Conflit d’indemnisation et effets des accords transactionnels entre assureurs et assurés

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Conflit d’indemnisation et effets des accords transactionnels entre assureurs et assurés

L’Essentiel : Le 8 janvier 2017, un incendie a ravagé la maison des époux [O] à [Localité 7]. Assurés par PACIFICA, ils ont reçu une indemnité de 170.328,76 €, tandis que QBE a proposé 168.321,87 € pour la responsabilité de l’incendie, attribuée à une mauvaise installation de cheminée. Cependant, PACIFICA a ensuite réclamé un trop-versé de 154.262,54 €, entraînant un litige. Le tribunal a jugé que les époux avaient bénéficié d’une double indemnisation et a ordonné leur remboursement à PACIFICA, confirmant ainsi le jugement de première instance et déclarant irrecevables leurs demandes d’augmentation d’indemnité.

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Contexte de l’incendie

M. [Y] [O] et Mme [M] [D] épouse [O] sont propriétaires d’une maison située à [Localité 7] (Haute-Loire), qui a été détruite par un incendie le 8 janvier 2017. Ils ont déclaré le sinistre à leur assureur, la SA PACIFICA, dont le contrat multirisque habitation couvrait le risque incendie, avec un plafond d’indemnisation pour le mobilier de 127.332,00 € et sans plafond pour la partie immobilière.

Responsabilité et indemnisation

L’incendie a été attribué à une mauvaise installation d’un conduit de cheminée par la société ÉTABLISSEMENT THOMAS, assurée par QBE EUROPE SA/NV. Après des réunions d’expertise, PACIFICA a proposé une indemnité de 170.328,76 €, tandis que QBE a proposé 168.321,87 €. Les époux [O] ont accepté ces propositions le 7 septembre 2017.

Litige sur le trop-versé

PACIFICA a estimé avoir versé un trop-versé de 154.262,54 € et a assigné les époux [O] et QBE devant le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay. Le jugement du 6 septembre 2022 a déclaré irrecevables les demandes des époux [O] visant à annuler les lettres d’acceptation et a condamné les époux à rembourser la somme à PACIFICA, ainsi qu’à payer des indemnités à PACIFICA et QBE.

Appel et décisions judiciaires

Les époux [O] ont interjeté appel le 16 septembre 2022, contestando les décisions du tribunal. Le 16 mars 2023, la procédure d’appel a été radiée, puis réinscrite le 18 janvier 2024. Les époux ont demandé l’infirmation du jugement et la nullité des quittances d’indemnité.

Arguments des parties

PACIFICA a demandé la confirmation du jugement, tandis que QBE a également demandé la confirmation de l’irrecevabilité des demandes des époux. Les époux [O] ont soutenu qu’ils n’avaient pas reçu une double indemnisation et ont demandé une indemnisation totale de 386.128,85 €.

Qualification de la transaction

Le tribunal a qualifié les quittances d’indemnité comme une transaction, ce qui a mis fin à toute contestation sur le montant des réparations. Les époux [O] ont été jugés avoir bénéficié d’une double indemnisation, ce qui a conduit à la demande de remboursement de la somme versée par PACIFICA.

Décision finale

La cour a confirmé le jugement de première instance, déclarant irrecevables les demandes des époux [O] pour rehaussement des indemnités et a ordonné le remboursement à PACIFICA. Les époux ont également été condamnés à payer des indemnités pour frais irrépétibles à PACIFICA et QBE, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature juridique des quittances d’indemnité signées par les époux [O] ?

Les quittances d’indemnité signées par les époux [O] le 7 septembre 2017 ont été qualifiées de transaction au sens des articles 2044 et 2052 du Code civil.

L’article 2044 du Code civil stipule que :

« La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. »

Cet article souligne que la transaction est un moyen de résoudre un litige par des concessions mutuelles.

