Déchéance du terme et enjeux de la régularité des créances dans le cadre des crédits à la consommation

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Déchéance du terme et enjeux de la régularité des créances dans le cadre des crédits à la consommation

L’Essentiel : La S.A. CARREFOUR BANQUE a accordé à Monsieur [F] [O] un crédit renouvelable de 2000 euros le 17 septembre 2021. En raison d’échéances impayées, une mise en demeure a été émise le 2 avril 2022, suivie d’une déchéance du terme le 7 mai 2022. La créance a été cédée à la S.A.S. EOS FRANCE, qui a assigné Monsieur [F] [O] en justice le 4 décembre 2023. Lors de l’audience du 9 septembre 2024, son absence a entraîné un jugement par défaut. Le montant dû a été établi à 2524,65 euros, sans intérêts, et Monsieur [F] [O] a été condamné aux dépens.

Constitution du crédit

La S.A. CARREFOUR BANQUE a accordé à Monsieur [F] [O] un crédit renouvelable de 2000 euros le 17 septembre 2021, avec un taux d’intérêt de 19,12% sur 36 mensualités, accompagné d’une carte PASS Mastercard.

Mise en demeure et déchéance du terme

Le 2 avril 2022, la S.A. CARREFOUR BANQUE a mis en demeure Monsieur [F] [O] de régler 402,40 euros d’échéances impayées sous 8 jours, sous peine de déchéance du terme. Le 7 mai 2022, la S.A.S. EOS FRANCE, successeur de la S.A. CARREFOUR BANQUE, a prononcé la déchéance du terme et a exigé le paiement de 3168,11 euros.

Cession de créances

Le 17 juin 2022, la S.A. CARREFOUR BANQUE a cédé plusieurs créances, y compris celle de Monsieur [F] [O], à la S.A.S. EOS FRANCE. Cette cession a été notifiée à Monsieur [F] [O] le 24 juin 2022.

Assignation en justice

Le 4 décembre 2023, la S.A.S. EOS FRANCE a assigné Monsieur [F] [O] devant le tribunal judiciaire de Lille pour obtenir le paiement de 3389,61 euros, incluant des intérêts et des frais.

Absence de comparution

Lors de l’audience du 9 septembre 2024, Monsieur [F] [O] ne s’est pas présenté, entraînant un jugement par défaut conformément à l’article 473 du code de procédure civile.

Recevabilité de la demande

La demande de paiement a été jugée recevable, car l’action a été engagée dans le délai de deux ans suivant le premier incident de paiement non régularisé, survenu le 5 janvier 2022.

Déchéance du terme

La déchéance du terme a été validée, le prêteur ayant respecté les exigences de mise en demeure, même si celle-ci a été considérée comme « non réclamée » par le débiteur.

Demande en paiement

Le litige a été examiné sous les dispositions du code de la consommation, permettant au prêteur d’exiger le remboursement immédiat du capital restant dû en cas de défaillance de l’emprunteur.

Déchéance du droit aux intérêts

Le prêteur a été déchu de son droit aux intérêts, n’ayant pas justifié de la consultation du FICP avant la conclusion du contrat de crédit, ce qui a conduit à l’annulation des intérêts dus.

Montant de la créance

Le montant dû par Monsieur [F] [O] a été établi à 2524,65 euros, correspondant au capital restant dû, après déduction des paiements effectués.

Clause pénale

La clause pénale de 8% du capital due à la date de défaillance a été écartée, considérée comme excessive en raison de la déchéance des intérêts.

Dépens et frais irrépétibles

Monsieur [F] [O] a été condamné aux dépens de l’instance et à verser 500 euros à la S.A.S. EOS FRANCE au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Exécution provisoire

La décision a été assortie de l’exécution provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de la demande en paiement

La recevabilité de la demande en paiement est régie par l’article R312-35 du code de la consommation, qui stipule que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation doivent être engagées devant le tribunal judiciaire dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.

Cet événement est caractérisé notamment par le premier incident de paiement non régularisé.

