L’Essentiel : Madame [J] [B], née en 1943, a subi un accident le 29 octobre 2019 dans un immeuble à [Localité 3]. Elle a assigné la compagnie d’assurance GAN pour obtenir réparation de son préjudice. Dans ses demandes, elle réclame la reconnaissance de son droit à indemnisation, une expertise médicale, une provision de 5 000 euros, ainsi que 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La compagnie d’assurance conteste ces demandes, arguant des incohérences dans les témoignages. Le tribunal a finalement reconnu la responsabilité du syndicat de copropriété et ordonné une expertise médicale.
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Contexte de l’accidentMadame [J] [B], née en 1943, a subi un accident le 29 octobre 2019 dans les parties communes d’un immeuble à [Localité 3]. Elle a assigné la compagnie d’assurance GAN, qui couvre le syndicat de copropriété, pour obtenir réparation de son préjudice en vertu de l’article 1242 du code civil. Demandes de Madame [J] [B]Dans ses écritures du 12 octobre 2023, Madame [J] [B] demande la reconnaissance de son droit à indemnisation, la désignation d’un médecin expert, une provision de 5 000 euros, ainsi que 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle souhaite également que la compagnie d’assurance GAN soit condamnée aux dépens. Position de la compagnie d’assurance GANLa compagnie d’assurance GAN, dans ses conclusions du 4 septembre 2023, demande le débouté de toutes les demandes de Madame [J] [B] et sa mise hors de cause. À titre subsidiaire, elle ne s’oppose pas à l’expertise mais souhaite limiter la provision à 2 000 euros et réclame 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Éléments de preuve fournis par Madame [J] [B]Pour soutenir sa demande, Madame [J] [B] a produit plusieurs pièces, dont un courrier de son conseil, des attestations de témoins, des rapports médicaux et des photographies de l’escalier où l’accident a eu lieu, montrant l’absence de rampe de sécurité. Arguments de la compagnie d’assurance GANLa compagnie d’assurance conteste la matérialité des faits, arguant que les déclarations de la victime ne précisent pas l’endroit exact de la chute et soulignant des incohérences dans les témoignages. Elle remet également en question l’anormalité de l’escalier et son rôle causal dans l’accident. Établissement des faitsIl a été établi que Madame [J] [B] a chuté dans le hall d’entrée de l’immeuble, corroboré par des témoignages et des interventions médicales. Les éléments de preuve indiquent que la chute a eu lieu sur des marches dépourvues de rampe de sécurité, ce qui constitue une anormalité. Responsabilité du syndicat de copropriétéLe tribunal a conclu que le syndicat de copropriété, en tant que gardien de l’escalier, est responsable des dommages subis par Madame [J] [B]. L’absence de rampe de sécurité a été jugée comme un facteur contribuant à l’accident, engageant ainsi la responsabilité du syndicat. Décision du tribunalLe tribunal a ordonné une expertise médicale pour évaluer les séquelles de l’accident et a condamné la compagnie d’assurance GAN à indemniser Madame [J] [B] pour son préjudice. Une provision de 2 500 euros a été accordée, et la compagnie d’assurance a été condamnée à payer 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Prochaines étapesLe dossier a été renvoyé à une audience de mise en état prévue pour le 6 octobre 2025, et le tribunal a rappelé que la décision est assortie de l’exécution provisoire. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur le droit à indemnisationLa question du droit à indemnisation de Madame [J] [B] repose sur l’application de l’article 1242 du Code civil, qui stipule : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. » Cet article établit une responsabilité de plein droit, ce qui signifie que la victime n’a pas à prouver une faute pour obtenir réparation. Cependant, il incombe à la victime de prouver que la chose en cause a joué un rôle causal dans la survenance du dommage. Dans le cas présent, Madame [J] [B] a produit des éléments probants, tels qu’un courrier de son conseil et des témoignages, indiquant que l’absence de rampe dans les escaliers a contribué à sa chute. La responsabilité du syndicat de copropriété, en tant que gardien de l’escalier, est donc engagée, car l’absence de rampe constitue une anormalité qui a contribué à l’accident. Ainsi, le tribunal conclut que le droit à indemnisation de Madame [J] [B] est pleinement justifié, et la compagnie d’assurance GAN est condamnée à l’indemniser. Sur la demande d’expertise judiciaireLa demande d’expertise judiciaire est fondée sur les articles 143 à 147 du Code de procédure civile. L’article 143 précise que les faits dont dépend la solution du litige peuvent faire l’objet de mesures d’instruction. L’article 144 indique que ces mesures peuvent être ordonnées lorsque le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer. L’article 146 stipule qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour prouver ses dires. Dans cette affaire, bien que des éléments