Le 27 juillet 2023, Madame [Z] [I] a échangé son véhicule AUDI A3 contre un PEUGEOT 607 auprès de la SAS TEL CAR’S. Elle a déposé une plainte pour escroquerie le 1er septembre 2023, signalant l’absence de documents administratifs nécessaires à la vente du PEUGEOT. Le 20 octobre 2023, l’AUDI a été vendue par KENIIAUTO à Monsieur [E] [O]. Insatisfaite de l’échange, Madame [Z] [I] a assigné la SAS TEL CAR’S et Monsieur [E] [O] devant le tribunal, demandant la restitution de l’AUDI et la nullité du contrat de vente, ainsi que des dommages-intérêts pour divers préjudices. Lors de l’audience, elle a confirmé ses demandes et a précisé qu’elle était sous curatelle et bénéficiait de l’aide juridictionnelle. Monsieur [E] [O] a également comparu, affirmant avoir acheté l’AUDI et demandant un remboursement à la SAS TEL CAR’S. Aucun représentant de la société TEL CAR’S n’était présent. L’affaire a été mise en délibéré pour décision le 23 septembre 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG n°
24/01469
50D
SCI/DC
PPP Contentieux général
N° RG 24/01469 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZG3I
[Z] [I]
C/
S.A.S. TEL CAR’S, [E] [O]
Expéditions délivrées à
Me LIOTARD
M. [O]
FE délivrée à :
Me LIOTARD
Le 23/09/2024
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
Pôle protection et proximité
[Adresse 1]
JUGEMENT EN DATE DU 23 septembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE : M. Jean-Jacques TACHE, Magistrat à titre temporaire
GREFFIER : Madame Dominique CHATTERJEE,
DEMANDERESSE :
Madame [Z] [I] née le 11 Avril 1999 à [Localité 10], demeurant [Adresse 3], assistée par Madame [S] [M], curatrice de l’UDAF des Landes
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024-000532 du 26/04/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
Représentée par Me Alexia LIOTARD loco Me Jeanne VALENSI, avocat au barreau de Bordeaux
DEFENDEURS :
1°) S.A.S. TEL CAR’S – RCS Bordeaux 904 865 664 – [Adresse 7]
Non représentée
2°) Monsieur [E] [O], demeurant [Adresse 4]
Comparant en personne
DÉBATS :
Audience publique en date du 15 juillet 2024
Articles 480 et suivants du code de procédure civile.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Le 27 juillet 2023, Madame [Z] [I] a fait l’acquisition auprès de la SAS TEL CAR’S dans le cadre d’une vente croisée d’un véhicule PEUGEOT de type 607 immatriculé [Immatriculation 2], en échange de son AUDI modèle A3 immatriculé [Immatriculation 5].
Madame [Z] [I] a déposé plainte le 1er septembre 2023 auprès de la Communauté de brigades de [Localité 12] pour escroquerie relative à l’échange et à la vente de véhicule contre la société TEL CAR’S, en dénonçant l’absence de remise de pièces administratives finalisant la vente du véhicule PEUGEOT de type 607.
Le 20 octobre 2023, le véhicule AUDI A 3 immatriculé [Immatriculation 5] a été vendu par la société KENIIAUTO à Monsieur [E] [O].
Estimant avoir été trompée lors de cette vente croisée et n’étant pas parvenue à obtenir les documents administratifs finalisant la vente, Madame [Z] [I] a fait assigner par acte du 07 mai 2024, la SAS TEL CAR’S ainsi que Monsieur [E] [O] d’avoir à se trouver et comparaître devant le juge du Pôle Protection et Proximité du Tribunal Judiciaire de Bordeaux à l’audience du 17 juin 2024 aux fins :
▸ De DECLARER Madame [Z] [I] recevable et bien-fondée en ses demandes ;
A titre principal,
▸ JUGER que la SAS TEL CAR’S a manqué à son obligation de délivrance conforme et ORDONNER la restitution du véhicule AUDI par la SAS TEL CAR’S à charge pour Madame [Z] [I] de restituer le véhicule PEUGEOT 607 ;
A titre subsidiaire,
▸ ORDONNER la nullité du contrat de vente intervenu le 27 juillet 2023 entre les parties, et ORDONNER la restitution du véhicule AUDI par la SAS TEL CAR’S, à charge pour Madame [Z] [I] de restituer le véhicule PEUGEOT 607 ;
En tout état de cause,
▸ CONDAMNER la SAS TEL CAR’S à verser à Madame [Z] [I] les sommes suivantes :
• 74 € au titre du préjudice matériel ;
• 2 500 € au titre du préjudice de jouissance ;
• 500 € au titre de la perte de chance ;
• 2 000 € au titre du préjudice moral ;
▸ JUGER que le jugement à intervenir sera commun et opposable à Monsieur [E] [O] ;
▸ ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
▸ CONDAMNER la SAS TEL CAR’S à verser à Madame [Z] [I] la somme de 1.200 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens, avec distraction au profit de son conseil.
