Responsabilité conjointe des fournisseurs face aux vices cachés d’un produit défectueux

·

·

Responsabilité conjointe des fournisseurs face aux vices cachés d’un produit défectueux

L’Essentiel : En 2018, M. et Mme [V] ont engagé la SARL Prestige Parquet pour poser un parquet en chêne contrecollé. Après l’achèvement des travaux, des problèmes de décollement sont apparus. Malgré les tentatives de réparation, Lamett Europe, fournisseur du parquet, a refusé de prendre en charge les réparations, arguant l’absence de défaut de fabrication. M. et Mme [V] ont alors assigné les deux sociétés en justice. En juin 2023, le tribunal a condamné les deux à indemniser les propriétaires. Lamett Europe a interjeté appel, contestant la décision, tandis que M. et Mme [V] ont demandé la confirmation du jugement.

Contexte de l’affaire

En 2018, M. et Mme [V] ont engagé la SARL Prestige Parquet pour la fourniture et la pose d’un parquet en chêne contrecollé dans leur maison, pour un montant total de 41.363,30 euros. La société a acquis le parquet auprès de Lamett Europe, une entreprise belge. Après l’achèvement des travaux en juin 2018, des problèmes de décollement du parquet ont été signalés par les propriétaires.

Interventions et constatations

La société Prestige Parquet a tenté de remédier aux défauts en remplaçant les lames défectueuses et en ponçant le parquet. Un constat a été réalisé par un commissaire de justice en mars 2019, qui a mesuré la température et l’hygrométrie de la pièce. Malgré des démarches amiables, Lamett Europe a refusé de prendre en charge les réparations, arguant qu’aucun défaut de fabrication n’avait été prouvé.

Procédures judiciaires

Face à l’absence de solution amiable, M. et Mme [V] ont assigné les deux sociétés en justice en février 2020. Une expertise judiciaire a été ordonnée, et l’expert a conclu à un défaut du produit fourni par Lamett Europe. En juin 2023, le tribunal a condamné les deux sociétés à indemniser M. et Mme [V] pour les travaux de reprise du parquet et des peintures, ainsi qu’à verser des dommages pour préjudice de jouissance.

Appel de Lamett Europe

Lamett Europe a interjeté appel de la décision, contestant la reconnaissance d’un vice caché et demandant l’infirmation du jugement. Elle a soutenu que le rapport d’expertise était insuffisant et que les désordres constatés ne constituaient pas un vice caché. Lamett a également demandé à être déchargée de toute responsabilité envers Prestige Parquet.

Réactions de M. et Mme [V]

M. et Mme [V] ont demandé la confirmation du jugement, tout en souhaitant des ajustements concernant l’indemnisation de leur préjudice de jouissance. Ils ont affirmé que la responsabilité de Lamett Europe devait être engagée en raison du vice caché du parquet, qui avait nécessité des travaux de reprise complets.

Position de Prestige Parquet

La société Prestige Parquet a également demandé la confirmation du jugement, tout en contestant les demandes de Lamett Europe. Elle a soutenu que la responsabilité des désordres incombait entièrement à Lamett, en raison de la qualité du parquet fourni.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement initial, reconnaissant la responsabilité des deux sociétés pour les préjudices subis par M. et Mme [V]. Elle a également précisé que les indemnités seraient indexées sur l’indice BT01 et a condamné Lamett Europe aux dépens d’appel. La cour a jugé que les désordres étaient dus à un vice caché du parquet, rendant ainsi les deux sociétés responsables de l’indemnisation des propriétaires.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la responsabilité de la société Lamett Europe en vertu de la garantie des vices cachés ?

La société Lamett Europe, en tant que vendeur, est tenue de garantir les défauts cachés de la chose vendue, conformément à l’article 1641 du Code civil. Cet article stipule que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

Il est donc nécessaire de prouver l’existence d’un vice caché, c’est-à-dire un défaut grave, inhérent à la chose vendue, antérieur à la vente et compromettant son usage.

Dans cette affaire, le rapport d’expertise a établi que le parquet fourni par Lamett Europe présentait des déformations généralisées, rendant l’ensemble de la surface impropre à son usage.

Ainsi, les conditions de la garantie des vices cachés sont réunies, et la société Lamett Europe est responsable des préjudices subis par M. et Mme [V].

