Responsabilité et garanties dans le cadre de travaux de rénovation : enjeux et contestations.

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Responsabilité et garanties dans le cadre de travaux de rénovation : enjeux et contestations.

L’Essentiel : La SCI JR OTHELLO a engagé la société ZANIER pour rénover un immeuble destiné à des bureaux, mais des désordres ont été signalés, entraînant un refus de paiement des factures. En juillet 2024, la SCI a assigné ZANIER et ses assureurs en référé, demandant une expertise et des provisions pour les réparations. Le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer les désordres, rejetant les demandes de mise hors de cause et de provisions, considérant qu’elles étaient prématurées. Aucune des parties n’a été condamnée aux dépens, laissant la SCI JR OTHELLO responsable des frais.

Contexte de l’affaire

La SCI JR OTHELLO a engagé la société ZANIER pour la rénovation de trois étages d’un immeuble destiné à des bureaux pour l’étude notariale R&D Notaires, pour un montant initial de 1.850.415,11 euros TTC. Les travaux comprenaient divers lots tels que la démolition, le gros œuvre, l’électricité, la plomberie, et d’autres aménagements. La SARL LE LABORATOIRE ARCHITECTURE & DESIGN a été chargée de la maîtrise d’œuvre.

Problèmes rencontrés

Les travaux ont débuté en juillet 2022, mais des désordres ont été signalés par la SCI JR OTHELLO, entraînant un refus de paiement des dernières factures de la société ZANIER. Malgré des devis supplémentaires acceptés, le montant total du chantier a atteint 2.849.448,49 euros TTC. La SCI JR OTHELLO a mis en demeure ZANIER de régler une somme de 529.788,81 euros TTC pour les factures impayées.

Actions judiciaires

En juillet 2024, la SCI JR OTHELLO a assigné la SAS ZANIER, son assureur MMA IARD, la SARL LAD, et son assureur SMABTP en référé, demandant une expertise, l’autorisation d’exécuter des travaux de réparation, et des provisions pour couvrir les frais d’expertise et les travaux nécessaires. L’audience a eu lieu le 10 octobre 2024.

Arguments de la SCI JR OTHELLO

La SCI JR OTHELLO a exposé que les désordres compromettaient la sécurité et l’utilisation des bureaux, mentionnant des problèmes d’isolation, de climatisation, et d’autres malfaçons. Elle a demandé la nomination d’un expert et une provision de 10.000 euros pour les frais d’expertise, ainsi qu’une provision de 400.000 euros pour les réparations.

Réponse de l’assureur

La SA MMA IARD a contesté la demande de mise hors de cause, arguant que la garantie décennale ne pouvait être engagée car les non-conformités étaient apparentes lors de la réception des travaux. Elle a également rejeté la demande de provision, la jugeant prématurée et non justifiée.

Absence de la SAS ZANIER

La SAS ZANIER n’était pas représentée à l’audience et a demandé la réouverture des débats, invoquant une omission dans la gestion de son agenda. Cette demande a été rejetée, le tribunal considérant qu’elle avait eu suffisamment de temps pour se préparer.

Décisions du tribunal

Le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer les désordres et a rejeté la demande de mise hors de cause de l’assureur. Les demandes de la SCI JR OTHELLO concernant l’autorisation de procéder aux réparations et les provisions ont été jugées prématurées, et aucune des parties n’a été considérée comme succombante, entraînant une absence de condamnation aux dépens.

Conclusion

Le tribunal a statué sur la nécessité d’une expertise pour éclaircir les responsabilités et les désordres allégués, tout en rejetant les demandes de provisions et de mise hors de cause, laissant les dépens à la charge de la SCI JR OTHELLO.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour ordonner une expertise judiciaire ?

L’article 143 du code de procédure civile dispose que « Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »

De plus, l’article 232 du même code précise que « Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert la lumière d’un technicien. »

Enfin, l’article 145 du code de procédure civile stipule : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Ainsi, pour qu’une expertise soit ordonnée, il faut que le demandeur justifie d’un motif légitime, c’est-à-dire qu’il démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

Il doit également prouver que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer sa situation probatoire.

Dans le cas présent, la SCI JR OTHELLO a fourni des éléments crédibles, tels que le compte rendu du maître d’œuvre et le rapport de diagnostic, justifiant la demande d’expertise.

