La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.
Aux termes de l’article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. L’article L 1226-9 du code du travail stipule qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail pour accident ou maladie professionnelle, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. Nos conseils : 1. Attention à bien respecter les délais de prescription pour engager des poursuites disciplinaires, qui sont de 2 mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance des faits reprochés, sauf en cas de poursuites pénales dans le même délai. 2. Il est recommandé de notifier un licenciement pour faute grave en mentionnant de manière précise et détaillée les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement, afin de fixer les limites du litige et permettre au salarié de se défendre. 3. Il est conseillé de respecter les obligations légales en matière de tenue de documents obligatoires, tels que le registre unique du personnel, le document unique d’évaluation des risques et le suivi du livret sécurité, pour éviter tout risque juridique pour l’entreprise. |
→ Résumé de l’affaireMme [R] a été embauchée par la Sasu Planet Network International en juin 2017 en tant que responsable administratif et financier. Après un incident avec un collègue en octobre 2019, elle a été en arrêt maladie pour syndrome dépressif anxieux. Après avoir demandé à son employeur de déclarer l’accident du travail, elle l’a fait elle-même en avril 2020. La CPAM a reconnu le caractère professionnel de l’accident en juillet 2020. En septembre 2020, l’employeur a notifié à Mme [R] une mise à pied conservatoire et un entretien préalable au licenciement, qui a eu lieu en octobre 2020. Mme [R] a été licenciée pour faute grave, qu’elle a contesté devant le conseil de prud’hommes de Toulouse. Ce dernier a jugé le licenciement nul et a condamné l’employeur à verser diverses sommes à Mme [R]. L’employeur a interjeté appel de ce jugement. Les parties ont formulé des demandes contradictoires devant la cour d’appel.
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→ Les points essentielsSur le licenciement pour faute graveLe licenciement pour faute grave doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse. L’employeur doit énoncer les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. Sur la prescription des faits fautifsAucun fait fautif ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà de 2 mois à moins qu’il n’y ait eu des poursuites pénales dans le même délai. Sur la rupture du contrat pendant une période de suspension pour accident ou maladie professionnelleL’employeur ne peut rompre le contrat pendant une période de suspension pour accident ou maladie professionnelle que s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou d’un motif étranger à l’accident ou à la maladie. Les motifs du licenciement pour faute graveLa société reproche à la salariée des insuffisances professionnelles nombreuses et réitérées, démontrant une mauvaise volonté délibérée dans l’accomplissement de ses tâches. Sur les erreurs comptablesLa cour examine les différents griefs relatifs aux erreurs comptables reprochées à la salariée et écarte certains d’entre eux pour prescription ou manque de preuves. Sur les documents obligatoires non correctement tenusLa cour analyse les accusations concernant les documents obligatoires non correctement tenus par la salariée et écarte certains griefs faute de preuves suffisantes. Sur les saisies volontairement erronées des temps de présenceLa cour examine les accusations de saisies erronées des temps de présence par la salariée et conclut que ces faits ne justifient pas un licenciement pour cause réelle et sérieuse. Sur l’indemnisationLa cour confirme les indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés allouées par le conseil de prud’hommes. Le licenciement nul ouvre droit à une indemnité équivalente au salaire perçu sur les 6 derniers mois. Sur les demandes annexesLa société est condamnée aux dépens d’appel et aux frais irrépétibles. La salariée est indemnisée des frais non compris dans les dépens à hauteur de 2000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicable– Code du travail
– Article L. 1232-6: Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse. L’employeur est tenu d’énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige. – Article L. 1332-4: Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. – Article L. 1226-9: Au cours des périodes de suspension du contrat de travail pour accident ou maladie professionnelle, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. – Code de procédure civile – Article 700: La SAS Planet Network International sera condamnée à verser une somme de 2000,00 euros à Madame [R] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Pauline CARRILLO
– Me Valérie ASSARAF-DOLQUES |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/03676
ARRÊT N°2024/51
N° RG 22/03676 – N° Portalis DBVI-V-B7G-PBQV
MD/CD
Décision déférée du 08 Septembre 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 21/00168)
[Y] [S]
Section Encadrement
S.A.S.U. PLANET NETWORK INTERNATIONAL
C/
[E] [K] épouse [R]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le 23/2/24
à Me CARRILLO, Me ASSARAF*DOLQUES
Ccc à Pôle Emploi
Le 23/2/24
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT TROIS FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE
S.A.S.U. PLANET NETWORK INTERNATIONAL
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Pauline CARRILLO de la SELARL LP AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM »E
Madame [E] [K] épouse [R]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Valérie ASSARAF-DOLQUES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM », présidente
M. DARIES, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par M. DARIES, conseillère, pour S. BLUM », présidente empêchée, et par C. DELVER, greffier de chambre
Mme [E] [R] a été embauchée le 6 juin 2017 par la Sasu Planet Network International en qualité de responsable administratif et financier suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques dite Syntec.
