Responsabilité et validité des actes de procédure dans un contexte d’expertise technique complexe

·

·

Responsabilité et validité des actes de procédure dans un contexte d’expertise technique complexe

L’Essentiel : La société CPES Mas d’en Ramis, assurée par Gothaer, a confié à Q Energy France la construction d’une centrale photovoltaïque. En juin 2023, Res Services a découvert que 3 911 modules étaient endommagés, attribuant les fissures à des projections de cailloux lors d’opérations d’entretien. Gothaer a alors assigné plusieurs parties, dont Q Energy et First Solar, pour déterminer les responsabilités. Le tribunal a ordonné une expertise pour examiner les désordres, tout en rejetant la demande de nullité de l’assignation par First Solar. Une provision de 15 000 euros a été fixée pour couvrir les frais d’expertise.

Contexte de l’affaire

La société CPES Mas d’en Ramis, spécialisée dans la production d’énergie, est assurée par Gothaer Allgemeine Versicherung AG. Elle a confié à Q Energy France la conception et la construction d’une centrale photovoltaïque, avec des modules fournis par First Solar. Divers contrats ont été établis pour la gestion, l’entretien et la coordination des travaux, impliquant plusieurs entreprises.

Découverte des dommages

En juin 2023, Res Services a constaté que 3 911 modules photovoltaïques étaient endommagés, avec des fissures sur les vitres. La société a attribué ces dommages à des projections de cailloux lors d’opérations d’entretien paysager effectuées sous ou à proximité des modules. En conséquence, Gothaer a assigné plusieurs parties en référé pour obtenir la désignation d’un expert judiciaire.

Procédures judiciaires

Des assignations ont été délivrées à plusieurs entreprises, y compris Q Energy France, First Solar, et d’autres, pour déterminer les responsabilités liées aux dommages. Les instances ont été jointes sous un numéro de répertoire commun, et des débats ont eu lieu concernant la validité des assignations et la nécessité d’une expertise.

Arguments des parties

Gothaer a soutenu la nécessité d’une expertise pour établir les causes des désordres, tandis que First Solar a contesté la validité de l’assignation, arguant que les pièces essentielles n’avaient pas été traduites. D’autres parties, comme Holding Vaills et Acte iard, ont demandé la désignation d’un expert près de la cour d’appel de Montpellier, invoquant des raisons pratiques.

Décisions du tribunal

Le tribunal a déclaré recevable l’intervention de l’assureur Allianz iard et a rejeté la demande de nullité de l’assignation par First Solar. Une mesure d’expertise a été ordonnée pour examiner les désordres allégués, avec un expert désigné pour se rendre sur le site et établir un rapport sur les causes des dommages.

Conséquences et prochaines étapes

Le tribunal a fixé une provision à 15 000 euros pour couvrir les frais d’expertise, à consigner par Gothaer. Les opérations d’expertise devront être contrôlées par le tribunal judiciaire de Perpignan, et les parties ont été informées des délais et modalités de la procédure. Les demandes de mise hors de cause de certaines sociétés ont été rejetées, et les dépens ont été laissés à la charge de chaque partie.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’intervention forcée de la société Allianz iard

En vertu de l’article 325 du code de procédure civile, l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

Aux termes de l’article 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal.

Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

En l’espèce, les sociétés Holding Vaills, Acte iard et S.E.B.E. ont fait assigner en intervention forcée la société Allianz iard.

Dès lors qu’il n’est contesté par aucune des parties que la société Allianz iard est l’assureur de la société S.E.B.E., il y a lieu de déclarer recevable son intervention forcée.

Sur la nullité de l’assignation délivrée à la société First Solar

En application de l’article 114 du code de procédure civile, « les vices de forme affectant les actes de procédure peuvent résulter de nullités expressément prévues par la loi ou de l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. »

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

Suivant l’article 683, les notifications des actes judiciaires et extrajudiciaires à l’étranger ou en provenance de l’étranger sont régies par les règles prévues par la présente section, sous réserve de l’application des règlements européens et des traités internationaux.

En l’espèce, seule l’assignation a été traduite en anglais, qui est une langue que la société First Solar comprend nécessairement, le bon de commande établi par cette société et ses conditions générales étant rédigés en anglais.

Il n’est pas contesté que les pièces essentielles jointes à cette assignation n’ont pas été traduites.

Pour autant, il résulte de la combinaison des articles 9, paragraphe 1, et 12, paragraphe 1, du règlement 2020/1784 que si la société First Solar s’estimait insuffisamment informée par l’assignation en l’absence de traduction des pièces essentielles visées par celle-ci, elle aurait dû refuser de recevoir l’acte comme lui permet l’article 9, paragraphe 1, du règlement précité.

Il convient au surplus de relever que l’assignation qui a été traduite en langue anglaise permet de comprendre les raisons pour lesquelles la société Gothaer sollicite la désignation d’un expert, qu’elle contient, notamment, une synthèse du rapport d’expertise de la société Vering, et que cette expertise amiable a été réalisée au contradictoire de la société First Solar, de sorte que cette dernière ne peut invoquer une violation du principe du contradictoire.

L’absence de traduction des pièces essentielles visées par l’assignation ne saurait, en conséquence, entraîner la nullité de l’acte qui a été transmis à la société First Solar.

Sur la demande d’expertise

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

L’obtention de telles mesures est subordonnée à plusieurs conditions : l’absence de procès devant le juge du fond, l’existence d’un motif légitime, l’intérêt probatoire du demandeur -apprécié notamment au regard de la mesure sollicitée et des intérêts du défendeur- et la nature légalement admissible de la mesure demandée.

La mesure sollicitée n’implique pas d’examen de la responsabilité des parties ou des chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé, il suffit que soit constatée l’éventualité d’un procès dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.

Si le litige au fond peut n’être qu’éventuel, la mesure sollicitée doit toutefois reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables, qui permettent de projeter ce litige futur comme plausible et crédible.

A cet égard, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer la réalité des faits qu’il allègue, il doit justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions, ne relevant pas de la simple hypothèse, en lien avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction, la mesure demandée devant être pertinente et utile.

En revanche, l’urgence, l’existence d’un trouble manifestement excessif ou d’un danger imminent et l’absence de contestations sérieuses ne sont pas requises pour qu’une expertise soit ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Ne seront, en l’espèce, examinés que les critères tenant au motif légitime et au caractère légalement admissible de la mesure sollicitée, dès lors que l’absence de procès au fond n’est pas contestée.

Sur le motif légitime

Il ressort du rapport d’expertise amiable en date du 7 février 2024 établi par la société Vering au contradictoire des sociétés Q Energy France, Res services, Vaills, S.E.B.E., Génie Ecologique Occitanie, First Solar que de nombreux modules présentent des fissures en sous-face et que certaines rangées de modules présentent des impacts sur la partie supérieure.

L’expert de la société Vering a, compte tenu de la présence d’impacts sur les modules, émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’impacts dus à la projection de cailloux ou graviers lors de l’entretien paysager qui aurait été réalisé sous ou à proximité des modules.

Toutefois, il s’évince également de ce rapport que les parties n’ont pas pu se mettre d’accord sur le fait générateur à l’origine des dommages, celles-ci invoquant comme autres causes possibles, la grêle, la fragilité des modules, le vent, les contraintes de dilatation, les opérations de manutention et d’installation avant réception.