médicaux aient été fournis, le tribunal a jugé nécessaire d’ordonner une expertise médicale pour évaluer les séquelles de l’accident. Cette expertise permettra de déterminer le préjudice corporel exact subi par Madame [J] [B], en tenant compte des blessures et des soins reçus. Le tribunal a donc fait droit à la demande d’expertise, considérant qu’elle est essentielle pour une évaluation précise du préjudice. Sur la demande de provision de la victimeLa demande de provision de Madame [J] [B] est examinée à la lumière des circonstances de l’accident et des blessures subies. Le tribunal a décidé d’accorder une provision de 2 500 euros, en tenant compte du degré apparent des blessures. Cette somme est destinée à couvrir les frais immédiats liés à l’accident, en attendant l’évaluation définitive du préjudice. Il est important de noter que la provision est une avance sur l’indemnisation finale, qui sera déterminée après l’expertise médicale. Le tribunal a ainsi jugé équitable de fixer cette provision à 2 500 euros, en raison de la gravité des blessures et des conséquences sur la vie quotidienne de la victime. Cette décision permet à Madame [J] [B] de faire face aux dépenses urgentes résultant de l’accident. Sur les demandes accessoiresConcernant les demandes accessoires, le tribunal a décidé de surseoir à statuer sur les dépens. Cela signifie que les frais de justice liés à cette affaire ne seront pas immédiatement tranchés, permettant ainsi une évaluation plus complète lors des prochaines étapes du procès. En ce qui concerne l’article 700 du Code de procédure civile, le tribunal a condamné la compagnie d’assurance GAN à verser 800 euros à Madame [J] [B] pour couvrir les frais engagés dans le cadre de la procédure. Cet article permet au juge d’allouer une somme à la partie qui a dû engager des frais pour faire valoir ses droits. En revanche, la demande de la compagnie d’assurance GAN au titre de l’article 700 a été rejetée, car elle n’a pas réussi à justifier ses frais. Ainsi, le tribunal a veillé à ce que les frais de justice soient équitablement répartis entre les parties, en tenant compte des circonstances de l’affaire. Sur l’exécution provisoireL’article 514 du Code de procédure civile prévoit que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, sauf disposition contraire. Dans cette affaire, le tribunal a décidé de ne pas écarter l’exécution provisoire, permettant ainsi à Madame [J] [B] de bénéficier rapidement de l’indemnisation accordée. Cette mesure vise à garantir que la victime puisse obtenir une réparation rapide de son préjudice, sans attendre la décision finale sur le fond du litige. L’exécution provisoire est donc un outil essentiel pour assurer la protection des droits de la victime, en lui permettant d’accéder à une indemnisation immédiate. Le tribunal a ainsi statué en faveur de l’exécution provisoire, conformément aux dispositions légales applicables. |
DE MARSEILLE
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N°
Enrôlement : N° RG 23/00860 – N° Portalis DBW3-W-B7H-232J
AFFAIRE : Mme [J] [B] (Me Cyril CASANOVA)
C/ Compagnie d’assurance GAN
(Me Constance DRUJON D’ASTROS)
DÉBATS : A l’audience Publique du 21 Octobre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré
Président : Madame Slavica BIMBOT, Juge placée à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence déléguée comme juge non spécialisée au Tribunal judiciaire de Marseille par ordonnance de délégation du Premier Président de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 3 juillet 2024
Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats
A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 25 Novembre 2024
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2024
PRONONCE par mise à disposition le 25 Novembre 2024
Par Madame Slavica BIMBOT, Juge placée à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence déléguée comme juge non spécialisée au Tribunal judiciaire de Marseille par ordonnance de délégation du Premier Président de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 3 juillet 2024
Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier
NATURE DU JUGEMENT
réputée contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDERESSE
Madame [J] [B]
née le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 13], demeurant [Adresse 14] – [Localité 3]
Immatriculée à la sécurité sociale sous le n° [Numéro identifiant 6]
représentée par Me Cyril CASANOVA, avocat au barreau de MARSEILLE
C O N T R E
DEFENDERESSE
Compagnie d’assurance GAN, dont le siège social est sis [Adresse 9] – [Localité 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice
représentée par Maître Constance DRUJON D’ASTROS de la SCP DRUJON D’ASTROS & ASSOCIES, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Madame [J] [B], née le [Date naissance 1] 1943, déclare avoir été victime d’un accident le 29 octobre 2019, au sein des parties communes de l’immeuble situé au [Adresse 8] à [Localité 3], dont le syndicat de copropriété est assuré auprès de la compagnie d’assurance GAN.