Le contrat a été conclu sans période d’essai, Mme [R] ayant déjà travaillé pendant 8 ans pour la société avant de faire l’objet d’un licenciement économique .
Le 29 octobre 2019 a eu lieu un incident entre Mme [R] et un collègue de travail M. [X].
Mme [R] a été placée en arrêt de travail du 8 au 19 novembre 2019 pour syndrome dépressif anxieux, qui a été prolongé.
Par courriel du 26 janvier 2020, Mme [R] a demandé à la Sasu Planet Network International de déclarer l’événement survenu le 29 octobre 2019 comme accident du travail et cause de ses arrêts de travail.
L’employeur n’y ayant pas procédé, la salariée a effectué la déclaration auprès de la CPAM le 16 avril 2020.
Le 21 juillet 2020, après enquête, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de l’accident.
Par courrier du 28 septembre 2020, la Sasu Planet Network International a notifié à Mme [R] une mise à pied à titre conservatoire ainsi qu’une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 octobre 2020.
Après report de l’entretien au 12 octobre 2020, Mme [R] a été licenciée par courrier du 21 octobre 2020 pour faute grave, qu’elle a contesté par courrier du 26 octobre 2020.
Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 4 février 2021 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section encadrement, par jugement du 8 septembre 2022, a :
– jugé que le licenciement de Mme [R] est nul et que la Sasu Planet Network International doit lui verser :
* des dommages et intérêts pour 25 120 euros équivalent à 8 mois de salaire à 3140 euros étant donné son ancienneté,
* un préavis pour 9 420,06 euros,
* des congés payés pour 942 euros,
* ainsi qu’une indemnité de licenciement de 2 812,93 euros.
– condamné la Sasu Planet Network International à verser à Mme [R] 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties du surplus de ces demandes,
– condamné la Sasu Planet Network International aux entiers dépens,
– dit que vu les circonstances de l’espèce il n’y a lieu à exécution provisoire.
Par déclaration du 18 octobre 2022, la Sasu Planet Network International a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 22 novembre 2023, la Sasu Planet Network International demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il :
* a jugé que le licenciement de Mme [R] est nul,
* l’a condamnée à verser les sommes suivantes :
25.120 euros équivalent à 8 mois de salaire à titre de dommages et intérêts,
9.420,06 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
942 euros de congés payés afférents,
2.812,93 euros à titre d’indemnité de licenciement,
* l’a condamnée à verser à Mme [R] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* l’a condamnée aux entiers dépens.
Et statuant à nouveau,
– dire que le licenciement de Mme [R] repose sur une faute grave,
– condamner Mme [R] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 6 décembre 2023, Mme [R] demande à la cour de :
A titre principal
– confirmer le jugement,
– juger que son licenciement est nul,
– condamner la Sasu Planet Network International au paiement des sommes suivantes :
25 120 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul (8 mois de salaire)
9 420,06 euros au titre d’un préavis
942 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis
2 812,93 euros au titre d’une indemnité de licenciement.
– condamner la Sasu Planet Network International à lui verser 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code procédure civile outre les entiers dépens.
A titre subsidiaire
– juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la Sasu Planet Network International au paiement :
25 120 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (8 mois de salaire)
9 420,06 euros au titre d’un préavis
942 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis
2 812,93 euros au titre d’une indemnité de licenciement.
