Monsieur [P] [F] a vendu une caravane d’occasion à Madame [K] [J] le 22 décembre 2022. En raison de problèmes avec le véhicule, Madame [K] [J] a assigné Monsieur [P] [F] devant le tribunal judiciaire de SAINT-ETIENNE le 10 août 2023, demandant la résolution de la vente, la restitution du prix de vente de 5300 euros, la reprise de possession de la caravane, des dommages-intérêts de 1500 euros pour préjudice moral, ainsi que des frais d’avocat et les dépens.
Lors de l’audience du 2 juillet 2024, Madame [K] [J] a demandé la résolution de la vente aux torts de Monsieur [P] [F], en s’appuyant sur une expertise de son assurance qui a conclu à des dommages dissimulés et à l’irréparabilité de la caravane. Elle a également mentionné des problèmes de visibilité des défauts lors de la vente. Monsieur [P] [F], de son côté, a contesté les demandes de Madame [K] [J], arguant que l’expertise n’était pas opposable et que les défauts étaient apparents. Il a demandé le rejet des demandes de Madame [K] [J] et a sollicité des frais d’avocat à son encontre. L’affaire a été mise en délibéré pour décision le 10 septembre 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Saint-Etienne
RG n°
23/00516
TRIBUNAL JUDICIAIRE de SAINT ETIENNE
N° RG 23/00516 – N° Portalis DBYQ-W-B7H-H55A
4ème CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 10 Septembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
Présidente : Madame Mélody MANET Juge du Tribunal Judiciaire
assistée, pendant les débats de Madame Gisèle LAUVERNAY, greffière ;
DEBATS : à l’audience publique du 02 Juillet 2024
ENTRE :
Madame [K] [J]
demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Bernard PEYRET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, Me Nicole PEYRET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
ET :
Monsieur [P] [F]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître Pierre BERGER de la SELARL LEXFACE, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE, substitué par Me Coralie PALEY, avocate au barreau de SAINT-ETIENNE
JUGEMENT :
contradictoire et en ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 10 Septembre 2024
Selon acte de cession en date du 22 décembre 2022, Monsieur [P] [F] a vendu à Madame [K] [J] une caravane d’occasion de marque ESTEREL RS 390 L immatriculée [Immatriculation 9].
Par acte d’huissier de justice en date du 10 août 2023, Madame [K] [J] a assigné Monsieur [P] [F] devant le tribunal judiciaire de SAINT-ETIENNE aux fins de sa condamnation, sous le bénéfice du prononcé de la résolution de la vente :
– à lui payer la somme de 5300 euros au titre de la restitution du prix de vente, outre intérêts à compter du jugement à intervenir,
– à reprendre possession de la caravane sur son lieu d’immobilisation,
– à lui payer la somme de 1500 euros au titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
outre que soit réservé le montant du préjudice au titre d’éventuels frais de gardiennage dont le montant sera fixé au jour du jugement à intervenir,
– à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– aux entiers dépens
Appelée à l’audience du 7 novembre 2023, l’affaire a été renvoyée successivement aux audiences des 9 janvier 2024, 5 mars 2024, 7 mai 2024 et 2 juillet 2024.
A l’audience de plaidoirie du 2 juillet 2024, Madame [K] [J], représentée par son conseil, a sollicité, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
A titre principal :
– le prononcé de la résolution de la vente de la caravane ESTEREL RS 390 L du 22 décembre 2022 aux torts exclusifs de Monsieur [P] [F],
– la condamnation de Monsieur [P] [F] à lui payer la somme de 5300 euros au titre de la restitution du prix de vente, outre intérêts à compter du jugement à intervenir,
– le dire que la caravane ESTEREL RS 390 L sera restituée à Monsieur [P] [F] qui devra en reprendre possession sur son lieu d’immobilisation,
– la condamnation de Monsieur [P] [F] à lui payer la somme de 1500 euros au titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
A titre subsidiaire :
– la désignation d’un expert,
En toutes hypothèses :
– la condamnation de Monsieur [P] [F] à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamnation de Monsieur [P] [F] aux entiers dépens.
Au visa de l’article 1641 et suivants du code civil, elle explique à l’appui d’une expertise diligentée par son assurance la MAIF que le caravane n’est pas économiquement réparable et souffre de dommages dissimulés par des réparations sommaires. Elle précise avoir elle-même fait des constats négatifs et avoir sollicité l’annulation de la vente auprès de Monsieur [P] [F] par recommandé en date du 27 février 2023 avec restitution du prix de vente à hauteur de 5300 euros. Elle observe que ce dernier ne s’est pas présenté à la réunion d’expertise bien que régulièrement convoqué et que dès lors le rapport lui est opposable.
Elle rappelle que lors de la vente, il faisait très chaud dans la caravane, de sorte qu’elle n’a pas percevoir de l’humidité et que la laie de venilia n’était pas décollée. Elle ajoute notamment que le véhicule est bâché pour la pluie alors que selon l’annonce il est “utilisable en toutes saisons” et ne pas avoir pu constater le fonctionnement des appareils à gaz. Elle évoque que la visite n’a duré qu’une heure, ne lui permettant pas de voir tous les défauts.
Elle fonde son préjudice moral eu égard aux désagréments rencontrés et à la privation de jouissance de la caravane.
Monsieur [P] [F], représenté par son conseil, a sollicité :
A titre principal :
– le débouté des demandes de Madame [K] [J], pour cause d’inopposabilité de l’expertise amiable,
A titre subsidiaire :
– le débouté des demandes de Madame [K] [J], sur le fond,
A titre infiniment subsidiaire :
– le rejet de la demande d’indemnisation au titre du préjudice moral,
– le rejet de la demande d’expertise judiciaire, et subsidiairement que les frais d’expertise soient à la charge de la demanderesse, avec réserves et protestations d’usage et que la mission vise à déterminer le caractère apparent des désordres, et pas seulement ostensibles, et de dire si une personne de diligence moyenne les aurait découvert en procédant à des vérifications élémentaires,
En tout état de cause :
– la condamnation de Madame [K] [J] à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamnation de Madame [K] [J] aux entiers dépens.
Au visa des articles 1353 et 1231-1 du code civil, il explique que le rapport d’information et le rapport de constatations commandés par l’assurance ont été exécutés par le même expert et que cela constitue un unique mode de preuve, dès lors insuffisant à supporter la démonstration.
Subsidiairement, au visa de l’article 1642 du code civil, il évoque que la caravane a été mise en circulation en 1990 et que des désordres pouvaient être présents et décelables.
Il ajoute que l’acheteuse a inspecté minutieusement le véhicule et l’a ramené à son domicile le jour-même. Il relève qu’elle a pu se rendre compte de l’atmosphère intérieure, du revêtement qui se décollait et des autres vices (fissures sur le toit …), puisqu’ils n’étaient pas cachés.
Il mentionne que les constats ont été fait par l’expert sans aucun démontage et ont pu être effectués visuellement. Il note que ce dernier a été subjectif en établissant que Madame [K] [J] ne pouvait pas se rendre compte de l’ampleur des dommages. Il souligne ne rien avoir dissimulé et qu’il relève d’un autre champ que Madame [K] [J] ne se soit pas rendue compte des désordres. Il rappelle être un particulier.
Il s’oppose à l’organisation d’une expertise judiciaire sur le fondement de l’article 146 du code de procédure civile déclarant ne pas contester l’existence de vices. Subsidiairement, il sollicite un avis sur le caractère apparent des désordres et leur perception par un homme de diligence moyenne.
Il relève que le préjudice moral n’est pas justifié.
L’affaire a été mise en délibérée à la date du 10 septembre 2024.
Sur la demande en restitution de la somme de 5300 euros :
Sur l’opposabilité de la preuve :
En application de l’article 1353 alinéa 1 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Le juge ne peut fonder sa décision exclusivement sur une expertise amiable.
En l’espèce, Madame [K] [J] produit un rapport d’information en date du 13 mars 2023 ainsi qu’un rapport de constatations en date du 9 mai 2023, étant précisé que les examens se sont déroulés respectivement les 9 mars 2023 et 12 avril 2023.
Néanmoins, il résulte de la lecture de ses rapports qu’ils ont été établis par le même expert, lequel apparaît reprendre dans son second rapport, réalisé dans un temps proche du premier, des éléments déjà constatés au préalable (tasseaux pourris, fort taux d’humidité, structure bois délabrée, revêtement type venilia rajouté, réparations sommaires, joints ancien, joint du pavillon trop court et fissures sur le toit). Au surplus, ces premiers constats n’ont pas été soumis au contradictoire (ou à une tentative de contradictoire).
Dans ces conditions il ne peut être admis cet unique mode de preuve.
Sur la demande d’expertise judiciaire :
En application de l’article 146 du code de procédure civile, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver.
En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.
En l’espèce, si l’expertise amiable communiquée ne peut suffire à apporter la démonstration des faits allégués, son existence permet de dessiner les contours du litige lequel ne saurait être tranché que par une mesure d’instruction neutre, contradictoire et précise.
Dès lors, il sera ordonné une expertise judiciaire avec désignation d’un expert automobile et dont la mission sera déterminée dans le dispositif du jugement, en ce compris la demande de réponse sur ce qui serait susceptible de relever des désordres apparents et les capacités de tout à chacun de les déceler.
Par conséquent, la demande de restitution de la somme de 5300 euros sera réservée dans l’attente.
Sur le préjudice moral :
Il résulte de ce qui précède que la demande au titre du préjudice moral sera également réservée.
Sur les demandes accessoires
Il résulte de ce qui précède que les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens seront réservés, étant précisé que Madame [K] [J] fera l’avance des frais d’expertise sans préjudice de la charge finale de son coût.
Le Tribunal, statuant en premier ressort par décision contradictoire et mise à disposition par le greffe,
ORDONNE une expertise judiciaire ;
DESIGNE pour y procéder :
Monsieur [Z] [E]
CABINET [E]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Tél : [XXXXXXXX01] port [XXXXXXXX02]
mail [Courriel 7]
avec la mission suivante :
– entendre les parties et se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ;
– se rendre sur les lieux où le véhicule est actuellement conservé, en l’espèce [Adresse 5] à [Localité 8] ;
– examiner le véhicule litigieux, chercher l’origine, l’étendue et les causes de l’intégralité des dysfonctionnements, désordres, pannes et réparations non conformes aux règles de l’art affectant ce véhicule, et les lister ;
– rechercher leur origine, et notamment s’ils sont antérieurs à la vente du 22 décembre 2022 ;
– déterminer notamment :
– si les désordres constatés étaient connus ou ne pouvaient qu’être connus par le vendeur;
– si les désordres constatés étaient apparents lors de la vente et pas seulement ostensibles et dire une personne de diligence moyenne les aurait découverts en procédant à des vérifications élémentaires
– décrire les travaux de remise en état et procéder à un chiffrage détaillé desdits travaux, poste par poste ;
– fournir tous éléments techniques et de fait de nature à déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis ;
DIT que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d’en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des exercices et de joindre l’avis du sapiteur à son rapport ; dit que si le sapiteur n’a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l’expert ;
DIT que l’expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable, au moins quatre semaines, pour la production de leurs dires écrits auxquels il doit répondre dans son rapport définitif, qu’il dépose au service des expertises EN VERSION PAPIER avant le 10 MARS 2025 en un original ;
DIT que l’expert devra, le cas échéant, donner son avis sur les éventuelles mises en cause nécessaires au bon déroulement des mesures expertales ;
DESIGNE Madame Séverine BESSE, première vice-présidente, pour contrôler le déroulement de la mesure ;
FIXE l’avance des frais d’expertise à valoir sur le montant des honoraires de l’expert à la somme de 2500,00 euros qui devra être consignée par Madame [K] [J] avant le 10 octobre 2024 auprès de la régie d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de Saint-Étienne ;
DIT que l’expert devra dès sa première réunion d’expertise faire connaître aux parties le montant prévisionnel approximatif de ses frais et honoraires ;
RAPPELLE qu’en application de l’article 271 de code de procédure civile à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l’expert sera caduque, sauf prolongation de délai ou relevé de caducité décidé par le Juge chargé du contrôle des expertises ;
DIT qu’à l’issue de la première et au plus tard à la deuxième réunion des parties, l’expert soumettra au juge chargé du contrôle de l’expertise et communique aux parties, un état prévisionnel détaillé de ses frais et honoraires, et, en cas d’insuffisance de la provision allouée demandera la consignation d’une provision supplémentaire ;
DIT qu’en cas de refus, d’empêchement ou de retard injustifié de l’expert commis, il sera pourvu d’office à son remplacement ;
RESERVE l’ensemble des demandes principales ;
RESERVE les dépens ;
RESERVE les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE le renvoi de l’affaire à l’audience du MARDI 01 AVRIL 2025
LE PRESENT JUGEMENT A ETE SIGNE PAR LE PRESIDENT ET LE GREFFIER PRESENTS LORS DU PRONONCE
Le GREFFIER Le PRESIDENT
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