L’Essentiel : La décision est réputée contradictoire et rendue en premier ressort. La Banque Postale a engagé une procédure contre Monsieur [Y] par un commandement de payer daté du 18 juillet 2024, visant la vente d’un studio à Marseille. Un acte d’huissier a assigné Monsieur [Y] à comparaître devant le juge de l’exécution pour une audience prévue le 24 septembre 2024. Le tribunal a déclaré non écrites certaines dispositions de la clause relative au non-paiement des échéances et a invalidé la déchéance du terme, ordonnant la réouverture des débats pour le 28 janvier 2025 afin de présenter un nouveau décompte.
|
NATURE DE LA DECISIONLa décision est réputée contradictoire et rendue en premier ressort. EN LA CAUSE DELa Banque Postale, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, a son siège social à Paris et est identifiée au SIREN sous le numéro 421100645. Elle est représentée par son avocat, Me Edouard Sekly. DEBITEUR SAISIMonsieur [O] [Y], né le 2 septembre 1990 à Reims, célibataire et conseiller financier, est le débiteur saisi. Son dernier domicile connu est à Marseille, et il n’a pas comparu ni constitué avocat. COMMANDEMENT DE PAYERLa Banque Postale a engagé une procédure contre Monsieur [Y] par un commandement de payer daté du 18 juillet 2024, signifié par un commissaire de justice. Ce commandement vise la vente d’un studio situé à Marseille, dans un ensemble immobilier en construction. ASSIGNATION DEVANT LE JUGE DE L’EXECUTIONUn acte d’huissier du 21 août 2024 a assigné Monsieur [Y] à comparaître devant le juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire de Marseille pour une audience d’orientation prévue le 24 septembre 2024. La Banque Postale a également demandé la condamnation de tout contestataire à lui verser 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. CLAUSE DE DECHÉANCE DU TERMELa Banque Postale a soutenu que la clause de déchéance du terme, qui prévoit l’exigibilité immédiate du capital restant dû en cas d’impayés, a été appliquée après plusieurs mises en demeure. Cependant, le tribunal a examiné la clause pour déterminer son caractère abusif, conformément au droit positif communautaire. CARACTÈRE ABUSIF DE LA CLAUSELe tribunal a constaté que la clause d’exigibilité anticipée crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, aggravant les conditions de remboursement pour le débiteur. En conséquence, cette clause a été déclarée non écrite. CREANCE ET DECOMPTEBien que la déchéance du terme ait été invalidée, les échéances impayées demeurent exigibles. Toutefois, aucun décompte actualisé des échéances n’a été fourni, ce qui a conduit le tribunal à ordonner la réouverture des débats pour obtenir un nouveau décompte. DECISION DU TRIBUNALLe tribunal a déclaré non écrites certaines dispositions de la clause relative au non-paiement des échéances, a invalidé la déchéance du terme et a ordonné la réouverture des débats pour le 28 janvier 2025 afin de présenter un nouveau décompte des échéances échues et exigibles. Les dépens et l’article 700 du code de procédure civile ont été réservés. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la décision rendue par le Tribunal Judiciaire ?La décision rendue par le Tribunal Judiciaire est qualifiée de jugement mixte, réputé contradictoire et en premier ressort. Cela signifie que le tribunal a statué sur les demandes des parties, même si le débiteur saisi, Monsieur [O] [Y], n’a pas comparu. Le caractère contradictoire de la décision implique que les droits de la défense ont été respectés, même en l’absence de l’une des parties. L’article 455 du Code de procédure civile précise que « le jugement doit être motivé », ce qui est le cas ici, car le tribunal a examiné les arguments de la Banque Postale et a rendu une décision fondée sur les éléments de droit et de fait présentés. Quelles sont les implications de la clause de déchéance du terme dans le contrat de prêt ?La clause de déchéance du terme, telle que définie dans l’article L 132-1 du Code de la consommation, est considérée comme abusive si elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. En l’espèce, la clause stipule que « en cas de défaillances de l’emprunteur résultant du non paiement de l’échéance pour chacun des prêts accordés, la Banque Postale peut exiger le remboursement immédiat de toutes sommes en principal, intérêts et accessoires ». Cette exigibilité immédiate peut être jugée abusive, car elle impose une aggravation soudaine