En toutes hypothèses :
– débouter la Sasu Planet Network International de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la Sasu Planet Network International au paiement d’une somme complémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 5 janvier 2024.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur le licenciement pour faute grave
Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.
Aux termes de l’article L. 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.
Aux termes de l’article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
L’article L 1226-9 du code du travail stipule qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail pour accident ou maladie professionnelle, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
‘ Nous avons eu à déplorer, de votre part, des agissements constitutifs d’une faute grave, qui nous ont conduit à vous convoquer, à un entretien préalable initialement fixé le 8 octobre 2020 puis reporté au 12 octobre afin de vous permettre de vous y faire représenter si votre état de santé ne vous permettait pas de vous y rendre en personne.
Malgré cette faculté, force est de constater que vous ne vous y êtes ni présentée ni fait représenter.
Dans ce cadre, nous vous avons alors adressé par courrier du 12 octobre 2020 les principales raisons ayant justifié une telle procédure. Ce courrier est resté, à date, sans réponse de votre part.
Dès lors, nous vous informons, par la présente, que nous avons pris la décision de vous notifier votre licenciement pour faute grave dont les causes sont les suivantes.
Vous occupez les fonctions de Responsable administratif et financier au sein de notre société depuis le 6 juin 2017.
Dans le cadre de votre arrêt maladie longue durée, nous avons été contraints de gérer certaines des missions qui vous incombaient et avons découvert, dans ce contexte, de graves négligences créant des préjudices importants pour la société.
La plupart de ces carences graves ont été découvertes, à la fin du mois de septembre dernier (rdv URSSAF 22/09/2020), dans le cadre de contrôles administratifs (Impôts, URSSAF, Santé) toujours en cours de réalisation dont les conséquences financières ne sont pas définitivement connues à date, mais seront assurément conséquentes.
De nombreuses erreurs en terme de comptabilité ont été constatées :
Réalisation de la comptabilité professionnelle de la société sur un logiciel personnel en méconnaissance des règles déontologiques pourtant connues par vos soins
Absence de déclaration de TVA sur la période de mars 2018 à août 2019
Nombreux problèmes de saisies comptables dont des doublons
Chèques non encaissés depuis 2018 pour certains
Comptabilité non classée : factures datant 2018 et autres documents comptables éparpillés sur le bureau
Absence de réalisation du classeur des ventes sur l’année 2019
En outre, nous vous avions déjà alertée sur votre obligation d’exécuter vos tâches avec sérieux notamment lors du retard du dépôt des comptes annuels de 2018.
Or, force est de constater que vous avez persisté dans de telles négligences lesquelles ont mis la comptabilité de l’entreprise dans un désordre complet.
Au surplus, certains documents obligatoires ne sont pas correctement tenus :
Absence de mise à jour du registre unique du personnel : enjeu pénal.
Absence de mise à jour du document unique d’évaluation des risques et du suivi du livret sécurité concernant les visites annuelles malgré un engagement par email auprès de l’inspection du travail : constat fait en septembre par un cabinet privé de mise en norme du registre unique.
Mauvais suivi des affiliations de salariés auprès de l’organisme assurant les prestations en matière de frais de santé pour des salariés ayant quitté l’entreprise pour lequel les cotisations n’ont pas été arrêtées et inversement pour un salarié non inscrit lors de son embauche en novembre 2018 ce qui a entraîné un surcoût financier ainsi que des risques juridiques afférents pesant sur la société.
De telles erreurs sont d’autant plus inadmissibles qu’il s’agit de sujets élémentaires et fondamentaux compte tenu de la fonction occupée et de votre niveau de rémunération.
Enfin, nous avons également constaté lors de l’analyse approfondie de notre logiciel de saisie des temps que vous aviez volontairement procédé à des saisies erronées quant à vos temps de présence au sein de la société.
A ce titre, il est apparu que certaines journées (quelques exemples cités ci-après) ont été saisies par vos soins comme travaillées alors que tel n’était pas le cas.