Quelles sont les conséquences de l’absence d’un défendeur lors d’une audience ?

L’article 472 du code de procédure civile stipule que « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond mais le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée. »

Cela signifie que même en l’absence d’un défendeur, le tribunal peut rendre une décision, mais il doit d’abord s’assurer que la demande de la partie présente est conforme aux règles de droit et qu’elle est fondée sur des éléments suffisants.

Dans cette affaire, la SAS ZANIER n’était pas représentée lors de l’audience, mais cela n’a pas empêché le tribunal de statuer sur les demandes de la SCI JR OTHELLO, à condition que celles-ci soient jugées recevables et fondées.

Quelles sont les conditions pour accorder une provision dans le cadre d’une procédure en référé ?

Selon l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, « le président du tribunal judiciaire peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

Pour qu’une provision soit accordée, il faut que l’obligation d’indemnisation par le défendeur ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Dans le cas présent, la SCI JR OTHELLO a demandé une provision de 400.000 euros pour financer des travaux réparatoires. Cependant, le tribunal a constaté qu’il existait une contestation sérieuse concernant la responsabilité de la SAS ZANIER et que les opérations d’expertise n’avaient pas encore été réalisées.

Ainsi, la demande de provision a été rejetée, car les éléments fournis ne justifiaient pas le montant sollicité et l’existence d’une obligation n’était pas clairement établie.

Quelles sont les implications de la garantie décennale dans ce litige ?

L’article 1792-6 du code civil précise que « le constructeur est tenu à une garantie décennale pour les dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination. »

Dans cette affaire, la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, assureur de la SAS ZANIER, a contesté la mobilisation de la garantie décennale, arguant que les non-conformités et malfaçons alléguées étaient apparentes lors de la réception des travaux.

La SCI JR OTHELLO, quant à elle, a soutenu que l’ampleur des désordres justifiait l’engagement de la garantie décennale.

Le tribunal a rejeté la demande de mise hors de cause de l’assureur, considérant que la question de la responsabilité de la SAS ZANIER et l’engagement de la garantie décennale relevaient du fond et non de la compétence du juge des référés.

Quelles sont les conditions pour obtenir une provision ad litem ?

L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, qui régit les provisions, s’applique également aux demandes de provision ad litem.

Il stipule que le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision pour les frais de l’instance à condition que l’obligation d’indemnisation par le défendeur ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Dans le cas présent, la SCI JR OTHELLO a demandé une provision ad litem, mais le tribunal a constaté qu’aucun élément n’avait été versé aux débats pour attester des frais d’instance engagés.

De plus, l’expertise ordonnée avait pour but de déterminer les responsabilités dans la survenance des désordres, ce qui n’était pas encore clairement établi.

Ainsi, la demande de provision ad litem a été rejetée, car elle se heurtait à une contestation sérieuse.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
26 NOVEMBRE 2024

N° RG 24/01122 – N° Portalis DB22-W-B7I-SG56
Code NAC : 54G
AFFAIRE : S.C.I. JR OTHELLO C/ S.A.S. ZANIER, S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, Société MUTUELLE D’ASSURANCES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP), S.A.R.L. LE LABORATOIRE ARCHITECTURE ET DESIGN

DEMANDERESSE

SOCIETE JR OTHELLO
Société civile immobilière, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 850 214 248, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Aurélie DEVAUX, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 417

DEFENDERESSES

SOCIETE ZANIER
S.A.S, immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de VERSAILLES sous le numéro 414 983 916, dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626, Me Garance LEPHILIBERT, avocat au barreau de NANTES, vestiaire : 319

La MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
SA immatriculée au RCS de LE MANS sous le n° 775 652 126, en sa qualité d’assureur Responsabilité civile professionnelle et d’assurance décennale (contrat MMA BTP n°146158059 ) de la société ZANNIER, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Marion SARFATI, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 102

SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP)
immatriculée au RCS de Paris sous le n°775 684 764, en sa qualité d’assureur de la société LABORATOIRE ARCHITECTURE ET DESIGN, dont le siège social est sis [Adresse 8]

défaillante

SOCIETE LE LABORATOIRE ARCHITECTURE ET DESIGN
Société à responsabilité Limitée, inscrite au RCS de Paris sous le n° 502 545 635, dont le siège social est sis [Adresse 3]

défaillante

Débats tenus à l’audience du : 10 Octobre 2024

Nous, Béatrice LE BIDEAU, Vice Présidente, assistée de Ingrid RESZKA, Greffier lors des débats et de Virginie DUMINY, Greffier lors du prononcé,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 10 Octobre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 26 Novembre 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI JR OTHELLO a confié à la société ZANIER, entreprise générale du bâtiment, la rénovation complète de trois étages d’un immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 9] , dont elle est propriétaire, destinés à accueillir les bureaux de l’étude notariale R&D Notaires pour un montant de 1.850.415,11 euros TTC.