Quelles sont les conséquences de la condamnation in solidum des sociétés Lamett Europe et Prestige Parquet ?

La condamnation in solidum signifie que chaque débiteur est tenu de payer la totalité de la dette, et non pas une part proportionnelle. Cela est précisé dans l’article 1200 du Code civil, qui dispose que « les créanciers peuvent poursuivre le paiement de la totalité de la dette contre l’un des débiteurs solidaires, sans avoir à se préoccuper de la part de chacun ».

Dans le cas présent, M. et Mme [V] ont obtenu une condamnation in solidum des sociétés Lamett Europe et Prestige Parquet pour les travaux de reprise du parquet et des peintures, ainsi que pour le préjudice de jouissance.

Cela signifie qu’ils peuvent exiger le paiement de la totalité des sommes dues à l’une ou l’autre des sociétés, ce qui leur offre une plus grande sécurité dans la récupération de leur créance.

Comment est évalué le préjudice de jouissance dans cette affaire ?

Le préjudice de jouissance est évalué en fonction de la privation d’usage du bien affecté par le vice caché. L’article 1231-1 du Code civil précise que « le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution, sauf s’il prouve que cette inexécution est due à une cause étrangère ».

Dans cette affaire, M. et Mme [V] ont été privés de jouissance de leur séjour en raison des désordres affectant le parquet. L’évaluation de ce préjudice a été fixée à 4.000 euros par le tribunal, ce qui a été jugé juste et suffisant pour réparer intégralement ce préjudice.

Le tribunal a pris en compte la période durant laquelle M. et Mme [V] n’ont pas pu disposer pleinement de leur bien, ce qui justifie l’indemnisation accordée.

Quelles sont les implications des frais irrépétibles selon l’article 700 du Code de procédure civile ?

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». Ces frais comprennent les honoraires d’avocat et autres frais engagés par la partie gagnante pour la procédure.

Dans cette affaire, la société Lamett Europe a été condamnée à verser des frais irrépétibles à M. et Mme [V] ainsi qu’à la société Prestige Parquet. Cela signifie qu’elle doit couvrir les frais engagés par ces parties pour leur défense dans le cadre de l’instance.

Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits en justice, renforçant ainsi l’équité dans le processus judiciaire.

ARRET N°

du 19 novembre 2024

R.G : 23/01267

N° Portalis DBVQ-V-B7H-FL2E

Société LAMETT EUROPE

c/

1) [V] [D]

2) [V] [H]

3)SARL PRESTIGE PARQUET

Formule exécutoire le :

à :

Me Jean-emmanuel ROBERT

Maître Corinne PRIEZ-PROCUREUR

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 19 NOVEMBRE 2024

APPELANTE d’un jugement rendu le 20 juin 2023 par le tribunal judiciaire de REIMS.

Société LAMETT EUROPE, société de droit belge, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié de droit au siège :

[Adresse 8]

[Localité 4]/ BELGIQUE

ayant pour conseil Maître Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS,

INTIMES :

1) Monsieur [D] [F] [V], né le 5 juillet 1973, à [Localité 6] (MARNE), de nationalité française, chirurgien dentiste, demeurant :

[Adresse 1]

[Localité 2],

représenté par Maître Jean-Emmanuel ROBERT, avocat au barreau de REIMS,

2) Madame [H] [V], né le 16 juillet 1974, à [Localité 6] (MARNE), de nationalité française, infirmière, demeurant :

[Adresse 1]

[Localité 2],

représenté par Maître Jean-Emmanuel ROBERT, avocat au barreau de REIMS,

3) SARL PRESTIGE PARQUET, société à responsabilité limitée, au capital social de 700.000 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 507.407.518, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés de droit au siège :

[Adresse 3]

[Localité 5],

représentée par Maître Corinne PRIEZ-PROCUREUR, avocat au barreau de REIMS et par Maître Patrice PAUPER, avocat au barreau d’EVRY (SELARL CAPA).

