Une institutrice d’école maternelle a autorisé un journaliste de l’AFP à réaliser une enquête sur la scolarisation des enfants de 2 ans dans sa classe, un photographe, prenant des photos d’elle dans sa classe. Ce reportage illustré de clichés photographiques a été diffusé par l’AFP à ses clients et abonnés qui l’ont, pour certains, repris. Par la suite les clichés photographiques issus de ce reportage, qui avaient été intégrés dans la base de données d’images de l’AFP, ont été reproduits sur plusieurs sites internet pour illustrer des sujets aussi divers que variés («L’incroyable erreur d’une prof qui diffuse par erreur un film X à ses élèves » ; « Barbecue halal a l’école » ; «Pourquoi l ‘Education Nationale a tant de mal à se reformer» …). Ces utilisations étant étrangères à l’autorisation donnée, l’institutrice a alors poursuivi en responsabilité l’AFP et les éditeurs de presse concernés, pour atteinte à son droit à l‘image.
Respect de la finalité de l’autorisation donnée
En vertu de l’article 9 du Code civil, toute personne, quelle que soit sa notoriété, ou son absence de notoriété, dispose d’un droit exclusif sur son image, attribut de la personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite, qui lui permet, en principe, de s’opposer à la diffusion de son image sans son autorisation, laquelle peut être implicite, et d’obtenir réparation du préjudice qui lui aurait été causé de ce fait.
Ce droit peut cependant céder devant les nécessités de la liberté d’expression lorsque la diffusion des images est légitime au regard de ces nécessités, l’appréciation de cette légitimité étant fonction d’un ensemble de circonstances tenant essentiellement à la personne qui se plaint de l’atteinte à ce droit protégé par l’article 9 du Code civil, notamment sa qualité et son comportement antérieur, et à l’objet de la publication en cause – son contenu, sa forme, l’absence de malveillance et d’atteinte à la dignité de la personne, ainsi que sa participation à un débat d’intérêt général – ; dans ce cas cependant il doit être pris en compte la qualité de l’information délivrée ; que ces critères sont conformes aux stipulations des articles 8 et 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
En l’espèce, l’institutrice a donné son autorisation pour être photographiée, dans sa classe, par le photographe de l’AFP dans le cadre d’un reportage, réalisé par cette agence, relatif à la scolarisation des jeunes enfants n’ayant pas atteint l’âge de 3 ans et non pas pour des sujets dérivés.
Les organes de presse disposent de la liberté d’illustrer un sujet d’actualité ou d’intérêt général dès lors que le cliché en cause ne porte pas atteinte à la dignité de la personne, mais c’est à la condition préalable que la personne représentée présente un lien suffisant avec le sujet d’actualité ou d’intérêt général évoqué. Or, les clichés litigieux, étaient sans aucun lien avec les sujets abordés, la seule circonstance que les clichés la représentent dans l’exercice de son métier d’institutrice dans une salle de classe, ne pouvant rendre légitime l’utilisation, sans son autorisation, de son image afin d’illustrer quelque sujet que ce soit ayant un lien plus ou moins ténu avec l’enseignement scolaire.
Quel préjudice pour la victime ?
Si la seule constatation de l’atteinte aux droits de la personnalité ouvre droit à réparation, le préjudice étant inhérent à cette atteinte, il appartient toutefois à la victime de l’atteinte au droit à l’image de justifier de l’étendue du dommage allégué, l’évaluation du préjudice étant appréciée de manière concrète, au jour où le juge statue, compte tenu de la nature des atteintes, ainsi que des éléments invoqués et établis.
L’institutrice établissait par la production de courriers de son académie, d’un certificat médical et d’attestations de proches des conséquences préjudiciables de la reproduction de son image pour illustrer divers articles de presse ; la réalité du préjudice imputable à chacun des éditeurs de presse fautif était établie (20 000 euros de dommages et intérêts au total).
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