Responsabilité décennale et conditions de mise en œuvre des garanties dans le secteur de la construction.

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Responsabilité décennale et conditions de mise en œuvre des garanties dans le secteur de la construction.

L’Essentiel : Monsieur [V] [D] et Madame [X] [D], propriétaires d’un pavillon à [Localité 5], ont commandé en septembre 2019 l’installation de menuiseries à la société K par K. Après réception des travaux en février 2020, des désordres ont été constatés, entraînant une expertise amiable puis judiciaire. En mars 2023, les consorts [D] ont assigné la société pour obtenir une indemnisation de 33.919,73 euros. Le Tribunal a finalement rejeté leurs demandes, estimant qu’ils n’avaient pas prouvé la responsabilité de la société K par K, et les a condamnés à payer 500 euros pour frais de procédure.

Contexte de l’affaire

Monsieur [V] [D] et Madame [X] [D] sont propriétaires d’un pavillon situé à [Adresse 2] à [Localité 5]. En septembre 2019, ils ont commandé à la société K par K l’installation de menuiseries pour un montant de 21.890 euros TTC, avec plusieurs avenants pour préciser le bon de commande. Les travaux ont été réalisés et réceptionnés en février 2020.

Problèmes rencontrés

Après la réception des travaux, les consorts [D] ont constaté des désordres et ont demandé une expertise amiable par l’intermédiaire de leur assureur. Un rapport d’expertise amiable a été rendu le 27 septembre 2021, suivi d’une ordonnance du juge des référés du Tribunal judiciaire de Lyon le 22 mars 2022, qui a ordonné une expertise judiciaire.

Procédure judiciaire

Les consorts [D] ont assigné la société K par K en mars 2023, demandant une indemnisation de 33.919,73 euros et d’autres compensations pour préjudices divers. En réponse, la société K par K a demandé le déboutement des consorts et a réclamé des frais à leur encontre.

Arguments des parties

Les consorts [D] soutiennent que les désordres rendent l’ouvrage impropre à sa destination, engageant ainsi la responsabilité de la société K par K. En revanche, cette dernière argue que les demandeurs ont empêché toute intervention amiable pour remédier aux problèmes, ce qui pourrait exonérer sa responsabilité.

Décision du Tribunal

Le Tribunal a rejeté les demandes des consorts [D], considérant qu’ils n’avaient pas prouvé que les désordres relevaient de la garantie décennale. Les consorts [D] ont été condamnés à payer à la société K par K la somme de 500 euros pour les frais de procédure, ainsi qu’aux dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise judiciaire. L’exécution provisoire de la décision a été rappelée comme étant de droit.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la garantie décennale selon l’article 1792 du Code civil ?

La garantie décennale est régie par l’article 1792 du Code civil, qui stipule que :

« Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. »

Cette responsabilité est engagée lorsque les désordres constatés affectent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination.

Il est important de noter que la responsabilité du constructeur peut être écartée si celui-ci prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

En outre, pour bénéficier de la garantie décennale, il est nécessaire que les désordres soient des vices cachés au moment de la réception de l’ouvrage.

Ainsi, les demandeurs doivent démontrer que les désordres en question répondent à ces critères pour que la garantie décennale puisse être appliquée.

Comment les réserves formulées lors de la réception influencent-elles la garantie décennale ?

Les réserves formulées lors de la réception d’un ouvrage jouent un rôle crucial dans l’application de la garantie décennale.

En effet, selon la jurisprudence, les désordres qui font l’objet de réserves lors de la réception ne peuvent pas être couverts par la garantie décennale, car ils sont considérés comme apparents.

L’article 1792 du Code civil précise que la garantie décennale ne s’applique pas aux vices qui ont été signalés lors de la réception ou qui sont apparents.

Cela signifie que si les consorts [D] ont formulé des réserves concernant certains désordres lors de la réception, ces derniers ne peuvent pas être invoqués pour engager la responsabilité de la société K par K au titre de la garantie décennale.

Ainsi, les demandeurs doivent prouver que les désordres pour lesquels ils réclament réparation ne sont pas couverts par la garantie de parfait achèvement, qui s’applique aux réserves formulées.

Quelles sont les conséquences de la décision du Tribunal sur les dépens et les frais irrépétibles ?

La décision du Tribunal a des implications importantes concernant les dépens et les frais irrépétibles, conformément aux articles 696 et 700 du Code de procédure civile.

L’article 696 stipule que :

« Les parties perdantes sont condamnées aux dépens, à moins que le Juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Dans ce cas, les consorts [D] ont été déboutés de leurs demandes, ce qui signifie qu’ils sont condamnés à supporter l’intégralité des dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise judiciaire.

De plus, l’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« Le Juge condamne les parties tenues aux dépens ou qui perdent leur procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Le Tribunal a décidé de condamner les consorts [D] à verser à la société K par K la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles, en tenant compte de l’équité et de la situation économique des parties.

Ainsi, les consorts [D] doivent non seulement supporter les dépens, mais également payer des frais supplémentaires à la partie adverse.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 23/02044 – N° Portalis DB2H-W-B7H-XV7H

Jugement du 19 Novembre 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
Me Julien BOSQUET – 712
Maître Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS – 1813

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 19 Novembre 2024 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 04 Décembre 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 17 Septembre 2024 devant :

Julien CASTELBOU, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assisté de Patricia BRUNON, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDEURS

Madame [X] [D]
née le 19 Janvier 1987 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON

Monsieur [V] [D]
né le 05 Septembre 1982 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSE

S.A.S. K PAR K,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Julien BOSQUET, avocat au barreau de LYON (avocat postulant) et par Maître Nicolas TOURNIER-BOSQUET, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant
Monsieur [V] [D] et Madame [X] [D] sont propriétaires d’un pavillon situé [Adresse 2] à [Localité 5].

