L’Essentiel : Mme [X] [M] a permis à M. [B] [G] d’installer un chalet et deux Algeco sur son terrain à [Localité 3]. Après un premier incendie en mars 2015, M. [B] [G] a acquis de nouveaux Algeco, qui ont été détruits lors d’un second incendie en septembre 2022. Les dommages ont été évalués à 56.499,58 euros. La SA Allianz IARD a contesté la demande d’indemnisation, arguant d’une facture erronée. Cependant, le tribunal a statué en faveur de M. [B] [G], annulant la déchéance de garantie et ordonnant le versement de l’indemnité d’assurance, tout en déboutant ses demandes de dommages et intérêts.
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Contexte de l’affaireMme [X] [M] est propriétaire d’un terrain à [Localité 3] où elle a permis à M. [B] [G], son concubin, d’installer un chalet et deux Algeco. Un contrat d’assurance habitation a été souscrit auprès de la SA Allianz IARD le 19 août 2011. Incendies et dommagesLe 17 mars 2015, un incendie a détruit le chalet, suivi de la revente des Algeco. M. [B] [G] a ensuite acquis deux nouveaux Algeco en décembre 2015. Un second incendie a eu lieu le 25 septembre 2022, détruisant ces Algeco. Les experts ont évalué les dommages à 56.499,58 euros. Litige avec l’assureurLa SA Allianz IARD a contesté la validité de la demande d’indemnisation, arguant que M. [B] [G] avait transmis une facture erronée, surévaluant ainsi ses pertes. En conséquence, l’assureur a opposé une déchéance de garantie. Réactions de M. [B] [G]M. [B] [G] a contesté la position de l’assureur par l’intermédiaire de son avocat, affirmant qu’il n’avait pas agi de mauvaise foi et que la déchéance de garantie n’était pas justifiée. Il a également demandé des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et préjudice moral. Demandes de la SA Allianz IARDLa SA Allianz IARD a demandé au tribunal de débouter M. [B] [G] de ses demandes et de lui permettre de consigner les sommes dues. L’assureur a également réclamé des frais de gestion et des dommages et intérêts pour préjudice moral. Décisions du tribunalLe tribunal a statué en faveur de M. [B] [G], condamnant la SA Allianz IARD à lui verser 56.499,58 euros d’indemnité d’assurance, tout en déboutant M. [B] [G] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et préjudice moral. La SA Allianz IARD a été condamnée aux dépens et à payer des frais irrépétibles. ConclusionLe tribunal a jugé que la SA Allianz IARD n’avait pas prouvé la mauvaise foi de M. [B] [G] et a ainsi annulé la déchéance de garantie, ordonnant le paiement de l’indemnité d’assurance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire ?Mme [X] [M] est propriétaire d’un terrain à [Localité 3] où elle a permis à M. [B] [G], son concubin, d’installer un chalet et deux Algeco. Un contrat d’assurance habitation a été souscrit auprès de la SA Allianz IARD le 19 août 2011. Quels événements ont conduit aux dommages ?Le 17 mars 2015, un incendie a détruit le chalet, suivi de la revente des Algeco. M. [B] [G] a ensuite acquis deux nouveaux Algeco en décembre 2015. Un second incendie a eu lieu le 25 septembre 2022, détruisant ces Algeco. Les experts ont évalué les dommages à 56.499,58 euros. Quel litige a eu lieu avec l’assureur ?La SA Allianz IARD a contesté la validité de la demande d’indemnisation, arguant que M. [B] [G] avait transmis une facture erronée, surévaluant ainsi ses pertes. En conséquence, l’assureur a opposé une déchéance de garantie. Comment M. [B] [G] a-t-il réagi face à l’assureur ?M. [B] [G] a contesté la position de l’assureur par l’intermédiaire de son avocat, affirmant qu’il n’avait pas agi de mauvaise foi et que la déchéance de garantie n’était pas justifiée. Il a également demandé des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et préjudice moral. Quelles étaient les demandes de la SA Allianz IARD ?La SA Allianz IARD a demandé au tribunal de débouter M. [B] [G] de ses demandes et de lui permettre de