Validité des engagements contractuels et contestation des signatures dans le cadre d’un crédit affecté.

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Validité des engagements contractuels et contestation des signatures dans le cadre d’un crédit affecté.

L’Essentiel : Monsieur et Madame [G] ont engagé des travaux dans leur maison pour un montant de 30 000 euros, financés par un crédit auprès de la SA Crédit Agricole Consumer Finance. Suite à des impayés, la banque a demandé le remboursement de 28 095,48 euros, entraînant une procédure judiciaire. Le tribunal a vérifié les signatures sur le contrat de crédit, révélant des falsifications. En conséquence, le contrat a été annulé pour absence de consentement. La banque a été jugée responsable pour avoir débloqué les fonds sans vérification. Finalement, le tribunal a condamné les époux à rembourser 21 247,49 euros à la banque.

Contexte de l’affaire

Monsieur et Madame [G] ont engagé des travaux dans leur maison via la société France Confort Habitat, incluant des installations de climatisation, menuiseries, électricité, ainsi que la fourniture d’une chaudière et d’un poêle à pellets, pour un montant total de 30 000 euros. Un crédit affecté a été souscrit auprès de la SA Crédit Agricole Consumer Finance, sous l’enseigne Sofinco, pour financer ces travaux.

Défaut de paiement et mise en demeure

Après plusieurs échéances impayées, la SA CA Consumer Finance a prononcé la déchéance du terme par courrier recommandé, demandant le remboursement d’une somme de 28 095,48 euros. L’affaire a été portée devant le juge des contentieux de la protection à Lille, avec une audience initialement prévue pour mai 2024, reportée à juin 2024.

Demandes des parties

La SA CA Consumer Finance a demandé au tribunal de débouter Monsieur et Madame [G] de leurs demandes, de constater la déchéance du terme et de les condamner à rembourser la somme due, tout en sollicitant la résolution judiciaire du contrat. De leur côté, Monsieur et Madame [G] ont contesté la validité du contrat de crédit, affirmant que leurs signatures avaient été falsifiées.

Vérification des signatures

Le tribunal a procédé à une vérification des signatures contestées. Les analyses ont révélé que la signature de Madame [G] sur les documents de crédit ne correspondait pas à celle de sa carte d’identité, indiquant une falsification. De même, la signature de Monsieur [G] a été jugée non authentique.

Nullité du contrat de crédit

En raison de l’absence de consentement des emprunteurs, le contrat de crédit a été annulé. L’annulation implique que les parties doivent être remises dans leur état antérieur, ce qui inclut le remboursement des sommes déjà versées.

Responsabilité de la banque

La SA CA Consumer Finance a été jugée responsable pour avoir débloqué les fonds sans avoir vérifié l’authenticité des signatures. Cependant, les époux [G] n’ont pas contesté la validité du contrat principal de vente des travaux, ce qui a limité la portée de leur demande contre la banque.

Décision finale du tribunal

Le tribunal a prononcé la nullité de l’engagement de crédit, condamnant Monsieur et Madame [G] à rembourser une somme de 21 247,49 euros à la SA CA Consumer Finance, après déduction des paiements effectués. La banque a été condamnée à verser 800 euros aux époux au titre des frais de justice, tandis que sa demande de frais irrépétibles a été rejetée. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la dénégation de signature apposée sur le contrat de crédit

La contestation de la signature sur le contrat de crédit affecté est un point central du litige. Selon l’article 1353 du code civil, « celui qui se prévaut d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

En vertu des articles 1373 du code civil et 287 et 288 du code de procédure civile, lorsque l’une des parties dénie sa signature, il appartient au juge de procéder à la vérification d’écriture. Cela signifie que le juge doit examiner les documents présentés par les parties pour établir l’authenticité des signatures contestées.

Dans cette affaire, les signatures de Madame [G] sur les documents fournis par la SA CA Consumer Finance ne correspondent pas à celles des documents de comparaison fournis par les défendeurs. En revanche, les signatures de Monsieur [G] présentent également des différences notables.

Ainsi, le juge a conclu que les signatures de Monsieur et Madame [G] sur le contrat de crédit litigieux avaient été falsifiées, ce qui entraîne l’annulation du contrat pour défaut de consentement.

