Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRET DU 11 MAI 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/08274 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFW6A
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2022 -Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 2021L01676
APPELANT
Me [L] [S] [Z] ès qualités de Mandataire liquidateur de la société QUALIPOSE, société à responsabilité limitée
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Frank MAISANT de la SCP MAISANT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J055 ; ayant pour avocat plaidant Me PHILLIPON-MAISANT
INTIME
Monsieur [G] [Y]
né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 6],
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Anne-laure LEBOUTEILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0344.Ayant pour avocat plaidant Maître Julien LEMAITRE, avocat au barreau de Rennes
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Déborah CORICON, Conseillère, et Mme Isabelle ROHART, Conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Sophie MOLLAT, Présidente
Mme Isabelle ROHART, Conseillère
Mme Déborah CORICON, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL.
ARRET :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente,et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
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La SARL Qualipose exerçait dans le domaine de la commercialisation de systèmes de chauffage, de climatisation, d’installation de portails et d’isolation.
Sur déclaration de M. [Y], gérant, le tribunal de commerce d’Évry a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Qualipose, par jugement du en date du 8 avril 2019. Le tribunal a désigné Me [Z], en qualité de liquidateur judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 14 juin 2018.
Par jugement du 18 septembre 2020, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 mai 2021, la date de cessation des paiements a été reportée au 15 février 2018.
La opérations de liquidation judiciaire ont fait apparaître une insuffisance d’actif de 1.131.996,34 euros, le passif étant de 1.254.487,87 euros pour un actif réalisé de 36 899,94 euros.
Le cabinet Cogeed a été désigné en qualité de technicien pour procéder à un examen approfondi de la comptabilité de la société Qualipose.
Saisi par assignation en date du 30 août 2021 de Maître [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualipose, le tribunal de commerce d’Évry l’a, par jugement du 6 avril 2022, débouté de sa demande en responsabilité pour insuffisance d’actif de paiement par M. [Y] de tout ou partie de l’insuffisance d’actif et de sa demande de sanction personnelle et l’a condamné à payer la somme de 2000 euros à M. [Y] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Le tribunal a jugé que malgré ses efforts pour redresser l’activité de la société Qualipose, M.[Y], victime de circonstances extérieures, n’a pu empêcher la mise en liquidation de la société Qualipose mais n’a pas commis de faute de gestion
Il a également jugé qu’il n’y avait pas lieu de prononcer la faillite personnelle de M. [Y] car il n’avait pas sciemment dépassé le délai de déclaration de cessation des paiements, a cherché à sauver la société, il n’a pas fait un usage des actifs contraire à l’intérêt de la société et n’a pas commis de faute de gestion en percevant des acomptes sur des travaux à réaliser pour relancer l’activité.
Par déclaration du 21 avril 2022, Maître [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualipose, a interjeté appel du jugement.
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Dans ses conclusions notifiées par RPVA le 4 juillet 2022, Maître [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualipose, demande à la cour de :
INFIRMER le jugement ,
Statuant à nouveau :
CONDAMNER M. [Y] à payer entre les mains de Maître [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualipose, le montant de l’insuffisance d’actif que font apparaître les opérations de liquidation judiciaire de ladite société, soit la somme de 1 131 996,34 euros et ce, en totalité ou en partie.
PRONONCER la faillite personnelle de M. [Y], ou subsidiairement, telles mesures d’interdiction qu’il plaira à la cour, pour telle durée qu’il lui plaira de fixer.
CONDAMNER M. [Y] à payer à Maître [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualipose, la somme de 3000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure de première instance, et la somme de 3000 euros au titre de la procédure d’appel.
CONDAMNER M. [Y] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
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Dans ses conclusions notifiées par RPVA en date du 14 septembre 2022, M. [Y] demande à la cour de :
CONFIRMER le jugement rendu en date du 8 avril 2022 par le tribunal de commerce d’Evry.
CONDAMNER Maître [Z] au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
A défaut, si par extraordinaire le jugement précédemment entrepris devait être infirmé,
DÉBOUTER M. [Z] de l’ensemble de ses demandes après avoir retenu que :
– M. [Y] n’a pas commis de faute de gestion dans le cadre de son mandat.