consigner les sommes dues. L’assureur a également réclamé des frais de gestion et des dommages et intérêts pour préjudice moral. Quelle a été la décision du tribunal ?Le tribunal a statué en faveur de M. [B] [G], condamnant la SA Allianz IARD à lui verser 56.499,58 euros d’indemnité d’assurance, tout en déboutant M. [B] [G] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et préjudice moral. La SA Allianz IARD a été condamnée aux dépens et à payer des frais irrépétibles. Quelles ont été les motivations du tribunal concernant la déchéance de garantie ?Le tribunal a jugé que la SA Allianz IARD n’avait pas prouvé la mauvaise foi de M. [B] [G] et a ainsi annulé la déchéance de garantie, ordonnant le paiement de l’indemnité d’assurance. Quels articles du code civil et du code des assurances ont été cités ?Le tribunal a fait référence à l’ancien article 1134 du code civil, qui stipule que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » et à l’article L. 112-4 du code des assurances, qui dispose que « les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ». Qu’est-ce que la déchéance de garantie ?La déchéance est la perte du droit à la garantie de l’assureur, édictée conventionnellement à l’encontre d’un assuré qui n’a pas exécuté ses obligations en cas de sinistre. L’article L. 112-4 du code des assurances admet la validité des déchéances conventionnelles de garantie dans les limites fixées par l’article L. 113-11 de ce code. Comment la mauvaise foi de l’assuré est-elle définie ?La mauvaise foi est caractérisée lorsqu’il est démontré que l’assuré a eu l’intention de tromper l’assureur sur le montant de ses pertes à raison du sinistre. L’article 2274 du code civil prévoit que « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ». Quelles erreurs ont été commises par M. [B] [G] selon l’assureur ?M. [B] [G] a remis à la SA Allianz IARD une facture erronée, celle de l’entreprise Paul Josselin, au lieu de la facture correspondant aux deux Algeco sinistrés. L’assureur a soulevé une incohérence concernant la date de cette facture et l’absence des Algeco sur le terrain à la date du premier incendie. Quelles conclusions le tribunal a-t-il tirées concernant la fraude ?Le tribunal a conclu que la SA Allianz IARD ne prouvait pas la mauvaise foi de M. [B] [G] et que son erreur dans la transmission de la facture ne relevait pas d’une intention frauduleuse. Quel a été le montant de l’indemnité d’assurance accordée à M. [B] [G] ?Le montant des dommages a été chiffré à 56.499,58 euros par la SAS Polyexpert Nord Picardie, et la SA Allianz IARD a été condamnée à payer cette somme à M. [B] [G], avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la mise en demeure. Quelles demandes de dommages et intérêts ont été rejetées par le tribunal ?M. [B] [G] a été débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et préjudice moral, car il n’a pas prouvé que la SA Allianz IARD avait abusivement opposé une déchéance de garantie. Quelles sont les implications concernant les frais du procès ?La SA Allianz IARD, partie perdante, a été condamnée aux dépens. De plus, elle a été condamnée à payer à M. [B] [G] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles. Quelles sont les dispositions concernant l’exécution provisoire ?Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, sauf disposition contraire. En l’espèce, la SA Allianz IARD ne demande pas d’écarter l’exécution provisoire, et sa demande de consignation des sommes dues a été déclarée irrecevable. |
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JUGEMENT CIVIL
1ère Chambre
Demande en paiement de l’indemnité d’assurance dans une assurance de dommages
Sans procédure particulière
AFFAIRE :
[G]
C/
S.A. ALLIANZ IARD
Répertoire Général
N° RG 23/02568 – N° Portalis DB26-W-B7H-HVIF
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Expédition exécutoire le :
27.11.24
à : Me Abiven
à : Me Desmet
à :
à :
