Responsabilité contractuelle et malfaçons dans l’exécution des travaux de construction

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Responsabilité contractuelle et malfaçons dans l’exécution des travaux de construction

L’Essentiel : La SCI CHEM 1 a engagé l’entreprise [S] pour des travaux d’aménagement d’une terrasse et d’un dallage autour d’une piscine, pour un montant de 9747 euros. Après achèvement, des réserves ont été émises, entraînant une expertise qui a révélé des malfaçons. En septembre 2023, la SCI a assigné [S] pour obtenir 49096,13 euros d’indemnisation. Le tribunal a reconnu la responsabilité de l’entrepreneur pour les désordres, condamnant [S] à verser cette somme, tout en rejetant d’autres demandes d’indemnisation. En revanche, la SCI a été condamnée à payer 4747 euros pour le solde des travaux.

Contexte de l’affaire

La SCI CHEM 1 est propriétaire d’une maison située à [Adresse 1]. Elle a engagé l’entreprise [S] pour réaliser des travaux d’aménagement d’une terrasse et d’un dallage autour de la piscine, pour un montant de 9747 euros, selon un devis accepté le 16 janvier 2020.

Réserves et expertise

Après l’achèvement des travaux, la SCI CHEM 1 a émis une liste de réserves à l’attention de Monsieur [L] [S] par lettre recommandée le 21 juin 2021. Un rapport d’expertise a été commandé au cabinet ARE, qui a identifié divers désordres, conduisant à la désignation d’un expert judiciaire par ordonnance de référé le 5 janvier 2022.

Demandes de la SCI CHEM 1

La SCI CHEM 1 a assigné Monsieur [L] [S] devant le tribunal judiciaire de Draguignan le 6 septembre 2023, demandant une indemnisation totale de 49096,13 euros pour remédier aux désordres, ainsi que d’autres sommes pour des préjudices divers, incluant des dommages consécutifs à des inondations et un préjudice moral.

Réponse de Monsieur [L] [S]

Monsieur [L] [S] a contesté les demandes de la SCI CHEM 1, demandant à titre principal de les débouter et, à titre subsidiaire, de limiter l’indemnisation à 1060,80 euros. Il a également réclamé le paiement d’un solde de 4747 euros pour les travaux effectués.

Analyse des désordres

L’expert judiciaire a relevé plusieurs malfaçons, notamment des problèmes de planéité, d’épaisseur du dallage, et de mise en œuvre des matériaux. Il a conclu que les travaux n’étaient pas conformes aux normes et qu’une réfection intégrale de la terrasse était nécessaire.

Responsabilité de l’entrepreneur

Le tribunal a examiné la responsabilité contractuelle de l’entreprise [S], concluant que celle-ci avait commis des fautes dans l’exécution des travaux, entraînant des préjudices pour la SCI CHEM 1. La responsabilité décennale n’a pas été retenue, car les désordres n’affectaient pas la solidité de l’ouvrage.

Indemnisation des préjudices

Concernant les travaux de reprise, le tribunal a condamné Monsieur [L] [S] à verser 49096,13 euros, conformément aux conclusions de l’expert. En revanche, les demandes d’indemnisation pour les inondations, la perte de chance d’indemnisation par l’assureur décennal, et le préjudice moral ont été rejetées.

Demande reconventionnelle

Monsieur [L] [S] a obtenu gain de cause sur sa demande reconventionnelle, la SCI CHEM 1 étant condamnée à lui verser 4747 euros, correspondant au solde des travaux.

Dépens et frais

Monsieur [L] [S] a été condamné aux dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise judiciaire. De plus, il a été condamné à verser 2000 euros à la SCI CHEM 1 au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Exécution provisoire

Le tribunal a décidé de ne pas écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir, permettant ainsi à la SCI CHEM 1 de récupérer les sommes dues dans les meilleurs délais.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la responsabilité contractuelle selon l’article 1231-1 du Code civil ?

La responsabilité contractuelle est régie par l’article 1231-1 du Code civil, qui stipule que :

« Le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution, si celle-ci est imputable à sa faute.