De plus, l’article 2052 précise que :

« La transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. »

Ainsi, les époux [O] ont renoncé à toute action complémentaire à l’encontre des sociétés PACIFICA et QBE en acceptant les indemnités proposées, ce qui constitue une concession réciproque.

Les époux [O] peuvent-ils contester la validité des quittances d’indemnité ?

Les époux [O] ont tenté de contester la validité des quittances d’indemnité, mais leur demande a été jugée irrecevable.

En effet, pour qu’une contestation soit recevable, il faut invoquer un vice du consentement, tel qu’une erreur, un dol ou une violence.

Or, les époux [O] n’ont pas démontré l’existence d’un tel vice. Ils ont simplement affirmé avoir été dans l’ignorance d’un double paiement, ce qui ne constitue pas un vice du consentement.

L’article 1130 du Code civil précise que :

« Il n’y a pas de consentement valable si celui-ci a été donné sous l’influence d’une erreur, d’un dol ou d’une violence. »

Ainsi, en l’absence de preuve d’un vice du consentement, les demandes d’annulation des quittances sont rejetées.

Quelles sont les conséquences de la répétition de l’indu dans cette affaire ?

La répétition de l’indu est régie par l’article 1302-1 du Code civil, qui dispose que :

« Celui qui a reçu sans cause un enrichissement au détriment d’autrui est tenu de le restituer. »

Dans cette affaire, la société PACIFICA a versé aux époux [O] une somme de 154.262,54 € en raison d’une double indemnisation.

Les époux [O] ont donc été condamnés à rembourser cette somme, car ils ont indûment perçu un montant supérieur à ce qui leur était dû.

Cette décision est fondée sur le principe selon lequel nul ne peut s’enrichir sans cause au détriment d’autrui, ce qui justifie la restitution de l’indu.

Comment se justifie l’application de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans cette affaire, les époux [O] ont été condamnés à payer des indemnités aux sociétés PACIFICA et QBE au titre de l’article 700.

Cette condamnation est justifiée par le fait que les époux [O] ont succombé dans leurs demandes, entraînant des frais pour les sociétés.

Les juges ont estimé qu’il serait inéquitable de laisser ces frais à la charge des sociétés, d’où la décision de les imputer aux époux [O].

Ainsi, les indemnités de 2.500,00 € chacune, versées aux deux sociétés, sont conformes aux dispositions de l’article 700.

COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 19 novembre 2024

N° RG 23/01058 – N° Portalis DBVU-V-B7H-GAYU

-PV- Arrêt n° 475

[Y], [E] [O], [M] [D] épouse [O] / S.A. PACIFICA, Société QBE EUROPE

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du PUY EN VELAY, décision attaquée en date du 06 Septembre 2022, enregistrée sous le n° 19/01058

Réinscription du dossier RG 22/01842 (arrêt 144 du 16 mars 2023)

Arrêt rendu le MARDI DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Rémédios GLUCK, greffier lors de l’appel des causes et Mme Marlène BERTHET, greffier lors du prononcé

ENTRE :

M. [Y], [E] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

et

Mme [M] [D] épouse [O]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentés par Me Isabelle MABRUT de la SELARL KAEPPELIN-MABRUT, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

APPELANTS

ET :

S.A. PACIFICA

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Karine PAYS de la SELARL PARALEX, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

Société QBE EUROPE SA/NV

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

et par Me Jérôme TERTIAN de la SCP TERTIAN-BAGNOLI & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

DÉBATS :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 septembre 2024, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et Mme BEDOS, rapporteurs.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 novembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme Marlène BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Y] [O] et Mme [M] [D] épouse [O] sont propriétaires d’une maison qu’ils occupent comme résidence principale, située dans le bourg de la ommune de [Localité 7] (Haute-Loire). Le 8 janvier 2017, un incendie a détruit leur habitation et les biens se trouvant à l’intérieur. Les époux [O] ont déclaré ce sinistre auprès de leur assureur la SA PACIFICA. Leur contrat multirisque habitation couvrait le risque incendie et comprenait notamment une formule de rééquipement à neuf avec un plafond d’indemnisation du mobilier garanti à hauteur d’un montant maximum de 127.332,00 € et sans plafond en ce qui concerne la partie immobilière.

