Compétence territoriale en matière d’assurance : enjeux et implications

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Compétence territoriale en matière d’assurance : enjeux et implications

L’Essentiel : Mesdames [K] et [P] [T], héritières de [Z] [T], ont engagé une procédure contre la compagnie d’assurance PACIFICA suite à un vol survenu entre le 4 janvier et le 6 février 2019. PACIFICA a contesté la compétence du tribunal de Paris, arguant que le tribunal de Nanterre était le seul compétent. En réponse, les demanderesses ont sollicité la reconnaissance de la compétence du tribunal de Paris et la communication d’un rapport d’expertise. Le juge a finalement statué que l’exception d’incompétence était recevable, renvoyant l’affaire devant le tribunal de Nanterre pour statuer sur l’indemnisation.

Contexte de l’affaire

Mesdames [K] et [P] [T], héritières de [Z] [T], décédée, ont engagé une procédure contre la compagnie d’assurance PACIFICA pour obtenir une indemnisation suite à un vol par effraction survenu entre le 4 janvier et le 6 février 2019. Leur mère avait déclaré ce vol à son assureur le 29 mars 2019. L’affaire a été portée devant le tribunal judiciaire de Paris.

Incompétence territoriale soulevée

La compagnie PACIFICA a contesté la compétence territoriale du tribunal de Paris, arguant que le tribunal judiciaire de Nanterre était le seul compétent en raison de la localisation du bien assuré dans le Var et du domicile des demanderesses dans les Hauts de Seine. Cette contestation a été formulée par des conclusions d’incident le 19 août 2024.

Réponse des demanderesses

En réponse, Mesdames [T] ont demandé au juge de la mise en état de reconnaître la compétence du tribunal et ont également sollicité la communication d’un rapport d’expertise, assortie d’une astreinte de 150€ par jour de retard. Elles ont demandé que les dépens soient réservés.

Règles de compétence en matière d’assurance

Le juge de la mise en état a rappelé que selon l’article R. 114-1 du code des assurances, les litiges relatifs aux indemnités d’assurance doivent être portés devant le tribunal du domicile de l’assuré, sauf exceptions. Les exceptions d’incompétence doivent être soulevées avant toute défense au fond.

Décision du juge de la mise en état

Le juge a statué que l’exception d’incompétence soulevée par PACIFICA était recevable et motivée, confirmant que le tribunal judiciaire de Paris était incompétent pour traiter l’affaire. Il a ordonné le renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire de Nanterre pour qu’il se prononce sur l’indemnisation du vol.

Conclusion de l’ordonnance

L’ordonnance a été rendue le 21 novembre 2024, déclarant le tribunal de Paris incompétent et réservant les dépens. Aucune indemnité n’a été allouée au titre des frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence territoriale en matière d’assurance selon le code des assurances ?

La compétence territoriale en matière d’assurance est régie par l’article R. 114-1 du code des assurances, qui dispose que :

« Dans toutes les instances relatives à la fixation et au règlement des indemnités dues, le défendeur est assigné devant le tribunal du domicile de l’assuré, de quelque espèce d’assurance qu’il s’agisse, sauf en matière d’immeubles ou de meubles par nature, auquel cas le défendeur est assigné devant le tribunal de la situation des objets assurés.

Toutefois, s’il s’agit d’assurances contre les accidents de toute nature, l’assuré peut assigner l’assureur devant le tribunal du lieu où s’est produit le fait dommageable. »

Dans le cas présent, la compagnie PACIFICA a soulevé l’incompétence du tribunal judiciaire de Paris au profit du tribunal judiciaire de Nanterre, en raison du domicile des demanderesses et de la situation du bien assuré.

Il est donc essentiel de vérifier si les conditions de compétence territoriale sont respectées, notamment en tenant compte du domicile des parties et de la nature de l’assurance en question.

Quelles sont les règles concernant les exceptions de procédure selon le code de procédure civile ?

Les règles relatives aux exceptions de procédure sont énoncées dans les articles 73, 74 et 75 du code de procédure civile. Ces articles stipulent que :

« Constitue une exception de procédure, tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément, et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

S’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître, dans tous les cas, devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée. »

Dans cette affaire, la compagnie PACIFICA a soulevé l’exception d’incompétence en respectant ces règles, en la motivant et en indiquant la juridiction compétente selon elle.