Il doit prouver que l’inexécution est due à une cause étrangère. »

Dans le cas présent, la SCI CHEM 1 doit démontrer que l’entreprise [S] a commis des fautes dans l’exécution de ses obligations contractuelles, ce qui a causé des préjudices.

L’expert judiciaire a relevé plusieurs non-conformités dans les travaux réalisés, notamment des défauts dans la mise en œuvre des supports et des margelles, ainsi que des problèmes d’étanchéité.

Ces éléments constituent des fautes qui peuvent engager la responsabilité de l’entrepreneur, car ils compromettent la durabilité et la fonctionnalité de l’ouvrage.

Quelles sont les implications de l’article 1792 du Code civil concernant la garantie décennale ?

L’article 1792 du Code civil énonce que :

« Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère. »

Dans cette affaire, la SCI CHEM 1 a tenté de faire valoir la garantie décennale, mais le tribunal a constaté que les désordres relevés ne compromettaient pas la solidité de l’ouvrage ni ne le rendaient impropre à sa destination.

De plus, aucune réception des travaux n’a eu lieu, ce qui est une condition préalable pour invoquer la garantie décennale.

Ainsi, la demande de la SCI CHEM 1 sur ce fondement a été rejetée.

Comment se justifie l’indemnisation des travaux de reprise selon l’expertise judiciaire ?

L’expert judiciaire a évalué les travaux de reprise nécessaires à la somme de 49 096,13 euros, en se basant sur les devis fournis par les parties.

Il a précisé que les travaux réalisés par l’entreprise [S] étaient incomplets et ne respectaient pas les normes de construction, notamment en ce qui concerne l’épaisseur du dallage et la pente de la terrasse.

L’article 1231-1 du Code civil impose à l’entrepreneur de réparer les préjudices causés par ses fautes.

Dans ce cas, les malfaçons constatées ont entraîné des désordres qui nécessitent une réfection intégrale de la terrasse, justifiant ainsi l’indemnisation demandée par la SCI CHEM 1.

Quelles sont les conséquences de l’absence de lien de causalité dans la demande d’indemnisation pour les inondations ?

La SCI CHEM 1 a soutenu que les malfaçons avaient causé des dégâts des eaux, mais le tribunal a noté qu’aucune preuve tangible n’avait été fournie pour établir un lien de causalité direct entre les travaux effectués et les inondations.

L’expert a seulement évoqué une possibilité sans certitude, ce qui ne suffit pas à établir la responsabilité de l’entrepreneur.

En vertu du principe de la charge de la preuve, il appartient à la partie qui réclame une indemnisation de prouver le lien de causalité entre le préjudice et la faute alléguée.

Ainsi, la demande d’indemnisation pour les inondations a été rejetée.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le tribunal a condamné Monsieur [L] [S] à verser 2 000 euros à la SCI CHEM 1 au titre de l’article 700, en raison des frais engagés par cette dernière pour mener à bien son action en justice.

Cette disposition vise à compenser les frais non récupérables par la partie gagnante, permettant ainsi d’assurer une certaine équité dans le processus judiciaire.

Le montant accordé est déterminé en fonction de la situation économique des parties et des circonstances de l’affaire.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DRAGUIGNAN
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Chambre 3 – CONSTRUCTION

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DU 19 Novembre 2024
Dossier N° RG 23/06469 – N° Portalis DB3D-W-B7H-J4TC
Minute n° : 2024/302

AFFAIRE :

S.C.I. CHEM 1 C/ [L] [S]

JUGEMENT DU 19 Novembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Annabelle SALAUZE, vice-président, statuant à juge unique

GREFFIER lors des débats : Madame Peggy DONET
En présence de Madame [N] [P], auditrice de justice

GREFFIER faisant fonction lors de la mise à disposition : Madame Evelyse DENOYELLE

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Septembre 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2024

JUGEMENT :

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort

copie exécutoire à :

Me Olivier REVAH de la SAS REVAH AVOCATS
Me Bérangère TUR

Délivrées le 19 Novembre 2024

Copie dossier

NOM DES PARTIES :

DEMANDERESSE :

S.C.I. CHEM 1, dont le siège social est sis [Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Olivier REVAH de la SAS REVAH AVOCATS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

D’UNE PART ;
DÉFENDEUR :