Sur la nullité de l’engagement de Monsieur et Madame [G] et ses conséquences

L’article 1101 du code civil définit le contrat comme « un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. » En l’espèce, l’absence de signature des époux [G] sur le contrat de crédit signifie qu’ils n’ont pas donné leur consentement, entraînant ainsi la nullité du contrat.

L’article 1199 du code civil stipule que « le contrat ne crée d’obligation qu’entre les parties. » Par conséquent, l’absence de consentement des emprunteurs entraîne l’annulation du contrat de crédit affecté en date du 24 juin 2019.

L’annulation du contrat implique que les parties doivent être remises dans leur état antérieur. Cela signifie que Monsieur et Madame [G] devront restituer à la SA CA Consumer Finance la somme de 21 247,49 euros, correspondant au capital prêté, après déduction des sommes déjà versées.

Sur la responsabilité de la banque

Monsieur et Madame [G] soutiennent que la banque a commis une faute en débloquant les fonds sans avoir vérifié l’authenticité des signatures. En effet, la banque a l’obligation de s’assurer de l’identité de ses emprunteurs, comme le stipule l’article 1367 alinéa 1 du code civil, qui précise que « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. »

Il est établi que la banque a débloqué les fonds sans avoir vérifié que les signatures sur les documents étaient authentiques. Cela constitue une faute de la part de la SA CA Consumer Finance, car elle aurait pu constater que les signatures de Monsieur et Madame [G] étaient falsifiées.

Cependant, les époux [G] ne remettent pas en cause la validité du contrat principal de vente avec la société France Confort Habitat, ce qui complique leur demande de dommages et intérêts contre la banque. Ils ne démontrent pas non plus que la faute de la banque est à l’origine de leur situation d’endettement.

Sur les demandes accessoires

La SA CA Consumer Finance, ayant succombé dans l’instance, devra supporter les dépens de la présente affaire. Selon l’article 700 du code de procédure civile, « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. » Dans ce cas, la SA CA Consumer Finance a été condamnée à verser 800 euros à Monsieur et Madame [G].

En conclusion, le jugement a prononcé la nullité de l’engagement souscrit par Monsieur et Madame [G] avec la SA CA Consumer Finance, entraînant des conséquences financières pour les deux parties, tout en rappelant que l’exécution provisoire de la décision est de droit, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 23/09433 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XUEO

JUGEMENT

DU : 25 Novembre 2024

Société CONSUMER FINANCE DEPT SOFINCO

C/

[U] [X] épouse [G]
[L] [G]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 25 Novembre 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

Société CONSUMER FINANCE DEPT SOFINCO, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Représentant : Me Francis DEFRENNES, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

Mme [U] [X] épouse [G], demeurant [Adresse 3]

M. [L] [G], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Delphine BRACQ, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 30 Septembre 2024

Magali CHAPLAIN, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 25 Novembre 2024, date indiquée à l’issue des débats par Magali CHAPLAIN, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier

RG : 23/9433 PAGE

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre d’un démarchage à domicile, [L] [G] a commandé auprès de la société France confort habitat la réalisation de divers travaux dans sa maison d’habitation, notamment des travaux de climatisation, de menuiseries et d’électricité ainsi que la fourniture et la pose d’une chaudière et d’un poêle à pellets suivant bon de commande n°1061 signé le 29 mai 2019 pour un prix de 30 000 euros.

Selon offre préalable acceptée le 24 juin 2019 portant le numéro de dossier n°81607392038, la SA Crédit Agricole Consumer Finance, exerçant sous l’enseigne Sofinco, a consenti à [L] [G] et [U] [X], son épouse, un crédit affecté à la fourniture de biens ou la prestation de services d’un montant de 30 000 euros, au taux d’intérêt contractuel de 3,835 % l’an, remboursable en 180 mensualités de 222,91 euros hors assurance facultative.

Plusieurs échéances étant restées impayées, le prêteur a, par courrier recommandé avec avis de réception signé le 17 août 2023, prononcé la déchéance du terme et mis en demeure les emprunteurs de lui régler la somme de 28 095,48 euros.

Par acte de commissaire de justice en date du 25 septembre 2023, la SA CA Consumer Finance Département Sofinco a fait assigner Monsieur et Madame [G] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille en remboursement du crédit.

Initialement appelée à l’audience du 6 mai 2024, l’affaire a fait l’objet d’un renvoi à l’audience du 17 juin 2024 lors de laquelle les parties, représentées par leurs conseils respectifs, ont accepté l’application de l’article 446-2 du code de procédure civile et l’établissement d’un calendrier de procédure. L’audience de plaidoiries a été fixée au 30 septembre 2024.