23 octobre 2017
27 novembre 2017
15 mars 2018
06 avril 2018
24 avril 2018
17 mai 2018
13 juillet 2018
06 juin 2019
Il s’agit d’une utilisation frauduleuse de notre logiciel visant à ne pas déclarer vos journées d’inactivité et augmenter, corrélativement et artificiellement, votre solde de congés payés.
Par conséquent, nous considérons que l’ensemble de ces faits constitue une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire dans l’entreprise.
Toutes ces raisons nous conduisent, donc, à mettre fin par la présente à votre contrat de travail. […]’
La société reproche à Mme [R], qui les réfute, des insuffisances professionnelles nombreuses et réitérées, démontrant une mauvaise volonté délibérée de sa part dans l’accomplissement de ses tâches. Les griefs sont les suivants:
– des erreurs de comptabilité :
‘ Réalisation de la comptabilité professionnelle de la société sur un logiciel personnel en méconnaissance des règles déontologiques applicables en la matière, pour l’année 2017
‘ Absence de déclaration de TVA sur la période de mars 2018 à août 2019
‘ Nombreux problèmes de saisies comptables (doublons notamment)
‘ Chèques non encaissés et comptabilité non classée: factures datant de 2018 et autres documents comptables éparpillés sur le bureau
‘ Absence de réalisation du classeur des ventes sur l’année 2019
– des documents non correctement tenus :
‘ Absence de mise à jour du registre unique du personnel,
‘ Absence de mise à jour du document unique d’évaluation des risques et du suivi du livret sécurité concernant les visites annuelles
‘ Mauvais suivi des affiliations de salariés auprès de l’organisme assurant les prestations en matière de frais de santé pour des salariés ayant quitté l’entreprise pour lesquels les cotisations n’ont pas été arrêtées et inversement pour un salarié non inscrit lors de son embauche en novembre 2018 ce qui a entrainé un surcoût financier ainsi que des risques juridiques afférents pesant sur la société.
* Sur les erreurs comptables
– Sur la réalisation de la comptabilité professionnelle de la société sur un logiciel personnel en méconnaissance des règles déontologiques pour l’année 2017
Selon attestation du 28-09-2020 du cabinet d’expertise comptable Oreglia-Christophe, la comptabilité de l’exercice du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017 de la société Planet Network International a été enregistrée sur un ordinateur portable appartenant à la société par Mme [R] et non sur le logiciel comptable du cabinet, contrairement aux exercices antérieurs et postérieurs.
Mme [R] explique dans son courrier de contestation, qu’elle a suivi une formation diplomante d’assistante comptable et que lors de son ré-engagement en 2017, l’employeur n’étant pas satisfait du logiciel du cabinet comptable, elle a proposé de faire la comptabilité sur le logiciel CIEL qu’elle avait acquis à titre personnel. Ainsi la comptabilité a été initiée sur ce logiciel pour l’année 2017 seulement car le cabinet comptable a demandé de re-basculer sur le logiciel en ligne CEGID, ce qui a été fait en 2018.
Elle argue que cette situation était connue de l’entreprise qui avait donné son accord et que les faits sont prescrits.
Au regard de la nature des faits reprochés, alors qu’il est constant qu’il existait un logiciel du cabinet comptable et que la comptabilité a été effectuée sur un ordinateur appartenant à la société pour la seule année 2017, la cour considère que l’employeur ne pouvait ignorer l’utilisation d’un logiciel personnel par Mme [R]. Le grief sera donc écarté comme étant prescrit.
– Sur l’absence de déclaration de TVA sur la période de mars 2018 à août 2019
La société, dont l’activité s’exerce en majorité à l’export, reproche des retards réguliers dans l’établissement mensuel des déclarations de TVA aux fins de remboursement, lesquels entraîneraient une baisse artificielle de trésorerie. Elle indique que le cabinet comptable ne procédait aux vérifications que sur la base des éléments transmis par la salariée. Elle produit en pièce 11, un récapitulatif de son compte fiscal sur le site impot.gouv.fr.
Sur ce:
Comme le remarque Mme [R], les deux feuilles du dit récapitulatif comportent des divergences de mentions, l’une concernant les transmissions par téléprocédure des déclarations de TVA et l’autre le suivi des demandes de remboursement.