Les travaux portaient sur les lots suivants : démolition, gros œuvre y compris reprises structurelles, étanchéité, réparations en toiture, électricité, plomberie, chauffage, climatisation, ventilation, placo, menuiseries extérieures, plancher technique, carrelage, pierre et marbre, revêtement et aménagement des terrasses, enduits et peinture.

La maîtrise d’œuvre et le suivi de chantier ont été confiés à la SARL LE LABORATOIRE ARCHITECTURE & DESIGN (la SARL LAD).

Les travaux ont débuté en juillet 2022.

Des devis de travaux supplémentaires ont été émis et acceptés par la SCI JR OTHELLO, portant le coût du chantier à 2.849.448,49 euros TTC.

Alléguant en cours de chantier des désordres, la SCI JR OTHELLO a refusé de régler les dernières factures qui lui ont été adressées par la société ZANIER.

Par courrier du 4 avril 2024 la SAS ZANIER a mis en demeure la SCI JR OTHELLO de régler la somme de 529.788,81 euros TTC correspondant aux factures impayées.

Par actes de commissaires de justice en date du 15, 24 et 25 juillet 2024, la SCI JR OTHELLO a fait assigner la SAS ZANIER, la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES es qualité d’assureur de la SAS ZANIER, la SARL LAD et la société SMABTP es qualité d’assureur de la SARL LAD en référé devant le président du tribunal judiciaire de Versailles aux fins de :
– voir ordonner une expertise,
– se voir autoriser à faire exécuter les travaux de réparation aux frais et risques de la SAS ZANIER défaillante,
– condamner solidairement la SAS ZANIER et son assureur la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à lui payer une provision ad litem de 10.000 euros à valoir sur les frais d’expertise,
– condamner solidairement la SAS ZANIER et son assureur la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à lui payer une provision de 400.000 euros pour faire exécuter les travaux réparatoires,
– condamner solidairement la SAS ZANIER et son assureur la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L’affaire a été appelée à l’audience du 10 octobre 2024.

La SCI JR OTHELLO, représentée par son conseil, développe oralement les termes de son assignation dont il résulte que l’office notarial va se trouver dans l’obligation de déménager en raison des désordres allégués qui mettent en péril probablement la solidité de l’ouvrage et la sécurité du personnel qui y travaille, et vont jusqu’à rendre les lieux impropres à leur utilisation. Elle fait valoir que les cloisons intérieures et extérieures vitrées ne présentent pas de garantie d’isolation phonique, d’étanchéité et de sécurité, et que le système de climatisation et de chauffage est défectueux, outre les nombreux désordres listés lors de la réception. Elle demande la nomination d’un expert et une provision ad litem de 10.000 euros à valoir sur les frais d’expertise qui seront conséquents eu égard au nombre important de désordres et de leur apparente gravité.

Elle ajoute que la réception des travaux est intervenue le 7 septembre 2023, le procès-verbal mentionnant de nombreuses réserves ; qu’elle a mis la SAS ZANIER en demeure d’exécuter les travaux de réparation par courrier recommandé en date du 7 septembre 2023 et que cette mise en demeure est restée infructueuse, de sorte qu’elle estime être fondée à solliciter l’autorisation de faire exécuter les travaux de réparation au titre de la garantie de parfait achèvement aux frais et risques de la SAS ZANIER. Elle sollicite pour cela une provision de 400.000 euros afin de financer les travaux réparatoires pour reprendre les désordres allégués. Elle ajoute qu’au regard des coûts conséquents de certains lots, le coût des réparations sera probablement très conséquent également vu la gravité des désordres allégués et que dès lors la demande de provision n’est pas disproportionnée.