A cette audience, les parties, représentées par leur conseil respectif, ont développé oralement leurs dernières écritures déposées à l’audience et visées par le greffier, aux termes desquelles la SA CA Consumer Finance demande au juge de :

–   débouter Monsieur et Madame [G] de l’ensemble de leurs demandes,
dire recevable et bien fondé l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,–   constater la déchéance du terme de l’engagement souscrit par Monsieur et Madame [G] faute de régularisation des impayés,
–   en conséquence, condamner solidairement Monsieur et Madame [G] à lui payer la somme de 28 081,81 euros augmentée des intérêts au taux de 3,835 % l’an courus et à courir à compter du 9 août 2023 et jusqu’au jour du plus complet paiement,
 * subsidiairement :
–   prononcer la résolution judiciaire du contrat signé le 24 juin 2019,
–   condamner solidairement Monsieur et Madame [G] à lui payer la somme de 30 000,00 euros au titre des restitutions qu’implique la résolution judiciaire du contrat, déduction faite des règlements intervenus, ainsi que la somme de 2.000 euros par application de l’article 1231-1 du code civil,

 * très subsidiairement :
–   condamner solidairement Monsieur et Madame [G] à lui payer les échéances impayées jusqu’à la date du jugement,
–   dire que Monsieur et Madame [G] devront reprendre le règlement des échéances à bonne date sous peine de déchéance du terme sans formalité de sa part,
* en tout état de cause :
condamner Monsieur et Madame [G] à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens,rappeler au besoin l’exécution provisoire de droit attachée à la décision.
Elle soutient que les signatures contestées émanent bien de Monsieur et Madame [G]. Elle se prévaut notamment d’un courrier manuscrit du 15 février 2021 de [U] [G] aux termes duquel cette dernière sollicite la résiliation du contrat d’assurance en reprenant les références du contrat de crédit qu’ils prétendent ne jamais avoir signé.

Elle considère encore qu’elle n’a commis aucune faute tirée du devoir de mise en garde dans la mesure où elle n’était pas tenue d’une obligation de mise en garde. Elle expose qu’elle s’est correctement informée sur la situation financière du couple ; que le principe de non immixtion et celui de loyauté et de sincérité des débiteurs justifient qu’elle tienne compte des ressources et charges déclarées par les emprunteurs dans la fiche de dialogue pour admettre la proportionnalité du crédit au regard des capacités de remboursement ; que les emprunteurs ont dissimulé des crédits souscrits et ne peuvent se prévaloir de leur propre turpitude.

Elle fait valoir enfin que les défendeurs ne justifient d’aucun préjudice en lien avec la faute alléguée. Sur le quantum de l’indemnisation, elle rappelle que le manquement de l’établissement de crédit à son devoir de mise en garde génère un préjudice pour l’emprunteur non averti s’analysant en une simple perte de chance de ne pas contracter qui ne peut correspondre au montant de la dette dont le recouvrement est poursuivi.

Elle s’oppose à la demande de délais de grâce, au motif que, depuis le premier incident de paiement non régularisé, les emprunteurs n’ont effectué aucun versement et qu’ils ont de fait d’ores et déjà bénéficier de délais de paiement.

Interrogée par le tribunal, elle a indiqué que son action n’était pas forclose et qu’aucune cause de déchéance du droit aux intérêts soulevée d’office par le tribunal n’était encourue.

Monsieur et Madame [G] ont comparu en personne, assistés de leur conseil. Ils demandent au juge de :

–   débouter la SA CA Consumer Finance de l’ensemble de ses demandes,
prononcer la nullité du contrat de crédit du 24 juin 2019,