Monsieur [L] [S]
[Adresse 2]
représenté par Me Bérangère TUR, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

D’AUTRE PART ;

******************

FAITS, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La SCI CHEM 1 est propriétaire d’une maison d’habitation sise [Adresse 1].
Selon devis accepté en date du 16 janvier 2020, elle a confié à l’entreprise [S] la réalisation de travaux d’aménagement d’une terrasse existante, et de réalisation d’un dallage périphérique de la piscine avec pose de margelle, pour un montant total de 9747 euros.
Après la réalisation des travaux, la SCI CHEM 1 a adressé à Monsieur [L] [S] une liste de réserves par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 juin 2021. Elle a par la suite mandaté le cabinet d’expertise ARE qui a rendu un rapport le 16 septembre 2021 relevant divers désordres.
Sur la base de ce rapport, la SCI CHEM 1 a obtenu la désignation d’un expert judiciaire par ordonnance de référé en date du 05 janvier 2022.
En lecture du rapport de Madame [K], la SCI CHEM 1 a fait assigner Monsieur [L] [S] par exploit d’huissier en date du 06 septembre 2023 devant le tribunal judiciaire de Draguignan en indemnisation de ses préjudices.

Selon son assignation, elle sollicite du tribunal de :

CONDAMNER Monsieur [L] [S] à payer à la SCI CHEM 1 la somme de 49096,13 euros TTC à titre d’indemnisation aux fins de remédier aux désordres de l’installation.

CONDAMNER M. [S] à payer à la SCI CHEM 1, la somme de 10.000 euros à titre d’indemnisation du préjudice de jouissance de la terrasse.

CONDAMNER Monsieur [S] à payer à la SCI CHEM 1 la somme de 15.000 euros à titre d’indemnisation des dommages consécutifs aux inondations non couverts par l’assurance et d’indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de gérer une situation d’évitement, de dissimulation et de résistance qui entrave les garanties de représentation des fonds et de recouvrement impliquant des procédures annexes coûteuses

CONDAMNER Monsieur [L] [S] à payer à la SCI CHEM 1 la somme de 3500 euros à titre d’indemnisation du préjudice moral.

CONDAMNER Monsieur [L] [S], succombant, à payer les frais et honoraires de l’expert [K] exposés pour la somme 7985,88 euros

ORDONNER le remboursement des sommes consignées par la SCI CHEM 1 au titre des honoraires d’expertise.

CONDAMNER Monsieur [L] [S] à payer à la SCI CHEM 1 la somme de 7000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par elle dans le cadre du référé expertise et de la procédure au fond, outre les entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de Me Olivier REVAH, Avocat aux offres de droit.

DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir

Au soutien de ses prétentions, fondées à la fois sur les dispositions des articles 1231-1 et 1792 du code civil, elle fait valoir que l’expert distingue des désordres relevant de la non-conformité et ceux relevant le la mise en conformité ; que si la non-conformité sans désordre n’induit pas forcément une indemnisation, il existe en l’espèce des désordres importants causant un lourd préjudice et imposant selon l’expert judicaire la remise en conformité, parmi lesquels la nature et l’état de supports, la mise en œuvre du revêtement, la mise en place des éléments de revêtement, l’aspect final du revêtement et la pose des margelles ; elle souligne que l’expert judiciaire préconise un renouvellement intégral de la terrasse pour mettre fin aux désordres.
Elle sollicite en conséquence :

– Le versement d’une somme de 49096,13 € correspondant au coût des travaux de reprises selon devis produits en cours d’expertise et validé par l’expert ;
– L’indemnisation des dommages collatéraux d’inondations, non pris en charge par son assurance car liés aux malfaçons alléguées ;
– L’indemnisation d’un préjudice lié à la perte de chance d’être indemnisé par l’assureur décennal, en raison de la non souscription par l’entrepreneur de l’assurance obligatoire
– L’indemnisation d’un préjudice moral constitué par le trouble de jouissance lié à l’immobilisation de la terrasse depuis les travaux et pendant les travaux de réfection à intervenir ;

Selon ses conclusions régulièrement notifiées par RPVA le 15 mars 2024, Monsieur [L] [S] sollicite du tribunal de :