S’il existe un retard de transmission en 2018 et des déclarations rectificatives en 2019, l’employeur ne produit pas d’autres éléments ( relances du service des impôts – attestation du cabinet comptable) rapportant que les déclarations de TVA n’auraient pas été effectuées pendant plusieurs mois, tel qu’il est invoqué dans la lettre de licenciement.
S’agissant des déclarations rectificatives, Mme [R] précise qu’elles font suite aux investigations opérées par le cabinet d’expertise comptable fin 2019 sur la fiscalité en lien avec les opérations faites à l’étranger.
Par ailleurs l’employeur indique dans ses conclusions qu’il rappelait régulièrement à Mme [R] de veiller à l’établissement des déclarations tous les mois, ce qui induit un suivi de sa part. Le grief non caractérisé n’est pas retenu.
– Sur les nombreux problèmes de saisie comptable dont des doublons:
En l’absence de toute pièce justificative, le grief est écarté.
– Sur les chèques non encaissés et la comptabilité non classée: factures datant de 2018 et autres documents éparpillés sur le bureau
M. [L], dirigeant, explique que travaillant à l’exportation, il était absent 60% de son temps et qu’il appartenait à Mme [R] de relever le courrier; qu’il a découvert en septembre 2020 de nombreux documents comptables éparpillés, non classés dont des chèques non encaissés, dont certains datant de plus de deux années.
Mme [R] oppose la prescription et qu’elle déposait sans l’ouvrir le courrier sur le bureau de M.[L].
Sur ce:
La société ne produit pas de fiche de poste, précisant si le courrier devait être traité immédiatement par Mme [R] en l’absence de l’employeur.
En l’état de cette contestation, la seule pièce 12 correspondant à des copies de courriers de la société ENDENRED France des 16-10-2017 et 11-10-2018 comportant un chèque de remboursement de 39,00 € et 49 € concernant une quote part de tickets restaurant perdus ou périmés ne permet pas de déterminer la date de leur découverte par M.[L].
Aussi le grief ne peut être retenu.
– Absence de réalisation du classeur des ventes sur l’année 2019
L’appelante ne communique aucune pièce justificative, alors que le cabinet comptable devait procéder à un bilan annuel.
* Sur les documents obligatoires non correctement tenus
– Sur l’absence de mise à jour du registre unique du personnel
L’extrait de registre produit, non certifié et sans précision de date d’édition, comporte comme date d’embauche la plus récente le 07-02-2018 concernant un étudiant étranger M.[B].
Dans le cadre de son rapport d’enquête de juillet 2018, l’inspection du travail a rappelé le maximum de temps de travail concernant cette catégorie de salarié sans autre remarque.
L’employeur énonce que l’embauche de M. [V] (sans précision de date) et la sortie de M. [B] (datant de 2020) ne sont pas inscrites sur le registre.
Mais il ne verse aucun document contractuel les concernant et d’autre part Mme [R] était en arrêt maladie depuis novembre 2019 et a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire le 28-09-2020 avant d’être licenciée.
Il ne peut donc être imputé de façon cetaine un manquement à Mme [R], qui ne pouvait en tout état de cause traiter la sortie d’effectif de M. [B] en 2020.
– Sur l’absence de mise à jour du document unique d’évaluation des risques et du suivi du livret sécurité concernant les visites annuelles malgré un engagement de la salariée par email auprès de l’inspection du travail
Tel qu’il ressort du rapport d’enquête de juillet 2018 de l’inspection du travail, le document unique n’a pas été modifié depuis 2008.
Mme [R] réplique que sa fonction de directeur administratif et financier ne lui permettait pas de procéder à sa modification.
La société produit une attestation de la sarl POS, cabinet privé, du 28-09-2020 certifiant que la société appelante lui a confié l’évaluation des risques professionnels et la réalisation du document unique de l’établissement dans le cadre d’un contrat signé le 30-07-2020.
Il ne peut être fait grief à la salariée d’une absence de modification effective du document unique, au regard de l’ancienneté du document nécessitant une ré-évaluation des risques devant être faite par un professionnel et de l’absence de production d’une délégation en matière d’hygiène et de sécurité.
– Sur le mauvais suivi des affiliations de salariés auprès de l’organisme assurant les prestations en matière de frais de santé
La société communique une liste ( dont la date d’édition n’est pas lisible) des salariés affiliés en assurance dont M. [A] [W] pour lequel Mme [R] aurait omis de mettre un terme à la cotisation ce qui aurait entrainé des surcotisations pour la société pour près de 20.000 €.
M. [W] a quitté la société en 2013 à la suite d’une lettre de licenciement pour motif économique du 06 août 2013 signée par Mme [R].
Les faits sont donc très anciens et il est peu vraissemblable que l’employeur n’ait découvert cette omission que 7 ans plus tard, alors même qu’un cabinet comptable intervient, lequel n’établit aucune attestation notamment concernant un préjudice allégué de 20000 euros. Aussi ce grief sera écarté.
* Enfin, sur les saisies volontairement erronées quant aux temps de présence dans la société
A l’appui des dates mentionnées dans la lettre de licenciement, la société produit des SMS des mois d’octobre, novembre et décembre 2017, de mars, avril, mai et juillet 2018 et juin 2019, par lesquels Mme [R] fait part d’absence pour cause de maladie de son fils ou d’elle-même, outre deux feuilles de temps pour les mois d’avril et mai 2018.
Mme [R] devait travailler à temps partiel de 28h hebdomadaire du lundi au vendredi avec des horaires de travail précisés au contrat de travail.
Elle rétorque que les feuilles de temps étaient signées de l’employeur avant l’envoi au cabinet d’expertise comptable qui établissait les bulletins de salaire; qu’il était convenu que les absences personnelles n’étaient pas déclarées sur les feuilles de temps car elles étaient compensées par les heures complémentaires réalisées le vendredi après-midi à la demande de l’employeur et non rémunérées.
Si Mme [R] ne démontre pas l’existence d’heures supplémentaires et d’une compensation avec les absences non comptabilisées au nombre de 8 sur 3 ans, il appartenait à l’employeur de procéder au contrôle des heures effectivement réalisées avant transmission au cabinet comptable.
Même s’il était retenu un manquement, au vu des échanges entre les parties par SMS emportant une connaissance des absences par l’employeur, ce manquement ne justifierait pas un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le licenciement non fondé notifié pendant la suspension du contrat de travail pour accident de travail sera donc déclaré nul, par confirmation du jugement déféré.
Sur l’indemnisation
Mme [R] disposait d’une ancienneté de 3 ans et 7 mois (du 6 juin 2017 au 21 octobre 2020 + 3 mois de préavis) et percevait un salaire moyen de référence de
3 140,02 €.
Les indemnités de licenciement et de préavis outre de congés payés afférents fixées par le conseil de prud’hommes et non utilement contestées, seront confirmées.
En application de l’article L1235-3-1 du code du travail, le licenciement nul ouvre droit au salarié qui ne demande pas sa réintégration, au versement d’une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant ne peut être inférieur au salaire perçu sur les 6 derniers mois.
Au vu de l’ancienneté de la salariée et des circonstances de la rupture, il y a lieu de confirmer le montant alloué par le premier juge de 25120,16 euros ( soit 8 mois de salaire brut) .
III/ Sur les demandes annexes:
La SAS Planet Network International, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.
La condamnation aux frais irrépétibles par le conseil de prud’hommes sera confirmée.
Madame [R] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de cette procédure.
La SAS Planet Network international sera condamnée à lui verser une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel. La SAS Planet Network International sera déboutée de sa demande à ce titre.
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant:
Condamne la SAS Planet Network International aux dépens d’appel et à payer à Madame [E] [K] épouse [R] la somme de 2000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
Déboute la SAS Planet Network International de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile .
Le présent arrêt a été signé par M. DARIES, conseillère, pour C. BLUM », présidente empêchée, et par C. DELVER, greffière de chambre.
La greffière P/ La présidente empêchée,
La conseillère
C.DELVER M.DARIES
.
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