M. [E] a confié son véhicule Porsche 911 à M. [U], garagiste, pour restauration. Le 21 septembre 2017, M. [U] a facturé 8 717 € TTC pour les travaux. Insatisfait, M. [E] a mandaté un expert, M. [W], qui a rendu son rapport le 14 février 2018. M. [E] a ensuite saisi le juge des référés, qui a ordonné une expertise judiciaire et condamné M. [U] à verser 7 500 € à M. [E] en provision. L’expert a déposé son rapport le 12 décembre 2019. Après un échec de règlement amiable, M. [E] a assigné M. [U] le 11 août 2020. Le tribunal judiciaire de Perpignan a rendu un jugement le 24 mai 2022, déclarant la responsabilité de M. [U] et l’obligeant à indemniser M. [E] de 7 500 €, tout en déboutant M. [E] de ses autres demandes. M. [E] a interjeté appel le 31 mai 2022, demandant une indemnisation plus élevée pour son préjudice matériel et de jouissance. M. [U] a également interjeté appel, contestant le jugement et demandant des ajustements financiers.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
22/02919
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/02919 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PN64
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 24 mai 2022
Tribunal judiciaire de PERPIGNAN – N° RG 20/02014
APPELANT :
Monsieur [F] [E]
né le 26 Avril 1965 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Fanny LAPORTE substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, et Me Olivier MASSOT pour la SCP SAGARD CODERCH-HERRE ‘ ASSOCIES, avocat au barreau des PYRÉNÉES-ORIENTALES, avocat plaidant
INTIME :
Monsieur [X] [U] à l’enseigne Automobile Cyjade
né le 27 Juin 1971 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté sur l’audience par Me Chantal SERRE de ADONNE AVOCAT substituant Me Valéry-Pierre BREUIL de la SCP MARTY – BENEDETTI-BALMIGERE – BREUIL, avocat au barreau de PYRÉNÉES-ORIENTALES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-José FRANCO, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.
* *
FAITS ET PROCÉDURE
M. [F] [E] a confié à M. [X] [U], garagiste exerçant à l’enseigne Automobile Cyjade, son véhicule automobile de marque Porsche, modèle 911, immatriculé [Immatriculation 4], mis en circulation le 5 avril 1972, aux fins de restauration.
Le 21 septembre 2017, le garagiste a émis une facture d’un montant de 8 717 € TTC.
Insatisfait de l’exécution des travaux, M. [E] a mandaté M. [W] du cabinet d’expertise Alliance Experts qui a établi son rapport au contradictoire des deux parties le 14 février 2018.
C’est dans ce contexte que M. [E], estimant que M.[U] n’avait pas exécuté ses obligations, a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Perpignan aux fins d’expertise judiciaire laquelle a été ordonnée le 19 septembre 2018, et M. [U] condamné à payer à M. [E] la somme de 7 500 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices.
L’expert a déposé son rapport le 12 décembre 2019 et la tentative de règlement amiable du litige initiée par le conseil de M.[E] auprès de M. [U] ayant échoué, M. [E] a fait assigner M. [U] aux fins d’obtenir réparation par acte du 11 août 2020.
Par jugement contradictoire en date du 24 mai 2022, le tribunal judiciaire de Perpignan a :
Déclaré engagée la responsabilité contractuelle de M. [U], garagiste réparateur exerçant à l’enseigne Automobile Cyjade concernant les travaux de restauration effectués sur le véhicule automobile de marque Porsche, modèle 911, appartenant à M. [E] ;
Dit que M. [U] est tenu d’indemniser M. [E] à hauteur de la somme de 7 500 € au titre de son préjudice matériel ;
Débouté M. [E] du surplus de sa demande en paiement au titre du préjudice matériel et de sa demande en paiement au titre de son préjudice de jouissance ;
Jugé qu’au regard du règlement de la provision d’un montant de 7 500 € en exécution de l’ordonnance de référé du 19 septembre 2018, M. [U] n’est redevable d’aucune somme envers M. [E] ;
Condamné M. [U] à payer à M. [E] la somme de 1 200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné M. [U] aux entiers dépens comprenant les dépens de l’instance de référé et les frais d’expertise judiciaire;
Débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.
M. [E] a relevé appel de ce jugement le 31 mai 2022.
PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 5 janvier 2023, M. [E] demande en substance à la cour de rejeter l’appel incident présenté par M. [U], d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que ce dernier est tenu de l’indemniser à hauteur de 7 500 € au titre de son préjudice matériel, l’a débouté du surplus de sa demande en paiement à ce titre ainsi qu’au titre de son préjudice de jouissance, et a jugé qu’au regard du règlement de la provision en exécution de l’ordonnance de référé M. [U] n’est redevable d’aucune somme envers lui, et statuant à nouveau, de :
Condamner M. [U] à lui payer les sommes de :
25 000 €, au titre de son préjudice matériel, outre les intérêts de cette somme au taux légal, dus à compter du 11 août 2020, correspondant à la date de l’assignation ;
185 710 €, au titre de son préjudice de jouissance, outre les intérêts de cette somme au taux légal, dus à compter du 11 août 2020 ;
4 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.
Par uniques conclusions remises par voie électronique le 24 octobre 2022, M. [U] demande en substance à la cour de:
d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a accordé à M.[E] la somme de 7 500 € au titre du préjudice matériel ; rejeter toutes demandes à ce titre ;
A titre principal,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande au titre du préjudice de jouissance ; rejeter purement et simplement toutes demandes sur ce fondement ;
A titre subsidiaire,
Juger que le préjudice de jouissance ne peut dépasser la somme de 3 200 € ;
Juger que la somme provisionnelle de 7 500 € doit être déduite de la somme accordée ;
Juger que M. [E] doit à M. [U] la différence soit la somme de 4 300 € ;
Condamner M. [E] à lui payer cette somme.
Au titre des frais irrépétibles et dépens, infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [U] aux entiers dépens comprenant ceux de l’instance de référé et les frais d’expertise ; Condamner M. [E], au profit de M. [U] au paiement de la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu l’ordonnance de clôture du 23 mai 2024.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
– Sur le préjudice matériel
M. [E] forme appel principal sur le quantum des sommes allouées par le premier juge au titre des travaux restant à effectuer sur le véhicule dont il a confié la restauration complète à M. [U] arguant qu’à la liste des travaux retenus, il doit être ajouté ceux relatifs à la remise en peinture du véhicule de sorte que le montant de la condamnation de M. [U] au titre du préjudice matériel doit être porté à la somme de 25 000 €.
M. [U] conclut, quant à lui, par voie d’appel incident à l’infirmation du jugement en ses dispositions relatives au préjudice matériel, soutenant en substance qu’il n’a perçu aucune somme au titre des travaux supposément omis, et qu’à le supposé établi, le non-achèvement des travaux est imputable à M. [E] qui a retiré prématurément le véhicule de son garage.
Il résulte cependant des conclusions de l’expert judiciaire comme de celles de l’expert amiable requis par l’assureur de M.[E], que les travaux de « restauration complète » du véhicule facturés à hauteur de 8717 € par M. [U], professionnel de la réparation automobile, et à ce titre tenu d’une obligation de résultat, n’ont pas été achevés, l’expert judiciaire ayant précisé que la facture n’était pas en adéquation avec les travaux réalisés.
M. [U], qui conteste cette inexécution partielle, ne s’explique pas pour autant sur les motifs qui l’ont conduit à signer le 8 janvier 2018 le procès-verbal des opérations d’expertise amiable aux termes duquel il s’est engagé à reprendre dans le délai d’un mois « l’intégralité des anomalies constatées contradictoirement ce jour (hormis le remplacement des vitres AVG, custode ARG et linette AR)».
Il se contredit par ailleurs lorsqu’il argue de la reprise prématurée du véhicule par M. [E] au mois de septembre 2017 comme cause du non-achèvement des travaux, alors qu’il a fait valoir dans le cadre de l’expertise judiciaire que son retard pouvait être imputable à des difficultés de main d’oeuvre et de charge de travail.