A titre principal,

DEBOUTER la SCI CHEM 1 de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

DIRE que l’indemnisation due par M. [S] au titre des travaux de remise en état est fixée à la somme de 1.060,80 € ;

REJETER toutes autres demandes, fins et conclusions présentées par la SCI CHEM 1 ;

En tout état de cause,

CONDAMNER reconventionnellement la SCI CHEM 1 à régler à M. [S] la somme de 4.747 € au titre du solde restant dû ;

DIRE n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la SCI CHEM 1 aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [L] [S] fait valoir que les désordres relevés sont la conséquence des contraintes de l’ancien bâti, qui nécessitait un travail de reprise que la requérante a refusé d’effectuer ; que les margelles fournies par le maître d’ouvrage n’ont pas pu être posées car elles étaient abîmées. Il estime qu’en l’absence de désordres, le non-respect des normes qui n’étaient pas rendues obligatoires par la loi ou le contrat ne peut donner lieu à mise en conformité à la charge du constructeur, alors que le DTU n’est pas mentionné dans le marché et la non-conformité n’est pas à l’origine d’un désordre. Il considère qu’il n’est pas établi de lien de causalité direct et certain entre l’inondation subie et les travaux effectués.
A titre reconventionnel, il sollicite le paiement du solde des travaux, seul un acompte de 5000 € sur le montant de 9747 € facturé ayant été réglé.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2024 avec effet différé au 03 septembre 2024. L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 17 septembre puis mise en délibérée au 19 novembre 2024.

MOTIFS :

Sur les désordres et leur qualification :

La requérante fonde ses demandes à la fois sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l’article 1231-1 et sur le fondement de la garantie de plein droit du constructeur édictée l’article 1792 du code civil :

“Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère”.

En l’espèce, les travaux confiés à la société [S] consistaient en la réalisation de travaux d’aménagement d’une terrasse existante, et de réalisation d’un nouvel espace de dallage périphérique en béton armé jusqu’à la piscine avec pose de margelle, dans la continuité de la terrasse existante.

L’expert judiciaire énumère les désordres en page de son rapport.
Ces désordres portent :

– sur la nature des supports, au niveau de l’épaisseur du dallage béton et sa résistance à la compression
– sur l’état des supports, en raison d’écarts de planéité
– sur la mise en œuvre des supports, la quantité de mortier colle utilisée étant insuffisante
– sur la mise du revêtement, avec une absence de garde à l’eau suffisante entre le seuil de la porte et la surface du revêtement
– sur l’aspect final du revêtement, qui présente de nombreuses tâches
– sur la pose des margelles, car en fonction du côté, le dépôt des margelles est inégal et le joint de silicone se décolle.

L’expert précise que les travaux réalisés ne sont pas conformes aux recommandations du DTU et n’ont pas été réalisés dans les règles de l’art.

Ces travaux ont été pour partie réalisés sur un support déjà existant, et ne peuvent être constitutifs d’un ouvrage, puisque dissociable de ce support. Il est en outre constant que les défauts de conformité ne portant atteinte ni à la solidité de l’ouvrage ni à sa destination n’engagent pas la responsabilité décennale de l’entreprise. Il ne résulte pas du rapport d’expertise que le degré des malfaçons relevées, s’analysant en non-conformité, rend l’ouvrage impropre à sa destination, ou en affecte sa solidité ; ceux-ci ne peuvent dès lors relever de la responsabilité décennale des constructeurs.
Il sera surabondamment relevé que la garantie décennale pour être mobilisée suppose qu’une réception des travaux ait eu lieu. En l’occurrence, aucune réception même tacite n’est intervenue, dès lors que le maître d’ouvrage a établi une longue liste de réserves significatives, et a refusé de payer intégralement le prix des travaux.
Il convient en revanche d’examiner si les conditions de mise en œuvre de la responsabilité contractuelle sont réunies.
Sur la responsabilité contractuelle de l’entreprise.
En application de l’article 1231-1 du code civil, il convient classiquement d’examiner si l’entreprise a commis des fautes dans l’exécution de ses obligations contractuelles à l’origine des préjudices subis par la SCI CHEM 1.
L’expert différencie deux zones dans son expertise, la zone A, correspondant au dallage réalisé sur la terrasse existante, et la zone B correspondant à la zone nouvellement créée avec création d’une dalle béton ferraillée (plage de piscine).