Expédition le :
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à :
à :
à : Expert
à : AJ
TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’AMIENS
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J U G E M E N T
du
VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
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Dans l’affaire opposant :
Monsieur [B] [G]
né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Maître Marie-pierre ABIVEN de la SCP DUMOULIN-CHARTRELLE-ABIVEN, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Alexia DELVIENNE, avocat au barreau d’AMIENS
– DEMANDEUR (S) –
– A –
S.A. ALLIANZ IARD (RCS DE NANTERRE 542 110 291)
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Maître Aurélien DESMET de la SCP COTTIGNIES-CAHITTE-DESMET, avocat postulant au barreau d’AMIENS, Maître Emeric DESNOIX de la SCP PRIETO-DESNOIX, avocat plaidant au barreau de TOURS substitué par Me Alexandre THINON, avocat au barreau de TOURS
– DÉFENDEUR (S) –
Le TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS a rendu le jugement contradictoire suivant par mise à disposition de la décision au greffe, après que la cause eut été retenue le 25 Septembre 2024 devant :
– Monsieur Aurélien PETIT, juge au tribunal judiciaire d’AMIENS, qui, conformément aux dispositions des articles 812 et suivants du Code de procédure civile, a tenu seul(e) l’audience, assisté(e) de :
– Madame Céline FOURCADE, Greffière, pour entendre les plaidoiries.
Mme [X] [M] est propriétaire d’un terrain situé [Adresse 1] à [Localité 3] (Somme), sur lequel elle a autorisé M. [B] [G], avec lequel elle a entretenu une relation de concubinage, à y installer un chalet puis deux Algeco pour y résider.
Par acte sous signature privée du 19 août 2011, Mme [X] [M] a souscrit auprès de la SA Allianz IARD un contrat d’assurance habitation n° 46955793, à effet au 19 août 2011, au titre de l’immeuble susmentionné.
Le 17 mars 2015, un incendie a détruit le chalet, les Algeco ayant été revendus auparavant.
M. [B] [G] a remplacé le chalet sinistré par deux Algeco acquis suivant facture du 15 décembre 2015 auprès de la société SBM.
Le 25 septembre 2022, un incendie a détruit les deux Algeco.
Aux termes de deux rapports des 6 octobre 2022 et 11 avril 2023, la SAS Polyexpert Nord Picardie a conclu que l’incendie peut être rattaché à un défaut de surveillance d’un corps gras dans une poêle ou d’une friteuse, et a chiffré le montant des dommages à la somme de 56.499, 58 euros.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 mars 2023 adressée à M. [B] [G], la SA Allianz IARD a relevé que celui-ci lui a adressé une facture n° 489 établie le 12 février 2014 par la société Paul Josselin, d’un montant de 9.000 euros TTC à l’effet de justifier le prix des deux Algeco. Elle a également relevé qu’à l’occasion du premier sinistre, ce dernier lui avait transmis une facture établie le 15 décembre 2015 par la société SMB, d’un montant de 3.255 euros TTC. Estimant que M. [B] [G] lui a, de mauvaise foi, adressé la facture du 12 février 2014 au lieu de la facture du 15 décembre 2015, surévaluant ainsi frauduleusement ses pertes, elle a opposé la déchéance de garantie et refusé de payer l’indemnité d’assurance.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 13 juillet 2023, réceptionnée le 17 juillet 2023, M. [B] [G] a, par l’intermédiaire de son conseil, contesté la position adoptée par la SA Allianz IARD.
Par courriel du 20 juillet 2023, la SA Allianz IARD a maintenu opposer à M. [B] [G] la déchéance de garantie en raison de la surévaluation frauduleuse de ses pertes.
Par acte de commissaire de justice en date du 5 septembre 2023, M. [B] [G] a fait assigner la SA Allianz IARD devant le tribunal judiciaire d’Amiens aux fins de paiement d’une indemnité d’assurance et d’indemnisation de ses préjudice de jouissance et préjudice moral.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 30 mai 2024.