– Maître [Z] n’apporte pas d’élément démontrant un lien de causalité entre les prétendues fautes et l’insuffisance d’actif de la société Qualipose.
– Les conditions relatives à la mise en cause de la responsabilité de M. [Y] pour insuffisance d’actif ne sont pas remplies.
A titre subsidiaire,
Dans l’hypothèse d’une condamnation de M. [Y], ladite condamnation devra être symbolique, en adéquation avec sa situation et l’ensemble des efforts qu’il a pu fournir.
En tout état de cause,
CONDAMNER Maître [Z] au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance ainsi qu’aux entiers dépens ‘ en cas de réformation du jugement précédemment entrepris ‘ et 5000 euros au titre des frais de procédure en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.
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Dans son avis notifié par RPVA en date du 1er juillet 2022, le Ministère Public demande à la cour d’infirmer la décision du 8 avril 2022 rendue par le tribunal de commerce d’Évry et de condamner M. [Y] à payer à Maître [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualipose, la somme de 200 000 euros et s’en rapporte sur une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer.
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SUR CE,
I. Sur l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif
A. Sur les fautes de gestion.
Le liquidateur judiciaire souligne que la date de cessation des paiements a définitivement été fixée au 15 février 2018, que la société Qualipose a poursuivi une activité lourdement déficitaire au titre de l’exercice 2018, que si le résultat net positif de l’exploitation était de 31 368 euros en 2017, il a chuté négativement à ‘ 508 165 euros au 31 décembre 2018.
Il ajoute que l’URSSAF a déclaré des cotisations impayées depuis mars 2018 et la société Pro BTP des cotisations impayées depuis janvier 2018, ce qui démontre selon lui que M. [Y] a sciemment dépassé le délai de déclaration de cessation des paiements.
Le ministère public indique que M. [Y] a attendu 14 mois avant d’effectuer une déclaration de cessation des paiements. Selon lui, M. [Y] ne pouvait ignorer l’état de cessation des paiements en ce que la société ne payait plus ses cotisations URSSAF depuis janvier 2018, aucune cotisation Pro BTP retraite n’a été soldée en 2018 hormis celle d’août, aucune cotisation CIBTP n’a été soldée à l’échéance, la société a fait l’objet de 9 inscriptions de privilèges de l’URSSAF de juin 2018 à mars 2019 et certains fournisseurs n’étaient plus réglés entre avril et décembre 2018.
M. [Y] soutient qu’une déclaration tardive de l’état de cessation des paiements doit être considérée comme une simple négligence du dirigeant, et ce même s’il n’a pu ignorer cet état. Il indique que ce retard s’explique par sa volonté de de sauver, préserver et pérenniser son entreprise alors en proie à des difficultés économiques liées à des facteurs exogènes à la société Qualipose. Il précise qu’il ne pouvait avoir conscience de l’état de cessation des paiements car l’année 2017 avait donné lieu à l’établissement de comptes annuels rassurants et en progression par rapport à l’année précédente, que son assistante de direction s’est retrouvée en arrêt maladie au cours du premier semestre 2018, que les établissements bancaires soutenaient la société Qualipose et qu’il existait des perspectives intéressantes avec un volume de commandes rassurant.
M. [Y] fait valoir que des perspectives à plus ou moins long terme existaient avec le lancement de chalets en bois. Par ailleurs, il indique qu’il était récurrent que la société rencontre des difficultés de trésorerie à cette période de l’année, et ce depuis sa création.
Il indique n’avoir pu redresser la situation de la société Qualipose en raison de la chute du chiffre d’affaires couplée à un maintien des charges caractérisant un effet ciseau, au cours duquel les produits et charges d’une entreprise évoluent d’une manière opposée.
Il ajoute que d’autres difficultés se sont greffées avec le départ d’un salarié qui a créé sa propre structure et a débauché certains salariés, une conjoncture économique délicate pour les entreprises de la rénovation et un marché de l’isolation énergétique de plus en plus concurrentiel.
Il ajoute avoir réalisé une augmentation de capital de 10 000 euros en 2018 afin d’obtenir de nouveaux marchés, un nouvel associé a consenti un apport en compte courant de 35 000 euros et les concours bancaires sont passés de 46 000 à 192 000 euros de 2017 à 2018, étant lui-même caution à hauteur de 80 000 euros.