Le juge de la mise en état a donc pu statuer sur cette exception, conformément aux dispositions légales.

Quel est le rôle du juge de la mise en état dans le cadre de l’incompétence territoriale ?

L’article 789 du code de procédure civile précise le rôle du juge de la mise en état en ces termes :

« Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance.

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement, à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge. »

Ainsi, le juge de la mise en état a la compétence exclusive pour statuer sur les exceptions d’incompétence, ce qui a été le cas dans cette affaire.

Il a donc pu examiner l’exception soulevée par la compagnie PACIFICA et a rendu une décision sur la compétence territoriale.

Quelles sont les conséquences de l’incompétence du tribunal sur la procédure ?

Lorsque le tribunal est déclaré incompétent, comme le stipule l’ordonnance rendue, cela entraîne plusieurs conséquences procédurales.

Tout d’abord, l’affaire doit être renvoyée devant la juridiction compétente, en l’occurrence le tribunal judiciaire de Nanterre dans ce cas.

De plus, le juge a précisé que :

« Compte tenu de l’incompétence du tribunal, il reviendra à la juridiction compétente de se prononcer sur la communication de pièces et la demande d’astreinte formée par voie reconventionnelle par les demanderesses qui concluent en défense à l’incident. »

Cela signifie que toutes les demandes et incidents liés à l’affaire, y compris la communication de pièces et les demandes d’astreinte, devront être examinés par le tribunal compétent.

Enfin, les dépens seront réservés, ce qui signifie que les frais de la procédure seront tranchés par la juridiction compétente ultérieurement.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

5ème chambre 2ème section

N° RG 23/12462
N° Portalis 352J-W-B7H-C2X5S

N° MINUTE :

Assignation du :
29 Septembre 2023

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 21 Novembre 2024
DEMANDERESSES

Madame [K] [S] [J] [T] épouse de Monsieur [R] [Y], de nationalité française, retraitée, née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 9] (ETATS-UNIS D’AMERIQUE)
[Adresse 3]
[Localité 8]

Madame [P], [Z] [T] divorcée, professeur d’anglais, née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 10] (Var) de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 7]

représentées toutes deux par Me Christian COUVRAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0462

DEFENDERESSE

S.A. PACIFICA, immatriculée au registre du commerce et des
sociétés de PARIS sous le numéro 352 358 865, dont le siège social est sis [Adresse 6] à [Localité 5], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 5]

représentée par Maître Laure ANGRAND de la SELARL MANDIN – ANGRAND AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #J0046

Décision du 21 Novembre 2024
5ème chambre 2ème section
N° RG 23/12462 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2X5S

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Madame Christine BOILLOT, Vice-Présidente,

assistée de Monsieur Gilles ARCAS, Greffier

DEBATS

A l’audience du 24 Octobre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 21 Novembre 2024.

ORDONNANCE

Prononcée en audience publique
Contradictoire
En premier ressort

Par exploit du 29 septembre 2023, Mesdames [K] et [P] [T], filles de [Z] [T], aujourd’hui décédée, ont attrait la compagnie PACIFICA, assureur de leur défunte mère, aux fins d’être indemnisées, en tant qu’ayant-droit de celle-ci, des conséquences d’un vol par effraction dont cette dernière a été victime à son domicile, entre le 4 janvier et le 6 février 2019, devant le tribunal judiciaire de Paris. Vol que leur mère avait déclaré à son assureur le 29 mars 2019.

La compagnie PACIFICA, par conclusions d’incident transmises au juge de la mise en état le 19 août 2024, a soulevé l’incompétence territoriale de la juridiction saisie au profit du tribunal judiciaire de Nanterre, compte tenu du lieu de situation du bien assuré situé dans le Var, les demanderesses étant domiciliées dans les Hauts de Seine, au visa de l’article R114-1 du code des assurances.

Par conclusions d’incident transmises par RPVA, la société PACIFICA, le 19 août 2024 soulève l’incompétence territoriale de la juridiction saisie au profit du tribunal judiciaire de Nanterre, sollicitant la condamnation de la demanderesse à l’instance à lui verser 1.000€ de frais irrépétibles, outre les dépens.