L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 25 septembre 2024 et mise en délibéré au 27 novembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant dernières conclusions notifiées le 23 avril 2024, M. [B] [G] demande au tribunal de :
Débouter la SA Allianz IARD de ses demandes ; Condamner la SA Allianz IARD à lui payer la somme de 56.499, 58 euros correspondant à l’indemnité d’assurance avec indexation suivant l’évolution de l’indice BT 01 ; Condamner la SA Allianz IARD à lui payer la somme de 400 euros par mois à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance à compter du 1er mai 2023 et jusqu’au paiement de la somme de 56.499,58 euros ; Condamner la SA Allianz IARD à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ; Condamner la SA Allianz IARD aux dépens ; Condamner la SA Allianz IARD à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Au visa des articles L. 121-1 et suivants, L. 122-1 et suivants du code des assurances, 1103 et suivants du code civil, M. [B] [G] observe que deux Algeco, mis en œuvre en novembre 2015 en suite d’un premier incendie survenu le 17 mars 2015, ont péri dans un incendie survenu le 25 septembre 2022, si bien qu’il demande à l’assureur paiement de l’indemnité due en vertu du contrat souscrit. En réponse à la SA Allianz IARD, M. [B] [G] conteste avoir sciemment transmis la facture correspondant à l’achat des premiers modules, de sorte que, selon lui, la déchéance de garantie encourue à raison de la fausse déclaration n’est pas encourue. Il soutient que l’assureur ne démontre pas sa mauvaise foi, arguant une simple erreur de sa part qu’il a rectifié par la transmission de la facture idoine. Il fait valoir que la SA Allianz IARD ne peut se prévoir d’un faisceau d’indices pour démontrer la fraude, dès lors qu’il lui incombe de prouver sa mauvaise foi. Il fait également valoir que les indices dont se prévaut l’assureur sont inopérants. Par ailleurs, M. [B] [G] expose souffrir depuis le 1er avril 2023 d’un préjudice de jouissance, dont ni le principe ni le quantum ne sont contestés par la SA Allianz IARD. Il déplore en outre que l’assureur se prévale d’une simple erreur érigée en fraude pour opposer une déchéance de garantie, si bien qu’il demande l’indemnisation de son préjudice moral. Concernant la consignation de l’indemnité ou, subsidiairement, la constitution d’une garantie réelle ou personnelle de nature à répondre d’une restitution en cas d’annulation ou de réformation du jugement, M. [B] [G] estime que cette demande de l’assureur aboutit à contourner l’exécution provisoire de droit attachée à cette décision. En outre, il indique non seulement que la consignation lui interdirait de se reloger, mais encore que la constitution d’une garantie réelle ou personnelle n’est pas justifiée au regard de sa situation financière.
Suivant dernières conclusions notifiées le 15 janvier 2024, la SA Allianz IARD demande au tribunal de :
A titre principal et subsidiaire, débouter M. [B] [G] de ses demandes ; A titre infiniment subsidiaire : Autoriser la SA Allianz IARD à consigner les sommes dues sur le compte séquestre du bâtonnier ; Imposer subsidiairement à M. [B] [G] de subordonner l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie réelle ou personnelle suffisante pour répondre de toute réparation ou restitution à laquelle il serait tenu en cas d’annulation ou de réformation du jugement ; En tout état de cause : Débouter M. [B] [G] de ses demandes ; Condamner reconventionnellement M. [B] [G] à lui payer la somme de 11.004, 20 euros au titre des frais de gestion engagés ;Condamner reconventionnellement M. [B] [G] à lui payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ; Condamner M. [B] [G] aux dépens ; Autoriser Me Aurélien Desmet, avocat au barreau d’Amiens, à recouvrer directement ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision ; Condamner M. [B] [G] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Au visa des articles 1103, 1104, 1224 à 1230, 1302 et 1302-1 du code civil, la SA Allianz IARD expose que M. [B] [G] a transmis une facture étrangère aux biens sinistrés et dont le montant est supérieur à ceux-ci. Elle lui