La société Gothaer justifie, en conséquence, d’un motif légitime à ce qu’une mesure d’expertise soit ordonnée.

Sur le caractère légalement admissible de la mesure

Il a été jugé sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile précité que le juge peut ordonner toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles et pertinentes, qu’il s’agisse de préserver ou de conserver une preuve, voire de les établir, pourvu qu’elle soit légalement admissible et qu’elle ne constitue pas une mesure d’investigation générale.

Suivant l’article 232 du code de procédure civile, le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien.

L’article 238, alinéa 3, de ce code précise que le technicien ne doit jamais porter d’appréciations d’ordre juridique.

En l’espèce, le 4ème chef de mission sollicité par la société Gothaer est formulé de la manière suivante : « Procéder à tous constats permettant de dresser l’état descriptif et qualitatif des modules photovoltaïques équipant la Centrale, par rapport aux normes, au contrat EPC, ainsi que plus généralement par rapport aux règles de l’art. »

Alors que la centrale comporte 23 256 modules photovoltaïques et qu’il ressort de son assignation que seuls 3 911 modules sont affectés de désordres, la société Gothaer ne justifie pas de la nécessité d’étendre la mesure d’expertise à l’ensemble des modules photovoltaïques de la centrale, en ce compris, ceux qui ne sont pas, au jour de l’assignation atteints de désordres.

Dans ces conditions, aux termes de sa mission, l’expert ne sera tenu que d’examiner les désordres allégués dans l’assignation et, tous les désordres connexes ayant d’évidence la même cause mais révélés postérieurement à l’assignation.

En revanche, contrairement à ce que soutient la société Q Energy France, l’article 238, alinéa 3, du code de procédure civile, ne s’oppose pas à ce que l’expert précise si ces désordres constituent une non-conformité aux éléments contractuels, aux normes en vigueur et aux règles de l’art, dès lors qu’il s’agit de décrire une situation de fait et d’apporter un éclairage technique et non juridique.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande d’expertise de la société Gothaer suivant les termes du présent dispositif. L’expert désigné sera, compte tenu de l’accord des parties sur ce point à l’audience et du lieu d’exécution de la mesure d’expertise, un expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de Montpellier.

Dès lors que cette mesure est ordonnée dans l’intérêt de la société Gothaer, elle sera tenue de consigner la provision à valoir sur la rémunération de l’expert suivant les termes du présent dispositif.

Sur la désignation du tribunal judiciaire de Perpignan pour contrôler la mesure d’expertise

Suivant l’article 155 du code de procédure civile, le contrôle de l’exécution de la mesure d’instruction peut être assuré par le juge désigné dans les conditions de l’article 155-1.

L’article 155-1 de ce code précise que le président de la juridiction peut dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice désigner un juge spécialement chargé de contrôler l’exécution des mesures d’instruction confiées à un technicien en application de l’article 232.

En application de l’article 157, lorsque l’éloignement des parties ou des personnes qui doivent apporter leur concours à la mesure, ou l’éloignement des lieux, rend le déplacement trop difficile ou trop onéreux, le juge peut charger une autre juridiction de degré égal ou inférieur de procéder à tout ou partie des opérations ordonnées.

En l’espèce, la mesure d’expertise va être exécutée à [Localité 31] s’agissant du lieu où se situe la centrale de panneaux photovoltaïques.

En outre, l’expert désigné est, conformément à l’accord des parties sur ce point, un expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel de Montpellier.

Enfin, sur les vingt-une parties, sept ont leur siège social situé dans le Sud de la France (deux à [Localité 30], et quatre dans les Pyrénées Orientales) ou à proximité (à [Localité 13] en Espagne), et une seule a son siège social à [Localité 38].

Dans ces conditions, l’éloignement du lieu d’exécution de la mesure et des personnes qui doivent apporter leur concours à la mesure rend en l’espèce le déplacement trop onéreux et difficile au sens de l’article 157 du code de procédure civile.

Il est en conséquence justifié de charger le tribunal judiciaire de Perpignan, s’agissant de la juridiction dont dépend la commune De Banyuls-dels-Aspres, du contrôle de l’exécution de la mesure d’instruction ordonnée par la présente ordonnance, le juge de cette juridiction étant au surplus le plus à même à assurer le contrôle de cette mesure.

Sur les demandes de mise hors de cause

Sur la demande de la société S.E.B.E.

La société S.E.B.E. sollicite sa mise hors de cause, soutenant ne pouvoir être à l’origine des impacts de graviers sur les panneaux puisque les dommages constatés se situent sur la face intérieure des panneaux et qu’elle n’est intervenue qu’entre les panneaux et non pas dessous.

S’il n’est pas contesté que la société S.E.B.E. a procédé au débroussaillage entre les rangées des panneaux photovoltaïques à compter du mois d’octobre 2022, il ressort du rapport d’expertise amiable établi par la société Vering que certaines rangées de modules présentent des impacts sur la partie supérieure et que les impacts constatés sur les modules pourraient être dus à la projection de cailloux ou graviers lors de l’entretien paysager qui aurait été réalisé sous ou à proximité des modules.

Dans ces conditions, il ne saurait être exclu, à ce stade, que les désordres justifiant la présente mesure d’expertise résultent des prestations réalisées par la société S.E.B.E.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à sa demande de mise hors de cause.

Sur la demande de la société Génie Ecologique Occitanie et de la MAIF

Les société Génie Ecologique Occitanie et MAIF demandent leur mise hors de cause aux motifs que les fissures et impacts se sont formés sur les panneaux photovoltaïques avant même que la société Génie Ecologique Occitanie n’intervienne le 10 juillet 2023 et sur des rangées de panneaux où elle n’est pas intervenue, de sorte qu’elle ne peut être à l’origine des désordres allégués.

S’il n’est pas contesté que la société Génie Ecologique Occitanie est intervenue postérieurement à l’apparition des premiers désordres, l’expert amiable a relevé que les dommages sont multiples et ont pu être causés par deux entreprises distinctes durant deux opérations distinctes de débroussaillage.

En outre, aucune des pièces versées aux débats ne permet d’établir qu’elle n’est pas intervenue sur les rangées de panneaux photovoltaïques sur lesquels des désordres ont été constatés.

Dès lors, à ce stade, les prestations réalisées par la société Génie Ecologique Occitanie pourraient être à l’origine d’une partie des désordres constatés sur les panneaux photovoltaïques, peu importe à cet égard que l’expert désigné par la société MAIF ait écarté la thèse des projections de graviers en raison de la faible quantité de cailloux sur le site et ait émis l’hypothèse d’un défaut de conception des panneaux et d’une fragilité des parois en verre, la mesure d’expertise ordonnée ayant précisément pour objet de déterminer l’origine des désordres.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande de mise hors de cause des sociétés Génie Ecologique Occitanie et MAIF, au contradictoire desquelles auront lieu, en conséquence, les opérations d’expertise.

Sur la demande de la société Enez Solutions

La société Enez Solutions sollicite sa mise hors de cause, dès lors que le rapport d’expertise amiable établit qu’elle n’est pas à l’origine des désordres et qu’elle n’a jamais eu à coordonner des opérations de débroussaillage sur la zone d’emprise des panneaux.