Par actes d’huissier délivrés les 04 et 10 janvier 2023, Madame [J] [B] a assigné la compagnie d’assurance GAN pour qu’elle soit condamnée à réparer, sur le fondement de l’article 1242 du code civil, le préjudice subi à la suite de l’accident précité, ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Aux termes de ses dernières écritures, transmises le 12 octobre 2023 et auxquels il y a lieu de se reporter pour l’exposé intégral de ses demandes et moyens, Madame [J] [B] sollicite que son droit à indemnisation soit reconnu et que la compagnie d’assurance GAN soit condamnée à l’indemniser. Elle demande également la désignation d’un médecin expert et la somme de 5 000 euros à titre de provision, outre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la condamnation de la défenderesse aux entiers dépens et le prononcé de l’exécution provisoire.
Par conclusions notifiées le 04 septembre 2023, auxquels il y a lieu de se reporter pour l’exposé intégral de ses demandes et moyens, la compagnie d’assurance GAN sollicite :
– à titre principal, le débouté de l’intégralité des demandes de Madame [J] [B] et sa mise hors de cause,
– à titre subsidiaire, la compagnie ne s’oppose pas à l’expertise et sollicite la limitation de la provision à hauteur de 2 000 euros,
– en tout état de cause, la condamnation de la demanderesse à la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 novembre 2023.
L’affaire a été appelée à l’audience du 21 octobre 2024 et mise en délibéré au 25 novembre 2024.
L’organisme social bien que régulièrement mis en cause ne comparaît pas et n’a pas fait connaître le montant de ses débours. La présente décision sera réputée contradictoire à l’égard de toutes les parties, conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.
Sur le droit à indemnisation
Aux termes de l’article 1242 du code civil, « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».
Il est constant en droit que cette disposition établit une responsabilité de plein droit, objective, en dehors de toute notion de faute qui pèse sur le gardien de la chose intervenue dans la réalisation du dommage.
Toutefois, il appartient au demandeur de rapporter la preuve que la chose qu’il met en cause est, de quelque manière que ce soit et ne fût-ce que pour partie, l’instrument du dommage.
Lorsque la chose est par nature immobile, la preuve qu’elle a participé de façon incontestable et déterminante à la production du préjudice incombe au demandeur qui doit démontrer que la chose, malgré son inertie, a eu un rôle causal et a été l’instrument du dommage par une anormalité dans son fonctionnement, son état, sa fabrication, sa solidité ou sa position.
S’agissant d’une responsabilité de plein droit, le gardien ne peut totalement s’exonérer de sa responsabilité que dans l’hypothèse où survient un évènement de force majeure ou encore lorsque le comportement de la victime, fautif ou non fautif, ou le fait d’un tiers présente pour lui les caractères d’un évènement de force majeure. Le gardien peut aussi partiellement s’exonérer de sa responsabilité s’il prouve que la faute de la victime ou le fait d’un tiers, prévisible et surmontable, a contribué au dommage.