En l’espèce, l’offre de prêt a été acceptée le 17 septembre 2021 et le premier incident de paiement non régularisé date du 5 janvier 2022.

L’action en paiement engagée par le prêteur le 4 décembre 2023 est donc recevable, car elle a été introduite dans le délai légal.

Sur la déchéance du terme

La déchéance du terme est régie par l’article L. 312-39 du code de la consommation, qui prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés.

En vertu des articles 1103 et 1104 du code civil, le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur entraîne la déchéance du terme, mais cela nécessite une mise en demeure restée sans effet.

Il appartient au prêteur de prouver l’envoi d’une telle mise en demeure.

Dans cette affaire, la S.A. CARREFOUR BANQUE a adressé une mise en demeure le 2 avril 2022, et le débiteur n’a pas régularisé sa situation dans le délai imparti.

La déchéance du terme a donc été valablement prononcée.

Sur la demande en paiement

La demande en paiement est fondée sur les articles 1103 et 1104 du code civil, qui stipulent que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L’article L.312-39 du code de la consommation permet au prêteur d’exiger le remboursement immédiat du capital restant dû en cas de défaillance de l’emprunteur.

Le prêteur peut également demander une indemnité, fixée par décret, en cas de remboursement immédiat.

Cependant, il est essentiel de vérifier la régularité de la signature du contrat et l’absence de forclusion de la créance.

Dans ce cas, le prêteur a été déchu de son droit aux intérêts, ce qui limite la créance à la seule restitution du capital.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

L’article L.341-2 du code de la consommation stipule que le prêteur qui n’a pas respecté son obligation de vérifier la solvabilité de l’emprunteur est déchu du droit aux intérêts.

En l’espèce, le prêteur n’a pas produit de preuve de consultation du FICP, ce qui entraîne sa déchéance totale du droit aux intérêts.

Ainsi, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du capital, sans intérêts.

Sur le montant de la créance

L’article L.341-8 du code de la consommation précise que lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au remboursement du capital selon l’échéancier prévu.

Dans cette affaire, le montant dû se limite à la différence entre le capital emprunté et les paiements effectués par l’emprunteur.

Le total des paiements effectués étant inférieur au capital emprunté, la créance se limite à 2524,65 euros.

Sur la clause pénale

L’article 1231-5 du code civil permet au juge de réduire d’office le montant de la clause pénale si elle est manifestement excessive.

Dans ce cas, la clause pénale de 8% du capital dû est considérée comme excessive, étant donné que le prêteur a été déchu de son droit aux intérêts.

Sur les dépens

L’article 696 du code de procédure civile stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge.

En l’espèce, Monsieur [F] [O] étant la partie succombante, il sera condamné aux dépens.

Sur les frais irrépétibles

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour couvrir les frais exposés.

Monsieur [F] [O] sera condamné à verser 500 euros à la S.A.S. EOS FRANCE au titre de l’article 700.

Sur l’exécution provisoire

L’article 514 du code de procédure civile prévoit que la décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.

Ainsi, la décision rendue sera exécutoire immédiatement.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 3]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 23/11464 – N° Portalis DBZS-W-B7H-X3FP

N° de Minute : 24/00575

JUGEMENT

DU : 25 Novembre 2024

S.A.S. EOS FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SA CARREFOUR BANQUE

C/

[F] [O]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 25 Novembre 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

S.A.S. EOS FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SA CARREFOUR BANQUE, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Hubert MAQUET, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

M. [F] [O] demeurant [Adresse 2]

non comparant

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 09 Septembre 2024

Capucine AKKOR, Juge, assistée de Deniz AGANOGLU, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 25 Novembre 2024, date indiquée à l’issue des débats par Capucine AKKOR, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

RG 11464/23 – Page – MA

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 17 septembre 2021, la S.A. CARREFOUR BANQUE a consenti à Monsieur [F] [O] un crédit renouvelable d’un montant en capital de 2000 euros, assorti d’une carte PASS Mastercard, remboursable au taux d’intérêt contractuel de 19,12% l’an en 36 mensualités.

