feue Madame [E], veuve [Y]. La cause et les parties seront renvoyées à une audience de mise en état dématérialisée dans les conditions définies au dispositif ci-après.

Les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile seront réservés.

PAR CES MOTIFS :

Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Reçoit Madame [T] [Y], Monsieur [D] [Y], Monsieur [W] [Y] et Monsieur [K] [Y] en leur exception d’incompétence ;

Rejette ladite exception ;

Déclare Madame [T] [Y], Monsieur [D] [Y], Monsieur [W] [Y] et Monsieur [K] [Y] irrecevable en leur demande tendant à l’annulation pour insanité d’esprit de la modification de la clause bénéficiaire des contrats d’assurance-vie PERCAM numéro 0022/0114844 4, SEQUOIA numéro 002216/6334931 0 et SEQUOIA numéro 00216/7376046 4 ;

Dit que la présente instance se poursuit s’agissant de la demande de réintégration des primes d’assurance manifestement excessives d’un montant de 227 000 euros dans la succession de feue Madame [R] [E], veuve [Y] ;

Renvoie la cause et les parties à l’audience de mise en état dématérialisée du 22 janvier 2025 pour permettre à l’association LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER et à la société SOGECAP de conclure au fond en défense ;

Réserve l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Faite et rendue à Paris le 21 Novembre 2024.

Le Greffier Le Juge de la mise en état
BAIL Romane Antoine de MAUPEOU


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