Il indique que :

– le niveau et l’épaisseur du ferraillage dans la dalle en zone B (plage de piscine) est insuffisant
– que des écarts de planéité crées des zones de rétention d’eau
– que la pente de la terrasse est insuffisante notamment autour de la piscine
– que la quantité de mortier colle utilisée est largement insuffisante
– qu’a été constatée une absence de garde à l’eau suffisante entre le seuil de porte et la surface du revêtement.
– que de nombreuses tâches sont présentes sur l’ensemble du revêtement,
– que les margelles se décollent ;

L’expert précise toutefois, que la demande de la SCI CHEM 1 était de créer une plage de piscine en continuité de la terrasse existante sans créer de marche ou de séparation, ce qui était techniquement irréalisable sans effectuer d’importants travaux de reprise du bâti de la terrasse existante. Il estime que les travaux du devis [S] étaient incomplets et que la non reprise du support a pu avoir pour conséquence d’entraîner un dégât des eaux qui a été déclaré par le requérant à son assurance. Il indique en page 59 de son rapport que l’ensemble de ces non-conformités ne permettent pas de garantir la durabilité sur le long terme, et qu’une réfection intégrale du revêtement doit être effectuée.

Le défendeur soutient que la plupart des non conformités relevées sont liées aux contraintes du bâti existant, soit la configuration de la terrasse existante, qui ont amené, notamment pour la plage de la piscine, en raison des contraintes de niveau, à diminuer les épaisseurs du dallage et de la chape ; il estime que ces contraintes du bâti ne lui sont pas imputables et rappelle que l’épaisseur de la dalle était d’ailleurs mentionnée sur le devis.

Néanmoins Monsieur [S], en sa qualité de professionnel, ne pouvait ignorer que la demande de la SCI CHEM 1 ne pouvait être réalisée dans les conditions prévues au devis, notamment parce qu’il y’avait pas assez de dénivelé pour créer une terrasse attenante à celle existante en respectant les règles de l’art. Les requérants, néophytes en matière de maçonnerie, auraient dû être conseillés sur les risques liés à la mise en œuvre d’une terrasse dans la continuité de celle existante. D’autres manquements aux règles de l’art ont été relevées par l’expert, notamment en ce qui concerne la réalisation du dallage bétonné plus fin que nécessaire, et la pose des matériaux, l’ensemble des non conformités créant un préjudice à la demanderesse, puisque la durabilité de l’ouvrage réalisé est remise en cause.

Il s’en déduit que l’entrepreneur, en acceptant en connaissance de cause de réaliser un dallage plus fin que ce qui est normalement prescrit, afin de reprendre en vain l’absence de terrassement suffisant, a commis une faute à l’origine du préjudice subi par les demandeurs, soit, outre une mauvaise évacuation de l’eau en surface, une absence de garantie de durabilité dans le temps, les travaux ne pouvant être repris qu’entièrement. Sa responsabilité contractuelle est donc engagée.

Sur les préjudices :

Sur les travaux de reprises :

Monsieur [L] [S] propose une indemnisation à hauteur de 1060,80 € correspondant uniquement à la reprise de certaines malfaçons, soit la reprise des joints des fissures et des margelles. Les devis présentés ont cependant été rejetés par l’expert judiciaire qui en page 62 de son rapport indique que ces travaux ne sont pas de nature à remédier aux principaux désordres, tenant notamment en l’insuffisance de la pente. Il sera en outre rappelé que l’expert judiciaire indique que la terrasse doit être entièrement reconstruite car sa solidité est à terme en jeu, et chiffre les travaux en fonction des devis qui lui ont été fournis par les parties à la somme de 49 096,13 €.
Monsieur [L] [S] sera en conséquence condamné à verser la somme de 49 096,13 € au titre des travaux de reprise, selon le chiffrage retenu par l’expert judiciaire.