des conditions de remboursement au débiteur, ce qui n’est pas conforme aux principes de protection du consommateur. L’article L 132-1 précise que « sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif ». Ainsi, le tribunal a déclaré cette clause non écrite, ce qui signifie qu’elle ne peut pas être appliquée dans le cadre de ce litige. Comment le tribunal a-t-il statué sur la créance de la Banque Postale ?Le tribunal a constaté que, bien que la déchéance du terme ait été invalidée, cela n’affecte pas le fait que les échéances restées impayées demeurent exigibles. Cependant, il a noté qu’aucun décompte actualisé des échéances échues n’a été fourni par la Banque Postale. L’article 1343 du Code civil stipule que « le débiteur est tenu de payer la somme due à l’échéance convenue ». Ainsi, même sans la déchéance du terme, la Banque Postale a le droit de réclamer le paiement des sommes dues. Le tribunal a donc ordonné la réouverture des débats pour obtenir un nouveau décompte des seules échéances échues et exigibles, afin de clarifier le montant exact de la créance. Quelles sont les conséquences de la décision sur les frais de justice ?Le tribunal a réservé les dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés ». Cela signifie que les frais de justice seront déterminés ultérieurement, en fonction de l’issue finale du litige. La décision de réserver les dépens indique que le tribunal n’a pas encore statué sur la question des frais, laissant ouverte la possibilité d’une condamnation à ce titre lors de la prochaine audience. L’article 700 permet également de compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits, ce qui est particulièrement pertinent dans le cadre de ce litige où la Banque Postale a dû engager des frais pour poursuivre son débiteur. |
DE MARSEILLE
JUGE DE L’EXECUTION
SAISIES IMMOBILIERES
JUGEMENT DE REOUVERTURE
DES DEBATS
Enrôlement :
N° RG 24/00174
N° Portalis DBW3-W-B7I-5KZB
AFFAIRE : LA BANQUE POSTALE
C/ M. [O], [V], [L] [Y]
DÉBATS : A l’audience Publique du 29 Octobre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président :UGOLINI Laëtitia, Vice-Président
Greffier lors des débats : GIL Fabiola, F/F greffier
A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 19 Novembre 2024
PRONONCE : par mise à disposition au Greffe le 19 Novembre 2024
Par Madame UGOLINI, Vice-Président
Assistée de Mme GIL, F/F greffier
réputée contradictoire et en premier ressort
EN LA CAUSE DE
La Société dénommée LA BANQUE POSTALE, société anonyme à directoire et conseil de Surveillance, au capital de 6 585 350 218,00 euros, ayant son siège social est 115 rue de Sèvres à PARIS (75006), identifiée au SIREN sous le numéro 421100645, et immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS, poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
CREANCIER POURSUIVANT
Ayant Me Edouard SEKLY pour avocat
CONTRE
Monsieur [O], [V], [L] [Y] né le 2 septembre 1990 à REIMS (51100), célibataire non lié par un pacte civil de solidarité, de nationalité française, conseilller financier, dont le dernier domicile connu est Les Estudines Copenhague – Quartier de Lodi – 5ème étage – escalier A et B – Porte n°501 à MARSEILLE (13006),
Non comparant et n’ayant pas constitué avocat
DEBITEUR SAISI
La BANQUE POSTALE poursuit à l’encontre de Monsieur [O] [Y], suivant commandement de payer en date du 18 juillet 2024 signifié par Me [S], Commissaire de Justice associé à Toulon, et publié le 31 juillet 2024 au Service de la Publicité Foncière de Marseille volume 2024 S n° 000196 , la vente des biens et droits immobiliers consistant en :
– un local d’habitation de type studio type 1 au 5ème étage escalier A et B porte n°501 (lot n°8078), dépendant d’un ensemble immobilier complexe, à l’époque en cours de construction, et plus particulièrement au sein du lot de volume 8000, dénommé “Résidence COPENHAGUE”, situé 1-3 rue d’Eylau, rue de Friedland, rue d’Iena, 2 rue Roger Brun et rue de Lodi à MARSEILLE (13006), cadastré quartier Lodi, section 824 B n°274 lieudit d’Iena, section 824 B n°275 lieudit 1 rue d’Eylau, et section 824 B n°168 lieudit 3 rue d’Eylau,
plus amplement désignés dans le cahier des conditions de vente.
Par acte d’huissier du 21 août 2024 selon procès-verbal de recherches infructueuses , le poursuivant a fait assigner Monsieur [O] [Y] à comparaître devant le juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire de Marseille à l’audience d’orientation du mardi 24 septembre 2024.