L’inexécution partielle par M. [U] de ses obligations contractuelles est en conséquence des observations qui précédent suffisamment établie.
S’agissant de l’évaluation du coût des travaux non effectués, si l’expert a évoqué dans le compte-rendu de son accedit du 29 novembre 2019 la nécessité d’effectuer la remise en peinture intégrale du véhicule dans un souci d’esthétique et d’harmonie, il a précisé qu’il convenait de distinguer entre les travaux qui incombent à l’intervention de M. [U] et ceux qui peuvent avoir une autre cause et n’a pas retenu comme étant à la charge de l’intimé la remise en peinture du véhicule.
La cour estime dès lors bien-fondée l’évaluation faite par le premier juge du coût des travaux restant à réaliser à la somme de 7500 € suivant en cela l’avis de l’expert judiciaire, et confirmera en conséquence les dispositions du jugement relatives au préjudice matériel.
– Sur le préjudice de jouissance
M. [E] fait grief au premier juge de l’avoir débouté de sa demande au titre du préjudice de jouissance dont il porte l’évaluation à hauteur d’appel à la somme de 185 710 € arguant de ce que les travaux devaient être achevés au plus tard à la fin du mois de mai 2016, que son préjudice doit être retenu à raison de deux jours par semaine sur la base de 490 € par jour conformément au devis obtenu depuis un site spécialisé dans la location de véhicules de collection.
M. [U] conclut, quant à lui, à la confirmation du jugement ayant débouté son contradicteur de ce chef de demande et propose à titre subsidiaire de la limiter à la somme de 3200 € en raison de la faute de son client qui a repris le véhicule pour une période totale de neuf semaines afin d’y effectuer d’autres travaux, lequel ne lui a en outre fourni le capot moteur de remplacement qu’en décembre 2016 de sorte que la durée du retard qui pourrait lui être imputé ne saurait excéder quatre mois, et le préjudice de jouissance limité à deux jours par mois conformément à l’avis de l’expert.
Il n’est contesté par aucune des parties qu’elles avaient convenu de l’achèvement des travaux à la fin du mois de mai 2016.
Il est par ailleurs acquis que M. [E], qui s’était chargé de fournir au garagiste les pièces à changer, ne lui a remis le capot moteur qu’au mois de décembre 2016.
L’expert a par ailleurs relevé que M. [E] a repris le véhicule à trois reprises pour une période totale de neuf semaines et pour la dernière fois le 20 juin 2017, afin d’y effectuer d’autres travaux.
M. [U], de son côté, n’a pas contesté être au moins pour partie responsable d’un retard d’exécution qu’il a expliqué à l’expert par une charge de travail importante et des difficultés de personnel.
Ces observations conduisent la cour à considérer contrairement à ce que jugé en première instance, que le préjudice de jouissance de M. [E] est établi mais qu’il est pour partie imputable à ce dernier en raison des reprises successives de son véhicule et de la fourniture échelonnée des pièces de carrosserie du véhicule.
Il doit être par ailleurs tenu compte du fait que ce préjudice porte sur un véhicule de collection non destiné à un usage quotidien.
Ces considérations conduisent la cour à évaluer l’indemnisation due par M. [U] au titre du préjudice de jouissance à hauteur de 5 000 €.
Compte tenu de la provision déjà versée par M. [U] de 7 500 € en exécution de l’ordonnance de référé du 19 septembre 2018, il reste devoir à M. [E] la somme de 5 000 €.
Partie succombante, M. [U] sera condamné aux dépens d’appel par application de l’article 696 du code de procédure civile.
Statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande au titre du préjudice de jouissance,
Statuant à nouveau de ce chef,
Fixe le montant de l’indemnisation du préjudice de jouissance à la somme de 5 000 €.
Confirme le surplus des dispositions déférées,
Condamne M. [U] à payer à M. [E] la somme 5 000 € après déduction de la somme de 7500 euros déjà réglée à titre provisionnel.
Y ajoutant,
Condamne M. [U] aux dépens d’appel.
Le condamne à payer à M. [E] la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
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