 * subsidiairement :
procéder à la vérification des signatures des emprunteurs sur l’offre de crédit affecté, ainsi que sur le devis de la société France Confort Habitat, et enfin sur le procès-verbal de réception des travaux en date du 4 juillet 2019, en vertu des dispositions des articles 1373 du code civil et 287 et 288 du code de procédure civile ;condamner la SA CA Consumer Finance à leur rembourser les sommes qui ont été prélevées au terme du crédit,condamner la SA CA Consumer Finance à leur payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de mise en garde en vertu des dispositions de l’article 1231-1 du code civil ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier qu’ils ont subi, en vertu des dispositions des articles 1104, 1231-1 et 1231-2 du code civil,
 * très subsidiairement :
dire n’y avoir lieu à application de la clause pénale, en vertu des dispositions de l’article 1231-5 alinéa 2 du code civil,leur accorder les plus larges délais de paiement, en vertu des dispositions des articles L314-20 du code de la consommation et 1343-5 du code civil,suspendre le remboursement du crédit pendant une durée de deux ans et dire que les sommes dues ne produiront pas d’intérêt pendant cette période,condamner la SA CA Consumer Finance à leur payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure,condamner la SA CA Consumer Finance aux dépens.
Ils exposent et font valoir qu’ils n’ont pas signé le contrat de crédit affecté du 24 juin 2019 et que leurs signatures ont été imitées par la société France Confort Habitat. Ils précisent que cette société les a démarchés courant de l’année 2019 pour divers travaux dans leur habitation ; qu’elle leur a fait croire que les travaux seraient pris en charge par une prime de l’Etat qui leur sera directement versée par la suite ; qu’ils ont signé certains documents mais que la société a imité leurs signatures dans le cadre de la souscription d’autres crédits ; que certains travaux ont commencé mais n’ont jamais été achevés ; que ne sachant plus ce qu’ils avaient signé, ils n’ont réalisé qu’en février 2023 que la société France Confort Habitat avait imité leurs signatures dans le cadre de la souscription du crédit objet du litige, date à laquelle ils ont mis un terme aux prélèvements sur leur compte et déposé une plainte qui est toujours en cours ; qu’un second crédit d’un montant de 30 000 euros a été souscrit en leur nom auprès de la société Financo sur la base d’un bon de commande similaire à celui qui se rapporte au crédit litigieux (même date, même travaux), seule la signature diverge.

Ils reconnaissent avoir signé une offre de crédit du 18 juin 2020 d’un montant de 15 000 euros auprès de la S.A Cofidis et un crédit affecté de 10 000 euros auprès de la société Financo aux termes d’un bon de commande visant des travaux de façade qu’ils produisent en pièce 27 et 37 ; que les signatures contestées sur l’offre de crédit litigieuse ne correspondent pas aux signatures figurant tant sur les contrats de prêt consentis par les sociétés Cofidis et Financo que sur leurs cartes d’identités respectives.

A titre subsidiaire, ils invoquent, sur le fondement de l’article L312-7 du code de la consommation et 1231-1 du code civil, le manquement du prêteur à son obligation de conseil et de mise en garde. Ils exposent qu’ils ne sont pas des emprunteurs avertis et que le prêteur n’a pas vérifié leur solvabilité, notamment en consultant le fichier des incidents de paiement alors qu’ils étaient engagés aux termes de cinq crédits pour un montant total de 94 000 euros avec des remboursements mensuels de plus de 800 euros ce qui est excessif au regard de leurs revenus. Ils ajoutent que le prêteur aurait dû également vérifier leurs signatures sur les contrats et être alerté par le fait que les signatures présentes sur les différents documents contractuels ainsi que sur le procès-verbal de réception de travaux étaient toutes différentes ; que le prêteur n’a pas davantage vérifié l’exécution complète du contrat principal avant de libérer les fonds. Ils estiment avoir subi un préjudice en lien avec la faute de la banque consistant en une perte de chance de ne pas contracter et en un surendettement.

A titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent la suppression de la clause pénale prévue au contrat de crédit sur le fondement des dispositions de l’article 1231-5 du code civil au motif qu’elle apparait excessive.

Enfin, ils sollicitent, dans l’hypothèse où le crédit n’était pas annulé, les plus larges délais de paiement compte tenu de leur situation financière et de l’escroquerie dont ils ont été victimes.

L’affaire a été mise en délibéré au 25 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la dénégation de signature apposée sur le contrat de crédit

Le contrat de crédit affecté litigieux précise que la présente offre est faite à [U] [G], en qualité d’emprunteur, et à [L] [G], en qualité de co-emprunteur.

Monsieur et Madame [G] contestent avoir signé l’offre de contrat de crédit en date du 24 juin 2019 ainsi que le procès-verbal de réception des travaux et la demande de financement en date du 4 juillet 2019.

