L’Essentiel : Le 19 juillet 2017, BNP Paribas a accordé un prêt de 600 000 euros à Docmi Holding, avec un taux d’intérêt fixe de 1,526 % sur 84 mois. En raison d’échéances impayées, la banque a déclaré l’exigibilité anticipée du prêt le 15 février 2022, réclamant 389 983,06 euros. Le tribunal de commerce a condamné solidairement Docmi Holding et ses cautions, MM. [J] et [S], à payer cette somme. En appel, la cour a confirmé la condamnation, tout en ajustant les intérêts au taux contractuel. Les cautions ont également été condamnées à verser des frais supplémentaires à BNP Paribas.
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Prêt consenti par BNP ParibasLe 19 juillet 2017, la société BNP Paribas a accordé un prêt de 600 000 euros à la société Docmi Holding pour une durée de 84 mois, avec un taux d’intérêt fixe de 1,526 % par an. M. [J] et M. [S], respectivement actionnaire et président de Docmi Holding, se sont portés cautions solidaires pour un montant maximum de 345 000 euros chacun, couvrant 50 % de la créance de la banque. Exigibilité anticipée du prêtLe 15 février 2022, BNP Paribas a déclaré l’exigibilité anticipée du prêt en raison d’échéances impayées, mettant en demeure la société Docmi Holding ainsi que MM. [J] et [S] de payer un montant de 389 983,06 euros. Les 11 mars et 22 avril 2022, la banque a assigné les débiteurs devant le tribunal de commerce de Versailles. Jugement du tribunal de commerceLe 10 mars 2023, le tribunal a condamné solidairement la société Docmi Holding et MM. [J] et [S] à payer la somme de 389 983,06 euros, avec des intérêts au taux de 1,526 % à partir du 16 février 2022. Les cautions ont été tenues chacune à hauteur de 194 991,53 euros, et la capitalisation des intérêts a été ordonnée. En outre, ils ont été condamnés à payer 1 500 euros pour les frais de justice. Appel interjeté par les débiteursLe 14 avril 2023, la société Docmi Holding et MM. [J] et [S] ont interjeté appel du jugement. Le 20 juin 2023, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de Docmi Holding et désigné un liquidateur. Le 29 septembre 2023, BNP Paribas a assigné le liquidateur en intervention forcée. Demandes des parties en appelDans leurs conclusions du 27 décembre 2023, MM. [J] et [S] ont demandé l’infirmation du jugement, la nullité des engagements de caution, et le débouté de toutes les demandes de BNP Paribas. De son côté, BNP Paribas a demandé la confirmation du jugement et la fixation de sa créance à 397 745,67 euros, en plus des intérêts. Motifs de la décision de la courLa cour a confirmé que la société Docmi Holding, en liquidation judiciaire, ne pouvait pas soutenir son appel. Concernant les demandes de MM. [J] et [S], la cour a rejeté la nullité des actes de cautionnement, affirmant que les mentions manuscrites étaient conformes et que les cautions n’avaient pas prouvé la disproportion de leurs engagements par rapport à leurs revenus. Confirmation et infirmation partielle du jugementLa cour a confirmé le jugement du tribunal de commerce en ce qui concerne la condamnation de MM. [J] et [S] à payer 389 983,06 euros, tout en infirmant la partie relative aux intérêts au taux légal, les remplaçant par le taux contractuel de 1,526 %. Les frais de justice et les dépens ont également été confirmés, et MM. [J] et [S] ont été condamnés à verser 2 500 euros à BNP Paribas au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences de la liquidation judiciaire sur l’appel interjeté par la société Docmi Holding ?La liquidation judiciaire, selon l’article L. 641-9 du Code de commerce, entraîne un dessaisissement du débiteur concernant l’administration et la disposition de ses biens. Cela signifie que, dès l’ouverture de la liquidation, la société Docmi Holding ne peut plus gérer ses actifs, qui sont désormais administrés par le liquidateur. En l’espèce, la société Docmi Holding a interjeté appel avant son placement en liquidation judiciaire. Toutefois, le liquidateur n’ayant pas constitué avocat, la cour ne peut prendre en compte les conclusions déposées par la société après la liquidation. Ainsi, l’appel de la société Docmi Holding n’étant plus soutenu, la cour confirme le jugement initial concernant les condamnations prononcées à son encontre. Il est important de noter que, selon l’article L. 641-9, les droits et actions du débiteur sont exercés par le liquidateur pendant toute la durée de la liquidation. Cela implique que toute action en justice doit être menée par le liquidateur, et non par la société elle-même. Les engagements de caution peuvent-ils être annulés pour non-respect des mentions manuscrites ?Les engagements de caution doivent respecter les dispositions de l’article L. 341-2 du Code de la consommation, qui stipule que la caution doit faire précéder sa signature d’une mention manuscrite spécifique. Cette mention doit indiquer clairement l’engagement de la caution, y compris le montant et la durée. Dans cette affaire, MM. [J] et [S] soutiennent que les mentions manuscrites sur les actes de cautionnement ne sont pas de leur main. Cependant, la BNP Paribas a produit des actes de cautionnement comportant les mentions requises, conformes aux exigences légales. La cour a constaté que les cautions n’ont pas apporté de preuve suffisante pour étayer leurs affirmations. En l’absence de preuve, la demande de nullité des actes de cautionnement a été rejetée. Il est donc essentiel pour une caution de prouver que les mentions manuscrites ne sont pas authentiques pour obtenir l’annulation de l’engagement. Comment la disproportion des engagements de caution par rapport aux revenus et patrimoines des cautions est-elle appréciée ?Selon les articles L. 332-1 et L. 343-4 du Code de la consommation, un créancier ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement si l’engagement de la caution est manifestement disproportionné à ses biens et revenus au moment de la conclusion du contrat. Dans cette affaire, MM. [J] et [S] ont soutenu que la banque n’avait pas vérifié la proportionnalité de leurs engagements. Cependant, la BNP Paribas a produit des fiches de renseignements patrimoniaux, prouvant qu’elle avait effectué les vérifications nécessaires. Il incombe à la caution de prouver la disproportion de son engagement. En l’espèce, MM. [J] et [S] n’ont pas fourni de preuves concrètes de cette disproportion, se contentant d’affirmations sans fondement. Ainsi, la cour a rejeté leur demande, confirmant que la responsabilité de prouver la disproportion repose sur la caution et non sur le créancier. Quelles sont les implications des demandes en paiement formées par la BNP Paribas ?La BNP Paribas a demandé la confirmation du jugement initial qui condamnait MM. [J] et [S] à payer une somme de 389 983,06 euros, ainsi que des intérêts au taux contractuel de 1,526 % à compter du 16 février 2022. En appel, la BNP a sollicité un montant plus élevé, incluant des intérêts supplémentaires. Cependant, la cour a noté que la demande initiale et celle en appel étaient équivalentes en ce qui concerne le principal, car la différence ne concernait que les intérêts. La cour a donc décidé de ne tenir compte que de la demande de confirmation du jugement initial, rejetant les demandes supplémentaires de la BNP Paribas. Il est à noter que la cour a également précisé qu’il n’y avait pas lieu à solidarité entre les cautions, car cela n’était pas prévu dans leurs engagements. Ainsi, la cour a confirmé le jugement initial concernant les paiements dus par MM. [J] et [S], tout en précisant les modalités d’intérêts applicables. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 53I
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2024
N° RG 23/02460 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VZNV
AFFAIRE :
[W] [J]
…
C/
S.A. BNP PARIBAS
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mars 2023 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
N° Chambre : 4
N° RG : 2022F00340
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Elisa GUEILHERS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANT
Monsieur [W] [J]
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2371044 –
Plaidant : Me Kamal TABI de la SELEURL K.T, avocat au barreau de PARIS – vestiaire : C 0070
Monsieur [K] [S]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2371044 –
Plaidant : Me Kamal TABI de la SELEURL K.T, avocat au barreau de PARIS – vestiaire : C 0070
S.A.S. DOCMI HOLDING
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2371044 –
Plaidant : Me Kamal TABI de la SELEURL K.T, avocat au barreau de PARIS – vestiaire : C 0070
****************
INTIME
S.A. BNP PARIBAS
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 7]/FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Elisa GUEILHERS de la SELEURL ELISA GUEILHERS AVOCAT,avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 129
****************
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS
prise en la personne de Maître [Z] [P], ès qualités de liquidateur de la SAS DOCMI HOLDING pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS DOCMI HOLDING fonctions auxquelles elle a été nommée par jugement du Tribunal de Commerce de VERSAILLES en date du 20 juin 2023
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Localité 8]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
PARTIE INTERVENANTE
Défaillant, assignée à personne habilitée
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
Le 19 juillet 2017, la société BNP Paribas a consenti à la société Docmi holding un prêt d’un montant de 600 000 euros, pour une durée de 84 mois, avec intérêts au taux fixe de 1,526 % l’an.
M. [J], actionnaire, et M. [S], président de la société Docmi Holding, se sont portés caution solidaire des engagements de ladite société, dans la limite chacun d’une somme maximum de 345 000 euros, couvrant le paiement de 50 % de la créance de la banque en principal, ainsi que les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard.
Le 15 février 2022, à la suite d’échéances impayées, la BNP Paribas a prononcé l’exigibilité anticipée du prêt et mis en demeure la société Docmi Holding et MM. [J] et [S] d’avoir à payer une somme de 389 983,06 euros.
Les 11 mars et 22 avril 2022, la BNP Paribas a assigné la société Docmi Holding et MM. [J] et [S] devant le tribunal de commerce de Versailles.
Le 10 mars 2023, par jugement contradictoire, le tribunal de commerce de Versailles a :
– condamné solidairement la société Docmi Holding et MM. [J] et [S] à payer à la BNP Paribas la somme de 389 983,06 euros, sous réserve des intérêts au taux de 1,526% l’an, à compter du 16 février 2022 et jusqu’à parfait paiement, étant précisé que MM. [J] et [S] seront tenus chacun à hauteur de 194 991,53 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 15 février 2022 et jusqu’à parfait paiement ;
– ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil et dit que les sommes recouvrées par la BNP Paribas auprès de MM. [J] et [S], ne pourront excéder la somme de 345 000 euros pour chacun, montant maximum de leurs engagements respectifs ;
– condamné in solidum la société Docmi Holding et MM. [J] et [S] à payer à la BNP Paribas la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum la société Docmi Holding et MM. [J] et [S] aux entiers dépens.
Le 14 avril 2023, la société Docmi Holding et MM. [J] et [S] ont interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.
Par jugement du 20 juin 2023, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la société Docmi holding, et désigné la société ML Conseils, prise en la personne de M. [P], en qualité de liquidateur.
Le 29 septembre 2023, la BNP Paribas a assigné en intervention forcée la SELARL ML Conseils, prise en la personne de M. [P]. Bien que régulièrement assigné par acte remis à personne habilitée, le liquidateur n’a pas constitué avocat, de sorte que la décision sera rendue par arrêt réputé contradictoire.
Par dernières conclusions du 27 décembre 2023, MM. [J] et [S] et la société Docmi holding demandent à la cour de :
– les déclarer recevables et bien fondés en leur appel ;
Y faisant droit,
– infirmer le jugement du 24 mars 2023 en tous ses chefs de disposition ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
A titre principal,
– prononcer la nullité des engagements de caution qui auraient été signés le 19 juillet 2023 (sic, en réalité 2017) ;
A titre subsidiaire,
Vu la disproportion des engagements par rapports aux revenus et patrimoines des cautions,
– juger que la BNP [Localité 10] ne peut se prévaloir des engagements de caution ;
En tout état de cause,
– débouter la BNP Paribas de toutes ses demandes formées à leur encontre ;
– condamner la BNP Paribas à leur payer la somme de 2 500 euros compte tenu des frais engendrés par l’exécution du jugement attaqué ;
– condamner la BNP Paribas à leur payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 27 septembre 2023, la BNP Paribas demande à la cour de :
– juger la société Docmi Holding et MM. [J] et [S] mal fondés en leur appel ;
En conséquence,
– confirmer la décision entreprise ;
Eu égard à la liquidation judiciaire de la société Docmi Holding en date du 20 juin 2023,
– fixer sa créance au passif de la société Docmi Holding à la somme de 397 745,67 euros, outre tous intérêts à échoir, à titre chirographaire ;
– condamner solidairement MM. [J] et [S] au paiement de la somme de 396 245,67 euros, outre intérêts au taux de 1,526 % l’an à compter du 21 juin 2023, MM. [J] et [S] étant tenus chacun à hauteur de 198 122,83 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2023 et jusqu’à parfait paiement ;
– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné les appelants au paiement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Y ajoutant,
– condamner solidairement MM. [J] et [S] au paiement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement MM. [J] et [S] aux entiers dépens d’appel.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 5 septembre 2024.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
1 – sur l’appel interjeté par la société Docmi holding
Il résulte de l’article L. 641-9 du code de commerce que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l’activité professionnelle, même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
En l’espèce, la société Docmi holding a régulièrement interjeté appel avant son placement en liquidation judiciaire en juin 2023. Le liquidateur ne comparaissant pas devant la cour, cette dernière ne peut prendre en considération les conclusions déposées par la société Docmi holding le 27 décembre 2023, compte tenu de son dessaisissement de l’administration et de la disposition de ses biens. A défaut de conclusions du liquidateur, la cour ne peut que constater que l’appel de la société Docmi holding n’est plus soutenu, de sorte qu’elle ne peut que confirmer le jugement s’agissant des condamnations prononcées à son encontre, sous réserve de ce qui est dit ci-après sur le quantum des demandes de la BNP Paribas, sauf à préciser qu’il ne peut s’agir que d’une fixation de créance à l’égard de la société Docmi holding, et non pas d’une condamnation à paiement.
S’agissant du quantum de la demande, la BNP Paribas, bien que sollicitant la confirmation du jugement – qui a condamné la société Docmi holding à payer une somme de » 389 983,06 euros outre intérêts au taux de 1,526 % à compter du 16 février 2022 » – sollicite paiement, dans le dispositif de ses conclusions d’appel, d’une somme de » 397 745,67 euros outre intérêts à compter du 21 juin 2023 « . La différence entre ces deux sommes correspond aux intérêts courus du 16 février 2022 au 21 juin 2023. La condamnation prononcée par le premier juge, outre intérêts à compter du 16 février 2022, est ainsi équivalente à la demande en paiement plus élevée formée en appel, outre intérêts à compter du 21 juin 2023 (excepté le montant des frais irrépétibles prononcés en première instance qui n’ont pas à entrer dans le calcul du principal), de sorte que la cour ne tiendra compte que de la demande de la banque visant à la confirmation du jugement, sauf à fixer la créance de la BNP Paribas à hauteur de 389 983,06 euros, outre intérêts au taux de 1,526 % à compter du 16 février 2022.
2 – sur l’appel interjeté par MM. [J] et [S]
Pour s’opposer aux demandes formées à leur encontre, MM. [J] et [S] invoquent, à titre principal, la nullité de l’acte de cautionnement, et à titre subsidiaire, la disproportion manifeste de leur engagement au moment de sa souscription.
2-1 – sur la demande en nullité des actes de cautionnement
MM. [J] et [S] rappellent les dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation aux termes duquel la caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature d’une mention manuscrite dont le contenu est précisé à cet article. Ils affirment ne pas être l’auteur des mentions manuscrites portées sur les actes de cautionnement du 19 juillet 2017, concluant ainsi à leur nullité.
La BNP s’oppose à ces demandes, faisant valoir que MM. [J] et [S] ne rapportent aucune preuve de leurs affirmations.
Réponse de la cour
Il résulte des articles L. 331-1 et L. 343-1 du code de la consommation, dans leur version applicable au présent litige, que toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « En me portant caution de X… dans la limite de la somme de …couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».
En l’espèce, les actes de cautionnement produits par la BNP, qui font partie intégrante de l’acte de prêt consenti à la société Docmi holding, comportent les mentions manuscrites, en tous points conformes aux dispositions précitées, qui sont attribuées à MM. [J] et [S].
Ces derniers, qui soutiennent ne pas en être les auteurs, ne procèdent que par affirmations qui ne sont ni argumentées ni étayées par aucune preuve ou commencement de preuve. Ils ne produisent notamment aucun élément qui permettrait à la cour de comparer leur écriture à celle figurant sur les actes de cautionnement, de sorte que la demande en nullité des actes de cautionnement ne peut qu’être rejetée.
2-2- sur la proportionnalité des actes de cautionnement aux biens et revenus de MM. [J] et [S]
MM. [J] et [S] soutiennent que le jugement doit être infirmé, faute pour le tribunal d’avoir vérifié que la banque avait été vigilante quant à la proportionnalité de leurs engagements par rapport à leurs biens et revenus.
La BNP fait valoir qu’elle a bien procédé aux vérifications nécessaires, et produit à ce titre les fiches de renseignements patrimoniaux renseignées par chacune des cautions, datées des 30 et 31 mai 2017. Elle ajoute qu’il appartient à la caution de rapporter la preuve d’une éventuelle disproportion, ce que MM. [J] et [S] ne font nullement.
Réponse de la cour
Il résulte des dispositions des articles L. 332-1 et L. 343-4 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable pour les contrats conclus antérieurement au 1er janvier 2022, qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Ces dispositions s’appliquent que la caution, personne physique, soit ou non avertie, la preuve de la disproportion incombant à la caution.
Contrairement à ce que soutiennent MM. [J] et [S], il n’appartient pas au tribunal de vérifier que la banque a été vigilante en sollicitant un engagement de caution proportionné, mais il appartient au contraire à la caution d’apporter la preuve d’une éventuelle disproportion. Force est ici de constater que MM. [J] et [S] ne procèdent à nouveau que par affirmation, sans d’ailleurs invoquer l’existence même d’une disproportion, de sorte qu’ils doivent être déboutés de leur demande tendant à empêcher la banque de se prévaloir de l’engagement de caution.
2-3 – sur les demandes en paiement formées par la banque.
S’agissant du quantum de la demande formée par la BNP Paribas, celle-ci, bien que sollicitant la confirmation du jugement – qui a condamné MM. [J] et [S], solidairement avec la société Docmi holding, à payer une somme de » 389 983,06 euros outre intérêts au taux de 1,526 % à compter du 16 février 2022 » – sollicite paiement, en appel, d’une somme de » 396 245,67 euros outre intérêts à compter du 21 juin 2023 « .
MM. [J] et [S] sollicitent l’infirmation du jugement, et le débouté des demandes de la banque, sans toutefois invoquer un moyen quelconque à l’appui de cette demande.
Réponse de la cour
Ainsi que déjà exposé pour la demande formée à l’encontre de la société Docmi holding, la somme de 396 245,67 euros est celle faisant l’objet de la déclaration de créance, incluant les intérêts courus du 16 février 2022 au 21 juin 2023. La condamnation prononcée par le premier juge, outre intérêts à compter du 16 février 2022, est ainsi identique à la demande en paiement plus élevée qui inclut les intérêts à compter du 21 juin 2023, de sorte que la cour ne tiendra compte que de la demande de la banque de confirmation du jugement. Contrairement à ce que sollicite en appel la BNP Paribas, il n’y a pas lieu à solidarité entre les cautions, dès lors que celle-ci n’est pas prévue dans leurs engagements.
Pour le surplus, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a condamné MM. [J] et [S], au titre de leur engagement, au paiement de la somme principale de 389 983,06 euros, solidairement avec la société Docmi holding, outre intérêts au taux contractuel à compter du 16 février 2022, et capitalisation des intérêts. Le jugement sera confirmé de ce chef, et en ce qu’il a dit que les sommes recouvrées par la BNP ne pourront, en tout état de cause, excéder la somme de 194 991,53 euros chacun, montant maximum de l’engagement de caution. Le jugement sera toutefois infirmé en ce qu’il a fixé, pour les cautions, les intérêts au taux légal, et non pas au taux contractuel.
3 – sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens, sauf à préciser qu’il s’agit d’une fixation de créance pour la société Docmi holding.
L’appel de MM. [J] et [S] doit être qualifié de dilatoire en ce qu’il repose sur des moyens non argumentés. L’équité commande dès lors, de les condamner solidairement à verser à la BNP l’intégralité de la somme qu’elle réclame au titre des frais irrépétibles.
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 10 mars 2023 en ce qu’il a :
– condamné MM. [J] et [S], solidairement avec la société Docmi holding, à payer à la BNP Paribas la somme de 389 983,06 euros, étant précisé que MM. [J] et [S] seront tenus chacun à hauteur de 194 991,53 euros,
– ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil et dit que les sommes recouvrées par la BNP Paribas envers MM. [J] et [S], ne pourront excéder la somme de 345 000 euros pour chacun, montant maximum de leurs engagements respectifs,
– condamné MM. [J] et [S], solidairement avec la société Docmi holding, à payer à la BNP Paribas la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamné MM. [J] et [S], solidairement avec la société Docmi holding, aux dépens de première instance,
L’infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Fixe la créance de la BNP Paribas au passif de la liquidation de la société Docmi holding aux sommes suivantes :
– 389 983,06 euros, outre intérêts au taux de 1,526 % à compter du 16 février 2022,
– 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
– Les dépens de première instance,
Dit que les sommes dues par MM. [J] et [S] porteront intérêts au taux contractuel de 1,526 % à compter du 16 février 2022,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne solidairement MM. [J] et [S] à payer à la banque BNP Paribas la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement MM. [J] et [S] aux dépens d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
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