Aux termes de l’article 4.1 du contrat qui lie la société Q Energy France à la société Enez Solutions, cette dernière avait une mission de contrôle, de validation, de suivi de chantier et de coordination des travaux. A ce titre, l’article 4.2.2 du cahier des clauses techniques particulières précise qu’elle devait assurer le contrôle de l’implantation du chantier avant le démarrage des travaux, le contrôle du débroussaillage en lien avec l’OPCE et le contrôle de l’exécution des terrassements, du nivèlement et de la mise des pistes d’accès.

Il ne saurait en conséquence être exclu à ce stade qu’elle n’ait pas eu un rôle dans l’apparition des dommages constatés.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à sa demande de mise hors de cause.

Sur les demandes accessoires

A ce stade de la procédure, il convient de laisser à la charge de chacune des parties les dépens qu’elles ont exposés, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Les responsabilités n’étant pas encore définies, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile. Les demandes de ce chef des parties seront, en conséquence, rejetées.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/55452 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5PE5

AS M N°: 10

Assignation du :
31 Juillet, 01, 02, 05, 18 Septembre et 17 Octobre 2024

EXPERTISE[1]

[1] 1 copie expert +
11 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 26 novembre 2024

par Sophie COUVEZ, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier.
DEMANDERESSE

Société GOTHAER ALLGEMEINE VERSICHERUNG
Sise [Adresse 8]
[Localité 19]

représentée par Maître Diane MOURATOGLOU de l’AARPI BCTG AVOCATS, avocats au barreau de PARIS – #T0001

DEFENDERESSES

Société ALLIANZ IARD
[Adresse 3]
[Localité 26]

représentée par Maître Fabrice DE COSNAC de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #P0133

Société ACTE IARD
[Adresse 6]
[Localité 20]

représentée par Me Pierre TORREGANO, avocat au barreau de PARIS – #B0405

S.A.R.L. FIRST SOLAR GMBH
[Adresse 37]
[Localité 14] / ALLEMAGNE

représentée par Me Alexandre GLATZ, avocat au barreau de PARIS – P117

Société SOGEO GENIE ECOLOGIQUE OCCITANIE
[Adresse 5]
[Localité 18]

représentée par Maître Virginie LE ROY de la SELARL RESONANCES, avocats au barreau de PARIS – #C0230

Mutuelle MAIF
[Adresse 9]
[Localité 24]

représentée par Maître Virginie LE ROY de la SELARL RESONANCES, avocats au barreau de PARIS – #C0230

Société AXIAL SISTEMAS SOLARES S.L.
[Adresse 32]
[Localité 13] (ESPAGNE)

représentée par Maître Sandra GRASLIN LATOUR de la SELARL RACINE, avocats au barreau de PARIS – #L0301

S.A.S. RES SERVICES
[Adresse 4]
[Localité 30]

représentée par Maître Florian ENDROS de la SELAS ENDROS BAUM AVOCAT – EBA, avocats au barreau de PARIS – #B0387

S.A. AXA XL, anciennement dénommée XL INSURANCE COMPANY SE
[Adresse 15]
[Localité 23]

représentée par Maître Florian ENDROS de la SELAS ENDROS BAUM AVOCAT – EBA, avocats au barreau de PARIS – #B0387

S.A. HOLDING VAILLS
[Adresse 35]
[Localité 17]

représentée par Me Pierre TORREGANO, avocat au barreau de PARIS – #B0405

Société CHUBB EUROPEAN GROUP SE
[Adresse 33]
[Localité 29]

représentée par Maître Sandra GRASLIN LATOUR de la SELARL RACINE, avocats au barreau de PARIS – #L0301

S.A.S. ENEZ SOLUTIONS
[Adresse 25]
[Localité 27]

représentée par Maître Mathilde CHARMET-INGOLD de la SELEURL S.E.L.A.R.L.U. D’AVOCAT MATHILDE CHARMETINGOLD, avocats au barreau de PARIS – #E2230

S.A.S. C.P.E.S. MAS D’EN RAMIS
[Adresse 7]
[Localité 22]

non représentée

S.A.S.U. SERVICES-ENVIRONNEMENT-BOIS ENERGIE S.E.B E
[Adresse 10]
[Localité 16]

représentée par Me Alexandre BRAUN, avocat au barreau de PARIS – #B0032

S.A.S. Q ENERGY FRANCE
[Adresse 39]
[Localité 30]

représentée par Maître Pierre-olivier LEBLANC de la SELAS SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #J0010

Société LIBERTY MUTUAL INSURANCE EUROPE SE
[Adresse 12]
[Localité 21]

représentée par Maître Patrick MENEGHETTI de la SELEURL MENEGHETTI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS – #W0014

DÉBATS

A l’audience du 22 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Sophie COUVEZ, Vice-présidente, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier,

Nous, Juge des référés, assisté de notre greffier, après avoir entendu les parties comparantes ou leurs conseils, avons rendu la décision suivante ;

La société CPES Mas d’en Ramis est une société spécialisée dans la production d’énergie. Elle est assurée auprès de la société Gothaer Allgemeine Versicherung AG (ci-après Gothaer) dans le cadre d’une police  » Assurance Exploitation  » n°836423.

Par contrat dit  » EPC  » ou  » clé en main  » du 30 septembre 2021, la société CPES Mas d’en Ramis, en qualité de maître d’ouvrage, a confié à la société Res, désormais dénommée Q Energy France, la conception, la construction et la mise en service d’une centrale photovoltaïque d’une capacité de 10.580 MW composée de 23 256 modules photovoltaïques et située sur la commune de [Localité 31].

La société First Solar est le fabricant et fournisseur des modules photovoltaïques équipant la centrale.

Par contrat du 2 août 2021, la société Q Energy France a confié à la société Enez Solutions des prestations de contrôle, de validation, de suivi de chantier et de coordination des travaux.

Par contrat du 19 août 2021, la société Q Energy France a confié à la société Axial Sistemas Solares, société spécialisée dans la fabrication et l’installation de la structure de panneaux solaires, les travaux de fondations et d’installation des structures porteuses des panneaux photovoltaïques de la centrale.

Par contrat du 2 juin 2022, la société CPES Mas d’en Ramis a confié à la société Res Services un contrat de gestion technique, d’exploitation et de maintenance de la centrale, en ce compris l’entretien paysager du site.

Au mois d’octobre 2022, la société Q Energy France a confié à la société Vaills l’entretien paysager du site de la centrale, et plus précisément le fauchage du site entre les panneaux solaires et le débroussaillage en dessous des panneaux.

La société Vaills a sous-traité l’entretien paysager à la société Services Environnement Bois Energies S.E.B.E. (ci-après S.E.B.E.) pour une durée de trois semaines à compter du 5 octobre 2022.

La mise en service de la centrale avec une première injection sur le réseau électrique est intervenue le 20 juin 2022 et la centrale a été réceptionnée le 26 septembre 2022.

En juin 2023, la société Res Services a confié à la société Scop Génie Ecologique Occitanie des prestations d’entretien paysager du site comprenant un débroussaillage hors et dans l’emprise de la centrale, y compris sous les modules, ainsi qu’une dépollution du site (ramassage et exportation des déchets).