Aux termes d’un bon de commande DVS n°2019/01183796 de septembre 2019, les consorts [D] ont commandé à la société K par K l’installation de menuiseries avec coffres de volets intégrés, pour un montant de 21.890 euros TTC. Trois avenants sont venus compléter et préciser ledit bon de commande.

Les travaux ont été réalisés et réceptionnés en février 2020 (PV réception illisible).

Les consorts se sont plaints de la survenance de désordres et une expertise amiable a été diligentée à l’initiative de leur assureur.

L’expert amiable a rendu son rapport le 27 septembre 2021.

Par ordonnance du 22 mars 2022, le juge des référés du Tribunal judiciaire de LYON, sur saisine des consorts [D], a ordonné une expertise et désigné ès qualités d’expert Monsieur [Y] [B].

L’expert judiciaire a rendu son rapport le 22 juin 2022.

Aucune solution amiable n’a pu être trouvée.

Par exploit en date du 07 mars 2023, les consorts [D] ont assigné la société K par K devant la présente juridiction aux fins d’indemnisation.

Aux termes de leur assignation, les consorts [D] sollicitent d’entendre le Tribunal, au visa des articles 1792 et suivants du Code civil :
– Condamner la société K par K à les indemniser à hauteur de 33.919,73 euros ;
– Dire que les sommes réclamées au titre des travaux de reprise seront révisées en fonction de l’indice du coût de la construction au jour du paiement effectif par rapport à la date des devis ;
– Condamner la société K par K à leur verser la somme de 1.000 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;
– Condamner la société K par K à leur verser la somme de 1.500 euros au titre de leur préjudice moral ;
– Condamner la société K par K à leur verser la somme de 5.047,94 euros au titre de leur préjudice matériel ;
– Condamner la société K par K à leur verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner la société K par K aux dépens de l’instance en référé, comprenant les frais d’expertise judiciaire (4.000 €), et les dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 novembre 2023, la société K par K sollicite d’entendre le Tribunal :
– Débouter les consorts [D] de l’ensemble de leurs demandes ;
– Condamner les consorts [D] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner les consorts [D] aux entiers dépens.

En application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé exhaustifs de leurs prétentions et moyens.

La clôture de la procédure a été prononcée au 04 décembre 2023.

MOTIFS

I. Sur les demandes indemnitaires des consorts [D] au titre de la garantie décennale

Au soutien de leurs demandes d’indemnisation au titre des travaux de reprise et de leurs préjudices moral, de jouissance et matériel, les consorts [D] font valoir qu’il résulte de l’expertise judiciaire que les désordres constatés rendent l’ouvrage impropre à sa destination et qu’à ce titre la responsabilité de la société K par K est engagée.

En réponse, la société K par K fait valoir qu’il ne suffit pas de constater des désordres concernant un ouvrage pour automatiquement en déduire que le constructeur est responsable, plus encore comme en l’espèce lorsque les demandeurs ont empêché la société d’intervenir pour procéder amiablement aux reprises dans le cadre de son service après-vente.

Réponse du Tribunal,

Aux termes de l’article 1792 du Code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Il doit être rappelé que celui qui revendique le jeu de la garantie décennale doit démontrer que les désordres dont il réclame réparation répondent aux exigences de l’article 1792 du code civil, c’est -à-dire non seulement qu’ils affectent la solidité de l’ouvrage, ou qu’ils le rendent impropre à sa destination, mais aussi qu’ils constituaient des vices cachés à la réception.

Or, en l’espèce, aucune démonstration de ce dernier point ne ressort de l’assignation des consorts [D] qui se contentent de formuler une demande d’indemnisation pour les désordres relevés par l’expert sans distinction entre eux, alors même que ceux-ci ont été étudiés en considération de réserves formulées au procès-verbal de réception ou dans un courrier du 14 juillet 2020 qu’ils ont adressé à la société K par K pour faire valoir de nouveaux désordres.

Dès lors, la garantie décennale n’étant pas applicables aux vices faisant l’objet de réserves ou étant apparent du fait que ceux-ci sont également couverts par la garantie de parfait achèvement, il y a lieu de rejeter les demandes des consorts [D] fondées sur les dispositions de l’article 1792 du Code civil.

II. Sur les demandes de fin de jugement

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, les parties perdantes sont condamnées aux dépens, à moins que le Juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, les consorts [D] supporteront les entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le Juge condamne les parties tenues aux dépens ou qui perdent leur procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le Juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à ces condamnations.

En l’espèce, les consorts [D], seront condamnés à payer à la société K par K, au titre des frais irrépétibles de la procédure, la somme qu’il est équitable de fixer à 500 € en l’absence de pièces justificatives.

En l’espèce, il n’y a lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

DEBOUTE Monsieur [V] [D] et Madame [X] [D] de leurs demandes indemnitaires ;

CONDAMNE Monsieur [V] [D] et Madame [X] [D] à payer à la société K par K la somme de 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [V] [D] et Madame [X] [D] aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, M. CASTELBOU, et le Greffier présent lors du prononcé, Mme BIZOT.

Le Greffier Le Président,


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