Sanction de faillite personnelle et d’interdiction de gérer

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Sanction de faillite personnelle et d’interdiction de gérer

Résumé de l’affaire

La SARL Bourgogne Bâtiment Construction a été liquidée judiciairement en raison d’une insuffisance d’actif importante, attribuée en partie aux fautes de gestion du dirigeant de droit, [F] [V]. Celui-ci a été condamné à une faillite personnelle pour une durée de 15 ans et à combler l’insuffisance d’actif. [F] [V] a interjeté appel de cette décision, arguant notamment d’une procédure pénale en cours et contestant le montant de l’insuffisance d’actif. Cependant, le mandataire liquidateur affirme que les fautes de gestion de [F] [V] sont avérées, notamment en lien avec des émissions de fausses factures et des manquements aux règles fiscales et comptables. Le Parquet général soutient également la décision de faillite personnelle. Le tribunal a mis l’affaire en délibéré et l’arrêt a été rendu le 25 juillet 2024.

L’essentiel

Irrecevabilité de l’appel

La recevabilité de l’appel n’est pas contestée.

Sursis à statuer

Il résulte des dispositions de l’article 4 dernier alinéa du code de procédure pénale que la mise en mouvement de l’action civile n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

En l’espèce, il est sollicité qu’il soit sursis à statuer dans le cadre des actions en sanctions contre [F] [V] au motif que serait pendante actuellement une instruction dont les chefs ne sont pas explicitement exposés dans les écritures de l’appelant.

Selon le parquet général, la mesure d’instruction a été ouverte au Tribunal Judiciaire de Versailles du chef d’escroqueries en bande organisée, de blanchiment en bande organisée, d’abus de biens sociaux, éléments confirmés sur l’existence de la mesure d’instruction, mais selon le conseil de l’appelant au pénal devant le Tribunal Judiciaire de Nanterre (pièce 3 appelant).

En droit, les faits pour lesquels l’appelant est mis en examen ne se confondent pas avec les fautes de gestion qui lui seraient imputables et qui sont limitativement visées par les dispositions du Code de Commerce, à l’exception cependant de la notion d’abus de biens sociaux qui constitue le 3° de l’article L 653-4.

Dès lors, la demande de sursis à statuer ne saurait prospérer et il n’y sera pas fait droit.

Sanctions personnelles et demande de sanction d’interdiction de gérer

Il résulte de la combinaison des articles L 653-4 et L653-5 du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, qui aurait :

1° disposé des biens de la personne morale comme des siens propres;

2° fait des actes de commerce dans un intérêt personnel, masquant ses agissements, sous le couvert de la personne morale ;

3° fait des biens ou du crédit de la personne morale, un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement;

4° dans un intérêt personnel, poursuivi abusivement, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale;

5° détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale, ou encore qui se serait abstenu volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, faisant ainsi obstacle à son bon déroulement ou fait disparaître des documents comptables, ou n’aurait pas tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou en aurait tenu une fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

En l’espèce, il est soutenu que [F] [V] ne pouvait coopérer avec les organes de la procédure en raison de sa situation de prévenu-détenu, n’ayant pas la liberté d’agir.

Il résulte du rapport de l’administrateur provisoire en date du 7 juillet 2020 qu’il avait été désigné sur requête du Ministère Public pour défaillance de [F] [V], placé en détention provisoire le 26 juin 2020.

Si cet état ne privait pas le dirigeant de la possibilité de constituer avocat et de faire valoir, par ce biais, les éléments de droits et de fait relatifs à la gestion antérieure de sa société, il ne peut cependant être retenu comme suffisamment constitué pour justifier les sanctions.

En effet, privé de liberté, il ne pouvait se rendre aux convocations du mandataire judiciaire, répondre de manière complète aux différentes demandes de production de pièces et d’éléments comptables notamment et participer activement à l’établissement d’un bilan sincère de l’état de son entreprise.

Son incarcération notamment pour des faits en relation étroite avec l’établissement de fausses factures ou d’autres délits économiques rendait d’autant plus difficile, son accès à la comptabilité de la SARL Bourgogne Bâtiment Construction.

L’absence de déclaration d’un état de cessation des paiements dans le délais de quarante cinq jours :

Il ressort du rapport de mission de l’administrateur provisoire qu’à sa prise de fonction, le 1er juillet 2020, ce dernier a immédiatement constaté des éléments comptables troublants :

– le poids des achats de matières premières ressortait à 40 % en moyenne alors qu’il est de 24,7% pour ce secteur,

– ‘lors de l’exercice 2018, les comptes de la société ont permis d’obtenir un résultat exceptionnel de 228K€ lié à un produit exceptionnel sur une opération de gestion de 300K€, ce résultat exceptionnel a permis la limitation des pertes nettes de la société à hauteur de -157K€ nonobstant un résultat avant impôt de -385K€’; il se déduit de cette analyse que déjà l’exercice 2018 était très largement déficitaire et ce que le chef d’entreprise ne pouvait ignorer, en qu’en outre, l’état de sa comptabilité apparaissait insincère, par l’introduction d’un produit exceptionnel, de façon à rendre le bilan comptable ‘plus présentable’.