La cause de l’incendie a été imputée à la société ÉTABLISSEMENT THOMAS, exerçant une activité d’installation de cheminées et assurée auprès de la société de droit belge QBE EUROPE SA/NV, pour avoir mal installé un conduit de cheminée branché sur une cheminée à foyer fermé. Des réunions d’expertise ont été en conséquence diligentées entre ces deux assureurs. À l’issue de ces discussions, la société PACIFICA a adressé aux époux [O] une proposition d’indemnité d’un montant total de 170.328,76 € tandis que la société QBE leur a adressé une proposition d’indemnité d’un montant total de 168.321,87 €. Les époux [O] ont formalisé le 7 septembre 2017 l’acceptation de ces deux propositions indemnitaires par une lettre d’acceptation sur indemnité en ce qui concerne la société PACIFICA et par une quittance d’indemnité en ce qui concerne la société QBE.

Estimant avoir effectué un trop-versé à hauteur de la somme principale de 154.262,54 €, la société PACIFICA a assigné les 30 octobre et 5 novembre 2019 les époux [O] ainsi que la société QBE devant le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay qui, suivant un jugement n° RG-19/01058 rendu le 6 septembre 2022, a :

jugé irrecevables les demandes des époux [O] :

aux fins d’annulation de la lettre d’acceptation sur indemnité et de la quittance d’indemnité signées le 7 septembre 2017 ;

formées à l’encontre des sociétés PACIFICA et QBE ;

tendant à 1’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire ;

condamné solidairement les époux [O] à payer à la société PACIFICA la somme de 154.262,54 € au titre de la répétition de l’indu, outre intérêts à compter du jugement ;

condamné les époux [O] à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

une indemnité de 2.000,00 € à la société PACIFICA ;

une indemnité de 2.000,00 € à la société QBE ;

ordonné l’exécution provisoire du jugement ;

condamné les époux [O]  aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration formalisée par le RPVA le 16 septembre 2022, le conseil des époux [O] a interjeté appel du jugement susmentionné. L’effet dévolutif de cet appel y est ainsi libellé :

« Objet/Portée de l’appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués suivants : juge irrecevable la demande tendant à obtenir l’annulation de la lettre d’acceptation sur indemnité et de la quittance d’indemnité signées le 7 septembre 2017, juge irrecevable les demandes dirigées par [Y] [O] et [M] [D] épouse [O] à l’encontre de PACIFICA et QBE, juge irrecevable la demande subsidiaire tendant à l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire, condamne solidairement [Y] [O] et [M] [D] épouse [O] à payer à la SA PACIFICA la somme de 154.262,54 euros au titre de la répétition de l’indu outre intérêts à compter du présent jugement, condamne [Y] [O] et [M] [D] épouse [O] aux entiers dépens de l’instance, condamne [Y] [O] et [M] [D] épouse [O] à payer la somme de 2.000,00 euros à la SA PACIFICA au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, condamne [Y] [O] et [M] [D] épouse [O] à payer la somme de 2.000,00 euros à la société QBE au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ordonne l’exécution provisoire du présent jugement. »

Par ordonnance rendue le 16 mars 2023, le Conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de cette procédure d’appel n° RG-22/01842.

Par ordonnance rendue le 18 janvier 2024, le Conseiller de la mise en état a ordonné la réinscription au rôle de cette procédure d’appel devenant dès lors n° RG-23/01058.