Exposant que la société Res Services a découvert que 3 911 modules étaient endommagés, présentant des fissures sur les vitres inférieures et supérieures de plusieurs modules et soutenant que la cause la plus probable de ces désordres est la projection de cailloux ou de graviers lors de l’entretien paysager qui a été réalisé sous ou à proximité des modules avant et/ou après la livraison de la centrale, son assureur, la société Gothaer a, par actes de commissaire de justice en date des 31 juillet, 1er, 2, 5 et 24 août 2024, fait assigner en référé devant le président du tribunal judiciaire de Paris la société Q Energy France et son assureur, la société Liberty Mutual Insurance Europe, la société First Solar, la société Res Services et son assureur, la société XL Insurance Company, la société Génie Ecologique Occitanie, et son assureur, la société Mutuelle Assurance Instituteur France (ci-après MAIF), la société Vaills et son assureur, la société Acte iard, la société S.E.B.E., la société Axial Sistemas Solares et son assureur, la société Chubb European Group, la société Enez Solutions et la société CPES Mas d’en Ramis, aux fins d’obtenir, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, la désignation d’un expert judiciaire.

Par actes de commissaire de justice en date des 18 septembre 2024 et 17 octobre 2024, la société Holding Vaills et son assureur, la société Acte iard, d’une part, et la société S.E.B.E., d’autre part, ont fait assigner en intervention forcée la société Allianz iard, assureur de la société S.E.B.E.

Ces instances ont été enrôlées sous les numéros de répertoire général 24/55452, 24/56432 et 24/57165.

Lors de l’audience qui s’est tenue le 22 octobre 2024, compte tenu de l’accord des parties sur ce point, ces instances ont été jointes sous le numéro de répertoire général commun 24/55452 par simple mention au dossier.

A cette audience, dans ses conclusions déposées et soutenues oralement, la société Gothaer, représentée par son conseil, a maintenu ses demandes telles que contenues dans l’acte introductif d’instance et a sollicité le rejet des demandes formées par les sociétés Vaills, Acte iard, Q Energy France, Génie Ecologique Occitanie, MAIF, S.E.B.E. et First Solar ainsi que la condamnation de la société First Solar à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle précise, en revanche, être d’accord pour la désignation d’un expert inscrit sur les listes de la cour d’appel de Montpellier.

Sur la validité de l’assignation qui a été délivrée à la société First Solar, la société Gothaer fait valoir qu’aucune disposition n’impose de signifier les pièces visées au soutien de l’assignation, celles-ci étant transmises à l’avocat de la partie assignée lorsqu’elle se constitue, peu importe que l’assignation soit délivrée en France ou à l’étranger.

Elle relève que l’article 8 du règlement CE n°1393/2007 prévoit que l’acte de transmission doit être établi dans la langue officielle de l’Etat membre requis ou dans une langue comprise par le destinataire et qu’en l’espèce l’assignation a été traduite en anglais s’agissant d’une langue comprise par la société First Solar puisque celle-ci se présente sur son site internet comme  » a leading American solar technology company  » et que le bon de commande ainsi que ses conditions générales ont été établis en anglais.

Elle soutient, en outre, que cette disposition n’impose la traduction que de l’acte et non des pièces qui l’accompagnent.

Elle note que la jurisprudence admet qu’aucune violation du principe du contradictoire ne peut être relevée lorsque l’assignation permet de comprendre les données du litige et qu’au surplus le défendeur a pu confier ses intérêts à un avocat.

Elle souligne qu’en l’espèce la société First Solar a accepté l’acte qui lui a été délivré et a constitué avocat avant l’audience prévue le 22 octobre 2024, lequel a disposé d’un temps suffisant pour assurer la défense de sa cliente.

Elle argue, en outre, que le formulaire type visé par l’article 4 du règlement a bien été joint à l’acte de transmission et que, bien que non traduit en allemand, il a été parfaitement compris par l’autorité requise allemande qui a pu ainsi délivrer l’acte. Elle relève, par ailleurs, que la société First Solar ne rapporte la preuve d’aucun grief, le formulaire ne lui étant pas destiné.

Elle sollicite, en conséquence, le rejet de la demande de la société First Solar de nullité de l’assignation et sa condamnation à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, compte tenu des frais engagés pour faire valoir ses droits face à un moyen purement dilatoire.

A l’appui de sa demande d’expertise judiciaire, la société Gothaer expose qu’une telle mesure d’instruction est indispensable, les parties n’étant pas parvenues à se mettre d’accord, au cours de l’expertise amiable, sur l’origine des désordres dont la matérialité n’est pas contestée.

Sur la demande de suppression d’un chef de mission par la société Q Energy France, elle conteste que le chef de mission visé soit trop général, puisqu’il est nécessaire à l’exercice de son droit à la preuve, qu’il est circonscrit aux faits litigieux, ne portant que sur les modules de la centrale et qu’il ne porte pas atteinte à un droit ou à une liberté fondamentale.

Elle conteste également qu’il soit de nature à amener l’expert à porter une appréciation juridique, la jurisprudence considérant que le technicien ne porte pas une telle appréciation lorsqu’il lui est demandé de décrire une situation à l’aune de normes, standards, dispositions contractuelles ou des règles de l’art, dès lors que ces éléments comportent une dimension technique.

Sur la demande des sociétés Holding Vaills et Acte iard de désigner le juge chargé du contrôle des expertises près le tribunal judiciaire de Perpignan, la société Gothaer fait valoir que ces sociétés ne justifient pas que les conditions visées par l’article 157 du code de procédure civile sont réunies et ce d’autant que les parties au litige sont réparties sur tout le territoire français et à l’étranger. Elle estime ainsi qu’il sera plus commode pour les parties de débattre avec le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Paris.

Elle s’oppose enfin aux demandes de mise hors de cause formées par les parties défenderesses.

S’agissant de la société S.E.B.E., elle soutient que la responsabilité de cette dernière dans les désordres constatés ne saurait être exclue alors qu’elle a réalisé des prestations de débroussaillage sur site en octobre 2022, que les premiers désordres ont été constatés en février 2023, que le débroussaillage entre les rangées des panneaux peut donner lieu à des projections latérales jusqu’à plusieurs mètres et que des impacts significatifs ont été constatés également sur la face avant des modules.

S’agissant de la société Génie Ecologique Occitanie, si la société Gothaer reconnaît qu’une partie des désordres est apparue avant que cette société n’intervienne, elle fait valoir que de nombreuses fissures sont également apparues postérieurement, de sorte que sa responsabilité dans ces désordres ne saurait être écartée et ce d’autant plus qu’elle était chargée du débroussaillage de l’entièreté du site.

Elle relève que les désaccords des experts techniques des parties sur la cause exacte du sinistre ne sont pas de nature à justifier la mise hors de cause de la société Génie Ecologique Occitanie et de son assureur, la mesure d’expertise ayant précisément pour objet de déterminer cette cause.

S’agissant de la société Enez Solution, elle relève que cette dernière était chargée d’assurer le suivi et la coordination du chantier de construction de la centrale et a assuré, dans ce cadre, notamment le contrôle de la pose des modules et des opérations de débroussaillage.