Selon l’article 1353 du code civil, celui qui se prévaut d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il résulte des articles 1373 du code civil, et 287 et 288 du code de procédure civile, que lorsqu’une partie dénie sa signature, il appartient au juge de procéder à la vérification d’écriture, à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte, et ce, au vu des éléments dont il dispose, et après avoir, s’il y a lieu, enjoint aux parties de produire tout document utile à comparer à l’écrit contesté.

Pour apprécier l’authenticité des signatures contestées, le juge tient compte de tous les documents utiles provenant de l’une ou de l’autre parties, étant précisé que c’est à la partie qui invoque l’acte dont l’authenticité est déniée d’en établir la sincérité ; en l’occurrence, cette charge incombe à la SA CA Consumer Finance.

Le prêteur produit le bon de commande objet du financement litigieux signé par Monsieur [G], l’original de l’offre de crédit litigieuse, la fiche de dialogue, le mandat de prélèvement ainsi que le procès-verbal de réception des travaux et la demande de financement comportant une signature attribuées à Madame [G]. Elle produit encore la photocopie des cartes d’identité recto verso des emprunteurs.

Les défendeurs remettent de leur côté comme éléments de comparaison divers documents qu’ils reconnaissent avoir signés à savoir un bon de commande de France Confort Habitat du 11 juin 2020, un ensemble de documents contractuels dans le cadre d’une offre de crédit acceptée le 18 juin 2020, un dépôt de plainte du 1er février 2023, un courrier manuscrit du 1er février 2023 et un accusé réception du 26 juillet 2023.

L’examen des signatures de Madame [G] présentes sur les documents de comparaison versés aux débats par les défendeurs, sur la photocopie de sa carte d’identité et sur les spécimens de signature réalisés à l’audience par le juge montre que la signature de l’intéressée n’a pas sensiblement varié au fil des années. Ces différentes signatures présentent des similitudes entre elles, notamment la lettre ‘f’ en milieu de signature formant une boucle à l’envers en descendant, la lettre ‘b’ en minuscule bien distincte caractérisée par l’absence de trait de liaison avec la lettre ‘e’ qui la précède et un tracé qui monte pour former une boucle qui revient à la base puis remonte ensuite pour former une petite boucle et les lettres ‘r’ et ‘e’ qui terminent la signature.

En revanche, les signatures qui se trouvent apposées au nom de [U] [G] sur l’offre de crédit, la fiche de dialogue, le mandat de prélèvement, le procès-verbal de réception des travaux et la demande de financement produits par la SA CA Consumer Finance ne ressemblent pas à celles figurant sur les éléments de comparaison. En effet, les exemplaires de la signature de l’intéressée qui figurent sur ces documents et qui ne sont pas contestés présentent des différences notables, tant dans leur dessin que dans leur tracé et leur mouvement, avec les signatures apposées au nom de Madame [G] sur les documents contractuels, en ce que, dans les signatures présentées comme authentiques, on peut aisément voir la même inclinaison d’écriture, ainsi qu’une forme et un tracé en boucle identiques des lettres ‘f’ et ‘b’ utilisées en milieu de signature, l’absence de trait de liaison entre la lettre ‘b’ et la lettre ‘e’ située juste avant et la présence de la lettre ‘e’ en fin de signature,’ alors que ces éléments distinctifs ne transparaissent pas sur les signatures de l’offre de prêt dont certaines ne présentent pas la lettre ‘b’ ou alors comportent un trait de liaison entre les lettres ‘e’ et ‘b’ ou dont certaines encore ne se terminent pas distinctement par la lettre minuscule ‘e’.

En tout état de cause, il est observé que les signatures figurant sur les pièces contractuelles sont différentes de celle figurant sur la photocopie de la carte d’identité remise au prêteur lors de la souscription du crédit.

Il en résulte que Madame [G] n’est pas signataire de l’offre de prêt litigieux, sa signature ayant été falsifiée.

S’agissant de l’engagement de Monsieur [G] au titre du prêt litigieux, la comparaison entre les signatures du défendeur présentes sur les documents de comparaison versés aux débats par les parties, les spécimens de la signature de l’intéressé effectués à l’audience et celles contestées figurant sur les documents contractuels montre également des dissemblances. En effet, alors que sur les signatures présentées comme authentiques les lettres composant le nom ‘[G]’ ne sont pas formées distinctement, à l’exception du ‘l’ et du ‘f’ et se terminent par un trait de soulignement horizontal en dessous du nom et parallèle à un premier trait situé au-dessus, dans les signatures contestées on peut distinguer nettement la lettre ‘e’ en fin de signature suivie d’un trait de soulignement oblique. Ce trait oblique ne se retrouve sur aucun des documents de comparaison versés aux débats.