Lors de l’audience, l’affaire a été renvoyée au 15 juillet 2024.
Lors de cette dernière, Madame [Z] [I] représentée par son conseil a comparu et maintenu ses prétentions exposées dans ses conclusions déposées. Elle a également mentionné qu’elle était placée sous curatelle auprès de l’UDAF des LANDES laquelle a été informée de la procédure et qu’elle bénéficiait de l’aide juridictionnelle totale pour la procédure engagée contre la SAS TEL CAR’S et Monsieur [E] [O].
A l’appui de ses demandes elle a produit les pièces suivantes :
• avis SIREN de la SAS TEL CAR’S,
• certificat d’immatriculation du véhicule AUDI,
• échanges de mails entre les parties,
• plaintes des 01/09/23 et 04/03/24,
• facture du 06/02/24,
• certificat de cession du véhicule AUDI à Monsieur [O] par la société KENIIAUTO,
• fiche d’identification du véhicule AUDI suite à la cession au profit de Monsieur [O],
• attestation sur l’honneur de Monsieur [O],
• certificat médical du docteur [U],
• jugements aux fins de curatelle,
• la décision rectificative d’aide juridictionnelle.
Monsieur [E] [O] a comparu à l’audience. Il a indiqué qu’il avait acheté le véhicule AUDI suite à une annonce sur le site [Adresse 9] pour un montant de 6 000 € versé en deux fois. Il a précisé que le garage n’a pas procédé à un changement de carte grise malgré ses demandes répétées. Il a demandé que Madame [I] soit remboursée par le garage TEL CAR’S.
A l’appui de ses dires, il a produit les pièces suivantes :
• le certificat de situation administrative détaillé,
• le certificat d’immatriculation,
• le certificat de cession d’un véhicule d’occasion,
• l’audition de Monsieur [O] par la gendarmerie en date du 19 novembre 2023,
• le récépissé de déclaration d’achat du véhicule AUDI vendu par Madame [I] à la société,
• l’accusé d’enregistrement de déclaration de cession d’un véhicule au profit de Monsieur [E] [O],
• la carte grise de l’AUDI barrée avec la mention «vendu le 27/07/2023 ».
Aucun dirigeant de la société TEL CAR’S, non touché à personne par la signification de l’assignation, n’a pas comparu, ni a été représenté.
L’affaire a été mise en délibéré au 23 septembre 2024 par mise à disposition au greffe dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Sur la non comparution du défendeur :
En application des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que s’il l’estime recevable, régulière et bien fondée.
Le dirigeant de la SAS TEL CAR’S sise [Adresse 7] à [Localité 6], non comparant n’ayant pas reçu en personne par le commissaire de justice l’assignation à l’audience, malgré l’inscription de la société au registre du Commerce et des Sociétés et la confirmation par le facteur, il y a lieu de statuer par jugement réputé contradictoire et en premier ressort.
Sur la résolution de la vente du véhicule PEUGEOT 607 immatriculé [Immatriculation 2] :
Selon l’article 1103 et suivants du Code Civil, les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi.
Selon l’article 1604 du Code civil « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ».
L’article 1615 du code civil indique « L’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel. ».
L’article 1610 du même code prévoit la possibilité pour l’acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur.
Or, la carte grise certifiant la propriété du véhicule sans être pour autant un titre de propriété, est un accessoire de celui-ci et doit pouvoir être présenté lors d’un contrôle.
Selon l’article 10 évoquant la cession et l’achat du véhicule, de l’arrêté du 09 février 2009 relatif aux modalités d’immatriculation des véhicules, « il appartient à l’ancien propriétaire de remettre à l’acquéreur le certificat d’immatriculation barré, annoté et complété conformément aux dispositions de l’article R 322-4 du code de la route ».