Elle s’oppose à la demande de mise hors de cause de la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES en indiquant que l’ampleur des désordres est telle que la garantie décennale est susceptibles d’être engagée.

La SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, représentée par son conseil, développe oralement ses conclusions reçues et visées à l’audience. Elle demande à titre principal sa mise hors de cause, contestant la mobilisation de la garantie décennale. À titre subsidiaire, elle formule protestations et réserves. Elle s’oppose à la demande de condamnation à titre provisionnel qui se heurte selon elle à des contestations sérieuses, elle s’oppose également à la demande de provision ad litem en soutenant qu’elle serait prématurée et conclut au rejet de toute demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, elle expose que la SAS ZANIER a souscrit auprès d’elle une garantie de responsabilité décennale, que la demanderesse aurait émis en cours de chantier des doutes sur la conformité des travaux réalisés et que la réception des travaux aurait eu lieu le 7 septembre 2023 avec réserves. Elle allègue que les non-conformités et malfaçons alléguées ont été constatées en cours de chantier et étaient donc apparentes à la réception, de sorte que la mobilisation de sa garantie d’assurance décennale est impossible.

Sur la demande de provision de 400.000 euros, elle indique que le montant sollicité n’est pas justifié et que l’expert judiciaire ne s’étant prononcé ni sur les responsabilités encourues ni sur l’imputabilité des désordres ni sur leur origine, il apparaît prématuré d’envisager à ce stade de la procédure les travaux réparatoires à entreprendre. Elle soutient qu’aucun manquement de la SAS ZANIER n’est établi et qu’elle-même, en tant qu’assureur, ne saurait être condamnée tant que la responsabilité de son sociétaire n’est pas démontrée. Elle conclut en alléguant que la demande de provision ne présente pas l’évidence requise en matière de référé.

Sur la demande de provision ad litem elle fait valoir qu’il appartient aux demandeurs de prendre en charge la mesure d’expertise dont ils font la demande à leurs frais avancés et qu’en principe, ces frais sont inclus dans les dépens, lesquels sont mis à la charge de la partie succombante une fois le rapport d’expertise déposé. Elle souligne qu’à ce stade de la procédure, il n’existe aucun motif objectif justifiant que les défendeurs avancent les frais d’expertise tant sur les responsabilités de chacun que sur l’origine des désordres.

La SAS ZANIER qui a constitué avocat le 17 septembre 2024, n’a pas conclu et n’est pas représentée. La SARL LAD et la SMABTP ne sont pas représentées.

L’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024.

Par conclusions signifiées par RPVA le 22 octobre 2024, le conseil de la SAS ZANIER sollicite la réouverture des débats. Au soutien de sa demande, elle expose qu’elle a constitué avocat le 17 septembre 2024 et qu’à la suite d’une omission, la date de l’audience du 10 octobre 2024 n’a pas été enregistrée dans l’agenda de son cabinet ; que l’avocat plaidant de la SAS ZANIER, Maitre LEPHILIBERT a écrit le 23 septembre 2024 à son postulant, Maître PEDROLETTI, afin de lui demander de solliciter un report d’audience ; que pour des raisons personnelles médicales, le postulant n’était pas présent à son cabinet le 23 septembre 2024 et n’a pas pu prendre connaissance de ce message ; qu’elle ne s’est aperçue qu’elle avait manqué l’audience du 10 octobre que le 18 octobre 2024. Elle souligne que les conclusions de la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES versées à l’audience ne lui ont pas été signifiées et qu’en application de l’article 444 du code de procédure civile le président doit rouvrir les débats à chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés, ce qui serait le cas en l’espèce. Elle expose qu’aucun débat contradictoire n’a pu s’instaurer et que la SAS ZANIER n’a pas pu être en mesure de s’expliquer sur les demandes de la SCI JR OTHELLO ni de prendre connaissances des conclusions et pièces de son assureur.

Par message RPVA du 26 novembre 2024 la SCI JR OTHELLO fait observer qu’il s’agit d’une demande d’expertise dans un dossier de chantier de taille avec de nombreux désordres qui portent notamment sur le système de chauffage et de plomberie de l’office notarial ; qu’il est urgent que l’expertise soit diligentée au plus vite pour permettre de commencer les travaux de reprise et de réparation.