– En 2019, l’expert note encore une majoration des installations techniques, de matériel et d’outillage de 190K€, qu’il ne s’explique pas ; il se déduit cependant que cette majoration permet de dissimuler une situation comptable déficitaire.

– Toujours pour 2019, le poste autres créances, 8,5 fois plus important que l’année précédente, montre que les fournisseurs ne sont plus payés à hauteur de -324K€, et qu’un compte d’attente a été créé et présente un solde de négatif de -114K€. Cet élément est encore de nature à attirer l’attention de l’expert qui ne s’explique pas sur ces sommes dues, qui constituent des créances impayées face à un actif déjà difficilement mobilisable en regard.

– En 2019, l’expert note de surcroît ‘une augmentation très significative de la dette au cours des derniers exercices cette dernière passant de 958K€ en 2018 à 2.285K€ en 2019’ et d’en conclure que l’origine de cette dette présente des divergences certaines avec le secteur d’activité de la société.

A ces éléments viennent s’ajouter les conclusions non contestées par [F] [V] de la proposition de redressement fiscal du 22 avril 2021 qui aboutit après reconstitution comptable des agents, à un résultat déficitaire au 31 décembre 2019 de -4.332.343,77 € et non -196.698,50 € comme déclaré.

L’administration fiscale met en évidence que seul [F] [V] exerce la fonction de dirigeant de la société à l’exclusion de tout autre. Ce point n’a pas fait l’objet de contestation de l’appelant d’autant que la proposition de redressement a bien été notifiée à [F] [V] le 9 octobre 2020 alors qu’il se trouvait incarcéré et disposait toujours de la possibilité d’en contester le bien fondé et les montants.

Il résulte que ces éléments constituent un faisceau concordants d’indices permettant de caractériser une situation était d’ores et déjà compromise en 2018 alors que la date de cessation des paiements a été arrêtée au 8 janvier 2019, selon décision désormais définitive du tribunal de commerce de Nevers du 8 juillet 2020.

[F] [V] ne pouvait pas ignorer l’état de santé de l’entreprise qu’il dirigeait et au contraire a dissimulé une situation, qu’il savait irrémédiablement compromise, omettant sciemment de procéder à une déclaration de cessation des paiements.

Ces éléments sont confortés par le rapport à l’appui de la proposition de redressement qui fait état d’une comptabilité fictive manifestement incomplète ou irrégulière.

En outre, il résulte des dispositions de l’article L653-8 alinéa 3 du même code que les mêmes sanctions peuvent être prononcées à l’encontre de toute personne qui aura sciemment omis de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

Or, [F] [V] n’a jamais déposé lui-même de déclaration de cessation des paiements et il aura fallu attendre la requête de la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [U] [Z] désigné administrateur provisoire par ordonnance du 1er juillet 2020, pour constater l’impossibilité de tout redressement la SARL Bourgogne Bâtiment Construction, celle-ci étant dans l’incapacité avec ses actifs disponibles de faire face à son passif exigible, l’administrateur provisoire ayant à ce moment chiffré le premier à +411.625€ (dont 405.625€ indisponible) et le passif à la somme de – 2.104.628€.

Ces éléments caractérisaient déjà suffisamment l’état de l’insuffisance d’actif de la société et l’inertie absolue et volontaire du dirigeant, [F] [V] qui ne pouvait en ignorer l’état financier et n’a pas déposé dans les 45 jours à une déclaration de cessation des paiements.

Enfin, il résulte des éléments relevés par l’administration fiscale que [F] [V] avait fait des biens ou du crédit de la personne morale, un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.

La faute se trouve donc parfaitement constituée et caractérisée, et son caractère volontaire démontré, comme l’a relevée la chambre des sanctions du tribunal de commerce de Nevers.

Dès lors, ces éléments suffisent à permettre d’entrer en voie de condamnation à une sanction de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer.

La situation comptable est aussi caractérisée par l’absence de déclaration régulières des charges sociales et fiscales ayant entraîné de nombreuses taxations d’office, lesquelles ont manifestement aggravé le passif.

En l’espèce, l’administration fiscale a procédé à la notification d’un redressement pour un montant de 2.062.633,96 € correspondant aux non-reversements de la TVA pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019 étendue au 30 juin 2020, soit juste avant l’incarcération du dirigeant.

Il doit être précisé que cette proposition de rectification a bien été notifiée à [F] [V] à la maison d’arrêt des Hauts de Seine où il était incarcéré le 9 octobre 2020, mais qu’il n’a pas réagi.

La DRFIP rappelle l’obligation faite au chef d’entreprise de procéder aux déclarations mensuelles de TVA et note qu’hormis celle du mois de juin 2020, aucune déclaration n’a été effectuée ni pour 2018, ni pour 2019, ni même pour les 5 premiers mois de 2020.