Par lettre recommandée du 2 avril 2022, la S.A. CARREFOUR BANQUE a mis en demeure Monsieur [F] [O] de lui régler la somme de 402,40 euros correspondant aux échéances impayées sous 8 jours à compter de la réception, sous peine de déchéance du terme du crédit.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 mai 2022, reçue par le défendeur, la S.A.S. EOS FRANCE, venant aux droits de la S.A. CARREFOUR BANQUE, a notifié à Monsieur [F] [O] qu’elle prononçait la déchéance du terme du crédit et le mettait en demeure de lui régler la somme de 3168,11 euros correspondant au solde du crédit sous huit jours.
Par acte sous seing privé signé par voie électronique le 17 juin 2022, la S.A. CARREFOUR BANQUE a cédé un certain nombre de créances à la société par actions simplifiée (SAS) EOS France, dont celle détenue sur Monsieur [F] [O] au titre du crédit ici concerné. La cession de créance a été notifiée à Monsieur [F] [O] par lettre en date du 24 juin 2022.

Par acte de commissaire de justice en date du 4 décembre 2023, la S.A.S. EOS FRANCE, venant aux droits de la S.A. CARREFOUR BANQUE, a fait assigner Monsieur [F] [O] devant le Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
Déclarer recevable et bien fondée la société EOS France venant aux droits de la SA CARREFOUR BANQUE en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;Constater la déchéance du terme du contrat de crédit renouvelable n°51234202901100 souscrit le 17 septembre 2021 par Monsieur [F] [O] auprès de la SA CARREFOUR BANQUE, aux droits de laquelle vient la société EOS France, faute de régularisation des impayés ;Condamner Monsieur [F] [O] à payer à la SAS EOS France venant aux droits de la SA CARREFOUR BANQUE la somme de 3389,61 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 9,33% l’an courus et à courir à compter de la mise en demeure du 7 mai 2022 et jusqu’au jour du plus complet paiement ;Condamner Monsieur [F] [O] à payer à la SAS EOS France venant aux droits de la SA CARREFOUR BANQUE la somme de 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.

Au soutien de sa demande, la S.A.S. EOS France fait valoir que les mensualités d’emprunt n’ont pas été régulièrement payées, ce qui l’a contraint à prononcer la déchéance du terme le 7 mai 2022, rendant la totalité de la dette exigible. Elle précise que le premier incident de paiement non régularisé se situe au 5 janvier 2022 et que sa créance n’est ainsi pas forclose.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se référer à l’assignation pour un plus ample exposé des moyens du demandeur.

A l’audience du 9 septembre 2024, la S.A.S. EOS FRANCE, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance. La forclusion et la déchéance du droit aux intérêts ont été mis dans le débat d’office, sans que le demandeur ne présente d’observations supplémentaires sur ces points.

Bien que régulièrement assigné à étude, Monsieur [F] [O] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter. Conformément à l’article 473 du code de procédure civile, il sera statué par jugement par défaut.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 25 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

En l’espèce, le défendeur, assigné à l’étude de l’huissier, n’a pas comparu et n’a pas été représenté à l’audience. Dès lors, la décision n’étant pas susceptible d’appel, il y a lieu de statuer par jugement par défaut en application de l’article 473 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de la demande en paiement :

Aux termes de l’article R312-35 du code de la consommation, les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal judiciaire dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé notamment par le premier incident de paiement non régularisé.

La forclusion de l’action en paiement est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le juge en vertu de l’article 125 du code de procédure civile comme étant d’ordre public conformément à l’article L314-26.

En l’espèce, l’offre de prêt a été acceptée le 17 septembre 2021 et le premier dépassement non régularisé du montant total du crédit autorisé date du 5 janvier 2022.

L’action en paiement engagée par le prêteur le 4 décembre 2023 est donc recevable.