MOTIFS

Sur la demande de réouverture des débats

L’article 444 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa :  » Le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.  »
En l’espèce, il ressort des conclusions du conseil de la société ZANIER que son absence à l’audience est due à une omission de venir soutenir à la barre une demande de renvoi, demande qui n’avait pas été formulée par message RPVA avant l’audience. Il doit être souligné que la constitution datait du 17 septembre et que l’audience étant le 10 octobre, la société avait tout le temps nécessaire pour conclure. Ainsi, la demande de renvoi, qui n’avait été annoncée ni aux conseils constitués, ni au tribunal, n’aurait pas nécessairement été accueillie, aucun renvoi n’étant pas de droit. Le justificatif médical produit pour justifier l’oubli de l’audience n’est pas sérieux dès lors qu’il n’est pas concomitant à la date de l’audience mais à la date à laquelle un mail a été envoyé, étant souligné qu’il appartenait à son expéditeur de relancer son destinataire en l’absence de réponse de sa part. Enfin, aucun éclaircissement n’a été demandé ni n’apparaît nécessaire compte-tenu de l’objet de litige, justifiant de faire application de l’article 444 du code de procédure civile.
Dès lors, et au regard du sens de la décision à intervenir, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de réouverture des débats.

Sur l’absence des défendeurs

Il résulte des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond mais le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande d’expertise

L’article 143 du code de procédure civile dispose que « Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »

L’article 232 du code de procédure civile ajoute que « Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert la lumière d’un technicien. »

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte, la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel. Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec ; que la mesure est de nature à améliorer sa situation probatoire.

En l’espèce, la mesure demandée est légalement admissible ; le litige potentiel a un objet et un fondement suffisamment caractérisés ; la prétention de la demanderesse n’est pas manifestement vouée à l’échec ; la demanderesse, dont les allégations ne sont pas imaginaires et présentent un certain intérêt, justifie, notamment par le compte rendu du maître d’œuvre qui liste les réserves, des devis et le rapport de diagnostic de la société JPS CONTRÔLE du 16 mai 2024, du caractère légitime de sa demande.

En conséquence, l’expertise sera ordonnée dans les conditions détaillées au dispositif.

Sur la demande de mise hors de cause

En application de l’article 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal. Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

Le débat portant sur la responsabilité de la société ZANIER et par conséquent sur la garantie de son assureur relevant du fond et non de la compétence du juge des référés, il convient de rejeter la demande de mise hors de cause formée par la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES qui s’avère prématurée.

Sur la demande d’autorisation de procéder aux réparations

Conformément aux dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut en cas d’urgence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. Il peut également, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Il peut enfin lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable accorder une provision ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, la société ZANIER demande à être autorisée à faire exécuter les travaux de réparations exigés au titre de la garantie de parfait achèvement aux frais et risques de la société ZANIER défaillante, lorsque l’expert judiciaire aura été nommé et aura pu faire ses constatations.

Au regard des dispositions de l’article 1792-6 du code civil, l’autorisation du juge des référés n’est pas requise. Elle est en tout état de cause prématurée. Il sera dit n’y avoir lieu à référé sur la demande.

Sur la demande de provision pour faire les travaux réparatoires

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Au soutien de sa demande de provision d’un montant de 400.000 euros, la SCI JR OTHELLO verse aux débats un procès-verbal de réception non signé renvoyant à des liens pour lister des réserves qui ne sont, de ce fait, pas communiquées, un compte rendu de la SARL LAD, maître d’oeuvre, le rapport de contrôle de la société JPS CONTROLE en date du 16 mai 2024 ainsi qu’une facture d’intervention de la société EC KLIMA pour la réparation de leur système de climatisation pour un montant de 9 727,20 euros, ainsi qu’une facture pour une intervention de recherche de fuite par la société KASS pour un montant de 194,70 euros.

Aucun devis des réparations envisagées n’est versé aux débats pour justifier le montant de la provision sollicitée.

Dans la mesure où les opérations d’expertise visant à constater les désordres ou les réserves non levées n’ont pas encore débuté et que la SCI JR OTHELLO ne s’est pas acquittée du règlement de la totalité du chantier, obligeant la SAS ZANIER à la mettre en demeure de lui payer la somme de 529.788,81 euros, il existe une contestation sérieuse à la demande de provision.

Il sera dit n’y avoir lieu à référé.