Outre la vente du bien, le créancier poursuivant a demandé la condamnation de tout contestant à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le cahier des conditions de vente a été déposé au greffe le 22 août 2024.
Il a été demandé à la Banque Postale de conclure sur la validité de la clause de déchéance du terme figurant au contrat de prêt. Elle a conclu par conclusions siginifiées le 16 octobre 2024, soutenant que si la clause prévoyait une exigibilité immédiate du capital restant du en cas d’échéances impayées, dans les faits, plusieurs mises en demeure ont été adressés à Monsieur [Y] avant que la déchéance du terme ne soit prononcée.
Subsidiairement, elle présente un nouveau décompte de sa créance.
Monsieur [Y] n’a pas comparu à l’audience.
Le créancier poursuivant a sollicité la vente forcée du bien.
Sur la clause de déchéance du terme
Le droit positif communautaire considère que le juge national est tenu d’examiner d’office la caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait qui lui permettent de le déterminer, et que lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, le juge ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose.
L’article L 132-1 du code de la consommation, applicable au contrat de prêt conclu le 29 janvier 2016 dispose : “Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la commission instituée à l’article L. 534-1, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.
Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.
Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.
Sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1156 à 1161,1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses.
Les dispositions du présent article sont d’ordre public.”
En l’espèce, il est indiqué au paragraphe “NON PAIEMENT DES ECHEANCES” :
“En cas de défaillances de l’emprunteur résultant du non paiement de l’échéance pour chacun des prêts accordés, la Banque Postale :
– soit exiger le remboursement immédiat de toutes sommes en principal, intérêts et accessoires ,
– soit ne pas exiger le remboursement du capital restant dû.” (Avec majoration de trois points d’interêt les sommes dues)
En l’espèce, la Banque Postale a choisi la déchéance du terme et la clause d’exigibilité anticipée immédiate crée en l’espèce un déséquilibre significatif entre le professionnel et le non professionnel qui se trouve confronté à une aggravation soudaine des conditions de remboursement de son prêt dans un délai court.
Par ailleurs, il importe peu, comme en l’espèce, que les modalités utilisées par la banque pour obtenir le paiement des échéances sont plus favorables au débiteur, quatre lettres de mise en demeure lui ayant été adressées. En effet, il n’appartient pas à au professionnel de modifier les modalités d’exécution du contrat, dont les termes sont intangibles.
Cette clause, abusive, sera donc considérée comme non écrite.
La clause n’est considérée en l’espèce comme abusive qu’en ce qu’elle s’applique au cas d’échéances impayées, cause du contentieux qui a donné lieu à la saisie immobilière, et qu’elle a donné lieu à la déchéance du terme.
Sur la créance
Si la déchéance du terme n’a pas été valablement prononcée, il n’en ressort pas moins que les échéances restées impayées sont exigibles.
Force est de constater qu’aucun décompte actualisé n’a été versé portant sur les échéances échues et donc exigibles à la date la plus proche du délibéré.
Il convient donc d’ordonner la réouverture des débats aux fins d’obtenir un nouveau décompte des seules échéances échues et exigibles portant sur chacun des deux prêts.
LE TRIBUNAL JUDICIAIRE, Juge de l’Exécution, siégeant :
Laetitia UGOLINI, Vice-Présidente
Fabiola GIL, F/F Greffière
Statuant publiquement, par jugement mixte réputé contradictoire, en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
DÉCLARE NON ECRITES les dispositions, incluses dans la clause “NON PAIEMENT DES ECHEANCES” :
“En cas de défaillances de l’emprunteur résultant du non paiement de l’échéance pour chacun des prêts accordés, la Banque Postale :
– soit exiger le remboursement immédiat de toutes sommes en principal, intérêts et accessoires,”
CIRCONSCRIT cette invalidation au cas de non paiement des sommes exigibles,
INVALIDE la déchéance du terme en date du 26 mai 2023 ;
ORDONNE la réouverture des débats au Mardi 28 janvier 2025 à 9h30, Tribunal Judiciaire de Marseille, Salle n°8, 25 rue Edouard Delanglade, 13006 MARSEILLE, aux fins de versement d’un nouveau décompte des échéances échues et exigibles.
RESERVE les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.
AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE, AU PALAIS DE JUSTICE DE MARSEILLE, LE 19 NOVEMBRE 2024.
F/F LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION
Laisser un commentaire