oppose donc une déchéance de garantie prévue contractuellement en cas de fausses déclarations, de mauvaise foi, sur la date, la nature, les causes, les circonstances et les conséquences apparentes d’un sinistre. L’assureur considère que M. [B] [G] ne pouvait ignorer avoir transmis une facture ne correspondant pas aux biens sinistrés. Subsidiairement, la SA Allianz IARD entend se prévaloir de la déchéance de garantie au regard d’un faisceau d’indices précis, graves et concordants vers la fraude. Elle se prévaut de ce que la facture litigieuse émane d’une entreprise spécialisée dans le nettoyage de bâtiments et non la vente d’Algeco, de l’existence d’un lien familial entre M. [B] [G] et le rédacteur de la facture, d’un doute sur les circonstances du départ de feu ne permettant pas d’exclure un incendie volontaire, et de la récurrence de sinistres par incendie à sept ans d’intervalle. Se prévalant de la déchéance de garantie, la SA Allianz IARD entend obtenir le remboursement des frais engagés pour la gestion de ce sinistre, à savoir des frais d’expertise et des honoraires de commissaire de justice. Enfin, la SA Allianz IARD expose souffrir d’un préjudice moral motif pris de ce qu’elle a été contrainte de faire travailler son personnel inutilement en suite de la déclaration de sinistre alléguée fausse. A titre infiniment subsidiaire, l’assureur, craignant que M. [B] [G] ne soit pas en mesure de restituer les sommes qu’il serait condamné à lui payer, demande qu’elles soient consignées ou, subsidiairement, que celui-ci soit contraint de constituer une garantie réelle ou personnelle suffisante pour répondre d’une restitution en cas d’annulation ou de réformation du jugement.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur la demande de paiement de l’indemnité d’assurance
Sur la déchéance de garantie
Aux termes de l’ancien article 1134 du code civil, applicable au litige en vertu de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».
Le dernier alinéa de l’article L. 112-4 du code des assurances dispose que « les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ».
La déchéance est la perte du droit à la garantie de l’assureur, édictée conventionnellement à l’encontre d’un assuré qui n’a pas exécuté ses obligations en cas de sinistre. L’article L. 112-4 du code des assurances admet la validité des déchéances conventionnelles de garantie dans les limites fixées par l’article L. 113-11 de ce code, pourvu qu’elles soient mentionnées en caractère très apparents (Cass., 1ère civ., 2 juill. 1996, n° 94-15.294 ; 2e civ., 5 mars 2015, n° 13-14.364). La déchéance du droit à garantie pour un sinistre peut s’appliquer en cas de surévaluation frauduleuse des pertes. L’assureur n’a pas à démontrer l’existence d’un préjudice puisque cette déchéance n’est pas visée par l’article L. 113-2 du code des assurances. En cas de déclaration frauduleuse, l’assureur doit établir la mauvaise foi de l’assuré pour prétendre à l’application de la clause prévoyant la déchéance de garantie en cas de fausse déclaration relative au sinistre (Cass., 2e civ., 5 juill. 2018, n° 17-20.491, Bull. 2018, II, n° 418 ; 15 déc. 2022, n° 20-22.836). En revanche, une déclaration inexacte résultant d’une maladresse ou d’une imprécision ne peut justifier la déchéance de garantie faute de preuve de la mauvaise foi de l’assuré.
Par ailleurs, l’article 2274 du code civil prévoit que « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ».
Il appartient donc à l’assureur d’établir la mauvaise foi de l’assuré. Cette mauvaise foi est caractérisée lorsqu’il est démontré que l’assuré a eu l’intention de tromper l’assureur sur le montant de ses pertes à raison du sinistre.
En l’espèce, l’article 7.1 des conditions générales de la police, intitulé « Que devez-vous faire en cas de sinistre ? », stipule en gras : « Attention : si vous avez fait, de mauvaise foi, de fausses déclarations sur la date, la nature, les causes, les circonstances et les conséquences apparentes d’un sinistre, vous perdrez pour ce sinistre le bénéfice des garanties. Nous pourrions alors mettre fin au contrat ; si un règlement a été effectué, il devra être remboursé ».