Sur la demande de provision ad litem

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il est de principe que sur ce fondement, le juge peut accorder une provision pour les frais de l’instance à condition que l’obligation d’indemnisation par le défendeur ne se heurte à aucune contestation sérieuse et sans que le demandeur n’ait à prouver son impécuniosité. Cette provision a toutefois vocation à couvrir le paiement de frais d’instance.

En l’espèce la demanderesse ne verse aux débats aucun élément permettant d’attester des frais d’instance qu’elle a dû engager.

En outre, dans la mesure où l’expertise qui est ordonnée a pour objet de déterminer les responsabilités de chacun dans la survenance et la gravité des désordres allégués, lesquelles ne sont pas encore clairement établies, l’obligation d’indemnisation de la SAS ZANIER se heurte à une contestation sérieuse.

Dès lors la demande de provision ad litem sera rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer, à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Au stade de l’expertise, aucune des parties n’est considérée comme succombante, il n’y a donc pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront à la charge de la demanderesse.

PAR CES MOTIFS

Nous, Béatrice LE BIDEAU, Vice-présidente au tribunal judiciaire de Versailles, statuant publiquement en référé, par ordonnance réputée contradictoire, rendue en premier ressort et mise à disposition au greffe ;

Rejetons la demande de réouverture des débats de la SAS ZANIER,

Ordonnons une expertise,

Commettons pour y procéder

[F] [T]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Mèl : [Courriel 10]

Expert inscrit sur la liste de la Cour d’appel de Paris, avec mission de :

* convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,

* se faire remettre toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,

* se rendre sur les lieux et en faire la description,

* relever et décrire les désordres, malfaçons et inachèvements affectant l’immeuble litigieux, allégués dans l’assignation et résultant des pièces produites,

* en détailler les causes et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels fournisseurs ou intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables, dans quelle proportion,

* indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à la solidité, l’habitabilité, l’esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l’usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination,

* évaluer, notamment au vu de devis communiqués par les parties, les solutions et travaux nécessaires pour remédier tant aux désordres qu’aux dommages conséquents et en chiffrer le coût,

* préciser et évaluer les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons et inachèvements et par les solutions possibles pour y remédier,

* donner son avis sur les comptes présentés par les parties,

* rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties,

* mettre, en temps utile, au terme des opérations d’expertise, par le dépôt d’un pré-rapport, les parties en mesure de faire valoir, dans le délai qu’il leur fixera, leurs observations qui seront annexées au rapport,

Disons qu’en cas de refus ou d’empêchement de l’expert, il sera procédé à son remplacement par le magistrat chargé du contrôle des expertises qui est par ailleurs chargé de la surveillance des opérations d’expertise,

Fixons à 5.000,00 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, qui sera versée par la SCI JR OTHELLO, au plus tard le 30 janvier 2025, entre les mains du régisseur d’avance de recettes de cette juridiction,

Précisons que le règlement peut être effectué par virement bancaire (en demandant le RIB à l’adresse mail : [Courriel 11] ) ou soit par chèque à l’ordre de la Régie d’avances et recettes du Tribunal Judiciaire de Versailles, accompagné de la copie de la décision,

Disons que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet,

Disons que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera son rapport en deux exemplaires au greffe du tribunal judiciaire de Versailles, service du contrôle des expertises, dans un délai de 8 mois à compter de l’avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle,

Disons que l’expert devra procéder personnellement à ses opérations mais qu’il pourra recueillir l’avis d’un autre technicien d’une spécialité distincte de la sienne,

Disons qu’en déposant son rapport, l’expert adressera aux parties et à leurs conseils une copie de sa demande de rémunération,

Rejetons la demande de mise hors de cause de la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES,

Disons n’y avoir lieu à autoriser la SCI JR OTHELLO à procéder aux réparations aux frais et risques de la société ZANIER défaillante,

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la SCI JR OTHELLO,

Rejetons la demande de provision ad litem de la SCI JR OTHELLO,

Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Disons que les dépens seront à la charge de la SCI JR OTHELLO,

Rappelons que la présente ordonnance est de droit exécutoire à titre provisoire.

Prononcé par mise à disposition au greffe le VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE par Béatrice LE BIDEAU, Vice Présidente, assistée de Virginie DUMINY, Greffière, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

La Greffière La Vice-Présidente

Virginie DUMINY Béatrice LE BIDEAU


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