La vérification d’écritures opérée établit que Monsieur [G] n’est pas davantage signataire de l’offre de prêt litigieuse, sa signature ayant été également falsifiée.

Sur la nullité de l’engagement de Monsieur et Madame [G] et ses conséquences

En vertu de l’article 1101 du code civil ‘Un contrat est un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.’

En vertu de l’article 1199 du code civil, ‘Le contrat ne crée d’obligation qu’entre les parties. Les tiers ne peuvent ni demander l’exécution du contrat, ni se voir contraints de l’exécuter.

Selon l’article 1367 alinéa 1 du même code ‘La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui en découlent’.

Monsieur et Madame [G] n’ayant pas signé le contrat en cause, force est de constater qu’ils n’ont pas donné leur consentement audit contrat qui doit par conséquent être annulé pour défaut de consentement.

Il y a donc lieu d’annuler le contrat de crédit affecté en date du 24 juin 2019.

Il est rappelé que l’annulation prononcée du contrat de crédit entraîne en principe la remise des parties en l’état antérieur à la conclusion des contrats.

Ainsi, l’annulation du contrat de prêt emporte, pour les emprunteurs, l’obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement à la société France Confort Habitat par la banque, sauf si les emprunteurs établissent l’existence d’une faute du prêteur et d’un préjudice consécutif à cette faute. Elle emporte également pour le prêteur l’obligation de restituer les sommes déjà versées par les emprunteurs.

Il s’ensuit que Monsieur et Madame [G] devront restituer à la société CA Consumer Finance la somme de 21 247,49 euros correspondant au capital prêté après déduction des sommes versées par les défendeurs à hauteur de 8 752,51 euros, augmenté des intérêts au taux légal à compter du jugement.

Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de délais de grâce dans la mesure où elle n’est formulée par les défendeurs qu’à titre subsidiaire à défaut de nullité du contrat de crédit.

Sur la responsabilité de la banque

Monsieur et Madame [G] font valoir que la banque a commis une faute en ce qu’elle a débloqué les fonds alors qu’elle n’avait pas signé le contrat de crédit et que sa signature a été falsifiée par la société France confort habitat sur le procès-verbal de réception.

Le contrat de crédit comporte effectivement des signatures qui ne sont pas celle des époux [G]. Il est établi également que la signature apposée sur le procès-verbal de réception des travaux et sur la demande de financement en date du 4 juillet 2019 n’est pas celle de Madame [G].

Si la banque s’était livrée aux vérifications nécessaires de l’identité de ses emprunteurs, elle aurait parfaitement pu constater que Monsieur et Madame [G] n’étaient pas les signataires du contrat de crédit dans la mesure où elle s’était fait remettre une copie des cartes d’identité de ces derniers lors de la conclusion du contrat de crédit, qu’elle produit, et qui comporte une signature manifestement différente de celles apposées sur le contrat de crédit.

De même, la signature apposée sur l’attestation de fin de travaux en date du 14 juillet 2019, attestation qui doit être signée par l’emprunteur pour autoriser le déblocage des fonds, n’est pas celle de Madame [G], comme il résulte manifestement des discordances entre cette signature et la signature de Madame [G] figurant sur sa carte d’identité. Un simple examen du document d’identité de l’intéressée avec le procès-verbal de réception des travaux et la demande de financement aurait permis à la société CA Consumer Finance de constater que cette dernière n’était pas signataire de ces documents, ce qui équivaut à une absence de procès-verbal de réception. Aussi, la banque a manifestement commis une faute dans le déblocage des fonds.

Pour autant, il est constaté que les époux [G] ne remettent pas en cause la validité du contrat principal de vente, qu’ils ne soutiennent pas que les travaux objets du bon de commande n°1061 n’ont pas été exécutés par la société France Confort Habitat, et que s’ils critiquent les travaux en ce que la société venderesse leur aurait promis qu’ils seraient financés intégralement par une prime de l’Etat, ils ne rapportent pas la preuve d’un lien de causalité entre la faute reprochée à la banque et la promesse mensongère du vendeur sur le financement des travaux, lequel n’a pas été mis en cause par les époux [G].