Sur la déchéance du terme :

En application de l’article L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés.

En application de ce texte et des articles 1103, 1104, 1224 et 1231-1 du code civil, si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l’envoi d’une telle mise en demeure et de s’assurer que la mise en demeure a bien été portée à la connaissance du débiteur. Il est constant que le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n’affecte pas sa validité.

En l’espèce, le prêteur justifie d’une mise en demeure de payer la somme de 402,40 euros dans un délai de 8 jours, à peine de déchéance du terme. Cette mise en demeure a été adressée par lettre recommandée du 2 avril 2022 dont l’accusé de réception supporte la mention « pli avisé et non réclamé ».

L’historique de compte montre que le débiteur ne s’est pas acquitté des causes de la mise en demeure dans le délai imparti.

Le prêteur a donc valablement prononcé la déchéance du terme.

Sur la demande en paiement :

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.
En vertu des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L’article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de la régularité de la signature du contrat, de l’absence de cause de nullité du contrat, de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la déchéance du droit aux intérêts
L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 9 septembre 2024.

Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires.

Ainsi, l’article L.312-16 du code de la consommation dispose qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier, dénommé Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), prévu à l’article L. 751-1, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 751-6 dudit code. A défaut, par application de l’article L. 341-2, le prêteur qui n’a pas respecté son obligation est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Conformément à l’article 13 de l’arrêté du 17 février 2020, en application de l’article L. 751-6 du code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu’ils ont consulté le fichier, les établissements doivent conserver des preuves de la consultation du fichier sur un support durable. Ils doivent être en mesure de démontrer que les modalités de consultation du fichier et de conservation des éléments de preuve de ces consultations garantissent l’intégrité des informations ainsi collectées. Les éléments de preuve sont apportés conformément au modèle figurant en annexe de l’arrêté. L’annexe visé prévoit que le document de preuve contient le logo de l’établissement, le code interbancaire, sa dénomination, la clé banque de France, la date, le prénom, nom date et lieu de naissance de l’emprunteur, le cadre de la consultation (octroi ou renouvellement) le type de crédit (immobilier ou consommation) ainsi que la date de réponse et le numéro de consultation obligatoire.

Cette consultation doit avoir lieu avant la conclusion du contrat de crédit ou dans le délai de 7 jours suivant l’acceptation de l’offre de crédit et avant la mise à disposition des fonds.

En l’espèce, le demandeur ne produit aux débats aucun justificatif de consultation du FICP, et ne justifie donc pas avoir vérifié la solvabilité de l’emprunteur préalablement à la conclusion du contrat de prêt.

En conséquence, le prêteur ne peut qu’être déchu totalement du droit aux intérêts.

Sur le montant de la créance
Aux termes de l’article L.341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
En l’espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ; les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû. Il est constant que cette déchéance s’étend aux frais, commissions, indemnités et assurances.

En conséquence, les sommes dues se limiteront à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de Monsieur [F] [O] (cumul des financements) et le montant des règlements versés à quelque titre que ce soit par l’emprunteur depuis l’origine, tels qu’ils résultent du tableau d’amortissement et du décompte produit par la S.A.S. EOS FRANCE, venant aux droits de la S.A. CARREFOUR BANQUE, soit :

Capital emprunté
2768,85 euros
Somme des règlements versés depuis l’origine
244,2 euros
TOTAL
2524,65 euros

Il y a donc lieu de faire droit à la demande en paiement de la S.A.S. EOS FRANCE, venant aux droits de la S.A. CARREFOUR BANQUE, à hauteur de la somme de 2524,65 euros au titre du capital restant dû.

Par ailleurs, bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt étant en principe majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice.

Cependant, par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA/Fesih Kalhan) a dit pour droit que l’article 23 de la directive 2008/48 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal lesquels sont en outre majorés de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire d’une décision de justice prononçant la déchéance du droit aux intérêts si « les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance des intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté » ses obligations découlant de ladite directive.

La Cour de Justice a ainsi indiqué que « si la sanction de la déchéance des intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif » (point 52).