‘ Par dernières conclusions d’appelant notifiées par le RPVA le 3 avril 2024, M. [Y] [O] et Mme [M] [D] épouse [O] ont demandé de :

au visa des articles 1241 et 1179 du Code civil ainsi que du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

[à titre principal] ;

infirmer le jugement du 6 septembre 2022 du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu’il a jugé irrecevables les demandes des époux [O] et les a condamnés à rembourser à la SA PACIFICA la somme de 154.262,54 € ;

en conséquence, statuant à nouveau ;

juger que la quittance d’indemnité et la lettre d’acceptation sur indemnité du 7 septembre 2017 sont nulles et de nul effet ;

juger que le préjudice subi par les époux [O] et par leur famille doit être indemnisé par les sociétés QBE et PACIFICA à hauteur de la somme totale de 386.128,85 € ;

juger que les époux [O] n’ont pas perçu une double indemnisation ;

au visa des règlements intervenus, condamner solidairement les sociétés QBE et PACIFICA à payer aux époux [O] la somme de 63.544,44 € au titre du solde de l’indemnité à leur devoir ;

à titre subsidiaire, juger que l’indemnisation perçue par les époux [O] et constituée par les versements des deux sociétés d’assurances QBE et PACIFICA constitue l’indemnisation qui leur était due au titre du sinistre incendie qu’ils ont subi ;

[en tout état de cause ], condamner solidairement les sociétés QBE et PACIFICA :

à payer aux époux [O] une indemnité de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

aux entiers dépens de première instance et d’appel.

‘ Par dernières conclusions d’intimé notifiées par le RPVA le 13 juin 2024, la SA PACIFICA a demandé de :

– [à titre principal] ;

– confirmer le jugement déféré et en conséquence ;

– juger irrecevables les demandes des époux [O] :

* tendant à obtenir l’annulation de la lettre d’acceptation sur indemnité et de la quittance d’indemnité signées le 7 septembre 2017 ;

* dirigées à l’encontre de la société PACIFICA ;

* tendant à titre subsidiaire à l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire ;

– condamner solidairement les époux [O] à payer à la société PACIFICA la somme de 154.262,54 € au titre de la répétition de l’indu outre intérêts à compter du jugement rendu par le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay ;

– condamner les époux [O] :

aux entiers dépens de première instance ;

à payer à la SA PACIFICA une indemnité de 2.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

– débouter les époux [O] de toutes leurs demandes ;

– à titre subsidiaire, juger recevable et bien fondé le recours subrogatoire de la société PACIFICA à l’encontre de la société QBE en qualité d’assureur du tiers responsable et condamner cette dernière au paiement de la somme principale de 154.262,54 €, outre intérêts de retard ;

– en tout état de cause, condamner les époux [O], ou toute partie succombante :

* à payer à la société PACIFICA une indemnité de 5.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

* aux dépens d’appel.

‘ Par dernières conclusions d’intimé notifiées par le RPVA le 14 mars 2023 [dans le cadre de l’instance n° RG-22/01842], la société de droit belge QBE EUROPE SA/NV a demandé de :

– [à titre principal] ;

– au visa des articles 2044 et suivants du Code civil ainsi que des articles 31 et suivants du code de procédure civile ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé l’irrecevabilité des demandes formées par les époux [O] à l’encontre de la société QBE ;

– débouter les époux [O], et tout contestant, de toutes demandes formées à l’encontre de la société QBE ;

– rejeter les demandes de la société PACIFICA à l’encontre de la société QBE en tant qu’irrecevables au visa de l’article 564 du code de procédure civile comme présentées pour la première fois en cause d’appel ;

– mettre la société QBE hors de cause ;

– à titre subsidiaire, faire application des plafonds et franchise du contrat de la société QBE EUROPE à hauteur de 1.000,00 € ;

– en tout état de cause ;

– condamner les époux [O] et tout succombant :

* à payer à la société QBE EUROPE SA/NV une indemnité de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* à supporter les dépens de l’instance, avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Barbara Gutton, avocat associé au sein de la SELARL Lexavoué Riom Clermont, avocats associés au barreau de Clermont-Ferrand.