M. [B] [G] admet qu’en suite de l’incendie survenu le 25 septembre 2022, il a remis à la SA Allianz IARD une facture n° 489 du 12 février 2014 établie par l’entreprise Paul Josselin portant sur l’achat de deux Algeco pour un montant de 9.000 euros TTC. A cet égard, la SA Allianz IARD verse aux débats une photographie de cette facture, laquelle a été remise par l’assuré à la SAS Polyexpert Nord Picardie ainsi que cela ressort de la lettre recommandée qu’elle lui a adressée le 29 mars 2023.
Aux termes de cette même correspondance, la SA Allianz IARD a pertinemment soulevé une incohérence compte tenu de la date de cette facture et de l’absence des deux Algeco sur le terrain à la date du premier incendie survenu le 17 mars 2015. Elle rappelle encore qu’en suite de ce premier sinistre l’assuré lui avait remis un devis établi par l’entreprise SBM le 12 décembre 2015 en vue de l’acquisition de deux Algeco afin de remplacer le chalet détruit. Ces deux Algeco ont été facturés par la société SBM le 15 décembre 2015.
M. [B] [G] précise que préalablement au premier incendie il a acquis de l’entreprise Paul Josselin deux Algeco, qu’il indique avoir été contraint de céder avant le second incendie en suite d’une injonction de la commune de [Localité 3] motif pris d’un dépassement de la surface d’habitation. Il explique qu’il a finalement transmis à la SA Allianz IARD la facture émise par l’entreprise SBM le 15 décembre 2015 en vue de rectifier sa déclaration de sinistre.
Il convient donc de déterminer si en remettant la facture de l’entreprise Paul Josselin à l’expert missionné par l’assureur, M. [B] [G] a commis une erreur ou s’il a eu l’intention, de mauvaise foi, de tromper la SA Allianz IARD sur le montant du dommage.
Sur ce, en affirmant que M. [B] [G] ne pouvait ignorer transmettre une facture étrangère au sinistre en lieu et place de la facture correspondant aux deux Algeco sinistrés aux motifs que « ces épisodes de vie ne sont pas anodins », la SA Allianz IARD, qui procède par affirmation, ne démontre pas son intention frauduleuse en vue d’obtenir une indemnisation indue.
L’assureur se prévaut également d’un faisceau d’indices, lesquels sont laissés à l’appréciation du tribunal qui ne doit admettre les présomptions que si elles sont graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet la preuve par tout moyen en vertu de l’article 1382 du code civil.
La SA Allianz IARD soutient tout d’abord que la facture émise par l’entreprise SBM le 15 novembre 2015 serait une fausse facture. Elle en veut pour preuve que le numéro Siret qui y est inscrit correspond à une entreprise individuelle au nom de M. [W] [V], et non à celui d’une société SBM, que ce dernier est le beau-frère de M. [B] [G], que l’activité principale de cette entreprise individuelle est le nettoyage courant des bâtiments et non la vente d’Algeco, et que le devis correspondant à cette facture a été établi au nom de Mme [X] [M].
Sur ce, il importe de rappeler que la SA Allianz IARD reproche à M. [B] [G] de lui avoir frauduleusement transmis une facture antérieure à celle établie le 15 novembre 2015 en suite du premier incendie. Les critiques relatives à l’authenticité de cette seconde facture sont donc sans aucun lien avec la fraude reprochée à l’assuré. Au surplus, il est indifférent que M. [B] [G] ait fait appel à M. [W] [V], libre d’exercer sous le nom commercial qu’il souhaite, nonobstant les liens familiaux qui les ont unis, pour lui fournir deux Algeco qui ont assurément été détruits lors du second incendie.
La SA Allianz IARD soutient par ailleurs qu’il existe de sérieux doute sur les circonstances de départ de l’incendie, dès lors que le cabinet d’expertise qu’elle a missionné n’écarte pas l’hypothèse d’un acte de mise à feu volontaire.