Cet élément non contesté sur le plan fiscal par [F] [V] a permis l’établissement d’une taxation d’office sur la base des relevés bancaires de la société aboutissant à un rappel de TVA de 43.584€ pour l’année civile 2018, 11.539€ pour l’année civile 2019 et 110.466 € pour les six premiers mois de 2020.

Encore, la DRFIP relève qu’au ‘mois d’août 2019, la société BBC a encaissé sur son compte bancaire une somme de 2.062.366,96 €, transférée sur des comptes de sociétés à l’étranger, le solde ayant été utilisé pour rembourser certaines dettes de la société et permettre à son gérant [[F] [V]] d’acquérir à titre personnel un terrain en Turquie.’

L’enquête fiscale non-contestée, a permis de relever que les virements les plus importants étaient destinés à des sociétés Roumaine, Hong-Kongaise, ou Portugaise pour les plus importants.

L’administration fiscale assimile dès lors ces opérations à une activité de détournement de fonds, prenant l’apparence d’une entreprise d’affacturage auprès de la mairie de [Localité 6] en obtenant ainsi un encaissement indu.

Là encore, ces éléments permettent d’entrer en voie de condamnation en vue de prononcer une sanction.

Sur sa durée, la faillite personnelle prononcée en première instance pour une durée de 15 ans apparaît particulièrement adaptée à la situation de l’espèce ; en effet, l’intéressé a de manière volontaire fait du crédit de la société des actes contraires à celle-ci, a gravement porté préjudice à sa société qui employait 25 salariés, la précipitant sciemment vers une liquidation judiciaire inéluctable et effectuant des actes contraires à l’intérêt social dans un but personnel.

La décision doit donc être confirmée.

Sur la responsabilité de [F] [V] et l’action en comblement de passif

Aux termes de l’article L 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.

Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.

En droit l’absence de paiement des cotisations sociales, eu égard à l’importance des dettes sociales et à la période concernée, peut constituer une faute de gestion, de nature à fonder la condamnation du dirigeant, à combler le passif.

En l’espèce le défaut de paiement à l’URSSAF se trouvait constitué à hauteur de 284.329 € au 20 juin 2020, dans le cadre de l’assignation en Redressement Judiciaire de l’organisme ; cet élément se retrouve dans le cadre de la déclaration de créance de l’URSSAF.

A cette somme s’ajoute le redressement fiscal pour défaut de déclaration de TVA de 429.020€ majoré de 181.046 € de pénalités soit un total non contesté par [F] [V] de 610.066€.

Cette somme est devenue une créance définitive du Trésor qui existait en son principe au jour de la liquidation judiciaire.

En outre, l’état d’arrêté des créances ressort à un total déclaré de -6.025.082,87 € dont plus de 5.000K€ de créances privilégiées et admis pour 4.009.079,87€.

La Direction Spéciale du Contrôle Fiscal Centre-Est a encore relevé un défaut de déclaration de l’impôt sur les sociétés la déclaration de l’exercice clos au 31 décembre 2019 n’ayant pas été déposée et ouvrant droit à une rectification d’office. (Pièce 4 de l’intimée feuillet 5)

La même direction spéciale a conclu après examen de la comptabilité que celle-ci était incomplète et ne permettait pas de retracer le manière sincère des opérations réalisées par la société et précisait même ‘elle est irrégulière et non probante au titre des exercices clos en 2018 et 2019.’

[F] [V] assumait les fonctions de dirigeant de cette société de ma

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 juillet 2024
Cour d’appel de Bourges
RG n°
24/00283
SM/

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

– SCP AVOCATS CENTRE

– SELARL ALCIAT-JURIS

Copies certifiées conformes :

– aux parties

– tribunal de commerce de NEVERS

Avis au Ministère Public

LE : 25 JUILLET 2024

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 25 JUILLET 2024

N° – Pages

N° RG 24/00283 – N° Portalis DBVD-V-B7I-DUGE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal de commerce de NEVERS en date du 04 Mars 2024

PARTIES EN CAUSE :

I – M. [F] [V]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 7] (Turquie)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté et plaidant par la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

APPELANT suivant déclaration du 22/03/2024

II – S.E.L.A.R.L. JSA, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 419 488 655

Représentée et plaidant par la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE

25 JUILLET 2024

N° /2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.TESSIER-FLOHIC, Président chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Alain TESSIER-FLOHIC Président de Chambre

Richard PERINETTI Conseiller

Marie-Madeleine CIABRINI Conseillère

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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS

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Le dossier a été transmis au Ministère public qui a fait connaître son avis par RPVA le 23/05/2024

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

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EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Bourgogne Bâtiment Construction avait pour activité la maçonnerie générale et le gros oeuvre en bâtiment à destination des particuliers et des professionnels. Elle a fait l’objet d’un jugement de liquidation judiciaire prononcé le 8 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Nevers.

Le mandataire liquidateur relevait une insuffisance d’actif à parfaire de 3’346’788,87 € et des fautes de gestion du dirigeant de droit. Dès lors, il assignait [F] [V] en faillite personnelle et condamnation à régler au liquidateur judiciaire, ès-qualité, au titre de l’insuffisance d’actif, tout ou partie du montant de cette somme de 3’346’788,87€, outre les dépens.