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l’appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.

Par ordonnance rendue le 4 juillet 2024, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l’audience civile collégiale du 30 septembre 2024 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré et développé ses moyens et prétentions précédemment énoncés. La décision suivante a été mise en délibéré au 19 novembre 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il n’est d’abord pas contesté par l’une quelconque des parties que le sinistre provient d’un vice de construction du fait d’une mise à feu d’une solive en bois qui avait été confinée dans une hotte réalisée par la société ÉTABLISSEMENT THOMAS, alors que cette solive était située de manière non conforme aux règles de l’art à 12 cm du conduit de raccordement simple d’un insert de cheminée. Par ailleurs, ni la société PACIFICA au titre de la police d’assurance n° 2936030906 garantissant le risque incendie habitation à l’égard des époux [O] ni la société QBE au titre de la police d’assurance de responsabilité civile décennale n° 0085269-288 de la société ÉTABLISSEMENT THOMAS ne contestent le principe de la mobilisation de leur obligation respective de garantie contractuelle.

La lettre d’acceptation sur indemnité du 7 septembre 2010 signée par les époux [O] procède d’une ratification de l’intention de la société PACIFICA de lui verser un volume d’indemnité pour un montant maximal total de 170.328,76 €, se rapportant notamment au coût de réfection de l’immobilier à hauteur de 116.043,46 € et au coût de reconstitution du mobilier à hauteur de 25.988,42 €. C’est en avance sur cette somme totale maximale qu’a été versée aux époux [O] la somme totale litigieuse de 154.262,54 € par la société PACIFICA au titre de la garantie de l’ensemble des dommages consécutifs à l’incendie (129.213,03 € au titre de l’indemnité immédiate + 25.049,51 € au titre de l’indemnité différée sur des justificatifs de travaux de reconstruction). Or cette dernière réclame désormais restitution de cette somme à titre principal à l’encontre des époux [O] en raison de leur signature à la même date du 7 septembre 2010 de la quittance afférente à l’indemnité à hauteur de 168.321,87 € que la société QBE a également versée le 26 septembre 2017 aux époux [O] en qualité d’assureur de la responsabilité civile décennale de la société ÉTABLISSEMENT THOMAS.

Il en ressort que les époux [O] ont bénéficié d’un double paiement au titre de la même cause d’indemnisation dans un contexte de présentation simultanée de ces deux offres indemnitaires à l’initiative de chacun de ces deux assureurs.

Il s’en infère que le montant total du coût des réparations immobilières et des reconstitutions mobilières tel qu’amiablement transigé du fait de la survenance de cet incendie ne pouvait dès lors en tout état de cause dépasser la somme totale précitée de 168.321,87 € correspondant au versement indemnitaire le plus élevé entre ces deux assureurs, sauf admission de la demande formée par les époux [O] aux fins de rehaussement de ces réparations et dont la recevabilité sera ci-après discutée.

Les époux [O] ont en définitive bénéficié de ce double paiement émanant de ces deux assureurs mobilisés pour des causes différentes, axant en réalité uniquement leur défense :

– à titre principal en arguant que le montant total de leur réparation du fait de l’ensemble des conséquences dommageables de cet incendie devrait en réalité être fixé à la somme totale de 386.128,85 €, dont à déduire les versements précités de 154.262,54 € et de 168.321,87 €, avec en conséquence un solde impayé qu’ils font valoir à hauteur de 63.544,44 € ;

– à titre subsidiaire sur le fait que le montant total de cette même réparation devrait par défaut être arrêté au cumul des versements précités de 154.262,54 € et de 168.321,87 € de la part de ces deux assureurs.

Or, l’article 2044 du Code civil dispose que « La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. / Ce contrat doit être rédigé par écrit. » tandis que l’article 2052 du Code civil dispose que « La transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. ».