Outre le fait que la SA Allianz IARD se prévaut d’un rapport d’expertise en date du 25 décembre 2022 qu’elle ne communique pas (sa pièce n° 7 correspond au décompte des sommes dont le remboursement est demandé et non au rapport de l’expert [L]), l’assureur ne prouve pas que M. [B] [G] lui a transmis frauduleusement une facture surévaluée en stigmatisant l’origine prétendument criminel de l’incendie qui n’est d’ailleurs aucunement démontrée. Ainsi, il ressort des seules conclusions de la SA Allianz IARD que l’expert [L] a conclu que « l’hypothèse d’une mise à feu volontaire ne peut être écartée », sans toutefois pouvoir la confirmer. D’ailleurs, le rapport définitif de la SAS Polyexpert Nord Picardie expose que « l’incendie est rattaché à un incendie de friteuse bain d’huile ou d’un défaut de surveillance de corps gras dans une poêle à frire ». A tout le moins, les conclusions expertales ne permettent pas d’imputer avec certitude l’incendie à un acte volontaire. D’ailleurs, la SA Allianz IARD n’a pas refusé de mobiliser la garantie pour ce motif.
La SA Allianz IARD soutient enfin qu’il est particulièrement anormal d’être victime de deux incendies en l’espace de sept ans.
Procédant par simple affirmation non étayée, cet argument est écarté.
Au contraire, une comparaison des deux factures permet d’admettre que M. [B] [G] a pu commettre une erreur dépourvue de toute intention frauduleuse. En effet, tant la facture émise par l’entreprise Paul Josselin le 12 février 2014 que la facture émise par l’entreprise SBM le 15 novembre 2015 portent sur la fourniture et la livraison de deux Algeco de dimension similaire. En outre, les circonstances dans lesquelles M. [B] [G] a produit la première facture ont vraisemblablement eu une incidence sur son erreur. Ainsi, alors que son domicile venait d’être détruit par un incendie, l’expert de la SAS Polyexpert Nord Picardie lui a demandé de fournir la facture d’achat des Algeco litigieux, ce qu’il a fait sans délai lors des opérations d’expertise, comme en témoigne la photographie de la facture versée aux débats.
Au vu de ce qui précède, la SA Allianz IARD ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi de M. [B] [G], si bien que c’est à tort qu’elle a opposé une déchéance de garantie motif pris d’une fausse déclaration sur les conséquences du sinistre.
Il s’ensuit que la SA Allianz IARD est déboutée de ses demandes reconventionnelles de condamner M. [B] [G] à lui payer, d’une part, la somme de 11.004,20 euros au titre des frais engagés et, d’autre part, la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.
Sur le montant de l’indemnité d’assurance
Le montant des dommages ayant été chiffré à la somme de 56.499, 58 euros par la SAS Polyexpert Nord Picardie, la SA Allianz IARD est condamnée à payer à M. [B] [G] cette somme, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la mise en demeure, soit le 17 juillet 2023.
Cette indemnité d’assurance ayant vocation à réparer tant des pertes immobilières que mobilières, elle ne peut être indexée sur l’indice BT 01.
II. Sur la demande au titre du préjudice de jouissance
Le dernier alinéa de l’article 1231-6 du code civil dispose que « le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire ».
M. [B] [G] ne rapporte pas la preuve que la SA Allianz IARD a, de mauvaise foi, refusé d’exécuter la garantie contractuellement prévue en cas d’incendie, alors que ce refus de payer l’indemnité d’assurance résultait de ce que l’assuré lui a remis une facture ne correspondant pas à la valeur des biens sinistrés, de sorte qu’elle a pu se convaincre d’une fraude et opposer la déchéance de garantie. Au surplus, si la position adoptée par la SA Allianz IARD a abouti à priver M. [B] [G] de la jouissance de l’indemnité d’assurance, le préjudice de jouissance subi est directement consécutif à l’incendie.
