Absence de dépôt des comptes annuels: la faillite personnelle non justifiée

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Absence de dépôt des comptes annuels: la faillite personnelle non justifiée

Nos conseils :

1) Attention à respecter les obligations de tenue de comptabilité et de dépôt des comptes annuels de la société au greffe du tribunal de commerce pour éviter toute mesure de faillite personnelle.

2) Il est recommandé de fournir des preuves tangibles pour contester toute accusation de défaut de tenue de comptabilité et de s’assurer que toutes les pièces comptables de la société sont remises au nouveau gérant en cas de cession des parts sociales.

3) Il est conseillé de conserver et de remettre l’intégralité des documents comptables de la société lors de la cession des parts sociales et de quitter ses fonctions de gérant pour éviter toute responsabilité en cas d’erreur de facturation.

Résumé de l’affaire

La société D SIGNATURE a été créée en 2015 pour des travaux de maçonnerie et de rénovation. En 2019, elle a changé de nom, d’objet social et de gérant pour devenir la société MB AUTO-LOC. En 2019, la société est placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire en 2020. Le gérant initial, M. [J], est condamné à une faillite personnelle de 10 ans pour non-tenue de comptabilité et non-dépôt des comptes sociaux. M. [J] fait appel de cette décision et demande l’annulation du jugement. Le ministère public demande la confirmation de la décision du tribunal. Les parties concernées n’ont pas constitué d’avocat et la décision sera rendue par défaut.

Les points essentiels

1) Faillite personnelle et défaut de dépôt des comptes annuels

L’article L653-5 du code de commerce permet au tribunal de prononcer une mesure de faillite personnelle contre un dirigeant ayant commis certaines infractions comptables. Cependant, le défaut de dépôt des comptes annuels de la société n’est pas explicitement prévu comme une cause de faillite personnelle.

2) Contestation des faits et des accusations

M. [J] conteste les accusations portées contre lui concernant le défaut de tenue d’une comptabilité. Il affirme avoir remis toutes les pièces comptables de la société à M. [O] lors de la cession de ses parts. Il conteste également les affirmations recueillies par M. [H] auprès de M. [Z].

3) Cession des parts sociales et remise des documents comptables

M. [J] a cédé ses parts sociales et démissionné de son poste de gérant en janvier 2019. Il a remis certains documents comptables à M. [Z] lors de la cession de ses parts. La cour estime que ces documents ne prouvent pas nécessairement une tenue complète de la comptabilité, mais démontrent au moins des efforts dans ce sens.

4) Décision de la cour

La cour infirme le jugement initial, sauf en ce qui concerne les dépens de la procédure collective. Les dépens d’appel sont mis à la charge de M. [H]. Aucune indemnité n’est accordée à M. [J] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les montants alloués dans cette affaire:

Réglementation applicable

– Code de commerce
– Code de procédure civile

Article L653-5 du code de commerce:
Le tribunal peut prononcer une mesure de faillite personnelle à l’encontre de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale qui aurait fait disparaître des documents comptables, n’aurait pas tenu de comptabilité ou aurait tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des textes applicables.

Article 700 du code de procédure civile:
Aucune considération d’équité n’impose de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [J].

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Adrienne MICHEL-CORSO
– Maître [I] [H]
– Maître [K] [Z]

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

21 décembre 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/12261
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 21 DECEMBRE 2023

N° 2023/356

Rôle N° RG 22/12261 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ73M

[N] [J]

C/

[I] [H]

[K] [Z]

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Adrienne MICHEL-CORSO

PG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d’AIX-EN-PROVENCE en date du 02 Septembre 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 2022000820.

APPELANT

Monsieur [N] [J]

né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 6]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]

représenté et assisté de Me Adrienne MICHEL-CORSO de la SELARL MASSILIA JURIS CONSEILS & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMES

Maître [I] [H], Es-qualité de liquidateur judiciaire de la SARL MB AUT-LOC,

demeurant [Adresse 3]

défaillant

Monsieur [K] [Z]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 5]

défaillant

PROCUREUR GENERAL,

Cour d’appel – Rue Peyresc – 13100 AIX- EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 20 Septembre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme VASSAIL, conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseillère

Madame Agnès VADROT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2023.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2023,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre, et Madame Laure METGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société D SIGNATURE a été constituée le 26 janvier 2015 pour une activité de travaux de maçonnerie générale et gros ‘uvre de bâtiment tout corps d’état, rénovation.

Son associé unique et gérant était M. [N] [J].

Le 20 septembre 2016, la société D SIGNATURE a procédé à une augmentation de son capital.

Par acte du 15 janvier 2019, M. [J] a cédé toutes ses parts sociales à M. [P] [O] pour le prix d’un euro.

Le même jour, il a démissionné de son poste de gérant et M. [O] a été désigné en qualité de gérant.

Par assemblée générale du 15 janvier 2019, il a été décidé la modification de la dénomination sociale (société MB AUTO-LOC), le transfert du siège social et le changement d’objet social (location de véhicules) de la société D SIGNATURE.

Le 9 juillet 2019, M. [O] à cédé ses parts et la gérance de la société AUTO-LOC à M. [K] [Z].

Par jugement rendu le 21 novembre 2019 sur assignation de l’URSSAF PACA, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société MB AUTO-LOC.

Par jugement du 18 février 2020, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a converti le redressement judiciaire de la société AUTO-LOC en liquidation judiciaire et désigné M. [I] [H] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 2 septembre 2022, rendu à la requête du liquidateur judiciaire, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– prononcé une mesure de faillite personnelle de 10 ans à l’encontre de M. [J],

– débouté M. [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– employé les dépens en frais privilégiés de la procédure collective de la société AUTO LOC.

Au vu du jugement rendu, il était reproché à l’intéressé une violation de l’article L653-5 du code de commerce et plus particulièrement :

– de ne pas avoir tenu de comptabilité ou d’avoir tenu une comptabilité fictive,

– de ne pas avoir déposé les comptes de la société au greffe du tribunal de commerce pour les exercices 2016, 2017 et 2018.

Pour prendre leur décision, les premiers juges ont retenu que :

– l’essentiel du passif fiscal et social, qui s’élève à 746 622, 67 euros, est constitué de créances exigibles pendant le mandat de gérance de M. [J],

– il est donc établi que l’important passif de la société au jour de l’ouverture de la procédure collective est imputable à la gérance de M. [J],

– un gérant de droit peut être sanctionné même s’il n’est plus en fonction au jour de l’ouverture de la procédure collective si l’ouverture de cette procédure collective est la conséquence d’une situation qu’il a créée lorsqu’il était en fonction,

– le défaut de paiement des cotisations URSSAF remonte à 2015,

– alors que M. [Z], gérant depuis 4 mois, a déclaré à M. [H] qu’aucun élément comptable ne lui avait été remis lors de l’acquisition de la société, les mentions de l’acte de cession sur lesquelles s’appuie M. [J] sont insuffisantes pour démontrer qu’il a remis au cessionnaire les comptes annuels, le livre journal, le grand livre et le livre d’inventaire de la société,

– le mandataire judiciaire a réclamé en vain ces éléments à M. [J] qui n’a pas répondu à son courrier recommandé,

– M. [J] n’a pas déposé au greffe du tribunal de commerce les comptes sociaux de la société pour les années 2016, 2017 et 2018,

– de jurisprudence constante, la non remise de comptabilité vaut présomption de non tenue d’une comptabilité régulière.

M. [J] a fait appel de ce jugement le 9 septembre 2022.

Dans ses dernières conclusions, notifiées au RPVA les 30 septembre et 9 novembre 2022, il demande à la cour de dire et juger un certain nombre de choses qui sont autant de moyens et de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d’appel,

– débouter M. [H] ès qualités de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [H] ès qualités aux entiers dépens et à lui payer 3 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières réquisitions, notifiées au RPVA le 16 août 2023, le ministère public demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d’appel.

M.[H] a été cité ès qualités le 7 octobre 2022 à personne habilitée.