En l’espèce, la lettre d’acceptation sur indemnité qui a été dûment et personnellement signée le 7 septembre 2017 par les époux [O] à l’égard de la société PACIFICA chiffre l’ensemble de la réparation du préjudice à la fois immobilier et mobilier à la somme totale de 170.328,76 € TTC, cet accord contenant notamment la clause ci-après libellée : « Nous reconnaissons que PACIFICA a rempli l’ensemble de ses obligations contractuelles et renonçons à toute action complémentaire à son encontre. ». Il en est de même en ce qui concerne la quittance d’indemnité que les époux [O] ont dûment et personnellement signée à cette même date du 7 septembre 2017 à l’égard de la société QBE afin de chiffrer l’ensemble de cette même réparation à la fois immobilière et mobilière à la somme totale de 168.321,87 €, cet accord contenant notamment la clause ci-après libellée : « Au moyen de ce règlement, je

déclare formellement renoncer à toute réclamation ultérieure, amiable ou judiciaire à l’occasion de ce sinistre et de ses conséquences et subroge la Cie QBE France dans tous mes droits et actions. ».

En l’occurrence, il convient de rappeler que la forme de rédaction écrite prévue à l’article 2044 alinéa 1er du Code civil n’est exigée qu’à des fins probatoires et non pour la validité en elle-même du contrat de transaction. Il est ainsi tout à fait admissible qu’une lettre d’acceptation sur indemnité valant quittance ou une quittance d’indemnité peuvent constituer le support écrit d’une convention préalable de transaction.

De plus, cet accord a été convenu afin précisément de prévenir une contestation à naître sur un différend clairement identifié conformément aux dispositions de l’article 2044 alinéa 1er du Code civil du Code civil, en l’espèce l’exact montant de l’ensemble des réparations exigibles..

Enfin, la condition légale de concessions réciproques permettant d’objectiver une transaction mettant définitivement fin à un litige ou au risque de survenance d’un litige n’apparaît pas contestable, compte tenu précisément de l’évolution des chiffrages d’indemnités au cours de l’ensemble des discussions qui ont précédé la formalisation de ces deux quittances d’indemnité du 7 septembre 2017. En effet, ces discussions sont préalablement intervenues de manière soutenue et constante entre trois experts : un expert missionnés par chacun des deux assureurs et un expert désigné pour assurer la défense des intérêts de l’assuré. Il en a indéniablement résulté un jeu de concessions mutuelles se caractérisant notamment par les éléments suivants :

– un compte rendu portant sur une réunion du 22 février 2017 au sujet de ce sinistre du 8 janvier 2017 entre la société PACIFICA et M. [O], dont il résulte que les époux [O] avaient initialement fait valoir une « (‘) réclamation qui s’établie globalement à la somme de 246’897,52 €. », avant d’arrêter en définitive à la baisse le montant de leurs prétentions pécuniaires à hauteur des montant respectifs de 170.328,76 € et de 168.321,87 € dans le cadre de ces deux quittances d’indemnité du 7 septembre 2017 ;

– ce même compte rendu de réunion du 22 février 2017 qui mentionne que la société PACIFICA avait elle-même proposé à titre d’ouverture de dossier une indemnité de 70.000,00 € pour en définitive convenir à la hausse le 7 septembre 2017 du montant précité de 170.328,76 € ;

– un document de la société QBE, daté du 25 septembre 2017 et intitulé Claim Transaction Form, ratifiant l’offre indemnitaire précitée de 168.321,87 € tout en mentionnant notamment que cette offre avait elle-même été initialement proposée à la somme de 100.000,00 €, ce qui objective également une concession à la hausse de la part de cet assureur.

Dans ces conditions, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a, tel que cela ressort en définitive des seuls motifs de sa décision, qualifié de transaction ces deux quittances du 7 septembre 2017 des sociétés PACIFICA et QBE à hauteur des montants respectifs de 170.328,76 € et de 168.321,87 € au visa des articles 2044 et 2052 du Code civil.