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de la chambre,

Madame Sandrine PILON, conseillère,

Madame Anne POZZO DI BORGO, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS ET DE LA MISE A DISPOSITION :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffier,

DEBATS :

A l’audience publique du 4 novembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 novembre 2024,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE :

Courant 2018, M. [D] [V] et son épouse, Mme [H] [V], ont commandé à la SARL prestige parquet la fourniture et la pose d’un parquet en chêne contrecollé pour l’étage (208,82 m2), le couloir (22,2 m2) et le rez-de-chaussée (125 m2) de leur maison à usage d’habitation située à [Localité 7] (Marne) moyennant une somme de 41.363,30 euros.

La société prestige parquet s’est fournie en lames de parquet auprès de la société de droit belge Lamett Europe suivant facture du 18 mai 2018.

La pose du parquet s’étant achevée courant juin 2018, une facture a été émise le 11 juin 2018 d’un montant de 20.069,56 euros TTC, laquelle a été intégralement réglée.

M. et Mme [V] s’étant plaints rapidement et à plusieurs reprises du décollement progressif du parement en chêne sur plusieurs lames de parquet, la société prestige parquet est intervenue peur procéder successivement au remplacement des lames défectueuses, suivi d’un ponçage et d’un vernissage du parquet.

Un constat par commissaire de justice a été réalisé à leur demande le 18 mars 2019 en présence d’un représentant des deux sociétés susvisées. A cette occasion, un contrôle de la température et de l’hygrométrie de la pièce a été effectué.

M. et Mme [V] ont tenté des démarches amiables auprès des deux sociétés pour obtenir l’indemnisation de leurs préjudices.

Par courrier du 3 juin 2019, la société Lamett Europe leur a fait part de son refus de toute prise en charge faute de démonstration d’un défaut de fabrication du parquet.

En l’absence de solution amiable, par exploits délivrés le 5 et 14 février 2020, M. et Mme [V] ont fait assigner les deux sociétés devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Reims aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire laquelle a été ordonnée le 5 août 2020 et confiée à M. [Y] [C].

L’expert a déposé son rapport le 29 mars 2021.

A la demande de la société Lamett Europe, le juge chargé du contrôle des expertises a, par ordonnance du 4 mai 2021, enjoint à l’expert de reprendre ses opérations quant à la qualité du parquet fourni par la société Lamett Europe, sa conformité à la demande ainsi qu’à l’usage auquel il est destiné’; quant à l’existence d’un vice, d’un défaut de fabrication ou d’un défaut le rendant impropre à cet usage’et quant au caractère décelable par la société prestige parquet avant la pose.

Par ordonnance du 29 juin 2021, le juge chargé du contrôle des expertises a fixé une provision complémentaire de 20.000 euros mise à la charge de la société Lamett Europe.

A défaut de versement de la consignation par celle-ci, l’expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 4 septembre 2021.

Par exploits du 20 septembre 2021, M. et Mme [V] ont fait assigner la société prestige parquet et la société Lamett Europe devant le tribunal judiciaire de Reims.

Par jugement du 20 juin 2023, le tribunal judiciaire de Reims a’:

– condamné in solidum la société Lamett Europe et la société prestige parquet à payer à M. et Mme [V] la somme de 39.443,33 euros au titre des travaux de reprise du parquet,

– condamné in solidum la société Lamett Europe et la société prestige parquet à payer à M. et Mme [V] la somme de 5.649,45 euros au titre des travaux de reprise des peintures,

– dit que ces condamnations seront indexées sur la base de l’indice BT01 publié par l’lNSEE, en fonction de l’évolution de celui-ci entre l’indice de février 2021 et celui le plus récemment publié à la date de délibéré de la décision à intervenir,

– condamné in solidum la société Lamett Europe et la société prestige parquet à payer à M. et Mme [V] la somme de 4.000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

– condamné la société de droit belge Lamett Europe, à garantir la SARL prestige parquet de toutes condamnations prononcées à son encontre par la présente décision, en ce compris celles afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens,

– condamné in solidum la SARL prestige parquet et la société de droit belge Lamett Europe à verser à M. et Mme [V] la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles,

– condamné in solidum la SARL prestige parquet et la société de droit belge Lamett Europe, parties succombantes, aux dépens, en ce compris ceux afférents à la procédure de référé et les frais d’expertise sous le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire par application de l’article 514 du code de procédure civile.