Elle conclut dès lors qu’elle ne saurait être mise hors de cause, la cause du sinistre n’ayant pas encore été identifiée de manière certaine et celui-ci pouvant être dû à d’autres causes que la projection de graviers.

Elle ajoute enfin que sa présence aux opérations d’expertise est indispensable, celle-ci étant la mémoire vivante du chantier.

Dans ses conclusions déposées et soutenues oralement, la société First Solar, représentée par son conseil, a, au visa des articles 15 et 16, 486, 643, 651, 683 et suivants et 694 du code de procédure civile et du règlement CE 1393/2007, demandé au juge des référés :

– Qu’il constate in limine litis, l’irrégularité de l’assignation en date du 31 juillet 2024 délivrée par la société Gothaer à l’encontre de la société First Solar et la déclare nulle et sans effet,
– En tout état de cause, condamne la société Gothaer aux entiers dépens ainsi qu’à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société First Solar soutient que l’assignation qui lui a été délivrée le 31 juillet 2024 est nulle dès lors que les pièces essentielles du litige n’ont pas été traduites en allemand en violation des dispositions du règlement (UE) 2020/1784 et du règlement CE 1393/2007 et que l’assignation ne comporte pas le formulaire, rédigé en allemand, tel que requis en son annexe 1 par le règlement CE 1393/2007.

Elle soutient que la violation de ces dispositions constitue une violation d’une formalité substantielle, à savoir la nécessité de la traduction des actes de procédure ou à tout le moins de ses éléments essentiels en vue de la compréhension par le destinataire du litige et l’exercice utile de ses droits de la défense et constitue une violation du principe du contradictoire visé par les articles 15 et 16 du code de procédure civile.

Dans leurs écritures déposées et soutenues à l’audience, la société Holding Vaills et son assureur, la société Acte iard, représentés par leur conseil, ont demandé, au visa des articles 42, 46, 145 et 157 du code de procédure civile, au juge des référés de leur donner acte de leurs protestations et réserves, de désigner l’expert parmi ceux inscrits près la cour d’appel de Montpellier et de désigner le juge chargé du contrôle des expertises près le tribunal judiciaire de Perpignan. Elles se sont par ailleurs opposées à la mise hors de cause de la société S.E.B.E.

Les sociétés Holding Vaills et Acte iard font valoir que, dès lors que la majorité des parties ont leur siège social dans le département des Pyrénées orientales ou en Espagne, dans un souci d’économie en ce qui concerne les frais, d’un contrôle efficace des opérations d’expertise et d’efficacité de la mesure, il y a lieu de désigner, sur le fondement de l’article 157 du code de procédure civile, un expert inscrit sur les listes de la cour d’appel de Montpellier et de donner mission au juge chargé du contrôle des expertises près le tribunal judiciaire de Perpignan.

Dans ses conclusions déposées et soutenues oralement, la société Q Energy France a, par l’intermédiaire de son conseil, sollicité qu’il lui soit donné acte de ses protestations et réserves, que soit supprimé le chef de mission suivant  » Procéder à tous constats permettant de dresser l’état descriptif et qualitatif des modules photovoltaïques équipant la Centrale, par rapport aux normes, au contrat EPC, ainsi que plus généralement par rapport aux règles de l’art « , et qu’il soit prévu que la mesure de constat ordonnée se fera aux frais avancés de la société Gothaer.

A l’appui de sa demande de suppression d’un chef de mission, la société Q Energy France soutient que ce chef de mission est trop général, dès lors qu’il porte sur  » tous constats  » et sur  » tous les modules photovoltaïques « , ce qui reviendrait à donner à l’expert une mission générale en violation de l’article 145 du code de procédure civile.

Elle argue, en outre, que ce chef de mission conduirait l’expert à se prononcer sur une question de droit, à avoir des appréciations d’ordre juridique, en violation des articles 143 et 238 du code de procédure civile. Elle relève, à ce titre, que du fait de ce chef de mission l’expert devra apprécier nécessairement l’éventuelle conformité qualitative des modules photovoltaïques aux normes juridiques, aux règles de l’art et au contrat EPC et, ce faisant, interpréter ce dernier.

La société S.E.B.E. a, par l’intermédiaire de son conseil, dans ses conclusions déposées et soutenues à l’audience, sollicité sa mise hors de cause, le rejet des demandes de la société Gothaer et de toutes autres parties formées à son encontre et la condamnation de la société Gothaer à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de sa demande de mise hors de cause, la société S.E.B.E. expose ne pas être à l’origine des impacts de graviers sur les panneaux, dès lors que les dommages constatés se situent en sous-face, soit sur la face intérieure des panneaux et qu’elle n’est intervenue qu’entre les panneaux et non pas dessous.

Dans leurs écritures déposées et soutenues à l’audience, la société Génie Ecologique Occitanie et son assureur, la société MAIF, représentées par leur conseil, ont demandé, à titre principal, leur mise hors de cause et, à titre subsidiaire, le donné acte de leurs protestations et réserves sur la demande d’expertise judiciaire.

A l’appui de leur demande de mise hors de cause, les sociétés Génie Ecologique Occitanie et MAIF font valoir que les fissures et impacts se sont formés sur les panneaux photovoltaïques avant même que la société Génie Ecologique Occitanie n’intervienne le 10 juillet 2023 et sur des rangées de panneaux où elle n’est pas intervenue, de sorte qu’elle ne peut être à l’origine des désordres allégués.

Elles soulignent, en outre, que l’expert désigné par la société MAIF, a écarté la thèse des projections de graviers en raison de la faible quantité de cailloux sur le site et a émis l’hypothèse d’un défaut de conception des panneaux et d’une fragilité des parois en verre.

Dans ses écritures déposées et soutenues à l’audience, la société Enez Solutions, représentée par son conseil, a sollicité, à titre principal, sa mise hors de cause et la condamnation de la société Gothaer à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, à titre subsidiaire, le donné acte de ses protestations et réserves.

A l’appui de sa demande de mise hors de cause, la société Enez Solutions fait valoir que le rapport du cabinet Vering démontre qu’elle n’est pas concernée par les désordres relevés puisqu’elle avait envoyé un dossier photos permettant d’identifier les modules défectueux lors de la phase de montage et que l’expert n’a pas identifié, à la lecture du procès-verbal de réception, de réserves évoquant des modules fissurés à remplacer.

Elle considère en conséquence avoir parfaitement exécuté sa mission, ce que le maître de l’ouvrage a reconnu.

Elle relève ne pas avoir été mise en demeure, lors de l’expertise amiable, de s’expliquer sur le sinistre, la cause du sinistre étant les opérations d’entretien du site.

Or, elle précise ne jamais avoir eu à coordonner des opérations de débroussaillage sur la zone d’emprise des panneaux et ne jamais avoir eu non plus de rôle dans la conception de la centrale.

Elle souligne que le seul fait qu’elle serait la mémoire vivante du chantier ne saurait justifier l’existence d’un motif légitime permettant de l’attraire aux opérations d’expertise et ce d’autant que la présence de la société Q Energy, en sa qualité de constructeur clé en main, est suffisante sur ce point.

La société Axial Sistemas Solares et son assureur, la société Chubb european group, représentés par leur conseil, ont, dans leurs conclusions déposées et soutenues à l’audience, demandé qu’il leur soit donné acte de leurs protestations et réserves et que la société Gothaer soit condamnée aux dépens.