Pour autant, le corollaire de la qualification de ce jeu des deux quittances en transaction n’est pas l’irrecevabilité de la demande d’annulation de ces quittances mais l’irrecevabilité des demandes formées par les époux [O] aux fins de rehaussement de cette indemnité en invocation du principe de réparation intégrale. Cette demande de rehaussement est désormais formée, à titre principal à hauteur de la somme totale de 386.128,85 € avec demande de versement d’un solde à hauteur de 63.544,44 € et à titre en demandant de ratifier le cumul de ces deux indemnités respectivement servies par chacun de ces deux assureurs.

En ce qui concerne cette demande d’annulation des deux quittances du 7 septembre 2017 qui est reformulée en cause d’appel par les époux [O], force est de constater que ceux-ci n’invoquent aucun vice particulier du consentement, confirmant avoir accepté le même jour les indemnisations proposées concomitamment par les sociétés PACIFICA et QBE et invoquant une méprise suivant laquelle ils auraient alors pensé que ces quittances ne résultaient pas d’un cumul de règlement de leur entier préjudice. Or, avec les clauses précitées suivant lesquelles ils renonçaient pour l’avenir en suffisante connaissance de cause à toutes remises en question des montants accordés, ils ne pouvaient dès lors raisonnablement considérer que ces indemnisations ne réglaient pas leur entier préjudice.

Dans ces conditions, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes formées par les époux [O] aux fins d’annulation de ces deux quittances du 4 septembre 2017 des sociétés PACIFICA et QBE ces demandes apparaissant normalement recevables mais devant être au fond rejetées faute d’objectivation d’un quelconque vice du consentement.

En conséquence des motifs qui précèdent sur la qualification des deux quittances du 4 septembre 2017 en transaction conformément aux dispositions des articles 2044 et 2052 du Code civil, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable l’ensemble des demandes formé par les époux [O] à l’encontre des sociétés PACIFICA et QBE aux fins de rehaussement des indemnités résultant de ces deux quittances du 4 septembre 2017.

La décision de première instance d’irrecevabilité de la demande subsidiaire d’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire n’a pas été frappée d’appel et ne fait au demeurant l’objet d’aucune demande dans le dispositif des conclusions de la partie appelante.

La société QBE a fait établir le 19 juin 2017 par un économiste de la construction un rapport dans le cadre de son obligation à la garantie de responsabilité civile décennale de la société ÉTABLISSEMENT THOMAS, détaillant et justifiant l’offre indemnitaire précitée de 168.321,87 € avec une présentation exhaustive des mesures conservatoires et préparatoires de chantier, des travaux de changement de cheminée, des travaux réparatoires en matière de couverture, de menuiseries extérieures et intérieures, de planchers et de parquets, de carrelage, d’électricité, de plomberie et de plâtrerie-peinture, des frais annexes en matière de démolitions et de déblais, des frais d’honoraires de maîtrise d »uvre et autres, des frais consécutifs aux préjudices immatériels en matière de pertes de loyers et de relogement, des contraintes de décontamination, des frais de nettoyage, de dégraissage et de lessives ainsi que des frais de reconstitution des effets mobiliers disparus. Les époux [O] ne pouvaient dès lors raisonnablement pas méconnaître qu’ils avaient fait l’objet, du fait manifestement d’une méprise entre les deux assureurs, d’une double indemnisation servie pour la même cause respectivement par la société PACIFICA et par la société QBE. La société PACIFICA ne peut de ce fait exercer aucun recours subrogatoire à l’égard de la société QBE en tant qu’assureur du tiers responsable.

Le jugement de première instance sera dès lors confirmé en ce qu’il a subséquemment condamné solidairement les époux [O] à rembourser à la société PACIFICA la somme précitée de 154.262,54 €, inférieure à l’indemnité servie par la société QBE à hauteur de 168.321,87 €, en application des dispositions de l’article 1302-1 du Code civil sur la répétition de l’indu. Le service des intérêts de retard au taux légal sur cette condamnation pécuniaire à compter de la date du 6 septembre 2022 du jugement de première instance sera de ce fait également confirmée.