Le propriétaire de la chose est présumé gardien, mais il peut renverser cette présomption en démontrant qu’un transfert de garde a été opéré au profit d’un tiers qui détenait, au moment du fait dommageable, le pouvoir d’usage, de direction et de contrôle de la chose.
En l’espèce, Madame [J] [B] sollicite que son droit à l’indemnisation soit reconnu, déclarant avoir chuté dans les escaliers des parties communes de l’immeuble de son kinésithérapeute situé au [Adresse 8] à [Localité 3]. Elle argue de l’anormalité de ces escaliers, dépourvus de rampe.
A l’appui de sa demande, elle produit notamment :
un courrier de son conseil au syndicat de copropriété en date du 09 janvier 2019 par lequel il est indiqué que Madame [J] [B] « a lourdement chuté en descendant les escaliers car elle n’a pu se tenir, les escaliers étant dépourvus de rampe dans les dernières marches » ; une attestation d’intervention des marins pompiers le 29 octobre 2019 à 17h23 pour « secours à personne blessée suite à une chute » au sein du bâtiment A de la [Adresse 14] à [Localité 12] ; diverses pièces médicales et notamment la lettre de liaison suite à son hospitalisation ; une attestation de Madame [V] [E] du 10 janvier 2020 qui précise avoir accompagné Madame [J] [B] le jour de l’accident au cabinet médical, l’avoir attendue en bas de l’immeuble pour la raccompagner à son domicile et l’avoir retrouvée en bas des escaliers, car elle était tombée ; elle déclare avoir été alertée par les cris de Madame [J] [B] ; des échanges de courriers avec Monsieur [R] [K], kinésithérapeute, qui précise que les escaliers sont dépourvus de rampe sur les six dernières marches ; une demande de dérogation à l’adaptation aux normes accessibilité ERP du cabinet médical et le procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires du 18 mai 2015; des photographies non datées de la porte d’entrée de l’immeuble et de l’entrée ainsi que de la cage d’escalier du cabinet de kinésithérapie, montrant un escalier dépourvu de rampe.
La compagnie d’assurance GAN sollicite le débouté de cette demande, soutenant que la matérialité des faits n’est pas établie, les circonstances de la chute n’étant rapportée que par les propres déclarations de la victime qui ne précise pas l’endroit exact de sa chute et Madame [V] [E] n’ayant pas été témoin direct des faits. Elle fait état des incohérences sur la date des faits. Dans un second temps, la compagnie d’assurance GAN argue de l’absence de démonstration de l’anormalité de la chose à l’origine du dommage ni de son rôle causal.
A l’appui de sa demande, elle produit notamment une attestation établie par Madame [V] [E] le 10 janvier 2020 qui mentionne avoir constaté que Madame [J] [B] s’était blessée en tombant.
Sur la matérialité de la chute, il ressort des éléments du débat qu’il est établi que le 29 octobre 2019, Madame [J] [B] a été victime d’un accident en chutant au sol à la sortie de son rendez-vous chez le kinésithérapeute, les déclarations de la victime étant corroborées par le témoignage de Madame [V] [E] qui a retrouvé Madame [J] [B] au sol, ainsi que par l’intervention des pompiers ce jour-là et le transport de la victime aux urgences hospitalières, les éléments médicaux mentionnant des blessures compatibles avec une chute (plaie aux genoux et de la jambe droite). Aussi, il n’est pas contesté par les parties que la cage d’escalier est une partie commune de l’immeuble de la résidence dans laquelle exerce le médecin kinésithérapeute et que le gardien de l’escalier est le syndicat de copropriétaires.
S’agissant des circonstances de l’accident, s’il est exact que la déclaration de sinistre par le conseil de la victime est peu développée quant aux circonstances et à la localisation précise de l’accident, il est néanmoins mentionné une chute en lien avec le fait que la victime n’ait pas pu se retenir, les escaliers étant dépourvus de rampe, ce qui laisse penser qu’elle a chuté sur les dernières marches de l’escalier, sur une partie non pourvue d’une rampe de sécurité. Cet élément est corroboré par le témoignage de Madame [V] [E] qui, si elle n’a pas assisté à la chute, a retrouvé la victime au sol, en bas de l’escalier. Les photographies produites au débat, dont il n’est pas contesté qu’il s’agit de l’escalier litigieux, viennent à l’appui des déclarations de la victime. Il s’agit en effet d’un hall d’entrée d’immeuble composée de sept marches non pourvues d’une rampe de sécurité ainsi que d’une première partie d’escalier composé de neuf marches, pourvue d’une main courante, et séparée du hall d’entrée par un espace de 120 centimètres, puis d’une seconde partie d’escalier, également composée de neuf marches et séparée de la première partie d’escalier par un palier de 225 centimètres. Ainsi, compte tenu des déclarations de Madame [V] [E] et de la configuration des lieux, il est peu probable que la victime ait chuté dans la première ou la seconde partie des escaliers eu égard aux deux paliers susmentionnés ; dans de telles circonstances, la victime aurait vraisemblablement terminé sa course sur le palier séparant le hall d’entrée de l’escalier si elle avait chuté dans la première partie de l’escalier ou sur le palier séparant les deux parties de l’escalier si elle avait chuté dans la seconde partie de l’escalier.
L’ensemble de ces éléments constituent des présomptions graves, précises et concordantes qui permettent de tenir pour établi que Madame [J] [B] a chuté dans le hall d’entrée de l’immeuble, sur l’une des sept marches non pourvues d’une rampe de sécurité.
Concernant le caractère anormal de l’escalier lié à l’absence de rampe de sécurité, il n’est pas démontré au visa des normes invoqués par les parties, et notamment de l’arrêté du 24 décembre 2015, un manquement du syndicat à une obligation légale ou réglementaire de sécurité.
En revanche, il est constant que l’absence de rampe de maintien constitue une anormalité d’un escalier en ce que cette absence ne permet pas de prévenir un risque de perte d’équilibre ou d’en limiter l’étendue des conséquences corporelles. En l’espèce, il n’est pas contesté que la partie litigieuse de l’escalier est dépourvue d’une rampe de maintien ou d’une main courante. Or cette absence de tout élément de sécurité présente un caractère de dangerosité et donc d’anormalité, l’usager n’ayant aucun moyen de se rattraper de manière efficace pour éviter une chute.
Ainsi, le rôle actif et causal de l’escalier litigieux dans la chute de la victime est acquis. Le syndicat de copropriété est le gardien de cet escalier, la réponse à la question relative au débiteur de l’obligation de mise en conformité n’ayant pas de conséquence quant à la personne responsable du sinistre qui se trouve être le gardien de la chose. Par conséquent, la responsabilité du syndicat de copropriété est engagée. En l’absence de démonstration d’une quelconque faute caractérisée de la victime, il convient de dire que le droit à indemnisation de Madame [J] [B] est entier.
Dès lors, il appartient à la compagnie d’assurance GAN, assureur du syndicat de copropriété de l’immeuble litigieux, d’indemniser Madame [J] [B] des conséquences de cet accident.
Sur la demande d’expertise judiciaire
Aux termes de l’article 143 du code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible.
L’article 144 du même code précise que les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.
En vertu de l’article 146 du code de procédure civile, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver ; en aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.
L’article 147 ajoute que le juge doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.
En l’espèce, Madame [J] [B] produit diverses pièces médicales dont la lettre de liaison suite à son passage aux urgences le 29 octobre 2019 qui fait état de plaies aux genoux et à la jambe droite ayant nécessité plusieurs points de suture. Elle transmet d’autres lettres de liaison suite à un second passage aux urgences le 01 novembre 2019 en raison de saignements d’une plaie puis le 09 novembre 2019 lié, entre-autre, à des douleurs de la plaie. Dans cette dernière lettre, il est évoqué une « nouvelle chute avec lachage des sutures et hémorragie importante » début novembre. Il est également fait état d’autres pathologies, dont le lien avec l’accident n’est pas évident.