Il est de jurisprudence constante que la remise à l’acheteur des documents administratifs relatifs à la vente du véhicule constitue une obligation contractuelle essentielle du vendeur. Et, selon Madame [I], les documents administratifs concernant véhicule d’occasion PEUGEOT 607 immatriculé [Immatriculation 2], nécessaires à la finalisation de la cession de vente (la carte grise, le certificat d’achat et le certificat de non gage) ne lui ont pas été remis par la SAS TEL CAR’S.
Faute d’avoir comparu, le dirigeant de la SAS TEL CAR’S n’a pu apporter la preuve contraire ni fournir des explications sur les conditions de vente du véhicule ainsi que sur la non remise des documents administratifs relatifs à la vente du véhicule PEUGEOT 607 immatriculé [Immatriculation 2].
Madame [I] n’a pas pu de faire les démarches auprès du Ministère de l’intérieur en vue de procéder à l’immatriculation de son véhicule PEUGEOT 607 acquis dans le cadre de la vente croisée.
Le véhicule PEUGEOT 607 immatriculé [Immatriculation 2] est ainsi affecté d’un défaut de conformité légale justifiant la résolution de la vente.
Sur la restitution du Véhicule AUDI modèle A3 immatriculé [Immatriculation 5] :
L’article 9 du code procédure civile dispose qu’« il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
Le récépissé de déclaration d’achat émanant du Ministère de l’intérieur indique que l’achat du véhicule AUDI a été effectué le 20 octobre 2023 comme en atteste le certificat de cession d’un véhicule d’occasion établi entre Monsieur [E] [O] et la société KENIIAUTO située à [Localité 11]. Il est relevé que cette société est différente de celle avec laquelle Madame [I] a traité la vente croisée, en l’occurrence la SAS TEL CARS située à [Localité 6] (33)
Monsieur [O] prétend avoir payé la voiture AUDI d’une somme de 6 000 € mais il ne produit aucun justificatif de cette transaction financière.
Il souhaite conserver la voiture dont il prétend en être le propriétaire du fait de son achat mais il ne dispose pas au jour de l’audience du certificat d’immatriculation établi à son nom, il ne peut donc utiliser le véhicule en l’absence de cette pièce administrative. Il explique dans sa déclaration effectuée le 19 novembre 2023 par la gendarmerie de [Localité 8] que le gérant du garage EXLUSIVE CARS qui travaillerait selon Monsieur [O] en liaison directe avec KENIIAUTO l’avait informé que le défaut de carte grise était lié à un problème administratif et qu’en cas de problème il lui rembourserait le prix de la voiture.
Il est rappelé que la carte grise ou le certificat d’immatriculation n’est pas un titre de propriété mais une pièce administrative qui a pour objectif d’identifier un véhicule et permettre la mise ou le maintien en circulation d’un véhicule.
En l’espèce, Monsieur [E] [O] comparaissant à l’audience a présenté les différents documents (Certificat de cession d’un véhicule d’occasion de cession, Récépissé de déclaration d’achat de la société KENIIAUTO de l’AUDI A3 à Madame [I], Accusé d’enregistrement de déclaration de cession du véhicule) mais pas de facture établie à son nom ni de preuve du paiement du véhicule acquis, même si Monsieur [O] prétend l’avoir payé 6 000 €.
Ainsi, même si Monsieur [E] [O] est apparu de bonne foi, il détient la voiture suite à des inobservations règlementaires et des méthodes litigieuses dont la société TEL CAR’S est responsable et il ne peut en conséquence en réclamer la propriété pleine et entière.
En conséquence, il sera jugé que la résolution de la vente ayant été retenue, la situation antérieure à la vente croisée sera rétablie.
Il appartiendra alors à Monsieur [E] [O] de réclamer auprès de la société TEL CAR’S le montant de la somme qu’il a versé lors de l’achat de l’AUDI A3. Selon la déclaration de Monsieur [O] faite auprès de la gendarmerie, le gérant de la société s’était engagé à lui rembourser la somme en cas de problème.
Sur la demande subsidiaire, Madame [Z] [I] a pris possession de la PEUGEOT de type 607 immatriculée [Immatriculation 2] avec une garantie de 3 mois. Or, selon elle, le véhicule est immédiatement tombé en panne d’où sa demande de résolution de la vente. Elle ne fournit pour autant pas de documents attestant de la panne alléguée.
En conséquence, le jugement sera opposable à Monsieur [E] [O] qui devra restituer l’AUDI A3 immatriculé [Immatriculation 5] à la société TEL CAR’S laquelle remettra ce véhicule à Madame [Z] [I] qui rendra la PEUGEOT de type 607 immatriculée [Immatriculation 2] à la société TEL CAR’S.
Sur les préjudices subis par Madame [Z] [I] :
Au regard des faits et des aléas liés à l’utilisation du véhicule PEUGEOT de type 607 immatriculée [Immatriculation 2] et de l’attitude de la SAS TEL CAR’S Madame [Z] [I] a subi un certain nombre de préjudice que la société devra réparer en lui versant les sommes suivantes :
• 74 € pour les différentes réparations qu’elle a dû effectuer dès la prise en compte du véhicule ;
• 1 200 € pour le préjudice de jouissance faute d’avoir été privée du véhicule acquis durant une année en l’absence de la carte grise dont la non délivrance est liée à l’inaction et l’inconséquence des dirigeants de la société TEL CAR’S dans le traitement de la vente croisée :
• 0 € pour la perte de chance liée à l’impossibilité d’utiliser le véhicule PEUGEOT 607 qu’elle prétend nécessaire dans le cadre de sa formation sans pour autant présenter un document prouvant cette prétention ;
• 1 000 € pour le préjudice moral qu’elle a subi provoquant une dégradation de son état de santé.
La SAS TEL CAR’S devra donc verser la somme de 2 274 € au titre des préjudices subis par Madame [Z] [I].
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [Z] [I] les frais irrépétibles qu’elle a dû engager pour faire valoir ses droits, la SAS TEL CAR’S sera condamnée à lui payer la somme de 1 200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie qui succombe est condamnée aux dépens.
La SAS TEL CAR’S succombant sera condamnée aux entiers dépens de la présente instance. Immatriculé
Il sera rappelé que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Le Tribunal statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort par mise à disposition au greffe,
DIT que la SAS TEL CAR’S a failli dans ses obligations de professionnel de vente de véhicules d’occasion lors de la vente croisée effectuée 27 juillet 2023 avec Madame [Z] [I] ;
DIT que la SAS TEL CAR’S a manqué à son obligation de délivrance conforme dans le cadre de la vente du véhicule PEUGEOT de type 607 immatriculée [Immatriculation 2] ;
DIT que la SAS TEL CAR’S a manqué à son obligation de délivrance conforme dans le cadre de la vente du véhicule l’AUDI A3 immatriculé [Immatriculation 5] ;
DIT que la SAS TEL CAR’S est seule responsable des préjudices subis tant par Madame [Z] [I] que par Monsieur [E] [O] ;
DIT que Monsieur [E] [O] est de bonne foi dans le cadre de l’achat du véhicule AUDI A 3 immatriculé [Immatriculation 5] mais ne peut être considéré comme propriétaire de celui-ci ;
En conséquence,
PRONONCE la résolution de la vente du véhicule PEUGEOT de type 607 immatriculé [Immatriculation 2] pour défaut de délivrance par la SAS TEL CAR’S d’un document de conformité légale ;
JUGE que le jugement est commun et opposable à Monsieur [E] [O] ;
CONDAMNE la SAS TEL CAR’S à restituer le véhicule l’AUDI A3 immatriculé [Immatriculation 5] à Madame [Z] [I] ;
DIT que Madame [Z] [I] devra restituer à la SAS TEL CAR’S le véhicule PEUGEOT de type 607 immatriculée [Immatriculation 2] ;
CONDAMNE la SAS TEL CAR’S, à verser à Madame [Z] [I] la somme de 2 274 € au titre des différents préjudices subis ;
CONDAMNE la SAS TEL CAR’S à payer la somme de 1 200 € à Madame [Z] [I] au titre de l’article 700 du code de procédure civile avec distraction au profit de son conseil ;
CONDAMNE la SAS TEL CAR’S aux entiers dépens de la présente instance et les éventuels frais d’exécution du présent jugement ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Ainsi jugé et mis à disposition, les jour, mois et an susdits.
LA GREFFIERE LE JUGE
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