Le jugement de première instance sera confirmé en toutes ses décisions d’application de l’article 700 du code de procédure civile et d’imputation des dépens de première instance.

Eu égard aux motifs qui précèdent à titre principal, la demande subsidiaire de garantie formée par la société PACIFICA à l’égard de la société QBE aux fins de remboursement de la somme précitée de 154.262,54 € avec intérêts de retard devient sans objet. Dans ces conditions, toutes les demandes formées à titre principal comme à titre subsidiaire par la société QBE deviennent elles-mêmes sans objet

Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de de la société PACIFICA les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager à l’occasion de cette instance et qu’il convient d’arbitrer à la somme de 2.500,00 €, à la charge des époux [O].

Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de de la société QBE les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager à l’occasion de cette instance et qu’il convient d’arbitrer à la somme de 2.500,00 €, à la charge des époux [O].

Enfin, succombant à l’instance, les époux [O] seront purement et simplement déboutés de leur demande de défraiement formée au visa de l’article 700 du code de procédure civile et en supporteront les entiers dépens.

LA COUR,

STATUANT PUBLIQUEMENT

ET CONTRADICTOIREMENT

CONFIRME le jugement n° RG-19/01058 rendu le 6 septembre 2022 par le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay en ce qu’il a, dans ses motifs, qualifié de transaction, conformément aux dispositions des articles 2044 et 2052 du Code civil :

– la lettre d’acceptation sur indemnité signée le 7 septembre 2017 par M. [Y] [O] et Mme [M] [D] épouse [O] à l’égard de la SA PACIFICA à hauteur de la somme totale de 170.328,76 € TTC ;

– la quittance sur indemnité signée le 7 septembre 2017 par M. [Y] [O] et Mme [M] [D] épouse [O] à l’égard de la société de droit belge QBE EUROPE SA/NV à hauteur de la somme totale de 168.321,87 €.

INFIRME ce même jugement en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes formées par M. [Y] [O] et Mme [M] [D] épouse [O] aux fins d’annulation de la lettre d’acceptation sur indemnité et de la quittance sur indemnité signées le 7 septembre 2017.

Statuant à nouveau sur ce qui précède, DÉBOUTE M. [Y] [O] et Mme [M] [D] épouse [O] de leurs demandes formées aux fins d’annulation de la lettre d’acceptation sur indemnité et de la quittance sur indemnité signées le 7 septembre 2017.

CONFIRME ce même jugement :

– en ce qu’il a déclaré irrecevable l’ensemble des demandes formées à titre principal comme à titre subsidiaire par M. [Y] [O] et Mme [M] [D] épouse [O] aux fins de rehaussement des indemnités résultant des deux quittances susmentionnées du 7 septembre 2017 ;

– en ce qu’il a condamné solidairement M. [Y] [O] et Mme [M] [D] épouse [O] à payer au profit de la SA PACIFICA la somme de 154.262,54 € à titre de répétition de l’indu, avec intérêts de retard au taux légal jusqu’à parfait paiement à compter du 6 septembre 2022 ;

– en toutes ses décisions d’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et d’imputation des dépens de première instance.

Y ajoutant.

CONDAMNE M. [Y] [O] et Mme [M] [D] épouse [O] à payer au profit de la SA PACIFICA une indemnité de 2.500,00 €, en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. [Y] [O] et Mme [M] [D] épouse [O] à payer au profit de la société QBE EUROPE SA/NV une indemnité de 2.500,00 €, en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile.

REJETTE le surplus des demandes des parties.

CONDAMNE [Y] [O] et Mme [M] [D] épouse [O] aux entiers dépens de l’instance, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Barbara Gutton, avocat au barreau de Clermont-Ferrand.

Le greffier Le président


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