Sur l’indemnisation du fait des inondations dans la maison :

La requérante soutient que les malfaçons relevées ont entrainé des dégâts des eaux puisque en posant les dalles, l’entrepreneur aurait obstrué l’évacuation du trop-plein de la fenêtre, l’eau s’écoulant à l’intérieur.
Toutefois, si celle-ci invoque un phénomène récurrent, elle ne verse aucune pièce permettant d’en justifier, à l’exception d’une attestation de refus de couverture de leur assurance d’un sinistre intervenu le 23 avril 2024 au motif que l’origine de la cause des dommages est une malfaçon d’un artisan. Cet avis de l’assureur est insuffisant à établir que le sinistre en question a pour origine une faute du défendeur, étant noté sur ce point que l’expert n’évoque qu’une possibilité, puisqu’il précise qu’une non-conformité dans les travaux « a pu » entrainer un dégât des eaux. En l’absence de démonstration de l’existence de dégâts des eaux récurrents, et d’un lien de causalité entre le sinistre déclaré et les travaux effectués, la SCI CHEM 1 sera déboutée de sa demande d’indemnisation à ce titre.

Sur l’indemnisation au titre de la perte de chance d’être indemnisé par l’assureur décennal :

En l’espèce, les désordres n’étant pas de nature décennale, aucune perte de chance de mobiliser la garantie de l’assureur décennal du fait de l’absence de souscription de cette assurance ne peut être invoquée. La demande sera rejetée.

Sur l’indemnisation du préjudice moral :

La requérante invoque principalement un préjudice de jouissance pointant une immobilisation des terrasses pendant plusieurs mois. L’expert judiciaire a cependant précisé que l’accès à la terrasse n’avait pas été obéré depuis les travaux. S’il est prévisible que la terrasse ne sera plus accessible pendant les travaux de reprise, aucune mention de durée de ces travaux, ou encore de valeur locative de la maison, n’est fournie pour permettre d’apprécier la durée et l’intensité du trouble de jouissance allégué. La demande sera en conséquence rejetée.

Sur la demande reconventionnelle en paiement du solde :

Il ressort des pièces produites que Monsieur [S] a émis le 16 janvier 2020 un devis de travaux d’un montant de 9747 €, qui a été accepté par le maître d’ouvrage. Il n’est pas contesté qu’un seul acompte de 5000 € a été versé et les travaux prévus au devis ont été effectués. Monsieur [S] sollicite la condamnation de la SCI CHEM 1 à lui verser le solde d’un montant de 4747 euros. Aucun moyen n’est soulevé par cette dernière pour s’opposer à ce paiement en l’état de ses dernières écritures.

En conséquence, la SCI CHEM 1 sera condamnée à verser la somme de 4747 euros (somme mentionnée dans le dispositif des conclusions) à Monsieur [L] [S] au titre du solde des travaux.

Sur les demandes accessoires :
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
En l’espèce, Monsieur [L] [S], qui succombe à l’instance, sera condamné aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

L’article 699 du Code de procédure civile dispose que « les avocats et avoués peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision. »

Il y a lieu d’accorder le droit de recouvrement direct des dépens au profit de la Maître Olivier REVAH.

Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
En l’espèce, Monsieur [L] [S] sera condamné au paiement de la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire
Conformément aux articles 514 et 514-1 du code de procédure civile dans leur version applicable aux procédures introduites depuis le 1er janvier 2020, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.

Aucune circonstance ne justifie en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal statuant en audience publique, par mise à disposition au Greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort :

CONDAMNE Monsieur [L] [S] à payer à la SCI CHEM 1 la somme de 49 096,13 euros au titre des travaux de reprises ;
DEBOUTE la SCI CHEM 1 de ses autres demandes d’indemnisation, au titre du préjudice de jouissance, des dommages consécutifs aux inondations, et de la perte de chance ;
CONDAMNE la SCI CHEM 1 à payer à Monsieur [L] [S] la somme de 4747 euros au titre du solde du prix des travaux ;

CONDAMNE Monsieur [L] [S] aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, et ACCORDE le droit de recouvrement direct à Maître Olivier REVAH, avocat aux offres de droit ;

CONDAMNE Monsieur [L] [S] à payer à la SCI CHEM 1 la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE le surplus des demandes ;
DIT n’y avoir lieu à écarter exécution provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 19 NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER     LE PRESIDENT,


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