Il soutient que l’espoir de reprise de l’activité était réel le 15 février 2018 et qu’entretenir cet espoir afin de préserver l’emploi et l’activité de la société ne pouvait être considéré comme une faute de gestion.
Le liquidateur judiciaire souligne que cette poursuite d’activité déficitaire, alors que la société était en état de cessation des paiements, s’est déroulée dans un contexte où la société débitrice a continué à payer sa bailleresse, la SCI Desamis, ayant également pour gérant M. [Y]. Le liquidateur judiciaire reproche à M. [Y] d’ avoir réglé à la SCI Desamis une somme de 17 650 euros en période suspecte, alors que concomittament les cotisations sociales et les fournisseurs n’étaient pas réglés. Il en conclut que M. [Y] a ainsi favorisé une société dans laquelle il était directement intéressé.
Il ajoute que de même, il résulte du rapport Cogeed, que les SCI Ipaj, Bouti et Sylvette liées à M. [Y] ont respectivement bénéficié de 4848 euros, 5000 euros et 1079,20 euros alors que la société Qualipose était en cessation des paiements.
M. [Y] répond que le rapport Cogeed n’a relevé aucune anomalie et que la société Qualipose a correctement réglé ses loyers. Il soutient que le fait qu’il détienne des parts dans des SCI bailleresse est sans incidence sur la pertinence de procéder au règlement des loyers, ces règlements ne modifiant pas le montant des dettes et du passif.
Le liquidateur judiciaire indique, en outre, que cette poursuite de l’activité déficitaire, alors que la société était en état de cessation des paiements, a permis à M. [Y] de faire en sorte que la société Qualipose perçoive des acomptes auprès de particuliers de près de 50 % du montant des travaux à réaliser, alors qu’il savait pertinemment que la société ne serait pas en mesure de les honorer. Sur la base des constats de la société chargée du recouvrement du compte client, Argos Construction, le liquidateur judiciaire souligne que la société Qualipose a perçu la somme de 391.504,99 euros à titre d’acomptes pour un avancement de travaux estimé à 135.577 euros, soit un trop perçu de 255.927,99 euros.
Il indique avoir reçu de nombreuses réclamations et déclaration de créances de la part de clients et souligne que les agissements de M. [Y] ont contribué à l’augmentation de l’insuffisance d’actif.
Le ministère ajoute qu’alors que les travaux n’étaient pas soldés pour 4 commandes de 2017 et 19 commandes de 2018, la société Qualipose a accepté encore 7 commandes en janvier et février 2019 et perçu 30 000 euros d’acomptes alors que pratiquement aucun travail n’a été réalisé et qu’il ne pouvait ignorer que les travaux ne pourraient être réalisés.
M. [Y] répond que les acomptes perçus étaient en adéquation avec la pratique dans un tel domaine, que rien ne permet d’imaginer qu’il avait conscience que les travaux ne seraient pas exécutés. Il indique qu’il est inexact d’affirmer que les acomptes perçus soient venus aggraver le passif, ces acomptes ayant nécessairement permis de régler des fournisseurs ou désintéresser des créanciers, et donc de diminuer le passif. Selon lui, l’opération est tout au plus neutre comptablement.
Il résulte de l’article L.651-2 du code de commerce que lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.
En l’espèce, alors que l’article L 634-1 fait obligation à toute entreprise d’effectuer une déclaration de son état de cessation des paiements et de demander l’ouverture d’une procédure collective dans le délai de 45 jours de la survenance de celle-ci, M. [Y] s’est abstenu d’y procéder. En effet, alors que la présente cour a fixé au 15 février 2018 la date de cessation des paiements, cette date s’imposant au juge de la sanction, M. [Y] n’a effectué une déclaration de son état de cessation des paiements que le 8 avril 2019.
Il résulte de l’expertise réalisée par la société COGEED que depuis janvier 2018, la société débitrice ne soldait plus ses cotisations URSSAF aux échéances et que seuls des acomptes étaient versés, qu’en 2018 les cotisations Pro BTP Retraite n’étaient pas payées à compter de janvier , qu’une part importante des fournisseurs n’était pas payée, que la TVA 2018 n’était pas payée, de sorte que M. [Y] avait nécessairement consience de la gravité de la situation et que dès lors l’omission de déclarer l’état de cessation des paiements ne relevait pas de la simple négligence. Il s’ensuit que cette omission constitue une faute de gestion, que celle-ci est d’autant plus grave qu’elle a contribué à l’insuffisance d’actif de façon significative, puisque l’exploitation a engendré des pertes importantes en 2018 de 508.165 euros.