Par déclaration du 28 juillet 2023, la société Lamett Europe a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions transmises par la voie électronique le 28 mars 2024, elle demande à la cour de’:

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer aux époux [V] les sommes de 39.443,33 euros au titre des travaux de reprise du parquet, 5.649,45 euros pour les travaux de reprise des peintures, 4.000 euros au titre du préjudice de jouissance et 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

Statuant à nouveau,

– déclarer que le rapport de M. [C] est insuffisant pour reconnaître un défaut du parquet livré par elle,

– déclarer que le parquet qu’elle a fourni ne révèle aucun vice caractéristique des articles 1641 et suivants du code civil,

– débouter les époux [V] de leurs demandes fondées sur la garantie des vices cachés à son égard,

– juger qu’elle n’a ni fait un aveu ni reconnu sa responsabilité dans la survenance des désordres,

En conséquence,

– débouter les époux [V] de l’ensemble de leurs demandes à son encontre,

– débouter la société prestige parquet de sa demande de garantie à son encontre,

Subsidiairement, sur le quantum :

– juger la demande de remplacement du parquet et les frais de peinture non justifiés, et débouter les époux [V] de ces chefs de demande sauf à désigner un nouvel expert judiciaire avec pour mission de chiffrer une solution de réparation ponctuelle,

– juger le préjudice de jouissance réclamé par les époux [V] non justifié et les débouter de leur demande de ce chef,

– en tout état de cause, limiter l’indemnisation de ce trouble de jouissance à de plus justes proportions,

– subsidiairement, condamner la société prestige parquet à la garantir de l’ensemble des condamnations susceptibles d’être mises à sa charge au profit des époux [V],

reconventionnellement,

– condamner in solidum, les époux [V] et la société prestige parquet à lui payer une somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle soutient que le rapport de l’expert judiciaire est incomplet et doit être écarté comme mode preuve, de sorte qu’il est insuffisant pour caractériser un vice caché du parquet et imputer les désordres au fabricant.

Elle affirme que le désordre dont il est fait état et qui consiste en un léger désaffleurement n’empêche pas un usage normal des lieux si bien que celui-ci ne peut constituer un vice caché.

Elle conteste tout aveu de reconnaissance de sa responsabilité.

Elle expose en outre que le défaut du produit livré n’étant pas démontré, la société prestige parquet doit être déboutée de sa demande de garantie.

Subsidiairement, elle argue que l’indemnisation de M. et Mme [V] fixée par le tribunal est excessive et doit être limitée à la seule reprise des désordres sur les zones concernées.

Elle dénie par ailleurs l’existence d’un trouble de jouissance subi par le couple qui ne verse aucun justificatif le démontrant.

Elle prétend enfin que les désordres constatés sont consécutifs à la faute exclusive de la société prestige parquet qui ne fait pas la preuve de la bonne exécution des travaux confiés.

Aux termes de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 19 janvier 2024, M. et Mme [V] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a’:

* condamné in solidum la société Lamett Europe et la société prestige parquet à leur payer la somme de 39.443,33 euros au titre des travaux de reprise du parquet,

* condamné in solidum la société Lamett Europe et la société prestige parquet à leur payer la somme de 5.649.45 euros au titre des travaux de reprise des peintures,

* condamné la société de droit belge Lamett Europe, à garantir la SARL prestige parquet de toutes condamnations prononcées à son encontre par la présente décision, en ce compris celles afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens,

* condamné in solidum la SARL prestige parquet et la société de droit belge Lamett Europe à leur verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles,

* condamné in solidum la SARL prestige parquet et la société de droit belge Lamett Europe, parties succombantes, aux dépens, en ce compris ceux afférents à la procédure de référé et les frais d’expertise, sous le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

* rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire par application de l’article 514 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement en ce qu’il a’:

* dit que ces condamnations seront indexées sur la base de l’indice BT01 publié par l’INSEE, en fonction de l’évolution de celui-ci entre l’indice de février 2021 et celui le plus récemment publié à la date de délibéré de la décision à intervenir,

* condamné in solidum la société Lamett Europe et la société prestige parquet à leur payer la somme de 4.000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

Statuant de nouveau,

– condamner in solidum la société Lamett Europe et la société prestige parquet à leur payer une somme de 320 euros par mois depuis le 1er août 2018 jusqu’à la date de l’arrêt devant intervenir et ce au titre de l’indemnisation de leur préjudice de jouissance,