Elle fait valoir que les règles de compétence en matière d’assurance sont d’ordre public et impératives et que de son caractère exclusif, la jurisprudence déduit que les clauses attributives de compétence n’ont pas vocation à s’appliquer en la matière, de sorte que les demanderesses ne sauraient se soustraire à la compétence de la juridiction de leur domicile, situé dans les Hauts de Seine, dans le ressort du tribunal de Nanterre, de sorte que la juridiction parisienne devra se déclarer incompétente.

Mesdames [T] par conclusions notifiées par la même voie le 21 octobre 2024, sollicitent du juge de la mise en état d’acter qu’elles s’en remettent à justice sur la compétence du tribunal, et de condamner reconventionnellement la société PACIFICA à communiquer, sous astreinte de 150€ par jour de retard, l’intégralité du rapport d’UNION EXPERT, en jugeant que cette astreinte commencera à courir 15 jours après la notification de la présente ordonnance. Elles demandent de réserver les dépens.

Pour un plus ample exposé des dire moyens des parties, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Les parties ont été appelées à l’audience d’incident du juge de la mise en état du 24 octobre 2024.

SUR CE

L’article 789 dudit code dispose que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement, à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.

Le juge de la mise en état a donc compétence pour statuer sur toutes les exceptions de procédure, c’est-à-dire, entre autres, sur les exceptions d’incompétence.

En vertu des articles 73, 74 et 75 du code de procédure civile, constitue une exception de procédure, tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément, et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.
S’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître, dans tous les cas, devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée.

L’article R. 114-1 du code des assurances dispose que dans toutes les instances relatives à la fixation et au règlement des indemnités dues, le défendeur est assigné devant le tribunal du domicile de l’assuré, de quelque espèce d’assurance qu’il s’agisse, sauf en matière d’immeubles ou de meubles par nature, auquel cas le défendeur est assigné devant le tribunal de la situation des objets assurés.

Toutefois, s’il s’agit d’assurances contre les accidents de toute nature, l’assuré peut assigner l’assureur devant le tribunal du lieu où s’est produit le fait dommageable.

En l’espèce, ces conclusions d’incident d’incompétence ont bien été déposées in limine litis et avant toute défense au fond, les premières conclusions adressées au fond par la compagnie PACIFICA au tribunal étant datées du 19 août 2024 mais ayant été déposées juste après.

Cet incident est recevable dans la mesure où l’incident est également motivé, la compagnie demanderesse précisant la juridiction qui est selon elle compétente territorialement.

Le domicile des assurées, respectivement à [Localité 8] et à [Localité 7], est précisé par les assurées elles-mêmes, puisqu’il résulte des mentions de l’assignation et de l’adresse qui y figure. Il n’est pas contesté par les défenderesses dans leurs conclusions en réponse à l’incident.

Ainsi, il convient de faire droit à l’exception d’incompétence, soulevée, au profit du tribunal judiciaire de Nanterre.

Compte tenu de l’incompétence du tribunal, il reviendra à la juridiction compétente de se prononcer sur la communication de pièces et la demande d’astreinte formée par voie reconventionnelle par les demanderesses qui concluent en défense à l’incident.

Les dépens seront réservés.

Il n’y a lieu à allouer d’indemnités au titre des frais irrépétibles du présent incident.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par voie d’ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort, susceptible d’appel dans les termes de l’article 795 du code de procédure civile :

DECLARONS le tribunal judiciaire de Paris incompétent s’agissant de la présente instance, introduite par exploit du 29 septembre 2023, opposant Mesdames [K] et [P] [T], filles de [Z] [T], aujourd’hui décédée, à la compagnie PACIFICA (RG 23-12462);

ORDONNONS le renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire de Nanterre quant à l’indemnisation du vol dont leur mère aujourd’hui décédée a été victime;

DISONS qu’à défaut d’appel, le dossier lui sera transmis par le greffe avec une copie de la décision de renvoi dans les conditions de l’article 82 du code de procédure civile ;

DEBOUTONS les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, compte tenu de l’incompétence du tribunal ;

DISONS n’y avoir lieu à allouer d’indemnités, au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la SA PACIFICA;

RESERVONS les dépens.

Faite et rendue à Paris le 21 Novembre 2024

Le Greffier Le Juge de la mise en état

Gilles ARCAS Christine BOILLOT


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