En tout état de cause, l’existence de dommages étant avérée, a minima sur les genoux et la jambe droite, il y a donc lieu de faire droit à la demande de la victime et d’ordonner une expertise médicale afin de déterminer les séquelles exactes de l’accident du 29 octobre 2019 selon la mission précisée au dispositif, le tribunal ne pouvant en l’état évaluer le préjudice corporel réellement subi par Madame [J] [B] des suites de cet accident.
Dans l’attente du rapport d’expertise, les parties seront renvoyés à la mise en état.
Sur la demande de provision de la victime
Compte tenu du degré apparent des blessures et lésions, la provision sera justement fixée à la somme de 2 500 euros.
Sur les demandes accessoires
Il sera sursis à statuer sur les dépens.
Madame [J] [B] ayant exposé des frais pour obtenir la reconnaissance de ses droits, il est équitable de condamner le fonds de garantie à lui payer la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La compagnie d’assurance GAN sera déboutée de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l’article 3 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020 prévoit que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision n’en dispose autrement. Il n’y a pas lieu en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit.
LE TRIBUNAL,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire, en matière civile ordinaire, en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
DECLARE la compagnie d’assurance GAN entièrement responsable des dommages subis par Madame [J] [B] à la suite de l’accident du 29 octobre 2019 ;
CONDAMNE la compagnie d’assurance GAN à indemniser intégralement Madame [J] [B] de son préjudice suite à l’accident du 29 octobre 2019 ;
AVANT DIRE DROIT :
ORDONNE l’expertise médicale judiciaire de Madame [J] [B] ;
Désigne pour y procéder :
Le docteur [D] [P] ép. [W]
UML – CHU [11] – Unité de médecine Légale [Adresse 7]
[Localité 5]
Tél : [XXXXXXXX02]
Mèl : [Courriel 10]
Expert inscrit auprès de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE
avec la mission suivante :
– convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;
– Après avoir recueilli les dires et les doléances de la victime, examiner celle-ci, décrire les lésions qu’elle impute à l’accident survenu le 1er juin 2019 après s’être fait communiquer tous documents relatifs aux examens, soins et interventions dont la victime a été l’objet, leur évolution et les traitements appliqués ; préciser si ces lésions et les soins subséquents sont bien en relation directe et certaine avec lesdits faits ;
– Après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l’identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son niveau scolaire s’il s’agit d’un enfant ou d’un étudiant, son statut et/ou sa formation s’il s’agit d’un demandeur d’emploi, son mode de vie antérieure à l’accident et sa situation actuelle,
– A partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, le nom de l’établissement, les services concernés et la nature des soins ;
– Recueillir les doléances de la victime et au besoin de ses proches ; l’interroger sur les conditions d’apparition des lésions, l’importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences ;
– Décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles ;
– Procéder, en présence des médecins mandatés par les parties avec l’assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime;
– A l’issue de cet examen analyser dans un exposé précis et synthétique :
– La réalité des lésions initiales,
– La réalité de l’état séquellaire,
– L’imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l’incidence d’un état antérieur ;
– Pertes de gains professionnels actuels
Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l’incapacité d’exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle;
En cas d’incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;
Préciser la durée des arrêts de travail retenus par l’organisme social au vu des justificatifs produits (ex : décomptes de l’organisme de sécurité sociale), et dire si ces arrêts de travail sont liés au fait dommageable ;
– Déficit fonctionnel temporaire
Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l’incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ;
En cas d’incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;
– Consolidation
Fixer la date de consolidation et, en l’absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir la victime; préciser, lorsque cela est possible, les dommages prévisibles pour l’évaluation d’une éventuelle provision ;
– Déficit fonctionnel permanent
Indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent défini comme une altération permanente d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles ou mentales, ainsi que des douleurs permanentes ou tout autre trouble de santé, entraînant une limitation d’activité ou une restriction de participation à la vie en société subie au quotidien par la victime dans son environnement ;
En évaluer l’importance et en chiffrer le taux ; dans l’hypothèse d’un état antérieur préciser en quoi l’accident a eu une incidence sur cet état antérieur et décrire les conséquences ;