Il est en outre relevé que même s’ils indiquent n’avoir signé aucun contrat avec la société France confort habitat portant sur les travaux objets du litige, force est de constater qu’ils ne sollicitent pas la nullité du bon de commande en date du 29 mai 2019, lequel mentionne expressément que l’opération sera financée au moyen d’un emprunt de 30 000 euros au taux de 3,835 % l’an moyennant des mensualités de 222,91 euros auprès de Sofinco.

Monsieur et Madame [G] font valoir par ailleurs que la banque a manqué à son obligation de mise en garde, que sa faute est à l’origine de leur situation de surendettement et leur a fait perdre une chance de ne pas contracter.

La banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’un emprunteur non averti lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de l’emprunteur ou lorsqu’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

Il est constant que le préjudice consécutif au manquement de la banque à cette obligation s’analyse en une perte de chance de ne pas contracter le prêt, c’est-à-dire de ne pas être endetté à hauteur du capital et des intérêts à rembourser.

Or, en l’espèce, Monsieur et Madame [G] ne démontrent pas l’existence du préjudice de perte de chance de ne pas contracter qu’ils auraient subi au jour de la conclusion du contrat puisqu’il ressort des motifs qui précèdent que ces derniers n’étaient pas engagés en qualité d’emprunteur et de co-emprunteur au titre du prêt litigieux.

En outre, les défendeurs ne démontrent pas que la faute de la banque dans le déblocage des fonds est à l’origine de leur situation d’endettement alors qu’il ressort des pièces versées aux débats que lors de la souscription du prêt litigieux Monsieur et Madame [G] n’avaient à l’époque souscrit qu’un crédit auprès d’un autre organisme, que les autres prêts versés aux débats sont postérieurs à l’offre de prêt du 24 juin 2019 et qu’il ressort par ailleurs des avis d’impôt sur les revenus pour l’année 2017 communiqués par la S.A CA Consumer Finance Département Sofinco que le couple percevait à l’époque des revenus mensuels de l’ordre de 3 400 euros.

La situation d’endettement des débiteurs est donc postérieure au prêt litigieux et résulte principalement du comportement de la société venderesse, qui a établi plusieurs devis portant sur les mêmes travaux financés par deux établissements de crédit différents, et de l’escroquerie dont ils prétendent avoir été victimes de la part de la société France Confort Habitat, laquelle n’est pas dans la cause.

Par suite, il convient de débouter les époux [G] de leur demande de dommages et intérêts formée contre la SA CA Consumer Finance Département Sofinco.

Sur les demandes accessoires

La SA CA Consumer Finance Département Sofinco, qui succombe à l’instance compte tenu de l’annulation du contrat de crédit, devra supporter seule les dépens de la présente instance, et sera condamnée à verser à Monsieur et Madame [G] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La SA CA Consumer Finance sera en conséquence déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Enfin, en application de l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement sera assorti de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

Déclare l’action en paiement de la SA CA Consumer Finance Département Sofinco recevable ;

Prononce la nullité de l’engagement souscrit par [L] [G] et [U] [X] épouse [G] avec la SA CA Consumer Finance, exerçant sous la marque Sofinco le 24 juin 2019 suivant offre de contrat de prêt n°81607392039 ;

En conséquence, condamne in solidum [L] [G] et [U] [X] épouse [G] à payer à la S.A CA Consumer Finance Département Sofinco la somme de 21 247,49 euros correspondant au capital prêté après déduction des sommes versées par eux, créance arrêtée au 5 février 2023, échéance de février 2023 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement;

Dit que toutes les mensualités ou toute autre somme payées postérieurement au 5 février 2023 par [L] [G] et [U] [X] épouse [G] viendront en déduction de la somme de 21247,49 euros;

Déboute [L] [G] et [U] [X] épouse [G] de leur demande de dommages et intérêts ;

Condamne la SA CA Consumer FinanceDépartement Sofinco à payer à [L] [G] et [U] [X] épouse [G] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SA CA Consumer Finance Département Sofinco de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Déboute les parties du surplus de leur demande ;

Condamne la SA CA Consumer Finance Département Sofinco aux dépens de l’instance ;

Rappelle que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

LE GREFFIER LE JUGE
D.AGANOGLU M.CHAPLAIN


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