– juger que les sommes de 39.443,33 euros au titre des travaux de reprise du parquet et de 5.649.45 euros au titre des travaux de reprise des peintures seront indexées sur la base de l’indice BT01 publié par l’INSEE, en fonction de l’évolution de celui-ci entre l’indice de février 2021 et celui le plus récemment publié à la date du délibéré de l’arrêt devant intervenir,

Et y ajoutant,

– condamner in solidum la société Lamett Europe et la société prestige parquet à leur payer une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum la société Lamett Europe et la société prestige parquet aux entiers dépens sous le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Ils soutiennent être bien fondés à engager la responsabilité de la société prestige parquet en sa qualité de constructeur du fait des travaux de pose et de fourniture du parquet.

Ils affirment que la responsabilité de la société Lamett Europe doit également être retenue en application de la garantie des vices cachés, les lames du parquet litigieux étant affectées d’un vice intrinsèque qui s’est révélé progressivement après la pose et qui le rend impropre à son usage de sorte que les deux sociétés doivent être condamnées in solidum à les indemniser.

Ils exposent que les déformations des lames ont un caractère généralisé et évolutif ce qui nécessite des travaux de reprise dans son intégralité comme l’a jugé le tribunal.

Ils estiment enfin insuffisante l’évaluation faite par ce dernier de leur préjudice de jouissance et se prévalent de l’application d’une indexation sur la base de l’évolution de l’indice BT01, entre celui de février 2021 et celui le plus récemment publié à la date de l’arrêt à intervenir.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 22 janvier 2024, la société prestige parquet demande à la cour de :

– annuler et à tout le moins réformer partiellement le jugement déféré,

– juger irrecevable et subsidiairement mal fondée la société Lamett Europe en son appel,

En conséquence l’en débouter,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* condamné in solidum la société Lamett Europe et la société prestige parquet à payer à M. et Mme [V] la somme de 39.443,33 euros au titre des travaux de reprise du parquet,

* condamné in solidum la société Lamett Europe et la société prestige parquet à payer à ceux-ci la somme de 5.649,45 euros au titre des travaux de reprise des peintures,

* dit que ces condamnations seront indexées sur la base de l’indice BT01 publié par l’INSEE, en fonction de l’évolution de celui-ci entre l’indice de février 2021 et celui le plus récemment publié à la date de délibéré de la décision à intervenir,

* condamné la société de droit belge Lamett Europe à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre par la présente décision, en ce compris celles afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* condamné in solidum la société Lamett Europe et la société prestige parquet à payer à M. et Mme [V] la somme de 4.000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

* condamné in solidum la SARL prestige parquet et la société de droit belge Lamett Europe à verser à M. et Mme [V] la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles,

* condamné in solidum la SARL prestige parquet et la société de droit belge Lamett Europe, parties succombantes, aux dépens, en ce compris ceux afférents à la procédure de référé et les frais d’expertise,

En conséquence,

– juger que la société Lamett Europe, fabricant et fournisseur du parquet, entièrement responsable du désordre,

– débouter la société Lamett Europe de sa demande de garantie dirigée contre la société prestige parquet,

– juger que M. et Mme [V] ne rapportent pas la preuve de leur préjudice de jouissance et en conséquence, les débouter de cette demande particulière,

– les débouter de leurs demandes plus amples ou accessoires dirigées contre la société prestige parquet,

– condamner la société Lamett Europe à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Elle soutient que le parquet fabriqué et vendu par la société Lamett Europe est effectivement entaché d’un vice caché qui provient d’un défaut du produit de sorte que la responsabilité de cette société est bien engagée.

Elle conteste toute responsabilité dans la survenance du désordre se prévalant de la qualité de la pose qu’elle a accomplie et en affirmant que les travaux de reprise, réalisés après les décollements du parement et non par principe avant, ne peuvent en être la cause.

Elle expose que M. et Mme [V] ne peuvent plus prétendre à l’indemnisation d’un préjudice de jouissance postérieurement à l’exécution par la société Lamett Europe du jugement querellé, de sorte que leur demande d’indemnisation complémentaire à ce titre doit être rejetée.