La société Allianz iard, dans ses conclusions déposées et soutenues oralement, a, par l’intermédiaire de son conseil, formulé des protestations et réserves d’usage.

Si la société Liberty Mutual Insurance Europe a constitué avocat, elle n’a pas comparu à l’audience du 22 octobre 2024.

En outre, bien que régulièrement assignée par procès-verbal de recherches infructueuses, la société CPES Mas d’en Ramis n’a pas constitué avocat. Par application des dispositions de l’article 473, alinéa 2, du code de procédure civile, il sera ainsi statué par décision réputée contradictoire.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 26 novembre 2024.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l’intervention forcée de la société Allianz iard

En vertu de l’article 325 du code de procédure civile, l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

Aux termes de l’article 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal.

Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

En l’espèce, les sociétés Holding Vaills, Acte iard et S.E.B.E. ont fait assigner en intervention forcée la société Allianz iard.

Dès lors qu’il n’est contesté par aucune des parties que la société Allianz iard est l’assureur de la société S.E.B.E., il y a lieu de déclarer recevable son intervention forcée.

Sur la nullité de l’assignation délivrée à la société First Solar

En application de l’article 114 du code de procédure civile,  » les vices de forme affectant les actes de procédure peuvent résulter de nullités expressément prévues par la loi ou de l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.  »

Suivant l’article 683, les notifications des actes judiciaires et extrajudiciaires à l’étranger ou en provenance de l’étranger sont régies par les règles prévues par la présente section, sous réserve de l’application des règlements européens et des traités internationaux.

o Sur le moyen tiré de l’absence de traduction des pièces essentielles

Selon l’article 9, paragraphe 1, du règlement (UE) 2020/1784 du parlement européen et du conseil du 25 novembre 2020 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (refonte), l’entité d’origine à laquelle le requérant a transmis l’acte en vue de sa transmission informe le requérant que le destinataire peut refuser de recevoir l’acte s’il n’est pas établi dans l’une des langues prévues à l’article 12, paragraphe 1.

L’article 12, paragraphe 1, précise que le destinataire peut refuser de recevoir l’acte à signifier ou à notifier si celui-ci n’est pas rédigé ou accompagné d’une traduction :
a) dans une langue que le destinataire comprend ; ou
b) dans la langue officielle de l’État membre requis ou, s’il existe plusieurs langues officielles dans cet État membre, la langue officielle ou l’une des langues officielles du lieu où il doit être procédé à la signification ou à la notification.

Suivant l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 dudit code ajoute que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

En l’espèce, seule l’assignation a été traduite en anglais qui est une langue que la société First Solar comprend nécessairement, le bon de commande établi par cette société et ses conditions générales étant rédigés en anglais.

Il n’est pas contesté que les pièces essentielles jointes à cette assignation n’ont pas été traduites.

Pour autant, il résulte de la combinaison des articles 9, paragraphe 1, et 12, paragraphe 1, du règlement 2020/1784 que si la société First Solar s’estimait insuffisamment informée par l’assignation en l’absence de traduction des pièces essentielles visées par celle-ci, elle aurait dû refuser de recevoir l’acte comme lui permet l’article 9, paragraphe 1, du règlement précité.

Il convient au surplus de relever que l’assignation qui a été traduite en langue anglaise permet de comprendre les raisons pour lesquelles la société Gothaer sollicite la désignation d’un expert, qu’elle contient, notamment, une synthèse du rapport d’expertise de la société Vering, et que cette expertise amiable a été réalisée au contradictoire de la société First Solar, de sorte que cette dernière ne peut invoquer une violation du principe du contradictoire.

L’absence de traduction des pièces essentielles visées par l’assignation ne saurait, en conséquence, entraîner la nullité de l’acte qui a été transmis à la société First Solar.

o Sur le moyen tiré de l’absence de traduction du formulaire type figurant à l’annexe I en allemand

Suivant l’article 4, paragraphe 3, du règlement (CE) 1393/2007 (qui est applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article 8 du règlement (UE) 2020/1784),  » L’acte à transmettre est accompagné d’une demande établie au moyen du formulaire type figurant à l’annexe I. Ce formulaire est complété dans la langue officielle de l’État membre requis ou, s’il existe plusieurs langues officielles dans cet État membre, dans la langue officielle ou l’une des langues officielles du lieu où il doit être procédé à la signification ou à la notification, ou dans toute autre langue dont l’État membre requis aura indiqué qu’il peut l’accepter. Chaque État membre indique la ou les langues officielles des institutions de l’Union européenne, autres que la sienne ou les siennes, dans laquelle ou lesquelles il accepte que le formulaire soit complété.  »

L’Allemagne a accepté, pour l’application de cet article, que le formulaire soit complété en allemand ou en anglais.

En l’espèce, le formulaire joint à l’acte de transmission a été complété uniquement en français.

Pour autant l’absence de traduction du formulaire type figurant à l’annexe I visé au paragraphe 3 de l’article 4 du règlement 1393/2007 n’est pas de nature à entraîner la nullité de l’acte qui a été transmis à la société First Solar.

En effet, ce formulaire est uniquement destiné à l’autorité requise qui doit, en application de l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 10, paragraphe 1, du règlement précité l’utiliser afin d’une part, d’accuser réception à l’entité d’origine de la réception de l’acte et, d’autre part, d’attester que les formalités relatives à la signification ou à la notification de l’acte ont été accomplies.

Dans ces conditions, la demande de la société First Solar tendant à la nullité de l’assignation en date du 31 juillet 2024 sera rejetée.

Sur la demande d’expertise :

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

L’obtention de telles mesures est subordonnée à plusieurs conditions : l’absence de procès devant le juge du fond, l’existence d’un motif légitime, l’intérêt probatoire du demandeur -apprécié notamment au regard de la mesure sollicitée et des intérêts du défendeur- et la nature légalement admissible de la mesure demandée.

La mesure sollicitée n’implique pas d’examen de la responsabilité des parties ou des chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé, il suffit que soit constatée l’éventualité d’un procès dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.

Si le litige au fond peut n’être qu’éventuel, la mesure sollicitée doit toutefois reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables, qui permettent de projeter ce litige futur comme plausible et crédible.

A cet égard, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer la réalité des faits qu’il allègue, il doit justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions, ne relevant pas de la simple hypothèse, en lien avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction, la mesure demandée devant être pertinente et utile.

En revanche, l’urgence, l’existence d’un trouble manifestement excessif ou d’un danger imminent et l’absence de contestations sérieuses ne sont pas requises pour qu’une expertise soit ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Ne seront, en l’espèce, examinés que les critères tenant au motif légitime et au caractère légalement admissible de la mesure sollicitée, dès lors que l’absence de procès au fond n’est pas contestée.

o Sur le motif légitime

Il ressort du rapport d’expertise amiable en date du 7 février 2024 établi par la société Vering au contradictoire des sociétés Q Energy France, Res services, Vaills, S.E.B.E., Génie Ecologique Occitanie, First Solar que de nombreux modules présentent des fissures en sous-face et que certaines rangées de modules présentent des impacts sur la partie supérieure.

L’expert de la société Vering a, compte tenu de la présence d’impacts sur les modules, émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’impacts dus à la projection de cailloux ou graviers lors de l’entretien paysager qui aurait été réalisé sous ou à proximité des modules.

Toutefois, il s’évince également de ce rapport que les parties n’ont pas pu se mettre d’accord sur le fait générateur à l’origine des dommages, celles-ci invoquant comme autres causes possibles, la grêle, la fragilité des modules, le vent, les contraintes de dilatation, les opérations de manutention et d’installation avant réception.

La société Gothaer justifie, en conséquence, d’un motif légitime à ce qu’une mesure d’expertise soit ordonnée.

o Sur le caractère légalement admissible de la mesure

Il a été jugé sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile précité que le juge peut ordonner toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles et pertinentes, qu’il s’agisse de préserver ou de conserver une preuve, voire de les établir, pourvu qu’elle soit légalement admissible et qu’elle ne constitue pas une mesure d’investigation générale (2e Civ., 7 janvier 1999, pourvoi n°97-10.831, Bull. 1999, II, n°3).

Suivant l’article 232 du code de procédure civile, le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien.

L’article 238, alinéa 3, de ce code précise que le technicien ne doit jamais porter d’appréciations d’ordre juridique.

En l’espèce, le 4ème chef de mission sollicité par la société Gothaer est formulé de la manière suivante :  » Procéder à tous constats permettant de dresser l’état descriptif et qualitatif des modules photovoltaïques équipant la Centrale, par rapport aux normes, au contrat EPC, ainsi que plus généralement par rapport aux règles de l’art « .

Alors que la centrale comporte 23 256 modules photovoltaïques et qu’il ressort de de son assignation que seuls 3 911 modules sont affectés de désordres, la société Gothaer ne justifie pas de la nécessité d’étendre la mesure d’expertise à l’ensemble des modules photovoltaïques de la centrale, en ce compris, ceux qui ne sont pas, au jour de l’assignation atteints de désordres.

Dans ces conditions, aux termes de sa mission, l’expert ne sera tenu que d’examiner les désordres allégués dans l’assignation et, tous les désordres connexes ayant d’évidence la même cause mais révélés postérieurement à l’assignation.

En revanche, contrairement, à ce que soutient la société Q Energy France, l’article 238, alinéa 3, du code de procédure civile, ne s’oppose pas à ce que l’expert précise si ces désordres constituent une non-conformité aux éléments contractuels, aux normes en vigueur et aux règles de l’art, dès lors qu’il s’agit de décrire une situation de fait et d’apporter un éclairage technique et non juridique.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande d’expertise de la société Gothaer suivant les termes du présent dispositif. L’expert désigné sera, compte tenu de l’accord des parties sur ce point à l’audience et du lieu d’exécution de la mesure d’expertise, un expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de Montpellier.

Dès lors que cette mesure est ordonnée dans l’intérêt de la société Gothaer, elle sera tenue de consigner la provision à valoir sur la rémunération de l’expert suivant les termes du présent dispositif.

Sur la désignation du tribunal judiciaire de Perpignan pour contrôler la mesure d’expertise

Suivant l’article 155 du code de procédure civile, le contrôle de l’exécution de la mesure d’instruction peut être assuré par le juge désigné dans les conditions de l’article 155-1.

L’article 155-1 de ce code précise que le président de la juridiction peut dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice désigner un juge spécialement chargé de contrôler l’exécution des mesures d’instruction confiées à un technicien en application de l’article 232.

En application de l’article 157, lorsque l’éloignement des parties ou des personnes qui doivent apporter leur concours à la mesure, ou l’éloignement des lieux, rend le déplacement trop difficile ou trop onéreux, le juge peut charger une autre juridiction de degré égal ou inférieur de procéder à tout ou partie des opérations ordonnées.

En l’espèce, la mesure d’expertise va être exécutée à [Localité 31] s’agissant du lieu où se situe la centrale de panneaux photovoltaïques.

En outre, l’expert désigné est, conformément à l’accord des parties sur ce point, un expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel de Montpellier.

Enfin, sur les vingt-une parties, sept ont leur siège social situé dans le Sud de la France (deux à [Localité 30], et quatre dans les Pyrénées Orientales) ou à proximité (à [Localité 13] en Espagne), et une seule a son siège social à [Localité 38].

Dans ces conditions, l’éloignement du lieu d’exécution de la mesure et des personnes qui doivent apporter leur concours à la mesure rend en l’espèce le déplacement trop onéreux et difficile au sens de l’article 157 du code de procédure civile.

Il est en conséquence justifié de charger le tribunal judiciaire de Perpignan, s’agissant de la juridiction dont dépend la commune De Banyuls-dels-Aspres, du contrôle de l’exécution de la mesure d’instruction ordonnée par la présente ordonnance, le juge de cette juridiction étant au surplus le plus à même à assurer le contrôle de cette mesure.

Sur les demandes de mise hors de cause

o Sur la demande de la société S.E.B.E.

La société S.E.B.E. sollicite sa mise hors de cause, soutenant ne pouvoir être à l’origine des impacts de graviers sur les panneaux puisque les dommages constatés se situent sur la face intérieure des panneaux et qu’elle n’est intervenue qu’entre les panneaux et non pas dessous.

S’il n’est pas contesté que la société S.E.B.E. a procédé au débroussaillage entre les rangées des panneaux photovoltaïques à compter du mois d’octobre 2022, il ressort du rapport d’expertise amiable établi par la société Vering que certaines rangées de modules présentent des impacts sur la partie supérieure et que les impacts constatés sur les modules pourraient être dus à la projection de cailloux ou graviers lors de l’entretien paysager qui aurait été réalisé sous ou à proximité des modules.

Dans ces conditions, il ne saurait être exclu, à ce stade, que les désordres justifiant la présente mesure d’expertise résultent des prestations réalisées par la société S.E.B.E.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à sa demande de mise hors de cause.

o Sur la demande de la société Génie Ecologique Occitanie et de la MAIF

Les société Génie Ecologique Occitanie et MAIF demandent leur mise hors de cause aux motifs que les fissures et impacts se sont formés sur les panneaux photovoltaïques avant même que la société Génie Ecologique Occitanie n’intervienne le 10 juillet 2023 et sur des rangées de panneaux où elle n’est pas intervenue, de sorte qu’elle ne peut être à l’origine des désordres allégués.

S’il n’est pas contesté que la société Génie Ecologique Occitanie est intervenue postérieurement à l’apparition des premiers désordres, l’expert amiable a relevé que les dommages sont multiples et ont pu être causés par deux entreprises distinctes durant deux opérations distinctes de débroussaillage.

En outre, aucune des pièces versées aux débats ne permet d’établir qu’elle n’est pas intervenue sur les rangées de panneaux photovoltaïques sur lesquels des désordres ont été constatés.

Dès lors, à ce stade, les prestations réalisées par la société Génie Ecologique Occitanie pourraient être à l’origine d’une partie des désordres constatés sur les panneaux photovoltaïques, peu importe à cet égard que l’expert désigné par la société MAIF ait écarté la thèse des projections de graviers en raison de la faible quantité de cailloux sur le site et ait émis l’hypothèse d’un défaut de conception des panneaux et d’une fragilité des parois en verre, la mesure d’expertise ordonnée ayant précisément pour objet de déterminer l’origine des désordres.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande de mise hors de cause des sociétés Génie Ecologique Occitanie et MAIF, au contradictoire desquelles auront lieu, en conséquence, les opérations d’expertise.

o Sur la demande de la société Enez Solutions

La société Enez Solutions sollicite sa mise hors de cause, dès lors que le rapport d’expertise amiable établit qu’elle n’est pas à l’origine des désordres et qu’elle n’a jamais eu à coordonner des opérations de débroussaillage sur la zone d’emprise des panneaux.

Aux termes de l’article 4.1 du contrat qui lie la société Q Energy France à la société Enez Solutions, cette dernière avait une mission de contrôle, de validation, de suivi de chantier et de coordination des travaux. A ce titre, l’article 4.2.2 du cahier des clauses techniques particulières précise qu’elle devait assurer le contrôle de l’implantation du chantier avant le démarrage des travaux, le contrôle du débroussaillage en lien avec l’OPCE et le contrôle de l’exécution des terrassements, du nivèlement et de la mise des pistes d’accès.

Il ne saurait en conséquence être exclu à ce stade qu’elle n’ait pas eu un rôle dans l’apparition des dommages constatés.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à sa demande de mise hors de cause.

Sur les demandes accessoires

A ce stade de la procédure, il convient de laisser à la charge de chacune des parties les dépens qu’elles ont exposés, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Les responsabilités n’étant pas encore définies, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile. Les demandes de ce chef des parties seront, en conséquence, rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire en premier ressort,

Vu la jonction des instances enrôlées sous les numéros de répertoire général 24/55452, 24/56432 et 24/57165 sous le numéro de répertoire général commun 24/55452,

Déclarons recevable l’intervention forcée de la société Allianz iard ;

Rejetons la demande de la société First Solar de nullité de l’assignation qui lui a été délivrée le 31 juillet 2024 à la demande de la société Gothaer Allgemeine Versischerung ;

Donnons acte des protestations et réserves formées par les défendeurs constitués ;

Ordonnons une mesure d’expertise ;

Désignons en qualité d’expert :

M. [G] [V]
EXETECH
[Adresse 28]
[Localité 11]
Tel. : [XXXXXXXX01]
Port. : [XXXXXXXX02]
Email : [Courriel 34]

lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne,

avec mission, les parties régulièrement convoquées, après avoir pris connaissance du dossier, s’être fait remettre tous documents utiles, et avoir entendu les parties ainsi que tout sachant, de :

– Se rendre sur les lieux sis [Adresse 36] à [Localité 31], après y avoir convoqué les parties ;
– Décrire les désordres allégués dans l’assignation ; et le cas échéant, sans nécessité d’extension de mission, examiner tous désordres connexes, ayant d’évidence la même cause mais révélés postérieurement à l’assignation, sans préjudice par ailleurs des dispositions de l’article 238, alinéa 2, du code de procédure civile ;
– Les décrire, en indiquer la nature, l’importance, la date d’apparition, en retracer l’historique et en décrire l’évolution prévisible ; en rechercher la ou les causes, notamment préciser si les désordres résultent d’épisodes météorologiques importants, d’opérations de débroussaillage et/ou d’entretien paysager réalisées sur le site de la centrale, d’un défaut de conception ou de construction de la centrale ou d’un défaut de fabrication des modules ;
– Fournir tout élément permettant d’apprécier si les désordres constituent une non-conformité aux éléments contractuels, aux normes en vigueur ou aux règles de l’art ;
– Fournir tout renseignement de fait permettant au tribunal de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues et sur les comptes entre les parties ;
– Après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d’exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d’un maître d’œuvre, le coût de ces travaux ;
– Fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d’évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état ;
– Dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l’aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l’affirmative, à la demande d’une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible ;
– Faire toutes observations utiles au règlement du litige ;

Disons que pour procéder à sa mission l’expert devra :

✏ convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;

✏ se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, notamment, s’il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d’exécution, le dossier des ouvrages exécutés;

✏ se rendre sur les lieux et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis;

✏ à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :

→ en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations ;

→ en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent ;

→ en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées ;

→ en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;

✏ au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex : réunion de synthèse, communication d’un projet de rapport), et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations ;

→ fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;

→ rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du Code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au delà de ce délai.

Fixons à la somme de 15 000 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d’expertise qui devra être consignée par la société Gothaer Allgemeine Versischerung à la régie du tribunal judiciaire de Perpignan au plus tard le 26 février 2025;

Disons que faute de consignation de la présente provision initiale dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera aussitôt caduque et de nul effet, sans autre formalité requise, conformément aux dispositions de l’article 271 du code de procédure civile ;

Chargeons le tribunal judiciaire de Perpignan du contrôle de l’exécution de la mesure d’instruction ainsi ordonnée jusqu’à son achèvement, en ce compris la taxation des honoraires de l’expert, en application de l’article 157 du code de procédure civile ;

Disons qu’en application de l’article 157 du code de procédure civile, la présente décision sera transmise avec tous documents utiles par le greffe du tribunal judiciaire de Paris au tribunal judiciaire de Perpignan ;

Disons qu’en application de l’article 267 du code de procédure civile l’expert devra faire connaître sans délai au tribunal judiciaire de Perpignan son acceptation ;

Disons que le terme du délai fixé par l’expert pour le dépôt des dernières observations marquera la fin de l’instruction technique et interdira, à compter de la date à laquelle il est fixé, le dépôt de nouvelles observations, sauf les exceptions visées à l’article 276 du code de procédure civile ;

Disons que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 255, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe du tribunal judiciaire de Perpignan avant le 27 octobre 2025, pour le rapport définitif, sauf prorogation de ces délais dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;

Disons que, dans le but de favoriser l’instauration d’échanges dématérialisés et de limiter la durée et le coût de l’expertise, le technicien devra privilégier l’usage de la plateforme OPALEXE et qu’il proposera en ce cas à chacune des parties, au plus tard lors de la première réunion d’expertise, de recourir à ce procédé pour communiquer tous documents et notes par la voie dématérialisée dans les conditions de l’article 748-1 du code de procédure civile et de l’arrêté du 14 juin 2017 validant de tels échanges ;

Rejetons la demande de la société Gothaer Allgemeine Versischerung tendant à ce que l’expert procède à l’état descriptif et qualitatif des modules photovoltaïques équipant la centrale ;

Rejetons la demande de la société Q Energy France tendant à ce que la mission de l’expert ne porte pas sur les normes, le contrat et les règles de l’art ;

Rejetons les demandes de mise hors de cause formées par les sociétés Services Environnement Bois Energie S.E.B.E., Genie Ecologique Occitanie, Mutuelle Assurance Instituteur France et Enez Solutions, au contradictoire desquelles auront lieu, en conséquence, les opérations d’expertise ;

Laissons à la charge de chacune des parties les dépens qu’elles ont exposés ;

Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et rejetons en conséquence les demandes de ce chef des parties ;

Rejetons toutes les autres demandes des parties ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.

Fait à Paris le 26 novembre 2024.

Le Greffier, Le Président,

Anne-Sophie MOREL Sophie COUVEZ


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon