Caducité de l’appel et rétablissement personnel

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Caducité de l’appel et rétablissement personnel

Monsieur [N] [H] et Madame [V] [M] ont sollicité le traitement de leur situation d’endettement le 16 décembre 2021. Leur demande a été acceptée le 10 janvier 2022, et le 21 mars 2022, la commission de surendettement a mis en place un plan de suspension des dettes pour 24 mois, en tenant compte de leurs ressources de 1204 euros et de charges de 1723 euros, ce qui entraînait une capacité de remboursement négative de -519 euros. Le montant total de leur endettement s’élevait à 19.063,64 euros.

Le 29 mars 2022, un créancier a contesté les mesures adoptées, demandant une correction d’erreur matérielle. Par un jugement du 5 mars 2024, le juge des contentieux de la protection a déclaré recevable le recours du créancier, fixé la mensualité de remboursement à 400 euros, et établi un plan de désendettement sur 53 mensualités à 0% d’intérêt, à compter du 6 mai 2024. Les débiteurs ont été informés de leurs obligations, notamment de contacter les créanciers et de ne pas aggraver leur situation financière.

Le jugement a été notifié le 18 mars 2024, et le 26 mars 2024, Monsieur [H] et Madame [M] ont interjeté appel, arguant que la mensualité était trop élevée, surtout avec le chômage de Madame [M] depuis le 5 avril 2024. Lors de l’audience du 10 juin 2024, Monsieur [H] a demandé l’infirmation du jugement et la mise en place d’une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Madame [M] n’était pas présente ni représentée. Les créanciers convoqués n’ont pas comparu, sauf deux d’entre eux. L’affaire a été mise en délibéré, avec une décision attendue le 17 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
24/00801
ARRET N°290

CL/KP

N° RG 24/00801 – N° Portalis DBV5-V-B7I-HAKA

[H]

[M]

C/

S.A. [12]

Société [26] [Localité 23]

Société [19]

Société [13]

Société [20]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/00801 – N° Portalis DBV5-V-B7I-HAKA

Décision déférée à la Cour : jugement du 05 mars 2024 rendu par le Juge des contentieux de la protection de [Localité 23].

APPELANTS :

Monsieur [N] [H]

né le 14 Décembre 1973 à [Localité 23] (86)

[Adresse 25]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Comparant

Madame [V] [M]

née le 02 Décembre 1981 à [Localité 22] (86)

[Adresse 25]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Non Comparante

INTIMEES :

S.A. [12]

[9]

[Adresse 11]

[Localité 6]

Non Comparante

Société [26] [Localité 23]

[Adresse 1]

[Adresse 17]

[Localité 7]

Non Comparante

Société [19]

CHEZ [21]

[Adresse 24]

[Localité 5]

Non Comparante

Société [13]

Chez [27]

[Adresse 16]

[Localité 4]

Non Comparante

Société [20]

[Adresse 18]

[Localité 3]

Non Comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 10 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

-REPUTE CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

Par déclaration enregistrée le 16 décembre 2021 au secrétariat de la [14], Monsieur [N] [H] et Madame [V] [M] ont demandé le traitement de leur situation d’endettement.

Leur demande a été déclarée recevable le 10 janvier 2022 et le 21 mars 2022, la commission de surendettement des particuliers a adopté des mesures imposées prévoyant un plan de suspension d’exigibilité des dettes sur une durée de 24 mois afin de permettre de stabiliser leurs situations professionnelles.

Les ressources retenues étaient de 1204 euros, les charges de 1723 euros, la capacité de remboursement de – 519 euros.

La commission a retenu une personne à charge, leur enfant âgé de 5 ans.

Le montant global de l’endettement était chiffré à la somme de 19.063,64 euros.

Par courrier envoyé le 29 mars 2022, le [15] a contesté ces mesures et sollicite la rectification d’une erreur matérielle, le plan prévoyant un effacement de dette à l’issue des 24 mois.

Par jugement en date du 5 mars 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Poitiers a notamment statué ainsi :

– déclare recevable le recours formé par le [15],

– fixe la mensualité maximale de remboursement à 400 euros,

– arrête les mesures de nature à traiter la situation de surendettement de M. [H] et Mme [M] en un plan de désendettement par 53 mensualités maximales de 400 euros au taux de 0% à compter du 6 mai 2024 conformément aux modalités prévues ci-après :

Créanciers / Dettes

Restant dû début

Taux

Mensualité du 06.05.2024 au 06.08.202024

Mensualité du 06.09.2024 au 06.06.2025

Mensualité du 06.07.2025 au 06.09.2028

Effacement

Restant dû fin

SGC [Localité 23] / eau

704,24 euros

0.00 %

176,06 euros

0,00 euros

SGC [Localité 23] / garderie + cantine

704,24 euros

0,00 %

176,06 euros

0,00 euros

[13] / 149403883300254746535

55.60 euros

0.00%

13.90 euros

0,00 euros

[13] / 149403883300254759900

67.64 euros

0.00 %

16.91 euros

0.00 euros

Cofidis / 28983001196251

2935,52 euros

0.00 %

293.55 euros

0.00 euros

EDF service client / 9960192749

836,17 euros

0.00 %

83.62 euros

0.00 euros

CA consumer fiance / 81059734232

9673,90 euros

0.00 %

248.05 euros

0.00 euros

FLOA / 146289655300021504003

5910,07 euros

0.00 %

151,54 euros

0.00 euros

Total de la mensualité

382.93 euros

377.17 euros

399.59 euros

– rappelle à M. [H] et Mme [M] que pour mettre en oeuvre ces mesures, ils ont l’obligation de prendre contact avec les créanciers pour lesquels un remboursement est prévu pendant la durée des mesures,

– rappelle qu’à défaut de paiement d’une seule des échéances à son terme, l’ensemble du plan est de plein droit caduc 15 jours après une mise en demeure par courrier recommandé du créancier concerné au débiteur et restée infructueuse,

– dit qu’il appartiendra à M. [H] et Mme [M] de ressaisir de la commission en cas de changement signification et durable de leurs ressources ou charges à la hausse comme à la baisse,

– rappelle qu’aucune voie d’exécution ne pourra être poursuivie par l’un quelconque des créanciers pendant toute la durée d’exécution du pan en application des dispositions de l’article L. 733-16 du code de la consommation,

– fait défense aux débiteurs, pendant la durée des mesures, d’accomplir tout acte qui aggraverait leur situation financière, et notamment d’avoir recours à un nouvel emprunt,

– rappelle que ces mesures sont signalées au Fichier des incidents de paiement de remboursement des crédits aux particuliers géré par la [10],

– rappelle qu’en application de l’article R. 713-10 du code de la consommation, la présente décision est immédiatement exécutoire.

Pour statuer ainsi, le juge du surendettement relève que les charges des débiteurs représentent un montant de 2005 euros, laissant une capacité mensuelle de remboursement de 524 euros. Cependant, compte tenu des impondérables liés à l’entretien des deux véhicules, aux frais de scolarité ainsi qu’aux frais médicaux, la somme de 400 euros de remboursement est retenue.

Ce jugement a été notifié aux débiteurs par courrier recommandé distribué le 18 mars 2024.

Par courrier recommandé du 26 mars 2024, M. [H] et Mme [M] ont interjeté appel de cette décision au motif que la mensualité de remboursement fixée par le juge était trop élevée, et en faisant valoir que Mme [M] est au chômage depuis le 05 avril 2024.

A l’audience du 10 juin 2024, [N] [H] a comparu et a demandé à la cour d’infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau, de prononcer une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Monsieur [H] a comparu seul à l’audience et sur question de la cour, il a répondu ne pas disposer d’un pouvoir de représentation de Madame [M].

Ainsi, à l’audience, Madame [V] [M] n’était ni présente ni représentée.

Les créanciers, régulièrement convoqués par courriers recommandés distribués, n’ont pas comparu, ni adressé d’observations écrites, à l’exception de:

– Synergie ;

– Floa.

Mais les créanciers susdits n’avaient préalablement comparu ni n’avaient sollicité de dispense de comparution par application de l’article 446-1 du code de procédure civile.

À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré, la décision étant rendue le 17 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIVATION DE LA DECISION :

Sur la caducité de l’appel de la débitrice:

L’article R. 713-7 du Code de la consommation dispose que le délai d’appel, lorsque cette voie de recours est ouverte, est de quinze jours. Celui-ci est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire prévue aux articles 931 à 949 du code de procédure civile.

L’article 468 du code de procédure civile dispose que si, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas, le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure.

Le juge peut aussi, même d’office, déclarer la citation caduque. La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe, dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile. Dans ce cas, les parties sont convoquées à une audience ultérieure.

Il résulte de ce texte que, si, sans motif légitime, l’appelant ne comparaît pas, seul l’intimé peut requérir une décision sur le fond ; aussi, lorsqu’aucune des parties n’est présente ni représentée, la cour ne peut que prononcer la caducité du recours.

Selon l’article 946 du Code de procédure civile, la procédure est orale.

L’article 937 du Code de procédure civile prévoit enfin que le greffier de la cour convoque le défendeur à l’audience prévue pour les débats, dès sa fixation et quinze jours au moins à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l’audience. La convocation vaut citation.

En l’espèce, Madame [M] a été avisée régulièrement de la date d’audience par courrier recommandé présenté le 15 avril 2024 et n’a pas comparu, tandis que Monsieur [H], comparant, ne dispose pas d’un pouvoir de représentation d’icelle.