Le fait qu’un salarié, M. [T], chef de chantier, ait quitté la société Qualipose en 2016 et l’ait concurrencé ne l’exonère pas de sa responsabilité, ces faits étant bien antérieurs à l’état de cessation des paiements et connus de lui, lorsqu’il a fait le choix de ne pas procéder à une déclaration de son état de cessation des paiements et de poursuivre une activité déficiataire.
De même, le fait que sa secrétaire ait été absente pour maladie au premier semestre 2018, ne l’exonère pas davantage et il lui appartenait de prendre toutes mesures appropriées.
B. Sur la sanction au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif.
Les fautes de gestion ainsi retenues consistant en une omission de déclarer l’état de cessation des paiements dans le délai légal, ont permis la poursuite d’une activité déficiataire ayant abouti à un déficit d’exploitation de 508.165 euros sur l’année 2018 et ont donc contribué à l’insuffisance d’actif. Elles sont à l’origine d’un passif social important, ainsi que d’un passif chirographaire, des particuliers ayant versé des acomptes sans que des travaux aient été effectués en contrepartie, leur préjudice s’élevant à 250.000 euros.
Tenant compte de ce que M. [Y] s’est porté caution auprès de la BNP pour 80.000 euros et n’a perçu que de faibles rémunérations de l’ordre de 17.000 euros annuellement, il apparaît proportionné, infirmant le jugement, de le condamner au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif, à payer entre les mains du liquidateur judiciaire, es qualités, une somme de 200.000 euros.
II Sur la sanction personnelle
Le liquidateur judiciaire indique fonder son action sur une omission de déclarer l’état de cessation des paiements dans le délai légal, la poursuite d’une activité déficitaire, le fait d’avoir fait des actifs un usage contraire à l’intérêt de la société.
De son côté le ministère public ne retient que l’omission de déclarer l’état de cessation des paiements dans le délai légal et le fait d’avoir fait des actifs un usage contraire à l’intérêt de la société
A. Sur l’omission de déclaration de l’état de cessation des paiements dans le délai légal.
M.[Y] ne conteste pas le retard dans la déclaration de cessation des paiements, mais fait valoir que ce n’est pas sciemment qu’il a omis d’effectuer une déclaration de cessation des paiements dans le délai légal.
Le ministère public et le liquidateur judiciaire observent que les difficultés ont duré suffisamment longtemps pour que M. [Y] ait pris conscience de leur réalité et que le montant et l’ancienneté des créances permettent de ne pas douter du caractère conscient de l’omission.
Il résulte de l’article L. 653-8 du Code de commerce que le tribunal peut prononcer, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci à l’encontre du dirigeant qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.
En l’espèce, alors que le jugement d’ouverture est du 8 avril 2019, la date de cessation des paiements a été fixée au 15 février 2018, soit 14 mois auparavant, et la date ainsi fixée s’impose au juge de la sanction.
Ainsi qu’il a été précédemment mentionné, la société ne payait plus ses cotisations URSSAF depuis janvier 2018, aucune cotisation Pro BTP retraite n’a été soldée en 2018 hormis celle d’août, aucune cotisation CIBTP n’a été soldée à l’échéance, la société a fait l’objet de 9 inscriptions de privilèges de l’URSSAF de juin 2018 à mars 2019 et certains fournisseurs n’étaient plus réglés entre avril et décembre 2018, de sorte que le dirigeant, M. [Y], qui a pris bien soin pendant cette période de régler les loyers dus à la SCI bailleresse dont il était le gérant, ne pouvait ignorer cet état de cessation des paiements. Il s’ensuit que c’est sciemment qu’il a omis de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements.
En conséquence, ce grief sera retenu.
B. Sur l’usage des actifs contraire à l’intérêt de la société afin de favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.