M. [Z] a été cité le 7 octobre 2022 en l’étude d’huissier en qualité de dirigeant de droit de la société MB AUTO-LOC.

Aucun d’entre-eux n’a constitué avocat.

La présente décision sera rendue par défaut en application de l’article 474 du code de procédure civile.

Le 9 novembre 2022, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l’audience du 20 septembre 2023.

La procédure a été clôturée le 7 septembre 2023 avec rappel de la date de fixation.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se référer aux écritures de M. [J] et du ministère public pour l’exposé de leurs moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DECISION

1) L’article L653-5 du code de commerce pose pour principe que le tribunal peut prononcer une mesure de faillite personnelle à l’encontre de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale qui aurait fait disparaître des documents comptables, n’aurait pas tenu de comptabilité ou aurait tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des textes applicables.

Par contre, aucun texte ne prévoit que le défaut de dépôt des comptes annuels de la société au greffe du tribunal de commerce puisse être sanctionné par une mesure de faillite personnelle.

2) Aux termes de ses écritures, M. [J] conteste avoir commis la faute de défaut de tenue d’une comptabilité et reproche aux premiers juges d’avoir statué sur les seules affirmations recueillies par M. [H] auprès de M. [Z] alors qu’il était défaillant devant le tribunal.

Il souligne également que les premiers juges ont omis de considérer qu’il n’a pas vendu ses parts sociales à M. [Z] mais à M. [O] et affirme avoir remis à l’époque à l’intéressé toutes les pièces comptables de la société.

3) Comme il le soutient, il est exact et résulte des faits constants de l’espèce que le 15 janvier 2019 M. [J] a cédé l’intégralité de ses parts dans la société D SIGNATURE à M. [O] et que le même jour il a démissionné de sa fonction de gérant.

Il appartenait donc au nouveau gérant désigné, en l’occurrence à M. [O] (pièce 5 de l’appelant), de remettre la comptabilité de la société à M. [Z] lorsqu’il la lui a cédée le 4 juillet 2019.

Par ailleurs, la cour relève que M. [J] verse aux débats (ses pièces 10, 11 et 12) le bilan et le compte de résultat de l’exercice clos le 31 décembre 2016, la liasse fiscale de 2017 et la liasse fiscale de 2018. Comme le parquet le fait valoir, à eux seuls ces documents sont insuffisants pour établir qu’il a respecté son obligation de tenue d’une comptabilité de la société D SIGNATURE, devenue AUTO-LOC. Cependant, ils démontrent à tout le moins que des documents comptables ont été élaborés au bénéfice de cette société et, dans la mesure où il a vendu l’intégralité de ses parts sociales et quitté ses fonctions de gérant, ce qui lui imposait de tout remettre au nouveau gérant actionnaire, il ne saurait être fait grief à l’appelant de ne pas avoir conservé sa comptabilité en son entier.

Enfin, eu égard au témoignage du responsable administratif et financier de la société HR LEVAGE (pièce 9 de M. [J]), la cour ne saurait tirer aucune conséquence fautive à imputer à M. [J] de l’erreur de facturation commise par cette société.

Dans ces conditions, il apparaît que ni M. [H], défaillant devant la cour, ni le ministère public qui en supportent la charge ne rapportent la preuve de la faute qu’ils prétendent imputer à M. [J].

En conséquence, le jugement frappé d’appel sera infirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a employé les dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

4) Le jugement frappé d’appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et les dépens d’appel seront mis à la charge de M. [H] ès qualités.

Aucune considération d’équité n’impose de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [J]. Il sera débouté de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après débats publics et par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe ;

Infirme en toutes ses dispositions, à l’exclusion de celle relative aux dépens, le jugement rendu le 2 septembre 2022 par le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence ;

Statuant à nouveau des chefs d’infirmation et y ajoutant ;

Déboute M. [H] ès qualités de toutes ses demandes formées à l’encontre de M. [J] ;

Déboute M. [J] de ses prétentions au titre des frais irrépétibles ;

Condamne M. [H] ès qualités aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


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