Dès lors, en application de l’article 468 du code de procédure civile, et en l’absence de tout intimé comparant pouvant seul requérir un arrêt sur le fond, il convient de prononcer la caducité de l’appel formé par Madame [M].

Sur le rétablissement personnel :

Monsieur [H] demande à bénéficier d’une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Selon l’article L. 724-1 du code de la consommation,

‘ Lorsqu’il ressort de l’examen de la demande de traitement de la situation de surendettement que les ressources ou l’actif réalisable du débiteur le permettent, la commission prescrit des mesures de traitement dans les conditions prévues aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7.

Lorsque le débiteur se trouve dans une situation irrémédiablement compromise caractérisée par l’impossibilité manifeste de mettre en ‘uvre des mesures de traitement mentionnées au premier alinéa, la commission peut, dans les conditions du présent livre :

1° Soit imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire si elle constate que le débiteur ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle, ou que l’actif n’est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale ;

2° Soit saisir, si elle constate que le débiteur n’est pas dans la situation mentionnée au 1°, avec l’accord du débiteur, le juge des contentieux de la protection aux fins d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.’

Selon l’article L. 733-13 du code de la consommation, le juge saisi de la contestation prévue à l’article L. 733-10 prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7; dans tous les cas, la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage est déterminée dans les conditions prévues à l’article L. 731-2; elle est mentionnée dans la décision.

Selon l’article L. 741-6 du code de la consommation, ‘ S’il constate que le débiteur se trouve dans la situation mentionnée au 1° de l’article L. 724-1, le juge prononce un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, qui emporte les mêmes effets que ceux mentionnés à l’article L. 741-2.

Les créances dont les titulaires n’ont pas formé tierce opposition dans un délai fixé par décret sont éteintes. Cependant, dans ce cas, les dettes sont arrêtées à la date du jugement prononçant le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

S’il constate que le débiteur se trouve dans la situation mentionnée au 2° de l’article L. 724-1, le juge ouvre, avec l’accord du débiteur, une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.’

Selon l’article R. 731-3 du code de la consommation,

‘ Le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission, soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. Le règlement intérieur précise à quelles conditions et selon quelles modalités les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel ou selon le barème.

Lorsque la commission prend en compte des dépenses courantes du ménage pour leur montant réel, elle peut demander au débiteur d’en fournir des justificatifs. Si le débiteur ne les fournit pas, les dépenses concernées sont appréciées selon le barème susvisé.’

Il résulte des pièces produites aux débats par Monsieur [H] que les ressources des débiteurs s’élèvent à la somme 2123,63 euros décomposée  comme suit :

– allocation adulte handicapé de Monsieur [H] : 513,97 euros

– pension d’invalidité de Monsieur [H] : 480,13 euros

– aide au retour à l’emploi de Madame [M] : 972,90 euros

– rente accident de travail / maladie professionnelle de Monsieur [H] : 156,63 euros.

S’agissant des charges, il conviendra de retenir celles justifiées en première instance :

– loyer : 514,60 euros,

– frais de scolarité et cantine : 80 euros,

– frais de déplacement professionnel : 70 euros,

– internet : 49,99 euros,

– téléphonie : 89,98 euros.

– assurance habitation : 17,03 euros,

– électricité : 102 euros.

Pour le reste, la cour retiendra les forfaits suivants, correspondant à la composition du foyer des débiteurs :

– forfait de base : 1.028 euros

– forfait chauffage : 196 euros

Le total des charges s’élève ainsi à la somme de 2147,60 euros.

Dès lors, la capacité des débiteurs étant négative (- 23,97 euros), leur situation est irrémédiablement compromise.

Le jugement déféré sera donc intégralement infirmé et la cour prononcera le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de Monsieur [H].

Il convient enfin de rappeler que la situation de surendettement des époux confère aux mesures adoptées un caractère d’indivisibilité entre les époux comme entre leurs créanciers (Cass. civ. 1ère, 22 novembre 1994, n° 93-04.097).

Par conséquent, en application de l’article 553 du code de procédure civile, l’infirmation du jugement déféré sur l’appel de Monsieur [H] ainsi que le prononcé à son égard d’une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire produira ses effets à l’égard de Madame [M].

Les dépens des deux instances seront laissés à la charge du Trésor Public.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Prononce la caducité de l’appel relevé le 26 mars 2024 par Madame [V] [M] à l’encontre du jugement du 5 mars 2024 rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Poitiers ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Prononce le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de Monsieur [N] [H] ;

Dit que la présente décision produira ses effets à l’égard de Madame [V] [M] ;

Y ajoutant,

Laisse les dépens de première instance et d’appel à la charge du Trésor Public.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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