Au vu de ce qui précède, M. [B] [G] est débouté de sa demande de condamnation de la SA Allianz IARD à lui payer la somme de 400 euros par mois à compter du 1er mai 2023 et jusqu’au règlement effectif de l’indemnité d’assurance à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance de l’immeuble incendié.
III. Sur la demande au titre du préjudice moral
Monsieur [B] [G], qui ne démontre pas que l’assureur lui a abusivement opposé une déchéance de garantie de nature à lui causer un préjudice moral, est débouté de sa demande de condamnation de la SA Allianz IARD à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 alinéa 1er du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
La SA Allianz IARD, partie perdante, est condamnée aux dépens.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (…). Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent ».
La SA Allianz IARD, condamnée aux dépens, est condamnée à payer à M. [B] [G] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
La SA Allianz est également déboutée de sa demande de condamnation de M. [B] [G] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Sur l’exécution provisoire
L’article 514 du code de procédure civile dispose que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ».
L’article 514-1 de ce code précise que « le juge peut écarter l’exécution provisoire, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée ».
L’article L. 514-5 de ce code prévoit que « le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l’exécution provisoire de droit et le rétablissement de l’exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d’une partie ou d’office, à la constitution d’une garantie réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toute restitutions ou réparation ».
En première instance, la compétence pour aménager l’exécution provisoire revient à l’auteur de la décision qui en est assortie et il en a le pouvoir sans condition particulière. Pour l’exécution provisoire de droit, le tribunal peut subordonner le rejet de la demande tendant à la voir écartée à la constitution d’une garantie. Ainsi, il ne pourra aménager l’exécution provisoire de droit que s’il a été saisi d’une demande de l’écarter qu’il a rejetée. Il est en outre rappelé que la consignation est une forme de garantie au sens de l’article 514-5 et 519 du code de procédure civile.
En l’espèce, le tribunal relève que la SA Allianz IARD ne demande pas au tribunal d’écarter l’exécution provisoire de droit.
Par conséquent, la demande de la SA Allianz IARD d’être autorisée à consigner les sommes dues à M. [B] [G] sur le compte séquestre du bâtonnier ou, subsidiairement, de lui imposer de constituer une garantie réelle ou personnelle suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations, est déclarée irrecevable.
Le tribunal :
CONDAMNE la SA Allianz IARD à payer à M. [B] [G] la somme de 56.499, 58 euros au titre de l’indemnité d’assurance, avec intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2023 ;
DEBOUTE M. [B] [G] de sa demande d’indexer l’indemnité d’assurance sur l’évolution de l’indice BT 01 ;
DEBOUTE M. [B] [G] de sa demande de condamnation de la SA Allianz IARD à lui payer la somme de 400 euros par mois à compter du 1er mai 2023 et jusqu’au règlement effectif de l’indemnité d’assurance à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance ;
DEBOUTE M. [B] [G] de sa demande de condamnation de la SA Allianz IARD à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;
DEBOUTE la SA Allianz IARD de sa demande reconventionnelle de condamner M. [B] [G] à lui payer la somme de 11.004, 20 euros au titre des frais engagés ;
DEBOUTE la SA Allianz IARD de sa demande reconventionnelle de condamner M. [B] [G] à lui payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;
DECLARE irrecevable la demande de la SA Allianz IARD d’être autorisée à consigner les sommes dues à M. [B] [G] sur le compte séquestre du bâtonnier ou, subsidiairement, de lui imposer de constituer une garantie réelle ou personnelle suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations ;
CONDAMNE la SA Allianz IARD aux dépens ;
DIT n’y avoir lieu à autoriser Me Aurélien Desmet, avocat au barreau d’Amiens, à recouvrer directement ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision ;
CONDAMNE la SA Allianz IARD à payer à M. [B] [G] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;
DEBOUTE la SA ALLIANZ IARD de sa demande de condamnation de M. [B] [G] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Le jugement est signé par le président et la greffière.
LA GREFFIÈRE LE PRESIDENT
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