Il s’ensuit qu’en vue d’apprécier le caractère réellement dissuasif de la sanction, il appartient à la juridiction « de comparer, dans les circonstances de l’affaire dont elle est saisie, les montants que le prêteur aurait perçus en rémunération du prêt dans l’hypothèse où il aurait respecté son obligation » découlant de la directive, « avec ceux qu’il percevrait en application de la sanction de la violation de cette même obligation » (point 50).

La Cour de Justice a également indiqué que « dans l’occurrence où la juridiction de renvoi constaterait que la sanction de la déchéance des intérêts conventionnels ne présente pas un caractère véritablement dissuasif au sens de l’article 23 de la directive 2008/48, il y a lieu de rappeler à cet égard qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige opposant exclusivement des particuliers, est tenue, lorsqu’elle applique les dispositions du droit interne, de prendre en considération l’ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de la directive applicable en la matière pour aboutir à une solution conforme à l’objectif poursuivi par celle-ci » (point 54).

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance des intérêts, sont significativement supérieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48, le taux légal majoré (9,92%) étant supérieur à celui du contrat (9,33%), de sorte que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêt pas de caractère effectif et dissuasif.

Afin d’assurer l’effet de la directive 2008/48, notamment de son article 23, et par conséquent de garantir le caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient donc de ne pas faire application de l’article de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier et de dire que la somme restant due en capital ne portera intérêts qu’au taux légal non majoré à compter du 2 avril 2022, date de la mise en demeure.

Sur la clause pénale
En application de l’article 1231-5 du code civil, le juge peut réduire d’office le montant de la clause pénale par le juge si elle est manifestement excessive.

En l’espèce, la limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts rend manifestement excessive la clause pénale de 8% du capital dû à la date de la défaillance contenue au contrat de prêt, laquelle sera écartée.

Sur les demandes accessoires :

Sur les dépens :

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, rien ne justifie d’inverser la charge normale des dépens. En conséquence, il y a lieu de condamner Monsieur [F] [O], partie succombante, aux entiers dépens de l’instance.

Sur les frais irrépétibles :

Il ressort de l’article 700 du même code que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au regard des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Monsieur [F] [O] sera condamné à payer à la la S.A.S. EOS FRANCE, venant aux droits de la S.A. CARREFOUR BANQUE, une somme que l’équité commande de fixer à 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire :

En application de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Juge des contentieux de la protection, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement par défaut et en dernier ressort,

DÉCLARE RECEVABLE la S.A.S. EOS FRANCE, venant aux droits de la S.A. CARREFOUR BANQUE, en son action à l’égard de Monsieur [F] [O] ;

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la S.A.S. EOS FRANCE, venant aux droits de la S.A. CARREFOUR BANQUE, au titre du prêt souscrit par Monsieur [F] [O] le 17 septembre 2021, à compter de cette date ;

ECARTE l’indemnité sollicitée par la S.A.S. EOS FRANCE, venant aux droits de la S.A. CARREFOUR BANQUE, au titre de la clause pénale ;

ÉCARTE l’application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier ;

CONDAMNE en conséquence Monsieur [F] [O] à verser à la S.A.S. EOS FRANCE, venant aux droits de la S.A. CARREFOUR BANQUE, la somme de 2524,65 euros au titre du capital restant dû et de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2022, sans application de la majoration légale de l’article L.313-3 du code monétaire et financier ;

CONDAMNE Monsieur [F] [O] aux dépens ;

CONDAMNE Monsieur [F] [O] à verser à la S.A.S. EOS FRANCE, venant aux droits de la S.A. CARREFOUR BANQUE, la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

AINSI JUGE ET PRONONCE A LILLE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA JURIDICTION, LE VINGT-CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT-QUATRE, DATE INDIQUEE A L’ISSUE DES DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE EN APPLICATION DE L’ARTICLE 450 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE.

Le greffier Le juge des contentieux de la protection


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