Elle indique enfin que n’ayant commis aucune faute personnelle et la cause du désordre étant exclusivement liée à la société Lamett Europe, cette dernière doit effectivement la garantir au titre des condamnations prononcées à son encontre.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 octobre 2024 et l’affaire a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 4 novembre 2024.

Lors de l’audience, la cour a constaté le non règlement du timbre fiscal par l’une des parties. Elle a informé ces dernières que l’arrêt serait mis à disposition le jour même.

Avant la mise à disposition de la décision, le timbre fiscal a été acquitté.

Le délibéré a été prorogé au 19 novembre 2024, les conseils des parties étant avisées par RPVA de la possibilité de fixer, à leur demande, une audience pour formuler leurs observations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur les responsabilités des sociétés prestige parquet et Lamett Europe’:

S’agissant de la société prestige parquet’:

La responsabilité de la société prestige parquet sur le fondement de la garantie décennale et le principe de sa condamnation à indemniser M. et Mme [V] de l’intégralité des préjudices en découlant ne sont pas contestés.

S’agissant de la société Lamett Europe’:

Au termes de l’article 1641 du code civil, «’le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus’».

Il en résulte que la mise en oeuvre de l’action en garantie des vices suppose un défaut grave, inhérent à la chose vendue, antérieur à la vente et compromettant l’usage de la chose. Il incombe à l’acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères.

En l’espèce, il est constant que des travaux de fourniture et de pose d’un parquet en chêne contrecollé ont été confiés par M. et Mme [V] à la société prestige parquet laquelle s’est fournie en lames de parquet auprès de la société Lamett Europe.

En leur qualité de maître de l’ouvrage-sous-acquéreurs, ils sont recevables à agir directement contre le fabricant-vendeur au titre de la garantie des vices cachés, le droit d’action suivant automatiquement la chose vendue.

Il résulte du rapport d’expertise judiciaire que la pose du parquet en cause a consisté à coller des lames en plein, sur un support (une dalle de béton), d’un parquet de type chêne contrecollé d’une épaisseur d’environ 15 mm.

L’expert relève que les désordres, liés à un décollement de certaines lames, sont survenus à compter de juillet 2018 puis se sont étendus au fil des mois.

Il note par ailleurs que le désordre est généralisé à l’ensemble de la surface, y compris sur les périphéries de la pièce malgré un sens de pose différent et éventuellement une réponse thermique différente. Il exclut ensuite, au vu des éléments techniques communiqués, toute difficulté liée au plancher chauffant, relevant que les délais de mise en ‘uvre semblent correspondre aux obligations de délai, de séchage et de mise en route permettant au poseur de valider un début de pose. Il ne retient pas davantage de défaut de pose et de mise en ‘uvre de la part de la société prestige parquet. Au final, il conclut à un défaut du produit de la société Lamett qu’il n’a pas pu mettre en évidence en l’absence d’information technique communiquée par celle-ci en précisant que les déformations généralisées sur l’ensemble de la surface jettent le discrédit total sur cette fourniture. Il préconise, en raison de l’impropriété de l’ensemble de la surface, un remplacement complet du parquet.

Il est ainsi suffisamment démontré que le parquet, du fait de ses déformations généralisées survenues postérieurement à sa vente, est affecté d’un vice grave, inhérent à ses lames, qui le rend impropre à sa destination du fait des multiples aspérités qu’il présente, si bien que ses acheteurs, contraints de le remplacer totalement, n’auraient pas acquis ce parquet s’ils avaient eu connaissance de ce vice.

Les conditions de la garantie des vices cachés sont donc réunies.

Vainement, la société Lamett, qui n’a pas communiqué les éléments sollicités par l’expert, pour des motifs non démontrés, et n’a pas pris attache avec celui-ci alors qu’elle avait connaissance de la reprise de sa mission, soutient que le vice pourrait avoir une autre cause qu’un défaut inhérent aux lames de parquet qu’elle a fournies. Il résulte en effet, à l’évidence, du constat de commissaire de justice et des opérations expertales qu’aucune autre anomalie liée à l’hygrométrie de l’habitation, à la dalle servant de support au parquet, à l’installation de chauffage au sol ou au stockage du parquet n’est établie.