Par jugement en date du 4 mars 2024, la chambre des sanctions du tribunal de commerce de Nevers, reconnaissait des fautes de gestion du dirigeant de droit pour abstention de déclaration de cessation des paiements, omission de remettre au mandataire la liste de ses créanciers, passivité de l’intéressé face à ses devoirs et obligations, multiplication des fautes de gestion constitutives d’aggravation de sa situation et émissions de fausses factures à hauteur de 2’062’366 €, et prononçait ainsi sa faillite personnelle pour une durée de 15 ans et faisait droit à la demande en comblement de l’insuffisance d’actif à la hauteur de 3’346’788,87€.

Le dirigeant de droit n’était pas comparant.

Par déclaration au greffe le 22 mars 2024, le conseil de [F] [V] interjetait appel de cette décision en toutes ses dispositions.

En l’état de ses dernières conclusions, signifiées le 25 avril 2024, l’appelant demande à la cour d’ordonner un sursis à statuer dans l’attente de l’issue d’une procédure pénale en cours devant un juge d’instruction de Nanterre et en tout état de cause, à défaut et sur le fond, d’infirmer la décision du 4 mars 2024 et de débouter la SELARL JSA de toutes ses demandes fins et conclusions et de la condamner à lui régler une somme de 500 € au titre de ses frais d’avocat.

[F] [V] soutient en effet ne pas avoir été tenu informé de la poursuite de cette procédure en première instance, étant incarcéré au jour du jugement. Les créances admises correspondent à des redressements, des amendes fiscales, des pénalités en lien avec les infractions qui lui sont reprochées dans le volet pénal de cette affaire. Rappelant que le dossier est toujours en cours d’instruction devant Madame MOUGENOT, juge d’instruction à Nanterre, il estime nécessaire que la cour prononce un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de l’instruction pénale en cours.

En effet, lui sont reprochés des actes fautifs de gestion par l’émission notamment de fausses factures ayant conduit à la liquidation judiciaire. Cependant, ces fausses factures sont l’objet de l’information judiciaire afin de déterminer le montant exact des fonds détournés et ceux ayant fait l’objet d’un remboursement, puisque certaines sommes ont été récupérées par les victimes. L’ensemble des éléments financiers produit par le mandataire liquidateur est erroné et ne s’appuie pas sur une situation définitive.

En outre et sur le fond, il rappelle qu’il était absent lors des opérations d’inventaire et ne pouvait remettre au mandataire la liste de ses créanciers, puisqu’il était incarcéré et avait même effectué une tentative d’autolyse. L’ensemble de sa famille se trouve désormais en grande difficulté puisqu’il était seul à subvenir aux besoins du ménage.

Il soutient avoir été manipulé et avoir servi de prête-nom, afin d’émettre de fausses factures ayant servi à payer des dettes sociales de ses sociétés. N’ayant pu faire valoir ses arguments en première instance et ne le pouvant toujours pas actuellement, puisque de nombreuses pièces sont couvertes par le secret de l’instruction, il conteste toute mauvaise foi et affirme en tout état de cause que rien ne justifie qu’il lui soit appliqué une faillite personnelle pendant la duré maximale prévue par la loi.

Sur l’action en comblement de passif, l’analyse des sommes révèle que près d’un tiers des fonds correspond à des amendes fiscales, des pénalités ou même de la TVA induite par la procédure pénale et les fausses factures. Ces sommes sont fortement contestées, tant dans leur montant, que dans leur imputabilité.

Pour lui, le passif a été ainsi gonflé artificiellement et déduction faite des amendes fiscales et des autres contributions basées sur la procédure pénale, le montant des dettes salariales, fournisseurs ou aux banques s’élèveraient à 1’512’521€ et non à plus de 3M€ comme réclamé.

Le conseil de la SELARL JSA par conclusions échangées le 23 avril 2024 sollicite la confirmation de la décision attaquée et la condamnation en outre de [F] [V] à lui régler une somme de 3000€ au titre de ses frais d’avocat.

Le mandataire liquidateur affirme que l’appelant confond le volet pénal de son affaire et l’action en responsabilité civile qui le vise au titre des fautes de gestion commises dans l’administration de la société qu’il dirigeait ; celles-ci sont à l’origine du passif de la SARL Bourgogne Bâtiment Construction et sont constituées en quasi-totalité de créances fiscales, d’intérêts, de majorations et d’amendes.

Rappelant que l’administration fiscale avait procédé à un contrôle de la comptabilité de la société aboutissant à une rectification d’un montant de 2’062’366,96 € majoré d’une amende de 1’031’183 €, le dirigeant de droit n’avait jamais contesté aucune de ces créances, ni même collaboré avec les organes de la procédure.

Dans sa proposition de rectification, l’administration fiscale indiquait que la procédure pénale concernait la SARL Bourgogne Bâtiment Construction pour des faits d’escroquerie en bande organisée par le biais d’émissions de faux ordres de virements internationaux, au détriment de la mairie de [Localité 6]. Ainsi, la société aurait encaissé grâce à ces pratiques 2.062.366,96 € dans le cadre de marchés publics, dont la société Eiffage était titulaire et la mairie de [Localité 6], maître d’ouvrage :

– un complice du dirigeant actuellement appelant, se serait fait passer auprès de la commune pour le responsable du service recouvrement de cette grande entreprise de construction et, auprès de cette dernière aurait, par une même manoeuvre, indiqué être un agent du service de la comptabilité de la commune, pour se faire valider trois situations de travaux et en obtenir le règlement via le biais d’une société d’affacturage.

– le Relevé d’Identité Bancaire était falsifié ce qui permettait ainsi à la société Bourgogne Bâtiment Construction d’obtenir le virement des sommes indues.

– celles -ci auraient été utilisées par [F] [V] pour un montant de 2’062’366,96 € et virées sur d’autres comptes bancaires en France ou à l’étranger pour des sociétés dont il était aussi le dirigeant et ce, pour la période du 1er janvier 2018 au 30 juin 2020.

En outre, la proposition de rectification comportait des rappels de TVA et de l’impôt sur les sociétés, dûs par la société Bourgogne Bâtiment Construction.

Encore, le dirigeant de droit avait comptabilisé des charges en déduction de factures qui ne correspondaient à aucune prestation, faussant ainsi la comptabilité de la société.

Il ressort, selon le mandataire judiciaire, que [F] [V] n’a pas contesté la proposition de rectification émise par l’administration fiscale, ni même les déclarations de créances de celle-ci dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire. Il en est conclut que l’insuffisance d’actif est certaine, et qu’il est erroné de soutenir qu’il conviendra d’attendre l’issue d’une procédure pénale.

Sa responsabilité dans l’insuffisance d’actif se trouve caractérisée par une absence de déclaration d’un état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours, alors qu’il n’ignorait pas qu’il avait faussement augmenté le chiffre d’affaires de la société pour l’exercice comptable 2019, par l’établissement de fausses factures et n’avait pas entrepris de démarche aux fins de déposer une déclaration de cessation des paiements, manquement lui-même constitutif d’une faute de gestion.

Le mandataire liquidateur relève encore que le redressement n’a pas été contesté et que dès lors, il est mis en évidence un manquement aux règles fiscales et comptables, caractérisant une faute de gestion qui relève d’une sanction commerciale.

L’incarcération de l’appelant est sans effet, car représenté par son conseil, il n’était pas empêché d’agir et n’avait engagé aucune démarche pour contester les sommes déclarées, afin de diminuer le montant de l’insuffisance d’actif, désormais arrêté.

Il est enfin relevé une absence de paiement des cotisations sociales , l’URSSAF ayant assigné l’entreprise en redressement judiciaire le 30 juin 2020, pour des cotisations sociales impayées d’un montant de 284’329,99€.

L’intimé ajoute que dans le cadre d’opérations mettant en évidence du travail dissimulé, le tribunal correctionnel de Moulins avait condamné la société à 10’000 € d’amende et l’avait exclu des marchés publics pour 5 ans, il était relevé que le dirigeant social avait cessé d’adhérer à la caisse de congés payés du bâtiment depuis le 1er septembre 2019, en infraction à l’obligation légale, imposant en conséquence une prise en charge des congés payés des salariés par l’AGS et accroissant encore un peu plus le passif social.

L’émission de fausses factures par une comptabilité faussée, caractérise encore l’existence d’agissements parfaitement contraires à l’intérêt social ayant contribué à augmenter le passif de sorte, selon l’intimé, que c’est à bon droit qu’il a été ainsi condamné.

La mesure de faillite personnelle résulte des éléments rappelés plus haut et les arguments développés à hauteur de cour ne viennent pas contester l’existence d’une insuffisance d’actif selon l’intimé, mais seulement une part de son montant. Elle a donc été prononcée à juste titre.

Le parquet général dans ses réquisitions échangées le 23 mai 2024 conclut au bien-fondé de l’ensemble de la décision dont appel.

In limine litis, la demande de sursis à statuer ne saurait s’imposer, car si [F] [V] est mis en examen du chef d’escroquerie, de blanchiment en bande organisée, d’abus de biens sociaux, ces délits ne recoupent pas nécessairement les fautes de gestion qui lui sont imputées :

Ensuite, face à un actif réalisé de 295.931 €, le passif admis est de 4.009.079 € et celui déclaré était de 6.044.537€ démontrant le caractère certain de cette insuffisance d’actif qui milite en faveur de sanctions.

L’incarcération de l’appelant ne saurait constituer un motif justifiant son inaction dans :

– l’absence de déclaration de cessation des paiements, qui a dû être remontée de 18 mois avant le jugement d’ouverture, au regard de la situation comptable,

– le cadre des déclarations fiscales et des règles comptables qui ont générées une proposition de rectification qui n’a jamais été contestée et se trouve désormais de près de 3 000K€.

– le non paiement des cotisations sociales.

En outre, le Parquet général relève :

– une poursuite abusive de l’exploitation déficitaire de l’entreprise et ce dans l’intérêt personnel de [F] [V],

– l’usage des biens de la personne morale à des fins personnelles pour favoriser une autre personne morale ou une entreprise dans lesquelles il était directement ou indirectement intéressé, notamment afin de faire virer les actifs ainsi obtenus au bénéfice d’autres sociétés.

L’affaire a bénéficié des dispositions de procédure de l’article 905 du code de procédure civile et a été appelée à l’audience du 5 juin 2024. Elle a été mise en délibéré et l’arrêt a été mis à disposition des parties le 25 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel n’est pas contestée.

Sur le sursis à statuer

Il résulte des dispositions de l’article 4 dernier alinéa du code de procédure pénale que la mise en mouvement de l’action civile n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

En l’espèce, il est sollicité qu’il soit sursis à statuer dans le cadre des actions en sanctions contre [F] [V] au motif que serait pendante actuellement une instruction dont les chefs ne sont pas explicitement exposés dans les écritures de l’appelant.

Selon le parquet général, la mesure d’instruction a été ouverte au Tribunal Judiciaire de Versailles du chef d’escroqueries en bande organisée, de blanchiment en bande organisée, d’abus de biens sociaux, éléments confirmés sur l’existence de la mesure d’instruction, mais selon le conseil de l’appelant au pénal devant le Tribunal Judiciaire de Nanterre (pièce 3 appelant).

En droit, les faits pour lesquels l’appelant est mis en examen ne se confondent pas avec les fautes de gestion qui lui seraient imputables et qui sont limitativement visées par les dispositions du Code de Commerce, à l’exception cependant de la notion d’abus de biens sociaux qui constitue le 3° de l’article L 653-4.

Dès lors, la demande de sursis à statuer ne saurait prospérer et il n’y sera pas fait droit.

Sur le fond

A) Sur les sanctions personnelles et la demande de sanction d’interdiction de gérer

Il résulte de la combinaison des articles L 653-4 et L653-5 du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, qui aurait :

1° disposé des biens de la personne morale comme des siens propres;

2° fait des actes de commerce dans un intérêt personnel, masquant ses agissements, sous le couvert de la personne morale ;

3° fait des biens ou du crédit de la personne morale, un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement;

4° dans un intérêt personnel, poursuivi abusivement, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale;

5°détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale, ou encore qui se serait abstenu volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, faisant ainsi obstacle à son bon déroulement ou fait disparaître des documents comptables, ou n’aurait pas tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou en aurait tenu une fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

‘ En l’espèce, il est soutenu que [F] [V] ne pouvait coopérer avec les organes de la procédure en raison de sa situation de prévenu-détenu, n’ayant pas la liberté d’agir.

Il résulte du rapport de l’administrateur provisoire en date du 7 juillet 2020 qu’il avait été désigné sur requête du Ministère Public pour défaillance de [F] [V], placé en détention provisoire le 26 juin 2020.

Si cet état ne privait pas le dirigeant de la possibilité de constituer avocat et de faire valoir, par ce biais, les éléments de droits et de fait relatifs à la gestion antérieure de sa société, il ne peut cependant être retenu comme suffisamment constitué pour justifier les sanctions.

En effet, privé de liberté, il ne pouvait se rendre aux convocations du mandataire judiciaire, répondre de manière complète aux différentes demandes de production de pièces et d’éléments comptables notamment et participer activement à l’établissement d’un bilan sincère de l’état de son entreprise.

Son incarcération notamment pour des faits en relation étroite avec l’établissement de fausses factures ou d’autres délits économiques rendait d’autant plus difficile, son accès à la comptabilité de la SARL Bourgogne Bâtiment Construction.

‘ L’absence de déclaration d’un état de cessation des paiements dans le délais de quarante cinq jours :

Il ressort du rapport de mission de l’administrateur provisoire qu’à sa prise de fonction, le 1er juillet 2020, ce dernier a immédiatement constaté des éléments comptables troublants :

– le poids des achats de matières premières ressortait à 40 % en moyenne alors qu’il est de 24,7% pour ce secteur,

– ‘lors de l’exercice 2018, les comptes de la société ont permis d’obtenir un résultat exceptionnel de 228K€ lié à un produit exceptionnel sur une opération de gestion de 300K€, ce résultat exceptionnel a permis la limitation des pertes nettes de la société à hauteur de -157K€ nonobstant un résultat avant impôt de -385K€’; il se déduit de cette analyse que déjà l’exercice 2018 était très largement déficitaire et ce que le chef d’entreprise ne pouvait ignorer, en qu’en outre, l’état de sa comptabilité apparaissait insincère, par l’introduction d’un produit exceptionnel, de façon à rendre le bilan comptable ‘plus présentable’.

– En 2019, l’expert note encore une majoration des installations techniques, de matériel et d’outillage de 190K€, qu’il ne s’explique pas ; il se déduit cependant que cette majoration permet de dissimuler une situation comptable déficitaire.

– Toujours pour 2019, le poste autres créances, 8,5 fois plus important que l’année précédente, montre que les fournisseurs ne sont plus payés à hauteur de -324K€, et qu’un compte d’attente a été créé et présente un solde de négatif de -114K€. Cet élément est encore de nature à attirer l’attention de l’expert qui ne s’explique pas sur ces sommes dues, qui constituent des créances impayées face à un actif déjà difficilement mobilisable en regard.

– En 2019, l’expert note de surcroît ‘une augmentation très significative de la dette au cours des derniers exercices cette dernière passant de 958K€ en 2018 à 2.285K€ en 2019’ et d’en conclure que l’origine de cette dette présente des divergences certaines avec le secteur d’activité de la société.

A ces éléments viennent s’ajouter les conclusions non contestées par [F] [V] de la proposition de redressement fiscal du 22 avril 2021 qui aboutit après reconstitution comptable des agents, à un résultat déficitaire au 31 décembre 2019 de -4.332.343,77 € et non -196.698,50 € comme déclaré.

L’administration fiscale met en évidence que seul [F] [V] exerce la fonction de dirigeant de la société à l’exclusion de tout autre. Ce point n’a pas fait l’objet de contestation de l’appelant d’autant que la proposition de redressement a bien été notifiée à [F] [V] le 9 octobre 2020 alors qu’il se trouvait incarcéré et disposait toujours de la possibilité d’en contester le bien fondé et les montants.

Il résulte que ces éléments constituent un faisceau concordants d’indices permettant de caractériser une situation était d’ores et déjà compromise en 2018 alors que la date de cessation des paiements a été arrêtée au 8 janvier 2019, selon décision désormais définitive du tribunal de commerce de Nevers du 8 juillet 2020.

[F] [V] ne pouvait pas ignorer l’état de santé de l’entreprise qu’il dirigeait et au contraire a dissimulé une situation, qu’il savait irrémédiablement compromise, omettant sciemment de procéder à une déclaration de cessation des paiements.

Ces éléments sont confortés par le rapport à l’appui de la proposition de redressement qui fait état d’une comptabilité fictive manifestement incomplète ou irrégulière.

En outre, il résulte des dispositions de l’article L653-8 alinéa 3 du même code que les mêmes sanctions peuvent être prononcées à l’encontre de toute personne qui aura sciemment omis de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

Or, [F] [V] n’a jamais déposé lui-même de déclaration de cessation des paiements et il aura fallu attendre la requête de la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [U] [Z] désigné administrateur provisoire par ordonnance du 1er juillet 2020, pour constater l’impossibilité de tout redressement la SARL Bourgogne Bâtiment Construction, celle-ci étant dans l’incapacité avec ses actifs disponibles de faire face à son passif exigible, l’administrateur provisoire ayant à ce moment chiffré le premier à +411.625€ (dont 405.625€ indisponible) et le passif à la somme de – 2.104.628€.

Ces éléments caractérisaient déjà suffisamment l’état de l’insuffisance d’actif de la société et l’inertie absolue et volontaire du dirigeant, [F] [V] qui ne pouvait en ignorer l’état financier et n’a pas déposé dans les 45 jours à une déclaration de cessation des paiements.

Enfin, il résulte des éléments relevés par l’administration fiscale que [F] [V] avait fait des biens ou du crédit de la personne morale, un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.

La faute se trouve donc parfaitement constituée et caractérisée, et son caractère volontaire démontré, comme l’a relevée la chambre des sanctions du tribunal de commerce de Nevers.

Dès lors, ces éléments suffisent à permettre d’entrer en voie de condamnation à une sanction de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer.

‘ La situation comptable est aussi caractérisée par l’absence de déclaration régulières des charges sociales et fiscales ayant entraîné de nombreuses taxations d’office, lesquelles ont manifestement aggravé le passif.

En l’espèce, l’administration fiscale a procédé à la notification d’un redressement pour un montant de 2.062.633,96 € correspondant aux non-reversements de la TVA pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019 étendue au 30 juin 2020, soit juste avant l’incarcération du dirigeant.

Il doit être précisé que cette proposition de rectification a bien été notifiée à [F] [V] à la maison d’arrêt des Hauts de Seine où il était incarcéré le 9 octobre 2020, mais qu’il n’a pas réagi.

La DRFIP rappelle l’obligation faite au chef d’entreprise de procéder aux déclarations mensuelles de TVA et note qu’hormis celle du mois de juin 2020, aucune déclaration n’a été effectuée ni pour 2018, ni pour 2019, ni même pour les 5 premiers mois de 2020.

Cet élément non contesté sur le plan fiscal par [F] [V] a permis l’établissement d’une taxation d’office sur la base des relevés bancaires de la société aboutissant à un rappel de TVA de 43.584€ pour l’année civile 2018, 11.539€ pour l’année civile 2019 et 110.466 € pour les six premiers mois de 2020.

Encore, la DRFIP relève qu’au ‘mois d’août 2019, la société BBC a encaissé sur son compte bancaire une somme de 2.062.366,96 €, transférée sur des comptes de sociétés à l’étranger, le solde ayant été utilisé pour rembourser certaines dettes de la société et permettre à son gérant [[F] [V]] d’acquérir à titre personnel un terrain en Turquie.’

L’enquête fiscale non-contestée, a permis de relever que les virements les plus importants étaient destinés à des sociétés Roumaine, Hong-Kongaise, ou Portugaise pour les plus importants.

L’administration fiscale assimile dès lors ces opérations à une activité de détournement de fonds, prenant l’apparence d’une entreprise d’affacturage auprès de la mairie de [Localité 6] en obtenant ainsi un encaissement indu.

Là encore, ces éléments permettent d’entrer en voie de condamnation en vue de prononcer une sanction.

Sur sa durée, la faillite personnelle prononcée en première instance pour une durée de 15 ans apparaît particulièrement adaptée à la situation de l’espèce ; en effet, l’intéressé a de manière volontaire fait du crédit de la société des actes contraires à celle-ci, a gravement porté préjudice à sa société qui employait 25 salariés, la précipitant sciemment vers une liquidation judiciaire inéluctable et effectuant des actes contraires à l’intérêt social dans un but personnel.

La décision doit donc être confirmée.

B) Sur la responsabilité de [F] [V] et l’action en comblement de passif

Aux termes de l’article L 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.[…]

Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.

‘ En droit l’absence de paiement des cotisations sociales, eu égard à l’importance des dettes sociales et à la période concernée, peut constituer une faute de gestion, de nature à fonder la condamnation du dirigeant, à combler le passif.

En l’espèce le défaut de paiement à l’URSSAF se trouvait constitué à hauteur de 284.329 € au 20 juin 2020, dans le cadre de l’assignation en Redressement Judiciaire de l’organisme ; cet élément se retrouve dans le cadre de la déclaration de créance de l’URSSAF.

‘ A cette somme s’ajoute le redressement fiscal pour défaut de déclaration de TVA de 429.020€ majoré de 181.046 € de pénalités soit un total non contesté par [F] [V] de 610.066€.

Cette somme est devenue une créance définitive du Trésor qui existait en son principe au jour de la liquidation judiciaire.

En outre, l’état d’arrêté des créances ressort à un total déclaré de -6.025.082,87 € dont plus de 5.000K€ de créances privilégiées et admis pour 4.009.079,87€.

‘ La Direction Spéciale du Contrôle Fiscal Centre-Est a encore relevé un défaut de déclaration de l’impôt sur les sociétés la déclaration de l’exercice clos au 31 décembre 2019 n’ayant pas été déposée et ouvrant droit à une rectification d’office. (Pièce 4 de l’intimée feuillet 5)

‘ La même direction spéciale a conclu après examen de la comptabilité que celle-ci était incomplète et ne permettait pas de retracer le manière sincère des opérations réalisées par la société et précisait même ‘elle est irrégulière et non probante au titre des exercices clos en 2018 et 2019.’

[F] [V] assumait les fonctions de dirigeant de cette société de maçonnerie qui comptait 28 salariés et avait cessé de régler toutes les cotisations sociales, omis de déclarer la TVA à laquelle il était astreint. Il s’agit pour un chef d’entreprise normalement diligent d’une faute qui ne peut être qualifiée de faute de négligence, mais constitue au contraire une faute grave, du dirigeant.

Ces fautes, comme indiqué plus haut, ont contribué et précipité l’entreprise vers une liquidation judiciaire devenue inéluctable.

Le liquidateur avait qualité pour agir et l’a fait dans le délai de trois ans. Sa demande est donc recevable.

Au fond, la faute de l’appelant est à l’origine de la situation de la société et malgré un actif réalisé à hauteur de 295.931,47 €, il demeure un passif de 3.713.148,84€.

Les premiers juges ont fixé le montant de la condamnation à l’insuffisance d’actif à la somme de 3.346.788,87 €, c’est à dire au passif réel tel qu’arrêté par le juge commissaire. Cette somme doit être retenue à hauteur de cour, comme étant conforme à sa participation exclusive à la situation et n’ayant été interrompue que par son placement en détention. Cette somme est dûe aux créanciers par les fautes du dirigeant.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenus le bien fondé de l’action en comblement de passif et ont fixé son montant à la somme de 3.346.788,87 €.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’appelant succombe en totalité, il est juste de lui faire supporter une part des frais du conseil de la SELARL JSA intimé à hauteur d’appel ; la somme de 2.500 € lui sera allouée de ce chef.

Encore la décision est intégralement confirmée et [F] [V] supportera dès lors les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

– Dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer.

– Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

– Condamne [F] [V] à payer à la SELARL JSA prise ès qualité de liquidation judiciaire de la SARL Bourgogne Bâtiment Construction, la somme de 2.500 € au visa de l’article 700 du code de procédure civile et

– Condamne [F] [V] aux entiers dépens de la présente instance.

L’arrêt a été signé par A. TESSIER-FLOHIC, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

S. MAGIS A. TESSIER-FLOHIC


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