– Assistance par tierce personne
Indiquer le cas échéant si l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; préciser la nature de l’aide à prodiguer et sa durée quotidienne;
– Dépenses de santé futures
Décrire les soins futurs et les aides techniques compensatoires au handicap de la victime (prothèses, appareillages spécifiques, véhicule) en précisant la fréquence de leur renouvellement;
– Frais de logement et/ou de véhicule adaptés
Donner son avis sur d’éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la victime d’adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap ;
– Pertes de gains professionnels futurs
Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne l’obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d’activité professionnelle ;
– Incidence professionnelle
Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne d’autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, « dévalorisation » sur le marché du travail, etc.) ;
– Préjudice scolaire, universitaire ou de formation
Si la victime est scolarisée ou en cours d’études, dire si en raison des lésions consécutives au fait traumatique, elle a subi une perte d’année scolaire, universitaire ou de formation, l’obligeant, le cas échéant, à se réorienter ou à renoncer à certaines formations ;
– Souffrances endurées
Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique (avant consolidation); les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 ;
– Préjudice esthétique temporaire et/ou définitif
Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 à 7 ;
– Préjudice sexuel
Indiquer s’il existe ou s’il existera un préjudice sexuel (perte ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité) ;
– Préjudice d’établissement
Dire si la victime subit une perte d’espoir ou de chance de normalement réaliser un projet de vie familiale ;
– Préjudice d’agrément
Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir ;
– Préjudices permanents exceptionnels
Dire si la victime subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents ;
– Dire si l’état de la victime est susceptible de modifications en aggravation ;
– Établir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans la mission ;
– de manière plus générale, faire toute contestation ou observations propres à éclairer le juge du fond dans la résolution du litige en cause ;
DIT que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d’en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l’avis du sapiteur à son rapport ; dit que si le sapiteur n’a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l’expert ;
DIT que l’expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;
DIT que Madame [J] [B] devra consigner entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal la somme de 750 euros H.T à valoir sur la rémunération de l’expert, qui pourra le cas échéant être augmentée de la TVA si l’expert y est assujetti, et ce dans le délai de TROIS MOIS à compter de la présente décision, à peine de caducité de la mesure d’expertise ;
DIT que le montant de la TVA devra être directement versé à la Régie du Tribunal par Madame [J] [B] dès que l’expert lui aura signifié par écrit son assujettissement à cette taxe ;
DIT que le rapport d’expertise devra être déposé au Secrétariat-Greffe dans le délai de DIX MOIS à compter de la date de consignation sauf prorogation dûment autorisée par le Juge de la Mise en Etat sur la demande de l’expert et qu’il en délivrera copie à chacune des parties en cause ;
DIT que l’expert, lorsque la date de consolidation des blessures ne sera pas acquise dans le délai imparti pour l’accomplissement de sa mission, devra en informer le Juge de la Mise en Etat, et pourra, si besoin est, établir un rapport provisoire en sollicitant une prorogation du délai, et s’il y a lieu une consignation complémentaire, afin de poursuivre ses opérations après consolidation, sans nécessité d’une nouvelle désignation par le Juge de la Mise en Etat ;
DIT qu’en cas de refus, empêchement ou négligence l’expert commis sera remplacé par simple ordonnance du Juge de la Mise en Etat sous le contrôle duquel seront exécutées les opérations d’expertise ;
CONDAMNE la compagnie d’assurance GAN à payer à Madame [J] [B], avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, la somme de 2 500 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel ;
DECLARE le présent jugement commun et opposable à la CPAM des Bouches-du-Rhône ;
CONDAMNE la compagnie d’assurance GAN à payer à Madame [J] [B] la somme de 800 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la compagnie d’assurance GAN de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RENVOIE le dossier à l’audience de mise en état électronique du 06 octobre 2025 à 14h30 ;
RESERVE les dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est assortie de droit de l’exécution provisoire ;
AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE VINGT-CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT-QUATRE
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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