Le ministère public et le liquidateur judiciaire font valoir, sur la base du rapport Cogeed, que les SCI Ipaj, Bouti et Sylvette liées à M. [Y] ont respectivement reçu de la société Qualipose 4848 euros, 5000 euros et 1079,20 euros alors qu’elle était en état de cessation des paiements. Ils ajoutent que M. [Y] a réglé à la SCI Desamis dont il était gérant la somme de 17 650 euros en privilégiant sa structure au détriment des autres créanciers.
M. [Y] répond que le rapport Cogeed n’a relevé aucune anomalie et que l’on ne peut reprocher à la société Qualipose d’avoir correctement réglé ses loyers. Il indique que le fait qu’il détienne des parts dans des SCI est sans incidence sur la pertinence de procéder au règlement des loyers, ces règlements ne modifiant pas le montant des dettes et du passif.
Il résulte de l’article L. 653-4 du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant qui a fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.
En l’espèce, la société Qualipose a réglé à la SCI Desamis une somme de 17 650 euros en période suspecte alors que les cotisations sociales et les fournisseurs n’étaient pas réglés. Et pendant cette même période il a réglé 4848 euros, 5000 euros et 1079,20 euros à diverses sociétés dirigées par M. [Y], ce dont il résulte qu’il a favorisé des sociétés dans lesquelles il était directement intéressé, au détriment des autres créanciers qui n’ont pas reçu un traitement égalitaire.
Il s’ensuit que ce grief sera retenu.
C. Sur la poursuite abusive d’une activité déficitaire
Le liquidateur judiciaire indique que la poursuite de l’activité déficitaire a donné lieu à un résultat déficitaire de plus de 500 000 euros en 2018 avec une diminution des actifs circulant de 200 000 euros sur la même période. Il soutient que cette poursuite d’activité déficitaire a fortement contribué à l’insuffisance d’actif constatée.
M. [Y] fait valoir qu’il a tout mis en ‘uvre pour envisager une issue salutaire à la société Qualipose avec le démarchage de nouveaux clients, un apport, une garantie bancaire et une augmentation de capital.
Il résulte de l’article L. 653-4 du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant qui a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale.
En l’epèce, si la poursuite abusive de l’activité est caractérisée, cependant, il n’est pas démontré qu’elle se soit déroulée dans un intérêt personnel, et au contraire, ainsi que le relève le ministère public,M. [Y] a touché des rémunérations minimes placées en compte courant durant les derniers exercices.
En conséquence, ce grief ne sera pas retenu.
D. Sur la sanction personnelle
Le liquidateur judiciaire demande à la cour de condamner M. [Y] à une mesure de faillite personnelle ou telle interdiction pour une durée qu’il lui plaira.
Le ministère public souligne que M. [Y] a géré l’entreprise durant de nombreuses années sans difficulté, que la comptabilité était tenue, qu’il a déposé lui même la déclaration de cessation des paiements et qu’il a collaboré avec les organes de la procédure, retenant qu’il est désormais entrepreneur individuel. Par conséquent, le ministère public s’en rapporte à la sagesse de la cour.
M.[Y] fait valoir qu’il a agi ainsi pour tenter de sauver son entreprise et permettre à ses 20 salariés de continuer à percevoir leurs salaires. Il précise qu’il exerce aujourd’hui la profession d’entrepreneur individuel et il résulte de l’extrait du registre des sociétés que depuis 2019, il exerce une activité de vente et commercialisation de panneaux photovoltaïques et de pompes à chaleur, ainsi que de tous travaux. Il demande à être dispensé de sanction.
Prenant en compte les griefs retenus et les considérations du ministère public, mais en raison de l’importance de l’insuffisance d’actif, du préjudice subi par les créanciers et notamment les créanciers chirographaires qui ont versé des acomptes importants pour des travaux qui n’ont pas été réalisés, il y a lieu, afin de prévenir toute nouvelle insuffisance d’actif, de mettre M. [Y] à l’écart de la vie des affaires pour une durée de 3 ans.
En conséquence il sera condamné à une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pendant une durée de 5 ans.
III. Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à Me [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualipose, une somme totale de 3000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Condamne M. [Y], au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif, à payer entre les mains de Me [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualipose, une somme de 200.000 euros,
Prononce à l’égard de M. [Y] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pendant une durée de 5 ans,
Condamne M. [Y] aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’ à payer à Me [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualipose, une somme totale de 3000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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