Chacun des coauteurs d’un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l’entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu’il n’y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités entre les coauteurs, lequel n’affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l’étendue de leur obligation à l’égard de la victime du dommage.

La décision des premiers juges sera donc confirmée en ce qu’ils ont déclaré bien fondés M. et Mme [V] à solliciter la condamnation in solidum des sociétés prestige parquet et Lamett Europe à les indemniser de leur préjudice découlant du vice caché.

2- Sur la demande indemnitaire’:

Au titre du préjudice matériel’:

L’expert a conclu, en raison de l’altération généralisée des lames du parquet, à l’impropriété de l’ensemble de sa surface, confirmant en cela le constat du commissaire du justice. M. et Mme [V] sont donc fondés à obtenir l’indemnisation du coût des travaux de dépose et de remplacement du parquet.

Vainement, la société Lamett fait valoir que seule la reprise des désordres sur les zones concernées est nécessaire alors que l’ampleur des déformations constatées

tant par le commissaire de justice que par l’expert justifie, à l’évidence, une intervention sur la totalité de la surface.

C’est par une juste évaluation, se fondant sur le devis produit par les intimés et validé par l’expert, que les premiers juges ont retenu que le préjudice de M. et Mme [V] devait être fixé à la somme de 39.443,33 euros.

Par ailleurs, il ne peut être contesté que les travaux de remplacement du parquet conduiront à des dégradations sur les peintures décoratives périphériques du séjour, de sorte que c’est par une exacte appréciation que les premiers juges ont également retenu une indemnisation pour le coût de travaux de peinture justement évalué à la somme sollicitée et validée par l’expert de 5.649,45 euros.

La décision sera donc confirmée sur ce point sauf à préciser que ces condamnations seront indexées sur la base de l’indice BT01 publié par l’INSEE, en fonction de l’évolution de celui-ci entre l’indice de février 2021 et celui le plus récemment publié à la date du présent arrêt.

Au titre du trouble de jouissance’:

La privation de jouissance engendre un préjudice causé par l’indisponibilité du bien affecté par le vice caché.

En l’espèce, M. et Mme [V] n’ont pu disposer pleinement de leur séjour en raison du vice affectant de façon globale le parquet apposé sur le sol de celui-ci et des diverses opérations menées sur celui-ci dans le cadre de la procédure en cours.

Le préjudice qui en résulte doit être indemnisé. L’évaluation qu’en a faite le tribunal à hauteur de 4.000 euros apparaît juste et suffisante pour réparer intégralement celui-ci sur la période s’étant écoulée du mois d’août 2018 au prononcé de l’arrêt. Le jugement sera confirmé également concernant l’attribution de cette somme.

3- Sur la garantie’:

La société Lamett Europe qui a fourni le parquet défectueux à la société prestige parquet, sans qu’aucune faute ne soit établie concernant le stockage ou la pose de celui-ci, sera condamnée à garantir celle-ci de l’intégralité des condamnations prononcées. Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

4- Sur les frais de procédure et les dépens’:

La décision entreprise sera confirmée s’agissant des dépens de première instance.

La société Lamett Europe, qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel sous le bénéfice des dispositions prévues par l’article 699 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé concernant la condamnation prononcée au titre des frais de procédure.

Déboutée de ses prétentions, la société Lamett Europe ne peut prétendre à une indemnité à ce titre.

L’équité justifie qu’il soit alloué à M. et Mme [V], d’une part, et à la société prestige parquet, d’autre part, la somme de 3.000 euros pour compenser les frais de procédure exposés à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant’;

Dit que les condamnations prononcées par la décision querellée au titre des travaux de reprise du parquet et des peintures seront indexées sur la base de l’indice BT01 publié par l’INSEE, en fonction de l’évolution de celui-ci entre l’indice de février 2021 et celui le plus récemment publié à la date du présent arrêt’;

Condamne la société Lamett Europe aux dépens d’appel sous le bénéfice des dispositions prévues par l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société Lamett Europe à payer la somme de 3.000 euros à M. et Mme [V] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

Condamne la société Lamett Europe à payer la somme de 3.000 euros à la société prestige parquet sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

La déboute de sa demande à ce titre.

Le greffier, La présiente de chambre,


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon