Responsabilité des commissaires aux comptes : enjeux de la prescription et de la constatation des manquements

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Responsabilité des commissaires aux comptes : enjeux de la prescription et de la constatation des manquements

L’Essentiel : La société ITNF, sous la responsabilité de Hoche conseil et audit (HCA) depuis 2011, a été placée en redressement judiciaire le 8 août 2018. Un rapport d’expertise a révélé des anomalies comptables pour les exercices 2014 à 2016, entraînant une expertise judiciaire. HCA a signalé des irrégularités au procureur le 6 septembre 2018, après avoir certifié les comptes de 2016. Le redressement a été converti en liquidation judiciaire le 8 octobre 2018. En août 2021, M. [S], liquidateur, a assigné HCA et M. [O] en responsabilité, contestant la prescription de l’action, qui selon lui, ne devrait commencer qu’à la révélation des manquements.

Contexte de l’affaire

La société ITNF a désigné la société Hoche conseil et audit (HCA) comme commissaire aux comptes à partir de 2011, avec M. [O] exerçant au sein de cette société.

Redressement judiciaire

Le 8 août 2018, la société ITNF a été placée en redressement judiciaire, avec M. [S] nommé mandataire judiciaire. Un rapport d’expertise comptable privé, établi en mai 2018, a mis en lumière une possible insincérité des comptes pour les exercices 2014 à 2016, entraînant la décision d’ordonner une expertise judiciaire le 25 septembre 2018.

Signalement et liquidation judiciaire

Le 6 septembre 2018, la société HCA a signalé des anomalies au procureur de la République, après avoir certifié les comptes de l’exercice 2016 le 23 juin 2017. Par la suite, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire par un jugement du 8 octobre 2018, avec une poursuite d’activité jusqu’au 15 novembre 2018.

Action en responsabilité

Le 3 août 2021, M. [S], en tant que liquidateur de la société ITNF, a assigné la société HCA et M. [O] en responsabilité civile professionnelle.

Arguments de M. [S]

M. [S] a contesté la décision de la cour d’appel qui a déclaré son action prescrite, arguant que la prescription triennale ne devrait commencer qu’à partir de la révélation des manquements graves du commissaire aux comptes, et non de la dernière certification des comptes. Il a également soutenu que l’ouverture d’une procédure collective ne devrait pas affecter le point de départ de la prescription.

Réponse de la Cour

La cour a rappelé que, selon le code de commerce, les actions en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrivent dans un délai de trois ans à compter du fait dommageable, qui est lié à la certification des comptes. L’ouverture d’une procédure collective n’influence pas ce délai, et la prescription ne commence à courir qu’à partir de la révélation de faits dissimulés par le commissaire aux comptes.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de l’affaire concernant la société ITNF ?

La société ITNF a désigné la société Hoche conseil et audit (HCA) comme commissaire aux comptes à partir de 2011, avec M. [O] exerçant au sein de cette société.

Quand la société ITNF a-t-elle été placée en redressement judiciaire ?

La société ITNF a été placée en redressement judiciaire le 8 août 2018, avec M. [S] nommé mandataire judiciaire.

Un rapport d’expertise comptable privé, établi en mai 2018, a mis en lumière une possible insincérité des comptes pour les exercices 2014 à 2016, entraînant la décision d’ordonner une expertise judiciaire le 25 septembre 2018.

Quelles actions ont été entreprises par la société HCA ?

Le 6 septembre 2018, la société HCA a signalé des anomalies au procureur de la République, après avoir certifié les comptes de l’exercice 2016 le 23 juin 2017.

Par la suite, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire par un jugement du 8 octobre 2018, avec une poursuite d’activité jusqu’au 15 novembre 2018.

Qui a assigné la société HCA et M. [O] en responsabilité civile professionnelle ?

Le 3 août 2021, M. [S], en tant que liquidateur de la société ITNF, a assigné la société HCA et M. [O] en responsabilité civile professionnelle.

Quels arguments M. [S] a-t-il avancés concernant la prescription de son action ?

M. [S] a contesté la décision de la cour d’appel qui a déclaré son action prescrite, arguant que la prescription triennale ne devrait commencer qu’à partir de la révélation des manquements graves du commissaire aux comptes, et non de la dernière certification des comptes.

Il a également soutenu que l’ouverture d’une procédure collective ne devrait pas affecter le point de départ de la prescription.

Quelle a été la réponse de la Cour concernant la prescription ?

La cour a rappelé que, selon le code de commerce, les actions en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrivent dans un délai de trois ans à compter du fait dommageable, qui est lié à la certification des comptes.

L’ouverture d’une procédure collective n’influence pas ce délai, et la prescription ne commence à courir qu’à partir de la révélation de faits dissimulés par le commissaire aux comptes.

Quels griefs M. [S] a-t-il formulés contre l’arrêt de la cour d’appel ?

M. [S], ès-qualités, fait grief à l’arrêt de déclarer prescrite son action à l’encontre de M. [O] et de la société HCA, alors :

1°/ que la prescription triennale de l’action en responsabilité du commissaire aux comptes ne court que du jour où le fait dommageable a pu être constaté dans des conditions permettant à la victime d’exercer l’action en responsabilité ;

qu’en fixant le point de départ de la prescription au jour de la dernière certification du compte, et non au jour de la révélation des manquements graves du commissaire aux comptes, la cour d’appel a violé les articles L. 225-254 et L. 822-18 du code de commerce.

Quelles sont les implications de l’ouverture d’une procédure collective sur la prescription ?

M. [S] a soutenu que la prescription ne court pas contre le créancier qui est dans l’impossibilité d’agir.

En se bornant à retenir que « l’ouverture d’une procédure collective est sans effet sur le point de départ de cette prescription », la cour d’appel a, selon lui, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 822-18 et L. 225-554 du code de commerce, ensemble le principe contra non valentem.

COMM.

FM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 novembre 2024

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 724 F-D

Pourvoi n° U 23-14.208

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 NOVEMBRE 2024

M. [Y] [S], domicilié [Adresse 2], [Localité 5], en sa qualité de liquidateur de la société International télécommunication network France, a formé le pourvoi n° U 23-14.208 contre deux arrêts (RG n° 22/05538 et RG n° 22/04035) rendus le 2 février 2023 par la cour d’appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [P] [O], domicilié [Adresse 3], [Localité 4],

2°/ à la société Hoche conseil & audit, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 4],

3°/ à M. [U] [M], domicilié [Adresse 1], [Localité 4],

4°/ au cabinet [U] [M], dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [S], en sa qualité de liquidateur de la société International télécommunication network France, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [O] et de la société Hoche conseil & audit, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [M] et du cabinet [U] [M], après débats en l’audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [S], en sa qualité de liquidateur de la société International télécommunication network France (la société ITNF) du désistement de son pourvoi formé, d’une part, contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles, le 2 février 2023 (RG n° 22/05538), en ce qu’il est dirigé contre la société Hoche conseil et audit (la société HCA), M. [O], M. [M] et la cabinet [U] [M], d’autre part, contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles, le 2 février 2023 (RG n° 22/04035) en ce qu’il est dirigé contre M. [M] et le cabinet [U] [M].

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 2 février 2023), la société ITNF a eu, à compter de 2011, pour commissaire aux comptes, la société Hoche conseil et audit (la société HCA), au sein de laquelle exerce M. [O].

3. Par un jugement du 8 août 2018, la société ITNF a été placée en redressement judiciaire, M. [S] étant désigné mandataire judiciaire.

4. Un rapport d’expertise comptable privé, dressé en mai 2018, ayant révélé une possible insincérité des comptes sociaux pour les exercices 2014 à 2016, une expertise judiciaire a été ordonnée le 25 septembre 2018.

5. Le 6 septembre 2018, la société HCA, qui avait certifié en dernier lieu l’exercice 2016 le 23 juin 2017, a adressé un signalement au procureur de la République. Par un jugement du 8 octobre 2018, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire avec poursuite d’activité jusqu’au 15 novembre 2018.

6. Le 3 août 2021, M. [S], en sa qualité de liquidateur de la société ITNF, a assigné la société HCA et M. [O] en responsabilité civile professionnelle.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. M. [S], ès-qualités, fait grief à l’arrêt de déclarer prescrite son action à l’encontre de M. [O] et de la société HCA, alors :

« 1°/ que la prescription triennale de l’action en responsabilité du commissaire aux comptes ne court que du jour où le fait dommageable a pu être constaté dans des conditions permettant à la victime d’exercer l’action en responsabilité ; qu’en fixant le point de départ de la prescription au jour de la dernière certification du compte, et non au jour de la révélation des manquements graves du commissaire aux comptes, la cour d’appel a violé les articles L. 225-254 et L. 822-18 du code de commerce ;

2°/ que la prescription ne court pas contre le créancier qui est dans l’impossibilité d’agir ; qu’en se bornant à retenir que « l’ouverture d’une procédure collective est sans effet sur le point de départ de cette prescription, de sorte que M. [S] ne peut arguer de la date d’ouverture de la procédure collective ou de celle de la conversion en liquidation judiciaire pour prétendre reporter le point de départ de ce délai », sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si le point de départ de la prescription fixé au 27 juin 2017 pouvait être opposé à la collectivité des créanciers, représentée par M. [S] dont la désignation est intervenue le 3 octobre 2018, soit postérieurement au point de départ du délai pour agir ainsi fixé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 822-18 et L. 225-554 du code de commerce, ensemble le principe contra non valentem. »

Réponse de la Cour

8. Selon l’article L. 822-18, devenu L. 821-38, du code de commerce, les actions en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrivent dans les conditions prévues à l’article L. 225-254.

9. Selon l’article L. 225-254 du même code, l’action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l’action se prescrit par dix ans.

10. Il résulte de ces dispositions, d’une part, que la prescription triennale de l’action en responsabilité exercée contre un commissaire aux comptes court à compter du fait dommageable, lequel ne peut résulter que de la certification des comptes à laquelle il a procédé, l’ouverture d’une procédure collective étant sans effet sur le point de départ de la prescription, d’autre part, que ce n’est que lorsque le commissaire aux comptes a eu la volonté de dissimuler des faits dont il a eu connaissance à l’occasion de la certification des comptes qu’elle court à compter de la révélation du fait dommageable.

11. Le moyen, qui, en sa première branche, postule le contraire, n’est pas fondé dès lors que la cour d’appel n’était pas tenue de procéder à la recherche inopérante visée en sa seconde.


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